(CNRS - Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux. Sciences sociales, politique, santé)
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Il y a quelques années, l’historien Jay Aronson (2007) proposa la formule de « témoin génétique » pour désigner les usages des analyses génétiques dans le domaine du droit pénal et des enquêtes policières1. Il se référait alors aux pratiques basées sur les « empreintes génétiques » qui consistent à comparer, par exemple2, un ADN laissé sur une scène d’infraction à celui d’un individu à des fins d’identification3. L’extension de cette formule à de nouvelles techniques, qui ont commencé à être mobilisées lors des enquêtes policières et judiciaires, et qui font l’objet de cet article, semble tout particulièrement pertinente. En effet, si la visée des empreintes génétiques, aujourd’hui routinière, est l’identification par comparaison d’empreintes (à la manière des empreintes digitales), l’objectif de cette nouvelle technique est la prédiction, sur la base de l’ADN, de l’apparence – et/ou pour ce qui nous intéresse ici – de « l’origine » d’un suspect (en complément d’un témoin oculaire). C’est ainsi que l’origine géographique grossière (par continents ou sous-continents) de personnes, établie à partir de traces d’ADN, a été mobilisée dans le cadre de plusieurs centaines d’enquêtes policières aux États-Unis et dans celui des attentats terroristes de Madrid en 20044. On notera le parallèle avec le vieux rêve du statisticien Galton, au XIXe siècle, qui fut déçu par l’usage des empreintes digitales car celles-ci apportaient un dispositif pour l’identification de criminels, mais pas pour préciser les caractéristiques d’un individu ou son affiliation à un groupe5.
D’un point de vue épistémologique, cette approche indique que les sciences médico-légales se sont saisies des débats biomédicaux très actifs concernant les origines dites géographiques, ethniques ou raciales des personnes sur des bases génétiques, soulevés depuis le séquençage du génome humain6.
Séquenceurs ADN en laboratoire.
D’un point de vue politique, parce que cette approche mêle ADN, origine des personnes et criminalité, elle mobilise des discours et des pratiques dont il est important d’analyser les enjeux sociaux. Or, même si ces nouveaux tests génétiques suscitent un intérêt croissant en sciences sociales7, le nombre d’études de terrain à ce sujet reste très limité. Ma contribution à ces recherches consistera à montrer la manière dont ces innovations ont été problématisées dans l’espace public en France, en prenant au sérieux la question de son contexte historique, social et politique.
Michel Foucault utilise le terme « problématisation » de différentes manières8. Dans un sens relativement limité, il utilise ce terme pour désigner les pratiques qui « posent problème » ou « provoquent des difficultés » :
Pour qu’un domaine d’action, pour qu’un comportement entre dans le champ de la pensée, il faut qu’un certain nombre de facteurs l’ait rendu incertain, lui ait fait perdre sa familiarité, ou ait suscité autour de lui un certain nombre de difficultés9.
L’un des intérêts de cette approche est qu’elle éclaire la façon dont des pratiques antérieures « perdent leur familiarité », ce qui les amène à être « problématisées ». Au plan analytique, cela semble particulièrement pertinent en matière d’enquête judiciaire et policière, dans la mesure où, dans ce contexte, le témoignage oral sur l’origine ou l’ethnicité est une variable commune de l’apparence physique. De fait, l’origine constitue l’élément descriptif le plus fréquemment mobilisé lors des témoignages oculaires10. Ma première hypothèse est que la problématisation liée aux tests génétiques d’origine en France, comparés aux témoignages oraux, est heuristique pour analyser les changements (« une perte de familiarité ») relatifs à l’origine.
Dans un sens plus large, Foucault définit la problématisation comme :
l’ensemble des pratiques discursives et non discursives qui fait entrer quelque chose dans le jeu du vrai et du faux et le constitue comme objet pour la pensée, que ce soit sous la forme de réflexion morale, de la connaissance scientifique, de l’analyse politique, etc11.
On aura compris à travers cette citation qu’étudier la problématisation présente l’avantage de prendre en compte aussi bien les dimensions scientifiques que politiques et morales d’une pratique. Néanmoins, Foucault explique que suivant les questions, l’une ou l’autre de ces dimensions sera particulièrement mise en avant : dans ses propres recherches, la dimension scientifique pour la folie, politique pour la sécurité et morale pour la sexualité12. Ainsi, tout en considérant ces trois dimensions, ce cadre d’analyse nous engage-t-il à prendre particulièrement en compte la dimension politique des questions liées à la sécurité.
Enfin, à la fin de sa vie, Foucault étend la notion de « problématisation », en s’intéressant à la façon dont la sexualité a été considérée comme un problème moral13. Ce faisant, il pose des questions importantes sur la façon dont nous « dirigeons nos propres conduites » en tant que « sujets »14.
Encore faut-il souligner que les « sujets » que sont les personnes en mesure d’adopter des positions et des conduites morales ne sont pas intemporels, à la différence de la conception sartrienne ; ils se forment au cours de processus15. De même, selon ce cadre d’analyse, c’est l’ancrage dans ce processus qui fait que les catégories scientifiques ne sont pas prédéterminées : elles sont modelées au cours de la problématisation16.
Ma deuxième hypothèse est que la problématisation révèle le type de « sujet » produit : un acteur donné peut problématiser une question de diverses façons en mettant l’accent sur tel ou tel aspect (scientifique, politique, moral, etc.). Ces trois éléments (problème, science/politique/morale, sujet) constitutifs de la problématisation présentent l’avantage de fournir des outils analytiques pour l’étude présentée ici.
