Sang indigène en Uruguay. Citoyennetés post ethniques et droits sociaux
Departamento arqueología, facultad de Humanidades,

(Universidad de la República, Uruguay)

L'argument anthropologique constitue l'axe central de cette étude, confrontée à l'image de l'homogénéité de la population uruguayenne, mais également à la légitimation et à l'identification d'un collectif social de descendants d'Indigènes1.

Elle traite aussi de l'ambigüité du rapport entre l'argument biologique, l'auto-identification, les aspects culturels et les droits sociaux insatisfaits. L'objet à l'étude est un sujet social qui revendique des droits, notamment celui de l'exercice libre de l'auto-identification. Bien que la société uruguayenne veuille se présenter devant le monde en tant que pays sud-américain sans Indiens, peuplé de descendants d'immigrés européens, ses racines profondes puisent dans ses populations préhispaniques (Fig.1)

Armoiries de la Province Orientale, Uruguay.

Fig. 1 : Blason de 1816 de la Province Orientale avec symboles indigènes (flèches et carquois en bas, à gauche).

Ces racines se rapportent à une contribution génétique, historique et culturelle, à l'égard de laquelle l'État uruguayen s'est montré chroniquement indifférent, voire ambivalent. Cette dénégation est liée aux préjugés datant de l'époque coloniale et qui persistent encore dans les politiques de l'État uruguayen vis-à-vis des sociétés qui l'ont précédé sur le territoire national. Le retour à la démocratie (1984) a mis en évidence un grand paradoxe des identités uruguayennes, suite à l'apparition dès 1989 d'un mouvement social de revendication et de demande de reconnaissance de ses origines indigènes. L'identité des « Indiens », qui a prévalu jusqu'à la fin du XIXe siècle, était enveloppée d'un préjugé social négatif, comme on peut le voir dans les demandes de capture d'Indiens adressées à la police de Montevideo en 18972. Les mots ne sont pas innocents, comme chacun le sait : pendant tout le XXe siècle, de nombreuses dénominations péjoratives – entre autres, les expressions « peludo » et « china » –  étaient employées sans ambages pour désigner les personnes au phénotype manifestement indigène.

Des études biologiques et génétiques ont prouvé, contrairement à ce que postule le mythe de « l'avalanche d'immigrés européens » que les classes populaires uruguayennes relèvent d'origines diverses et descendent en grande partie, et plus ou moins directement, d'Africains, ou de peuples charruas, minuanes, guaranis et chanas qui habitaient le territoire – pour certains d'entre eux au moins − depuis plus de treize mille ans3. La seule politique adoptée jusque là, par l'État uruguayen, à l'égard des sociétés indigènes consistait en un regard paternaliste associé à la naturalisation historique de leur génocide et à la banalisation mal intentionnée de « l'extinction indigène »4. Les données des différentes branches anthropologiques ont contribué, depuis 1970, à la révision historique de la question indigène, confrontant l'État à de nouveaux défis qui ont fait ressortir une identité culturelle/nationale – encore naissante – de certains habitants de ce petit pays « tampon » coincé entre l'Argentine et le Brésil.

Les débats académiques actuels5 offrent une occasion de choix pour analyser le poids politique et le statut juridique et social que l'État uruguayen accorde à ses citoyens porteurs de sang indigène. C'est en ce sens que nous proposons d'analyser l'évidence anthropologique, ainsi que son impact scientifique et symbolique sur les minorités identifiées de descendants des peuples originaires.

Nous examinerons également le corrélat matériel indépendant, mais associé directement à la perception et à la valeur attachées au patrimoine culturel indigène : a) chez les descendants d'Indiens, b) dans les politiques publiques en matière de patrimoine et c) au sein de la population en général. La population uruguayenne doit désormais reconnaître le constat scientifique de sa condition plus métisse qu'elle ne voulait le croire lors de l'essor de l'État-providence du milieu du XXe  siècle, connu aussi comme l'Uruguay des vaches grasses. Au cours de ces dernières années, les chercheurs ont apporté un soutien anthropologique (et affectif insoupçonné) inattendu à cette révélation. Les descendants d'Indigènes ont pour leur part compris que cette évidence devait aller au-delà de la simple révélation historique, et que ce « nouveau passé », maintenant attesté aussi par les données anthropologiques, devait s'étendre à la reconnaissance du présent et de l'exercice des droits de l'homme qui demeurent en suspend. Cependant, malgré ces nouvelles circonstances, l'État uruguayen ne parvient pas à dépasser sa paralysie ou la confusion qui découlent des dérives légales et humaines du massacre de Salsipuedes (1833)6. Ce génocide, commis par l'armée du jeune État uruguayen, visait à satisfaire les demandes de sécurité des propriétaires terriens brésiliens qui occupaient alors le nord de l'Uruguay.

