TEPSIS et l’Institut pour les sciences de l’homme (Zinbunken) de l’Université de Kyoto ont entamé une collaboration depuis 2017 sur le thème du traitement de la question raciale par les sciences sociales. Responsables de ce projet, l’anthropologue Yasuko Takezawa et l’historien Jean-Frédéric Schaub ont organisé plusieurs séminaires à Paris et Kyoto afin de confronter, dans un esprit pluridisciplinaire, des approches différentes de la question raciale au Japon et en France. De ce travail collaboratif est issue une publication dans la revue en ligne The Zinbun Gakuho (人文学報, Journal of Humanities) et un volume en cours de préparation à Kyoto University Press en langue japonaise.
Cet atelier se présente en deux volets distincts : Race et civilisation au Japon et Constructions et usages de la différence raciale.
On n’écrit pas sur la race en Europe comme on le fait au Japon ou aux États-Unis. À chaque fois, la construction de la différence raciale relève d’une logique spécifique. Le Japon de l’ère Meiji importe d’Occident une nouvelle façon de produire l’altérité, tandis que l’Espagne puise dans son histoire le concept de « pureté du sang » qui alimente simultanément le séparatisme basque et le nationalisme central. Au XIXe et XXe siècles, d’autres pays d’Europe, dont la France et l’Italie, habillent le concept de race d’un appareil juridique et pseudo-scientifique adossé à la pratique coloniale qui trouve, en retour, une résonance au Japon. Ces processus toujours singuliers, avec leurs échos et leurs échanges, font ici l’objet d’une exploration et d’une confrontation.
Coordonné par Yasuko Takezawa (Université de Kyoto) et Jean-Frédéric Schaub (EHESS)
C’est à l’ère Meiji, à partir de 1868, que le Japon s’ouvre aux techniques et aux savoirs venus d’Europe et des États-Unis. Dès lors, la façon dont les Japonais se représentent leur place parmi les nations ne cesse d’évoluer, de même que leur vision des peuples soumis à leur autorité et celle des minorités de la société nippone. Ce qui vacille, c’est la perception de l’autre et de soi-même.
Ainsi, les manuels scolaires de géographie de l’ère Meiji montrent une construction progressive de l’idée de race, importée d’Occident, où les Japonais s’attribuent peu à peu la première place au sein des peuples d’Asie. Quant à l’histoire des Burakumin, minorité urbaine issue des classes les plus défavorisées, elle fait alors l’objet d’une nouvelle lecture, biologique et racialisante. À la fin du XIXe siècle, l’Asie toute entière, en partie soumise à la colonisation européenne, entre dans un processus d’évaluation de ses propres cultures face aux cultures occidentales. Entre 1880 et 1919, des intellectuels japonais et indiens forgent une idée de l’universalisme rivale de celle que propage l’Occident, jugée trop favorable aux intérêts économiques et coloniaux de ce dernier. Parallèlement, le droit des étrangers, en particulier le droit des mariages mixtes, ne cessent d’évoluer jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, reflétant un durcissement de ce que l’État japonais considère comme l’identité nationale et les droits qui lui sont attachés.
À travers cinq textes écrits par des chercheurs japonais, l’atelier « Race et civilisation au Japon » apporte des éclairages complémentaires sur la question de la race, de l’universalisme et de la perception de l’autre dans le Japon moderne.
Atelier coordonné par Yasuko Takezawa et
Jean-Frédéric Schaub
Adossée à la pratique coloniale ou postcoloniale, souvent habillée d’un appareil juridique et puisant dans des pseudo-savoirs médicaux ou anthropologiques, l’idée de race suit un cheminement à chaque fois spécifique et trouve des applications multiples. Au croisement de différentes logiques, la construction de la différence raciale se déroule sur des temps longs ou courts, parfois ponctués de résurgences et de réappropriations. Entre l’Espagne, l’Italie et la France, mais aussi hors d’Europe, elle entre en résonance avec le contexte politique et idéologique du moment.
Atelier coordonné par Yasuko Takezawa et Jean-Frédéric Schaub