Avant de présenter les résultats, il convient d’indiquer certains éléments historiques et de contexte utiles à l’analyse. En France, la Déclaration de Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 marqua l’avènement – sur le papier – d’une rupture avec toute forme de ségrégation basée sur la race, la religion ou l’origine ethnique17. Contrairement à ce qu’il se passe aux États‑Unis notamment, être Français fut considéré classiquement comme une adhésion politique à la nation, théoriquement indifférente aux couleurs de peau. Ceci permet de comprendre pourquoi aujourd’hui en France il n’y a pas ou peu de données officielles sur l'origine collectées ou utilisées par l’État18. Mais bien sûr, ce modèle républicain ne reflète qu’un aspect de l’histoire du pays, car comme l’indiquent Herrick Chapman et Laura L. Frader, « la tension entre les principes d’inclusion et les pratiques d’exclusion […] informèrent le projet républicain depuis la révolution. »19 L’idée républicaine qui fonda l’appartenance au pays était, dès sa création, ambiguë puisqu’elle s’appliquait à chacun en théorie, mais était restreinte en pratique du fait des discriminations. Pendant des siècles, la France connut le développement des deux formes principales de racisme en Europe, l’antisémitisme et les préjugés contre les « non Blancs »20.
L’historien Pap Ndiaye rappelle notamment21 :
L’Empire français s’est […] développé en assujettissant des populations définies comme non blanches […] auxquelles on a dénié la citoyenneté. […] [Dans les colonies], être Français, c’était être Blanc.
À partir de la première guerre mondiale, ajoute-t-il, avec l’arrivée des soldats et des ouvriers Noirs, on assista à un déplacement de la peur du mélange de « races », comme on le disait à l’époque, du monde colonial à la métropole. En somme, les questions raciales ne furent jamais absentes en France, malgré la position emblématique du pays en tant que « color-blind » (aveugle à la couleur), une position héritée de la Révolution française22.
Ces éléments étant présentés, les questions posées ici peuvent être formulées de la manière suivante : comment et pourquoi les nouvelles origines apportées par les tests génétiques en science médico-légale sont-elles sources de problématisation, autrement dit quelle « perte de familiarité » apportée par ces tests génétiques contribue à les rendre problématiques ? Quelles pratiques technoscientifiques, quelles analyses politiques et quelles interrogations morales sont mobilisées par les acteurs sociaux à leur propos ? Comment l’héritage historique et républicain français influe-t-il sur la problématisation de l’origine génétique ? L’enjeu pour les sciences sociales est de décortiquer les mécanismes de ces processus, dans un contexte où d’une part, la société française est de plus en plus le lieu de discours et de débats liés à l’origine23, d’autre part on assiste à une croissance des problématiques liées à la sécurité dans l’action publique24.
Afin de répondre aux questions qui viennent d’être posées, j’analyserai la manière dont les pratiques récentes en matière d’origine des suspects établies sur la base de l’ADN furent problématisées en France. Tout d’abord, je présenterai le lancement de ces tests. Cela permettra d’analyser le travail des acteurs qui à la fois alimentent les pré-conditions de la problématisation, à travers la production de catégories d’origine controversées, et cherchent à déconstruire la problématisation qu’ils ont produite. Ensuite, j’analyserai la façon dont la problématisation fut exprimée par les opposants aux tests, à travers des arguments fondés sur l’histoire, le droit et la science, et des interrogations éthiques et politiques sur l’usage des données. Enfin, je discuterai les régulations étatiques à ce sujet, en montrant que la combinaison entre le crime, l’origine et l’intimité de l’ADN rendait la situation politiquement sensible, et comment ce que Foucault appelle « des points de problématisation » furent formulés en termes d’interdiction. En conclusion, je soulignerai les tensions internes du processus de problématisation, la manière dont celle-ci met en évidence les transformations de l’origine contemporaine, et les types de sujets produits25.
Du côté des promoteurs des tests d’origine : production de catégories et déconstruction de la problématisation


Couverture du livre Genetic Geographies - The Trouble with Ancestry de Catherine Nash
Couverture du livre The Seven Daughters of Eve de Bryan Sykes
Comme cela a été indiqué en introduction, la problématisation n’est pas seulement un ensemble d’idées ou d’images mentales, elle émerge de pratiques26. Pour répondre aux questions soulevées plus haut, dans une première partie, je présenterai le lancement de ces tests. Cela permettra d’analyser les pré-conditions de la problématisation, à travers la production de catégories d’origine qui furent controversées à l’époque, et les éléments qui, à l’inverse, déconstruisirent cette problématisation.
Une entreprise française mit sur le marché une innovation appelée « test d’orientation géo-génétique » (TOGG) à la fin de l’année 2006. Ce test permettait, comme son nom l’indique, d’orienter l’enquête judiciaire ou policière en indiquant l’origine géographique du suspect. A partir des traces d’ADN laissées sur une scène de crime, il s’agissait d’analyser chez son auteur des « marqueurs » génétiques (des petites séquences d’ADN) qui avaient été choisis à partir d’une compilation de la littérature scientifique et qui ne sont pas spécifiques, mais plus fréquents dans certaines populations du monde. Ces marqueurs indiquaient si une personne était « probablement » d’origine européenne, asiatique ou africaine. La représentante de l’entreprise explique en entretien :
Il y avait une jeune fille qui avait été tuée, violée et tuée. Donc, on avait de l’ADN à partir d’une tache de sperme. Et, donc, on avait dit qu’il s’agissait d’une personne où il y avait un mélange d’apport d’ADN caucasien et d’ADN subsaharien. Et donc, les policiers avaient une liste de 500 suspects, et dans les 500 suspects, ils prélevaient tout le monde, qu’ils soient Blancs, Noirs, Jaunes, mais ils classaient par priorité ceux qui provenaient d’une région où il pouvait y avoir un mélange comme ça.