L'écart théorique entre l'Indien préhistorique et l'Indien historique a représenté une avancée méthodologique de l'anthropologie américaine, mais il est toutefois dénoncé en Amérique latine comme une manœuvre néocoloniale, qui fait des identités culturelles une kermesse folklorique, affaiblit la prise de conscience du processus, masque les génocides et renie l'histoire indigène7. L'Uruguay n'avait jusqu'à ces dernières décennies que des récits bariolés et anecdotiques au sujet des habitants originaires, mais manquait d'une préhistoire ou d'une ethnographie officielle et attestée scientifiquement. « Le problème indigène », était l'expression utilisée pour parler du déclin de ces sociétés et donc de la lutte tenace de ces groupes pour défendre leur territoire jusqu'au massacre final8 en 18339 .

La dictature et la pauvreté ont porté un coup fatal aux identités uruguayennes fondées sur un profil européen, émanant à la fois de l'afflux d'immigrés et de l'exercice régulier des institutions démocratiques. Le souffle de liberté post-dictature a favorisé de nouvelles identités uruguayennes en quête de nouveaux contenus afin de dépasser les stéréotypes aliénants et discriminatoires qui rendaient invisibles les porteurs de sang indigène. Ce processus montre l'évolution constante des identités sociales et culturelles et le haut degré de dynamisme des imaginaires sociaux.

L'ADN contre l'État

Un élan accéléré de recherche scientifique sur le passé précolonial a fait irruption depuis 1970, sous la conduite du ministère de l'Education et de la Culture de l'Uruguay (Mission de Salto Grande/Unesco; Commission de sauvetage archéologique de la Lagune Merín; Musée national d'anthropologie et Commission nationale de la recherche scientifique et technologique –  Conycit) et du Département d'archéologie de la Faculté des humanités et des sciences de l'éducation de l'Université de la République. D'une part, les études archéologiques ont mis à mal  l'image traditionnelle des manuels scolaires selon lesquels les indiens « …vivaient à l'état sauvage. Ils ne connaissaient que la guerre et manquaient d'art, d'industrie et de commerce »10.

L'archéologie a montré que ces sociétés avaient atteint un niveau de développement culturel insoupçonné et mis en place un rapport intelligent à l'environnement. Les cerritos de indios (tumuli indiens) de Rocha ont prouvé que ces sociétés cultivaient des plantes depuis 3 500 ans, qu’elles pratiquaient une chasse rationnelle de troupeaux de cerfs, n'étaient plus nomades depuis 2 000 ans, qu’elles avaient implanté une claire territorialité et construisaient des monuments11. Ces sociétés s'étaient dotées d'une organisation politique à trois niveaux hiérarchiques et affectionnaient grandement les chiens, tout comme leurs descendants uruguayens12.

Conjointement aux études archéologiques, de nouvelles recherches historiques ont mis en cause le paradigme de l'hégémonique « macro-ethnie charrua ». Les travaux de Diego Bracco ont proposé un nouvel Uruguay indigène13, plutôt centré sur les Güenoas et aligné sur l'histoire indigène brésilienne prônée par Aurelio Porto14. Ces Güenoas/Minuanes revenaient ainsi de l'oubli et revendiquaient sur le territoire le nom de grands caciques, notamment Casupá, Betete, Pintado, Ramón, Casildo ou Zapata15. Ces études ont permis d'identifier le lignage minuano/uruguayen des Carapé. Le premier Cacique Carapé avait résisté contre la fondation espagnole de Montevideo et s'était réfugié dans les collines de Maldonado en 1730. Le deuxième – Felipe Carapé –, fut le plus ignoré des « 33 patriotes uruguayens » (mythe fondateur de la nation), qui avait débarqué avec d'autres rebelles, en 1825, sur la Plage de l'Agraciada pour libérer le territoire de la domination luso‑brésilienne.

Les études historiques, archéologiques et d'anthropologie biologique ont accompagné et illustré le processus dit du « devenir charrua »16, et ont fait ressortir de nombreuses évidences, plus directes et fiables, pour évaluer la question de la filiation indigène et de l'identité de la population. Deux éléments vont fournir des informations inédites sur les identités uruguayennes. D'une part, la recherche archéologique sur des tombes préhistoriques permet la récupération de restes osseux et la réalisation d'études biologiques et d'ADN. D'autre part, les ossements du Cacique Vaimaca Perú ont fait l'objet de la Loi 17.256 de 2002, qui « Déclare d'intérêt la recherche et le rapatriement des restes du Cacique Vaimaca Perú »17. Suite à une longue lutte des associations de descendants, les restes du Cacique ont enfin été rapatriés du Musée de l'Homme de Paris et enterrés solennellement dans notre Panthéon national (Fig.2).

Rapatriement des restes du Cacique du Musée de l'Homme de Paris vers le Panthéon national uruguayen.

Fig. 2 : Pompes funèbres en l'honneur du Cacique Vaimaca Perú au Panthéon national.

Les études biométriques (traits numéraires) ont permis d'établir des comparaisons et des rapports de proximité entre les populations préhistoriques de l'Uruguay, de l'est de l'Argentine et du sud du Brésil18. L'étude de la « tache mongolique » – une pigmentation sur la peau des nouveau‑nés – a contribué à l'examen scientifique du métissage et à la conclusion, selon cet indicateur, que le pourcentage d'ancêtres non caucasiens était de 31.33 % sur un échantillon prélevé dans la mutuelle privée Sindicato Médico, et de 41.59 % sur l'échantillon prélevé à l'Hôpital universitaire (Hospital de Clínicas). Ces pourcentages grimpaient à près de 50 % à Tacuarembó (une ville au nord du pays) et étaient en moyenne de 36.46 % pour l'ensemble de l'Uruguay19.

Pour ce qui est de l'ADN pratiqué sur les ossements de Vaimaca Perú, il a été possible d'identifier une série de mutations de l'haplogroupe C, présent majoritairement chez les populations amérindiennes, mais rarement présent chez les Guaranis. Cette mutation non guarani a également été repérée dans les échantillons prélevés sur les ossements provenant des cerritos (tumuli) retrouvés dans la région de Rocha (à l'est du pays) et chez un habitant actuel de la ville de Melo (au nord-est)20.

Le prélèvement de sang, visant à étudier le génome humain, a été mal accueilli par les associations de descendants qui le considèrent comme une appropriation abusive de leur patrimoine génétique, dans un but prétendument scientifique. Le prélèvement d'échantillons sur les ossements de Vaimaca Perú à des fins d'analyse a également entraîné des controverses entre l'académie et les descendants d'Indigènes qui ne voyaient pas ce travail d'un bon œil. Ce collectif a réussi à récupérer les échantillons osseux prélevés pour les études génétiques. Il a obtenu la promulgation, par le parlement uruguayen, de la Loi 17.767 de 2004, selon laquelle « Il est interdit, depuis la promulgation de la présente loi, de réaliser toute expérimentation et étude scientifique sur les restes du Cacique Vaimaca Perú »21.

La théorie de l'afflux migratoire européen qui avait enseveli l'Uruguay indigène et doté le pays d'une « unité raciale » a soudain manqué de soutien empirique, car confrontée aux évidences de la recherche scientifique sur le passé. Le projet homogénéisateur de l'État‑providence est mort suite au coup d'État de 1973, qui a suspendu l'exercice régulier de la démocratie représentative, son noyau conceptuel. Paradoxalement, les Uruguayens se vantaient toujours d'être des descendants de Galiciens, de Basques, de Juifs, d'Italiens ou d'Arméniens, tandis que le progrès social des nouveaux citoyens uruguayens voilait l'identité des Indiens et des Noirs. Les études génétiques ont montré que les habitants préhistoriques des sites archéologiques connus sous le nom de « cerritos de indios » de la Lagune Merín, le Cacique charrua Vaimaca Perú et les habitants actuels de la frontière nord et nord-est de l'Uruguay, partagent les mêmes marqueurs génétiques précis, qui les relient encore au fil du temps et font apparaître un épisode social qui n'a pas encore été bien expliqué par l'histoire nationale.