Alors, ça pouvait être effectivement l’Afrique du Nord, ça pouvait être aussi les Antilles. Enfin, il y a des régions du monde comme ça où il y a des mélanges, des îles, les Antilles ou La Réunion, où il y a eu beaucoup de mélanges de populations. Et il s’est trouvé que l’auteur venait de… (Elle cherche dans son ordinateur). Originaire du Cap Vert. Et donc nous, avec l’ADN, on avait dit que c’était quelqu’un qui venait d’un endroit où il y avait un mélange de populations noires et de populations caucasiennes. On ne s’est pas trompé.
Les classifications, on le voit, sont ici à la fois géographiques (Europe, Afrique, Afrique du Nord, Antilles, La Réunion), génétiques (caucasien) et par couleurs (Blancs, Noirs, Jaunes). Cette hétérogénéité de la dénomination par couleur ou aire géographique existe depuis la naissance de l’anthropologie physique27. Ce qui nous intéresse ici repose sur le fait que ces variations de terminologie constituent les germes d’une problématisation dans la mesure où elles prêtent le flanc à des interprétations à la fois géographiques – donc relativement neutres – et en résonnance avec des catégories ethniques ou raciales de sens commun – donc potentiellement sujettes à polémiques. Comme l’indiquent en effet d’autres sociologues28, l’origine en termes de continents est susceptible de revivifier des imaginaires sur les « races » telles qu’elles furent conceptualisées au XVIIIe siècle, dans la mesure où les deux notions, géographiques et raciales, peuvent se chevaucher topographiquement (voir le parallèle entre « Afrique, Europe, Asie » et « Noirs, Blancs, Jaunes »). Ces catégories ont donc des connotations raciales, euphémisées par le recours à la géographie. Dès le XVIIIe siècle, un même savant pouvait aussi bien reconnaître l’absence de délimitation claire entre les groupes que défendre l’idée que les « races », comme on les appelait à l’époque, avaient un fondement scientifique29. Comme on le verra ci-dessous, cette dernière idée est combattue aujourd’hui par la quasi-totalité des généticiens, sur des bases scientifiques. Toujours est-il que les premiers éléments qui viennent d’être décrits constituent les racines d’une problématisation fondée sur la production de catégories géographiques qui connotent des classifications ethniques ou raciales de sens commun.

Capture d'écran d'un atelier « Police Scientifique » organisé à la Médiathèque Émile Zola de Montpellier.
Le Docteur [Y], principal fondateur de l'entreprise concernée, indiquait en 2008 dans un média en ligne avoir eu tout à fait conscience « du caractère explosif [des TOGG] », sur lequel nous reviendrons.
En paraphrasant ce que Roger Deacon appelle la déconstruction des problèmes – c'est-à-dire les tentatives « pour subvertir ce qui a été problématisé30» – il est possible d’avancer l’idée que les responsables de l’entreprise cherchaient à déconstruire la problématisation de ces tests. Dans cet esprit de déconstruction, ils prirent soin de préciser plusieurs points à propos des TOGG. D’abord, selon eux, il n’y avait guère de spécificité à ces tests. Ils expliquent en entretien qu’ils n’apportaient pas beaucoup plus d’informations qu’un témoignage visuel : « Quelqu’un qui a agressé une personne dans la rue, on dit, ‘il était Noir, il mesurait 1m80’. » Cette analogie avec les témoins oculaires, développée également par d’autres généticiens dans la littérature biomédicale31, sera d’ailleurs défendue plus loin par une magistrate. Ensuite, ces responsables prirent soin d’éditer une « Charte d’utilisation du TOGG », à dimension éthique, qui précisait que ce test « n’est pas […] une détermination de la race, d’autant plus que cette notion est très floue en génétique humaine. » Ils défendaient ainsi une forme de prise en compte des « origines » sans racisme32.
En résumé, la « perte de familiarité » sur l’origine géographique trouve ses racines dans le fait que d’un côté les généticiens assurent que les races n’existent pas au plan génétique, d’un autre ils proposent un moyen technoscientifique de distinguer les personnes selon leur origine déclinée à partir des paramètres européens, africains, asiatiques et dans le but de donner des indications sur l’apparence. Certains anthropologues sociaux qualifient ce type d’ambiguïté « la présence absente de la race »33. Pour prolonger ceci, il importe de souligner ici la manière dont cette tension agit à la fois comme terreau et comme déconstruction de la problématisation. Enfin, du point de vue des « sujets », les promoteurs des tests cherchaient à se positionner comme des sujets éthiques et à euphémiser la dimension catégorielle de leur activité à travers la Charte, les précautions oratoires sur l’inexistence des races, etc.
Du côté des utilisateurs potentiels des tests : l’expression de la problématisation
Voyons maintenant comment s’exprima la problématisation sur laquelle débouchèrent les TOGG en France, en interrogeant les arguments mobilisés par les opposants et par les défenseurs des tests. On verra que ces tests avaient la particularité d’entraîner trois lignes de positionnement chez les magistrats rencontrés : les opposants sur des bases liées à l’histoire, à la loi et à la fiabilité ; les dubitatifs sur des bases liées à l’utilité, à la loi et à la fiabilité ; et les favorables sur des bases d’utilité.
L’entreprise commença par démarcher des magistrats pour les informer de la possibilité de cette nouvelle technique, qui coûtait plusieurs milliers d’euros, et les convaincre de son utilité34. C’est ainsi qu’un représentant commercial de l’entreprise eut l’occasion d’en vanter les avantages, en 2007, lors d’une réunion des juges d’instruction de Lyon. Comme les juges nous l’ont relaté, la réunion de la dizaine de juges présents fut assez houleuse, sous l’influence notable de l’un d’eux, qui manifesta vivement son opposition à l’emploi de ces tests. D’autres responsables du Syndicat de la magistrature ‒ un syndicat classé clairement à gauche né dans la mouvance des événements de mai 1968 et deuxième par son nombre d’adhérents auprès des magistrats – ou d’association de défense des droits humains, comme la Ligue des Droits de l’Homme, appuyaient la position de ce juge.
Le premier argument et le plus important aux yeux des opposants aux TOGG était le risque de discrimination et d’établissement de fichiers à caractères raciaux, comme ceux utilisés lors de la deuxième guerre mondiale avec les fichiers juifs. Les opposants pouvaient se placer aussi dans l’hypothèse de la venue au pouvoir d’un État plus ou moins autoritaire. Des magistrats disent par exemple en entretien :
Si grâce à [ce test], on fait des listes ou des fichiers par catégorie de population, là, ça me pose un problème. […] C’est un vrai débat politique. […] Moralement, éthiquement, je suis opposée [aux TOGG].
En outre, on a vu précédemment comment les responsables de l’entreprise expliquaient que le test d’origine n’avait pas de spécificité par rapport au témoin oculaire. A l’opposé, une magistrate explique en entretien :
Vous faites une expertise, on vous dit : ‘Le type est d’origine machin’, […] c'est le secret de l’enquête, […] ce n’est pas public. Ça ne met pas en jeu la cohésion sociale ou une discrimination, […] ce n’est pas pour faire des catégories de populations, c’est très différent.
Autrement dit, selon ce point de vue, lorsque des éléments sur l’origine d’un suspect sont apportés lors d’un témoignage oral, ces éléments restent circonscrits à l’enquête et au secret de l’instruction ; lorsqu’ils sont établis par un laboratoire, celui-ci est susceptible de les organiser sous forme de fichiers pouvant être diffusés ou de légitimer par la science un outil de discrimination. Si beaucoup de pratiques liées aux origines sont susceptibles de susciter des problèmes de stigmatisation et de discrimination, particulièrement dans le domaine judiciaire et policier35, la question des fichiers dressés par les laboratoires et leur éventuelle utilisation politique donnent ici à cette dimension une acuité particulière. Les responsables de l’entreprise [X], de leur côté, affirmaient qu’ils « ne constitueraient aucune banque de données à partir des prélèvements qui lui seront confiés » (Charte d’utilisation des TOGG). Précisons que la finalité de cet éventuel fichier créé par le laboratoire n’est pas claire, ce qui reflète le fait que les pratiques en étaient à leur début. En tout état de cause, il aurait été, à ce stade, davantage un ensemble d’informations conservées par le laboratoire qu’un fichier national géré par la police, et il aurait été bien plus restreint que le fichier national d’empreintes génétiques, qui comptait en 2016 3,5 millions de profils en France36.

Les craintes vis-à-vis des fichiers concernant l'origine des personnes.
Ainsi, les fichiers juifs et la deuxième guerre mondiale sont décisifs pour saisir la façon dont la problématisation opère en France, puisque l’histoire du nazisme eut pour conséquence de renforcer la culture politique française de rejet des identifications ethniques ou raciales37. D’une façon générale, l’éthique de la science n’est plus laissée aux seuls chercheurs38, et ceci est d’autant plus vrai lorsque la science se situe au croisement de différents espaces sociaux, comme la justice et les médias. Tout se passe comme si les juges opposés aux tests avaient intériorisé les risques de leur publicisation. Pour Victor Toom39, « quand la juridiction sur un corps est transférée d’un individu à un acteur de la police ou de la médecine, ces corps à l’origine privés deviennent publics. » On peut prolonger ces propos en soulignant que ces corps (semi-) publics sont ici placés dans une configuration politique actuelle ou redoutée (un État autoritaire). Autrement dit, il y avait là une éthique et une politique de l’usage des données ou, plus exactement, de leur usage potentiel. En somme, on a affaire ici à des sujets politico-éthiques qui s’intéressent tout autant à leur rôle dans la société qu’aux possibilités d’usages par d’autres des tests génétiques.
Le deuxième argument opposé aux TOGG par leurs détracteurs relevait de la fiabilité. Ils soulignent le manque de validation du test par des publications dans des revues scientifiques internationales. Ces tests avaient donc des effets contradictoires en termes de légitimité (ils avaient une légitimité « scientifique », mais elle était partielle), ce qui les rendait encore plus problématiques selon eux. Enfin, le troisième argument des opposants aux tests, et pas le moindre, était d’ordre légal. La loi française stipule que les tests ADN utilisés dans le cas des empreintes génétiques classiques reposent sur des marqueurs de l’ADN dit « non codant ». Par définition, l’ADN non codant ne participe pas directement à la fabrication de protéines, ce qui semblait prémunir de la collecte d’informations sur les caractères apparents des personnes. Selon les responsables de l’entreprise, la technique des TOGG était légale puisqu’elle s’appuyait sur des marqueurs dans cet ADN non codant. Pourtant ces tests donnaient des indications sur l’apparence des personnes. De ce fait, pour les opposants aux TOGG, ces tests constituaient un « contournement de la loi ».

Modélisation d'une structure de section d'ADN.