La multiplication des recherches sur les populations précoloniales s'est doublée de l'émergence, depuis 1989, de groupes de citoyens organisés en associations de descendants de Charruas et, depuis 1990, d'une coordination nationale (Conacha). Ce mouvement, d'apparence culturelle, spirituelle et moderne, comportait la revendication de la reconnaissance par l'État uruguayen d'une dette historique et politique : celle de la présence de ces populations sur le territoire bien avant l'arrivée des immigrés européens, et celle du génocide indigène. Une question que les intellectuels uruguayens s'accordaient à considérer comme dépassée. Ce génocide soigneusement oublié pendant plus de 150 ans, rejaillit sur la scène publique et fut mis sous la loupe des scientifiques. Or, ce qui est étonnamment neuf et qui engage la responsabilité de l'État uruguayen, c'est le soutien apporté par la législation internationale et sa demande croissante de reconnaissance de la diversité culturelle et des droits des peuples indigènes et de leurs descendants.

Les données du recensement de population de 2011 montrent qu'en dépit de la stigmatisation dont souffrent certaines identités depuis des siècles, 9,1 % des habitants se déclarent descendants d'Africains et 4,5 % d'Indigènes22. Cette auto-identification positive, malgré des siècles de discrimination et d'oubli actif, alimentée génération après génération par le modèle économique, par la perte de leurs terres et par leur assimilation sociale, est un indicateur qui permet d'envisager des pourcentages d'appartenance encore plus élevés.

Ossements et politique

La question posée par cette meilleure connaissance archéologique, historique et biologique des peuples originaires, se traduit sans aucun doute par le rapatriement du squelette de Vaimaca Perú, condamné à l'oubli pendant 150 ans dans une armoire du Musée de l'Homme à Paris. Le mouvement social qui réussit à réunir des appuis pour demander à la France de retourner ces restes, grandit et obtint le soutien de tous les partis politiques,  devenant une cause légitime, défendue de plein droit et essentiellement symbolique. Aucun politique n'a manqué l'opportunité de poser aux côtés du mythique « courage charrua »23, représentatif des populations rurales et des quartiers périphériques marginalisés, soit une part nullement négligeable de l'électorat.

On peut se demander ce que font les personnes avec les ossements ; et aussi ce que font les ossements avec les personnes et rappeler que les morts se battent pour défendre leur souveraineté, assujettie au gouvernement des vivants24. Les cadavres des personnages politiques font l'objet d'investissements matériels et symboliques et prennent leur place au sein de rapports complexes de pouvoir. Chaque régime politique définit des politiques qui cherchent à soumettre l'ordre social des vivants au pouvoir des morts. Vaimaca Perú représentait le courage, l'authenticité et la liberté : une contribution insoupçonnée à la restauration de l'identité uruguayenne.

Le philosophe de l'histoire Eeco Raina25 souligne que les morts agissent sur nous, par leur charge affective, depuis et à travers le passé. Le passé est aussi un recours fétichiste qui produit des récits visant à créer des continuités au fil du temps. Un mouvement du passé peut être révolutionnaire, il peut faire irruption en changeant la signification des choses26. Le passé est présent dans les restes osseux de ce cacique et dans les lieux de mémoire, comme le lieu du massacre sur les rives de la rivière Salsipuedes, les sites archéologiques ou le Panthéon national, qui contribuent métaphoriquement au transfert du sens, sont porteurs d'histoire et peuvent être visités dans le cadre de commémorations et de rites politiques.

Pour Verdery27, la vie politique des corps morts dépend d'opérations symboliques et de représentations politiques. L'anthropologie, qui souligne l'activité politique des morts, s’appuie aussi sur les discours, les cérémonies de commémoration et la matérialité que connote ou dénote le cadavre. Elle analyse le symbolisme des représentations, mais reste aussi attentive à la culture matérielle qui l'induit. Les tombes et leurs remodelages sont l'occasion pour les vivants de rénover, de construire et de réaffirmer leurs relations sociales : les corps des morts ont la force sociale nécessaire pour « charmer » la politique, et rendre présent le passé. Certains morts, en tant que sujets et objets politiques, ont du pouvoir et agissent comme instruments. C'était le cas de Vaimaca Perú. La matérialité de son corps tout comme son  héritage spirituel peuvent orienter la politique.

L'utilisation des os des chefs historiques aide à comprendre la politique, ses stratégies et son fonctionnement au sein d'un système culturel. Elle permet de saisir les significations sociales et d'en expliquer les sources. La rationalité moderne vise à légitimer la composition et le sens de l'univers, mais ce sont les mythes et les pratiques rituelles qui resserrent les liens entre les vivants et les morts. Les politiques appliquées aux corps morts réécrivent l'histoire et proposent de nouvelles segmentations temporelles. Les ossements sont des véhicules symboliques dont l'efficacité découle de leur manipulation et de leur matérialité, faisant qu'un passé glorieux puisse séduire au présent28. Or, la force des morts réside toujours dans l'ensemble des différentes significations qui leur sont attribuées.

Les dimensions humaines, affectives et subjectives, viennent s'inscrire dans un processus symbolique complexe qui trouve dans la politique un espace continu de lutte pour définir des contenus et des sens29. Les corps morts deviennent les protagonistes stratégiques dans l'articulation de ces deux aspects de la vie sociale. Les corps et les ossements relèvent d'une dimension culturelle au sens anthropologique du mot, puisqu'ils permettent de faire ressortir les transformations politiques et d'évoquer une multiplicité de valeurs.

L'État uruguayen a donné suite aux demandes transmises par le parlement national et engagé la procédure auprès des autorités françaises pour faire rapatrier les restes du Cacique Vaimaca Perú. La cérémonie du retour a été hautement symbolique pour l'État : les restes ont été accueillis en présence des ministres de l'Education, de l'Agriculture, des Affaires étrangères et de la Défense. Le gouvernement s'est dit que cet acte symbolique ne l'obligeait nullement à reconnaître des droits sociaux ou à satisfaire d'autres demandes plus concrètes de « réparation ». Mais il se trompait, car du point de vue symbolique, voire politique, cet acte était non seulement la reconnaissance publique irréversible que méritaient le Cacique et les descendants d'Indiens, mais également une réparation que tous les Uruguayens considéraient comme juste, surtout compte tenu du traitement infâme imposé à cet Indien mort en exil.

L'un de ces ministres a prononcé un discours touchant pour accueillir les restes du Cacique. Il a utilisé l'expression « misiajalaná », dont il croyait qu'elle signifiait en langue charrua plus ou moins « bienvenu » ou « pour toujours ». Mais apparemment le ministre n'était pas bien conseillé car selon l'étude de Maruca Sosa30 « misiajalaná » veut dire, « ne me dérange pas ! » et fait là encore la preuve d'une grande confusion.

Ancestralité et patrimoine indigène

L'ancestralité en tant que stratégie d'étude de la filiation de la population visait à apporter une solution aux problèmes d'identification de l'origine et des droits des collectifs affectés par des asymétries historiques. La récupération des données anthropologiques (archéologiques, ethnographiques, historiques, biologiques) grâce aux recherches scientifiques sur les populations natives a représenté une voie d'accès efficace vers la connaissance du passé indigène. Depuis 1986, le ministère de l'Education et de la Culture et l'Université de la République, ainsi que certains musées de province ont mené différents travaux de recherche archéologiques et anthropologiques. Le patrimoine culturel de la nation s'est enrichi suite aux nouvelles informations culturelles et territoriales qui ont été largement diffusées auprès du public, notamment dans les départements concernés par ces recherches (Rocha, Tacuarembó, Salto, Colonia, Artigas). C'est dans ce contexte qu'un ensemble de « cerritos de indios » de la localité India Muerta, visités en 1989 par le Président Julio Sanguinetti, furent déclarés en 2009 Monument historique national par la Commission nationale du patrimoine culturel31, ce qui a constitué un fait historique sans précédent. Les connaissances archéologiques récentes contredisent les stéréotypes traditionnels de primitivisme des peuples autochtones et ont permis de revaloriser leur contribution à la culture nationale32.