Toutefois, les magistrats n’étaient pas unanimes. Lors de la réunion des juges de Lyon, d’autres magistrats, plutôt dubitatifs, ne mentionnaient pas son caractère potentiellement discriminatoire. Ils mettaient davantage en avant l’argument de l’inutilité (en indiquant que ces tests apportent peu d’informations), du manque de fiabilité scientifique et de son caractère illégal. Par ailleurs, parmi les juges présents à la réunion, deux d’entre eux pensaient que les TOGG pouvaient être utiles pour aider à l’identification des suspects. Une autre magistrate interviewée, particulièrement haut placée dans les institutions au Ministère de la Justice, défend la même position en établissant un parallèle avec la description basée sur le témoignage oral et en avançant l’idée que les deux approches ne sont pas très différentes. Toutefois, l’adhésion des magistrats aux TOGG était moins fréquente, et constituait une position moins souvent développée que les deux autres (oppositions ou doutes), aussi bien dans les médias qu’en entretien.
Du côté du Ministère de la Justice : les régulations sur les tests d’origine
La dernière partie du texte analysera ce que Foucault appelle « l’élaboration d’un domaine de faits, de pratiques et de pensées qui […] semblent poser des problèmes à la politique »40. Plus précisément, il sera question des positions de l’État sur les TOGG et de la manière dont les tests furent régulés. Nous verrons que l’origine géographique basée sur la génétique est un enjeu particulièrement sensible également au niveau du Ministère de la Justice.
Le Ministère de la Justice eut rapidement vent de cette affaire par les médias en 2008. Son porte-parole prit très au sérieux cette situation. Il alerta immédiatement le directeur de cabinet de la ministre et saisit les experts du ministère en la matière. Comme il l’a expliqué en entretien, il répondit aux journalistes, en pesant chaque mot : « En l’état de nos informations, il semble que la loi ait été respectée », tout en indiquant qu’un Comité technique interministériel ferait le point sur les aspects éthiques de ce dossier. Selon lui, la loi n’avait pas prévu que l’ADN non codant pouvait permettre de déterminer l’origine géographique d’un suspect, et donc que le test était « légal ». Mais il ajoute : « Pour autant, d’un point de vue éthique, ce n’est quand même pas terrible. » Lorsque je lui demande de préciser le fondement du caractère « sensible » de la question, il répond que c’était un sujet « plein de fantasmes, d’irrationnel. ADN, fichage, ethnique, il y a trois gros mots ; on a la notion des Aryens et des non-Aryens. »41
La Direction ministérielle concernée publia en 2011 une dépêche, qui ne constituait pas une interdiction au sens strict, mais plutôt une forte incitation à ne pas recourir à ces tests, ce qui, en pratique, revenait au même. L’argument majeur était d’ordre juridique. Ce texte faisait valoir que ces tests relevaient du domaine de l’examen des « caractéristiques génétiques » – et non de celui de l’identification d’une personne – puisqu’ils étaient susceptibles de renseigner sur « ses caractères apparents ». Or, la loi française réserve l’examen des caractéristiques génétiques aux seules fins médicales ou de recherches scientifiques, ce qui n’était objectivement pas le cas ici. Un « point de problématisation » selon la terminologie du cadre analytique choisi, est donc le passage de l’identification à la caractérisation des personnes, en lien avec l’apparence physique.
En se fondant donc avant tout sur le droit, cette dépêche mit provisoirement un terme aux pratiques des TOGG (en tant que tels et vendus par cette entreprise), qui furent finalement utilisés 15 à 20 fois en France entre 2007 et 2011. Depuis, un nouvel arrêt de la Cour de cassation, pris en 2014, autorisa l’étude des « caractères morphologiques apparents » des suspects (couleur des yeux, des cheveux, de la peau…), sans préciser la nature des marqueurs génétiques à utiliser42. Cet arrêt, ainsi que la différence éventuelle entre les TOGG et ces caractères morphologiques apparents, a fait l’objet d’une autre étude, en cours d'analyse (manuscrit en préparation). En tout état de cause, la problématisation créée par les TOGG, au sens strict, a trouvé pour résolution l’interdiction.
Conclusion
En guise de conclusion, trois remarques peuvent être formulées. La première remarque est basée sur le fait que la relation entre les TOGG et la problématisation est plus complexe qu’il n’y paraît. Cette étude montre que ces tests se situent à l’intersection de deux tendances en tension qui en font un « nœud » anthropologique, pour paraphraser Ian Hacking43, qui désigne ainsi une situation résultant de tendances contradictoires. Le premier volet de ce nœud est celui qui dé-problématise. Dans ce registre, on aura noté les arguments des promoteurs des tests, l’usage même limité ou la demande des TOGG qui mobilise l’argument de l’utilité (par certains juges, procureurs et enquêteurs) et le délai entre les articles de presse de 2008 et la dépêche de 2011. Le second volet du nœud est celui qui produit la problématisation. Celle-ci est à la fois verbale, à travers des prises de position publiques des magistrats, et institutionnelle, à travers les régulations politiques. Souligner l’existence de ce nœud permet de dépasser à la fois la notion d’interdit simple et les processus linéaires où les acteurs apporteraient des solutions un peu mécaniques à des problèmes.