Le patrimoine culturel indigène a également bénéficié de la protection et de la récupération par les collectifs de descendants des coutumes, de la langue, des valeurs symboliques, etc. Il y a eu d'une part le retour aux sites archéologiques « sacrés », et d'autre part, la commémoration régulière in situ des événements sanglants de Salsipuedes (Fig.3).

Cet investissement affectif des sites de mémoire s'associe tant à l'évocation d'un passé glorieux qu'au souvenir d'un massacre qui reste impuni. Il existe un patrimoine immatériel indigène encore vivant, en particulier la légende de la petite indienne qui a survécu à la tuerie de Salsipuedes, et qui a été baptisée Floraida Aires33. Un autre exemple est le rite d'exposer les nouveau-nés au clair de lune, une cérémonie encore pratiquée aujourd'hui dans le département de Tacuarembó. Ces exemples et ces pratiques rituelles, ainsi que les sentiments qui s'y associent, sont transmis par les arrière-grands-parents et grands-parents qui étaient les arrière-petits-enfants et petits-enfants de ces Indiens ancestraux.

Commémoration des événements sanglants de Salsipuedes

Cérémonie des descendants d'indigènes sur le site du génocide de Salsipuedes.

Les tests d'ADN ont éveillé la curiosité des descendants, qui ont été nombreux à se soumettre volontairement à des essais biologiques34. La dénomination élégante d'ancestralité est venue remplacer la notion incorrecte, utilisée abusivement, de « race ». Le nouveau terme fait référence à une origine démographique commune et biologiquement particulière, vu l'isolement géographique relatif et/ou l'autonomie culturelle sur des périodes historiques prolongées. On a constaté l'existence de marqueurs génétiques qui prouvent des distances relativement importantes (géographiques et temporelles) entre les différentes populations autochtones. Par ailleurs, ces informations commencent à être croisées avec celles apportées par la linguistique et l'ethnographie. Il convient à cet égard de rappeler le texte rédigé par Claude Lévi Strauss35 pour l'Unesco, dans lequel il souligne les dangers qui résultent du mélange des notions de race et d'histoire. Les scientifiques doivent toujours expliquer au public que les études biologiques et scientifiques sur les ancêtres ne permettent pas d'affirmer l'existence d'un ADN charrua, ni celle d'un ADN uruguayen.

Au sujet de l'ancestralité et de l'existence d'une identité et/ou d'une communion d'origine, il y a aussi un niveau d'analyse émique, modelé sur la dialectique des luttes sociales et des conflits de classe. Une étude récente postule l'existence de plusieurs voies d'accès au « devenir charrua » : notamment, la voie généalogique (conçue comme mémoire familiale), la tradition orale (liée aux régions, aux peuples et aux groupes humains), la voie spirituelle (récupération de concepts et de valeurs associés à une nouvelle conception du monde) et la voie écologique (récupération de valeurs et de pratiques liées à un mode différent de rapport à la « mère nature »)36. Cette construction d'une identité sociale fondée sur une ancestralité anthropologiquement certifiée est aussi et surtout un acte d'exercice de la liberté individuelle et du droit citoyen.

Les informations biologiques accordent une légitimité à un lignage humain, même si les contingences culturelles lui sont totalement indépendantes. L'anthropologie biologique, qui a rassemblé une carte de population jusqu'alors dispersée, a contribué à rendre visible un groupe humain qui vient de la lointaine préhistoire, traverse le passé récent et arrive aujourd'hui à l'Uruguay rural. La reconstruction archéologique, historique et ethnographique a apporté une plus grande résolution au panorama des groupes indigènes et permis d'interpréter ces données dans le cadre de chronologies et de distances culturelles bien plus fiables. Les archéologues ont tiré les Indiens de leur isolement et du primitivisme officiel et les ont intégrés à l'éducation et à la culture comme ayant organisé des « sociétés complexes », porteuses de stratégies économiques originales, habiles bâtisseuses de monuments et créatrices d'innovations technologiques, soit une image bien plus intéressante, tant pour leurs descendants que pour l'ensemble de la nation37.