Le deuxième ensemble de remarques a trait aux transformations de l’origine. En effet, si la notion d’origine existe depuis longtemps, c’est sa transformation qui pose ici problème. Ce qui pose ainsi problème – et qui est nouveau – réside dans l’usage et la dissémination éventuelle des fichiers créés par les laboratoires, par opposition aux témoignages oraux qui restent circonscrits au secret de l’enquête. On observe une configuration associant hérédité, apparence et domination potentielle (par l’idée de discrimination), articulée à l’usage éventuel des fichiers issus des laboratoires. Trois éléments constitutifs de l’histoire des théories raciales44 – l’hérédité, l’apparence et la domination – semblent se reconstituer en puissance, ce qui rend le thème explosif. En outre, un autre aspect de la transformation de l’origine concerne le contexte national. Didier Fassin et Eric Fassin expliquent qu’aux États-Unis, le multiculturalisme est fondé sur l’idéal d’une égale reconnaissance des identités et des cultures dominées. Ils ajoutent qu’en France, selon eux, l’enjeu est plutôt la reconnaissance des discriminations que des identités : les Noirs et les Arabes, disent-ils, y ont en commun non la « race », mais le racisme. Ce que montre notre étude, en complément, est une évolution qui réintroduit une dimension d’identité. En effet, sur la base de données moléculaires et statistiques, les TOGG alimentent les enjeux d’appartenance à des populations qui reconfigurent en partie la situation française. Bien que cette remarque soit contextualisée, elle montre, de manière générale, la façon dont la circulation des savoirs technoscientifiques peut infléchir le cadrage des enjeux : à des discriminations liées au racisme dans une version classique (contre les « Noirs » ou les « Arabes » par exemple), les TOGG pourraient ajouter des discriminations potentielles liées à l’identité dans une version génétique. Une dernière dimension des transformations relatives à l’origine relève de ce qui est considéré comme fiable scientifiquement et des savoirs. Pour le dire simplement, les pratiques et les politiques de l’origine ont pris un tour génétique. Plus largement, ces tests renouent avec une scientificité des questions d’identité et d’origine à la fois ancienne et jamais totalement absente au cours du XXe siècle45. Toutefois, ces nouveaux tests le font de manière différente, notamment à travers la mobilisation de techniques biomédicales de pointe, la participation d’entreprises commerciales de biotechnologies et la molécularisation. Ces différents points : politiques, moraux, juridiques et scientifiques caractérisent les changements concernant les origines dites géographiques ou ethniques, et qui furent révélés par la problématisation. L’étude présentée ici contribue à l’analyse de la manière dont anciennes et nouvelles conceptions à ce sujet se combinent, s’articulent et/ou se confrontent.
Enfin, la troisième remarque a trait au type de sujets produits. Différents types de sujets et de rapports de pouvoir se dessinent entre ceux qui proposent les tests (qui souhaitent être considérés comme des sujets éthiques notamment à travers une Charte), ceux qui contestent ces tests (qui se constituent en sujets éthiques et politiques souhaitant mettre fin à leur usage par la mobilisation) et ceux qui les régulent (qui se constituent en sujets éthiques et politiques intervenant par la loi). En outre, à la différence de la problématisation de la sexualité, du côté des TOGG, sont en jeu non seulement une éthique de soi, mais aussi une éthique et une politique d’une société. Comme on l’a vu, sont questionnés non seulement un rapport à soi, mais aussi un rapport aux autres (qui est « l’autre » ?, que nous faisons-nous collectivement ?) et un rapport aux possibilités d’usages par d’autres des tests, ce qui constitue assurément des questions politiques. En alertant contre d’éventuels usages de fichiers génétiques par des pouvoirs autoritaires, les magistrats opposés aux TOGG résistent à des processus de biopolitisation de l’identité, autrement dit d’entrée des corps et du vivant dans les politiques de l’identité46. Au-delà du cas présenté, cette étude invite à s’intéresser non seulement aux catégories scientifiques et aux débats bioéthiques, mais aussi aux usages politiques des analyses génétiques, et non seulement aux identités technoscientifiques des personnes sur lesquelles les tests sont effectués, mais également aux types de sujets produits du côté de celles qui les promeuvent ou qui les contestent.
Notes
1
Ce texte est une version largement remaniée et raccourcie d’un article paru en anglais sous la référence : Joëlle Vailly, « The Politics of Suspects’ Geo-Genetic Origin in France : The Conditions, Expression, and Effects of Problematisation », BioSocieties, vol. 12, n° 1, 2017, p. 66-88. Cette recherche a bénéficié du soutien de l’Agence nationale de la recherche : projet « Fichiers et témoins génétiques : généalogie, enjeux sociaux, circulation » (acronyme : FiTeGe, contrat ANR-14-CE29-0014, 2015-2018, coordonné par Joëlle Vailly), ainsi que de l’Université Paris 13 et de la Maison des Sciences de l’Homme de Paris-Nord. Je remercie Milena Jaksic de sa participation à l’enquête de terrain et Vololona Rabeharisoa de sa lecture d’une première version de ce texte.
2
Plus précisément, il s’agit de comparer des « marqueurs génétiques », c’est-à-dire un ensemble de courts segments d’ADN.
3
Philippe Rouger, Les Empreintes génétiques, Paris, PUF, 2000.
4
Pamela Sankar, « Forensic DNA Phenotyping : Reinforcing Race in Law Enforcement », in I. Whitmarsh, D.S. Jones (dir.), What’s the Use of Race? Modern Governance and the Biology of Difference, Cambridge, London, MIT Press, 2010, p. 49-61.
5
Paul Rabinow, « Galton’s Regret and DNA Typing », in Culture, Medicine and Psychiatry, 1993, vol. 17, n° 1, p. 59-65.
6
Esteban Gonzelez Burchard, Elad Ziv, Natasha Coyle, Scarlett Lin Gomez et al., « The Importance of Race and Ethnic Background in Biomedical Research and Clinical Practice », in New England Journal of Medicine, vol. 348, n° 12, 2003, p. 1170-1175 ;
Richard S. Cooper, Jay S. Kaufman, Ryk Ward, « Race and Genomics », in New England Journal of Medicine, vol. 348, n° 12, 2003, p. 1166-1170 ;
Michael Bamshad, Stephen Wooding, Benjamin A. Salisbury, J. Claiborne Stephens, « Deconstructing the Relationship between Genetics and Race », in Nature Genetics, vol. 5, 2004, p. 598-609 ;
Francis S. Collins, « What We Do and Don’t Know about ‘Race’, ‘Ethnicity’, Genetics and Health at the Dawn of the Genome Era », in Nature Genetics, vol. 36, n° 11, 2004.
7
Duana Fullwiley, « Can DNA ‘Witness’ Race ? », in S. Krimsky, K. Sloan (dir.), Race and the Genetic Revolution : Science, Myth and Culture, New York, Columbia University Press, 2011, p. 116-126 ;
Pilar N. Ossorio, « About Face : Forensic Genetic Testing for Race and Visible Traits », in Journal of Law, Medicine and Ethics, vol. 34, 2006, p. 277-292 ;
Pamela Sankar, « Forensic DNA Phenotyping : Reinforcing Race in Law Enforcement », in I. Whitmarsh, D.S. Jones (dir.), What’s the Use of Race? Modern Governance and the Biology of Difference, Cambridge, London, MIT Press, 2010, p. 49-61 ;
Amade M’charek, « Silent Witness, Articulate Collective : DNA Evidence and the Inference of Visible Traits », in Bioethics, vol. 22, n° 9, 2008, p. 519-528 ;
Amade M’charek, « Beyond Fact or Fiction : On the Materiality of Race in Practice », in Cultural Anthropology, vol. 28, n° 3, 2013, p. 420-442 ;
Bert-Jaap Koops, Maurice Schellekens, « Forensic DNA Phenotyping : Regulatory Issues », in Science and Technology Law Review, vol. 9, 2008, p. 158-202.
8
Frédéric Gros, « Problématisation », in J.-F Bert, J. Lamy (dir.), Michel Foucault. Un héritage critique, Paris, CNRS Éditions, 2014, p. 125-126.
9
Michel Foucault, « Polémique, politique et problématisation. Entretiens avec Michel Foucault », in Dits et écrits II (1976-1988), Paris, Gallimard, 2001 [1984], p. 1416.
10
Dov Fox, « The Second Generation of Racial Profiling », in American Journal of Criminal Law, vol. 38, n° 1, 2010, p. 49-79
11
Michel Foucault, « Le Souci de la vérité », in Dits et écrits II (1976-1988), Paris, Gallimard, 2001 [1984], p. 1489.
12
Michel Foucault, « Polémique, politique et problématisation. Entretiens avec Michel Foucault », in Dits et écrits II (1976-1988), Paris, Gallimard, 2001 [1984], p. 1410-1417.
13
Michel Foucault, L'Histoire de la sexualité II : L'usage des plaisirs, Paris, Gallimard, 1984.
14
Frédéric Gros, « Problématisation », in J.-F Bert, J. Lamy (dir.), Michel Foucault. Un héritage critique, 2014, p. 125-126.
15
Michel Foucault, « La Scène de la philosophie », in Dits et écrits II (1976-1988), [1984], Paris, Gallimard, 2001, p.571-595.
Joëlle Vailly, « Genetic Screening as a Technique of Government : The Case of Neonatal Screening for Cystic Fibrosis in France », in Social Science & Médecine, vol. 36, n° 12, 2006, p. 3092.
Joëlle Vailly, The Birth of a Genetics Policy. Social Issues of Newborn Screening, New-York, Routledge, 2013.
16
Rappelons que Foucault étant à la fois philosophe et historien, il cherche toujours à développer un cadre théorique ancré dans les pratiques. C’est pourquoi la « problématisation » désigne à la fois un concept et un processus historique.
17
Gérard Noiriel, « French and Foreigners », in P. Nora (dir.), Realms of Memory : The Construction of the French Past, vol. 1 : Conflicts and Divisions, New-York, Columbia University Press, 1996, p. 275-379.
18
Guillaume Canselier, Sonia Desmoulins-Canselier (dir.), Les Catégories ethno raciales à l'ère des bio-technologies, Paris, Société de législation comparée, 2011.
19
Herrick Chapmann, Laura L. Frader, Race in France, Interdisciplinary Perspectives of the Politics of Difference, New-York, Berghahn Books, 2004, p. 3
20
Herrick Chapman, Laura L. Frader, Race in France. Interdisciplinary Perspectives on the Politics of Difference, New York, Oxford, Berghahn Books, 2004.
21
Pap Ndiaye, « Questions de couleur. Histoire, idéologie et pratiques du colorisme », in D. Fassin, E. Fassin (dir.), De la question sociale à la question raciale, Paris, La Découverte, 2006, p. 46.
22
Didier Fassin, Eric Fassin (dir.), De la question sociale à la question raciale, Paris, La Découverte, 2006.
23
Didier Fassin, Éric Fassin (dir.), De la question sociale à la question raciale, Paris, La Découverte, 2006.
24
Philippe Robert, Marie-Lys Pottier, « Les Préoccupations sécuritaires : une mutation ? », in Revue française de sociologie, vol. 45, n° 2, 2004, p. 211-241.
25
Cette étude s’inscrit dans un projet plus vaste sur les enjeux sociaux des usages des analyses génétiques dans le domaine judiciaire et policier en France (Joëlle Vailly, Florence Bellivier, Christine Noiville, Vololona Rabeharisoa, « Les fichiers d’empreintes génétiques et les analyses d’ADN en droit pénal sous le regard du droit et de la sociologie », in Cahiers Droits, Sciences & Technologies, vol. 6, 2016, p. 43-53). Pour effectuer cette recherche, j’ai mené, avec Milena Jaksic, 15 entretiens semi-directifs, entre 2012 et 2014, avec des magistrats, des responsables politiques et des responsables d’entreprises de biotechnologies (biologistes et médecins), sélectionnés sur la base de leur participation active au débat dont il est ici question. Ces entretiens, d’une durée moyenne de deux heures, ont été entièrement retranscrits. Ils ont porté sur la trajectoire professionnelle des interviewés, leur position sur les tests d’origine et les usages de ces tests en France. J’ai effectué en outre une analyse de toutes les coupures de presse identifiées dans la base de données Europresse et de toutes les archives audiovisuelles identifiées à l’Institut National de l’Audiovisuel français sur le thème concerné. Les entretiens et les données issues des différents documents ont été codés par thèmes de façon à faire émerger les différentes dimensions de la problématisation (aspects scientifiques, enjeux politiques, interrogations morales, cadre légal, etc.). Une méthode habituelle pour les études qualitatives a consisté à ajuster l’analyse au fur et à mesure de la progression de l’enquête (Barney G. Glaser, Anselm L. Strauss, The Discovery of Grounded Theory, London, Aldine, 1967).
26
Carol Bacchi, « Why Study Problematizations ? Making Politics Visible », in Open Journal of Political Science, vol. 2, n° 1, 2012, p. 1-8.
27
Ian Hacking, « Why Race Still Matters », in Daedalus, vol. 134, n° 1, 2005, p. 102-116.
28
Duana Fullwiley, « The Biologistical Construction of Race : ‘Admixture’ Technology and the New Genetic Medicine », in Social Studies of Science, vol. 38, n° 5, 2008, p. 695-735 ;
Pilar N. Ossorio, Troy Duster, « Race and Genetics. Controversies in Biomedical, Behavioral, and Forensic Sciences ? », in American Psychologist, vol. 60, n° 1, 2005, p. 115-128.
29
Nadia Abu El-Haj, « The Genetic Reinscription of Race », in Annual Review of Anthropology, vol. 36, 2007, p. 283-300.
30
Roger Deacon, « Theory as Practice : Foucault’s Concept of Problematization », in Telos, vol. 118, 2000, p. 140.
31
Manfred Kayser, « Forensic DNA Phenotyping : Predictive Human Appearance from Crime Science Material for Investigative Purposes », in Forensic Science International, vol. 18, 2015, p. 33-48.
32
Michelle Brattain, « Race, Racism and Antiracism : UNESCO and the Politics of Presenting Science to the Postwar Public », in American Historical Review, vol. 112, n° 5, 2007, p. 1386-1413.
33
Amade M’charek, Katharina Schramm, David Skinner, « Technologies of Belonging : The Absent Presence of Race in Europe », in Science, Technology, & Human Values, vol. 39, n° 4, 2014, p. 459-467 ;
Peter Wade, Vivette Garcia Deister, Michael Kent, Maria Fernanda Olarte Sierra et al., « Nation and the Absent Presence of Race in Latin American Genomics », in Current Anthropology, vol. 55, n° 5, 2014, p. 497-522.
34
Le système judiciaire français inclut des juges d’instruction, qui mènent des investigations dans le cas des infractions les plus graves. Leur rôle est de rassembler des informations qui incriminent ou innocentent les personnes d’une accusation.
35
Kelly Welch, « Black Criminal Stereotypes and Racial Profiling », in Journal of Contemporary Criminal Justice, vol. 23, n° 3, 2007, p. 276-288.
36
Ce chiffre ne tient pas compte des « doublons » dans la base, autrement dit des enregistrements de profils de personnes sous des noms différents.
Joëlle Vailly, Florence Bellivier, Christine Noiville, Vololona Rabeharisoa, « Les Fichiers d’empreintes génétiques et les analyses d’ADN en droit pénal sous le regard du droit et de la sociologie », in Cahiers Droits, Sciences & Technologies, vol. 6, 2016, p. 43-53.
37
Herrick Chapman, Laura L. Frader, Race in France. Interdisciplinary Perspectives on the Politics of Difference, New York, Oxford, Berghahn Books, 2004, p. 3.
38
Michael J. Fischer, « Science », in D. Fassin (dir.), A Companion to Moral Anthropology, Malden Oxford, Wiley-Blackwell, 2012, p. 395-412.
39
Victor Toom, « Bodies of Science and Law : Forensic DNA Profiling, Biological Bodies, and Biopower », in Journal of Law and Society, vol. 39, n° 1, 2012, p. 152.
40
Michel Foucault, « Polémique, politique et problématisations. Entretien avec Michel Foucault », in Dits et écrits II (1976-1988), Paris, Gallimard, 2001 [1984], p. 1412.
41
On relèvera de nouveau le lien avec la 2ème guerre mondiale.
42
Arrêt n°3280 du 25 juin 2014.
43
Ian Hacking, Séminaire « Façonner les gens », Collège de France, Paris, 2005.
44
Peter Wade, « Race, Ethnicity, and Technologies of Belonging », in Science, Technology, & Human Values, vol. 39, n° 4, 2014, p. 587-596.
45
Michelle Brattain, « Race, Racism and Antiracism : UNESCO and the Politics of Presenting Science to the Postwar Public », in American Historical Review, vol. 112, n° 5, 2007, p. 1386-1413 ;
David Skinner, « Racialized Futures : Biologism and the Changing Politics of Identity », in Social Studies of Science, vol. 36, n° 3, 2006, p. 459-488.
46
Michel Foucault, L’histoire de la sexualité I : La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976.
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Kelly Welch, « Black Criminal Stereotypes and Racial Profiling », in Journal of Contemporary Criminal Justice, vol. 23, n° 3, 2007, p. 276-288.