La gestion du patrimoine culturel indigène représente un domaine indépendant qui régit et module les tensions entre les imaginaires des Indigènes, ceux des scientifiques et celui de l'État national. La gestion publique du patrimoine indigène ne parvient pas à mettre en valeur la diversité culturelle autochtone de notre pays. Elle transmet toujours des prototypes européanisés aliénants, chargés de préjugés, qui excluent les descendants d'Indiens de l'accès au patrimoine culturel de leurs ancêtres. Les musées nationaux, dans le sillon d'une longue période de décadence, semblent paradoxalement risquer « l'extinction ». La spoliation des sites archéologiques s'est transformée en sport sous le regard ingénu des autorités publiques et des collectivités locales. Le patrimoine historique de l'Uruguay est culturellement divers et, cependant, le principal souci des institutions publiques spécialisées est de protéger les expressions architecturales, l'art occidental ou les sites liés à l'histoire politique. Le patrimoine culturel indigène, qui est en quelque sorte le « phénotype étendu » de la diversité culturelle native, dort encore de son sommeil uruguayen. Il est exposé d'une manière pathétique et marginale dans les rares musées « indiens »  demeurés ouverts sur le territoire national.

Or, il est vrai que de timides politiques publiques ont été entreprises en matière de patrimoine culturel de nos ancêtres indiens, et qu'une grande partie de la population uruguayenne est naturellement attirée par les stéréotypes positifs qu'évoquent les Indiens de l'époque glorieuse. Il suffit de parcourir la province uruguayenne pour constater des noms indiens de magasins et de nombreux habitants. Les manifestations artistiques traduisent elles aussi cette sensibilité à l'égard des Indigènes, qu'il s'agisse des œuvres plastiques excellentes de Rimer Cardillo et de ses installations sur les cerritos de indios, des monographies des étudiants de l'École des Beaux-Arts, ou d'un grand nombre d'expressions populaires variées (Fig.4).

Le vieux/nouveau sport consistant à collectionner des objets des Indiens, avec ses effets catastrophiques sur la richesse culturelle nationale, est encore une manifestation claire de l'appropriation indue de ces objets et de l'usurpation de ce passé.

Fresque murale représentant des indigènes

Fig. 4 : Fresque murale dans la ville de Castillos  (département de Rocha).

L'ancestralité ne s'épuise pas dans la tache mongolique ni dans l'ADN. Et le patrimoine historique et culturel n'est pas constitué des seules cérémonies solennelles des institutions publiques. L'appropriation sociale, la récupération, la conservation et la recréation du patrimoine culturel indigène que défendent les associations de descendants demeurent très importantes. Les échanges entre les archéologues, les anthropologues et les associations de descendants sont aussi particulièrement fructueux.

Discussion et conclusions

Nous ne croyons pas en la détermination biologique des sujets sociaux. Nous ne pensons pas que la continuité sociale, historique et culturelle puisse être prouvée génétiquement. La valeur des données de l'anthropologie biologique et de la génétique, permet de contester la prétendue « extinction indigène » et de certifier la réalité du métissage. Les Indiens n’ont pas disparus, ils n'ont pas été ensevelis. Ils sont simplement devenus Uruguayens.

Examinée dans cette perspective, l'attitude de l'État uruguayen a été très ambiguë à l'égard de ses ressortissants d'origine indigène. D'une part, bien que l'État ait encouragé la recherche culturelle et biologique sur les peuples originaires et appuyé le rapatriement des restes du Cacique Vaimaca Perú, qui ont été inhumés au Panthéon national, il a d'autre part refusé de reconnaître la présence de ces peuples sur le territoire bien avant l'arrivée des colonisateurs, ainsi que le droit à l'identité des descendants du génocide. Un refus apparemment fondé sur ses limites budgétaires devant d'éventuelles demandes de réparation. L'État uruguayen s'est montré solidaire et a reconnu les génocides arménien et juif, ainsi que les crimes de lèse humanité du passé récent commis en Uruguay, mais n'a pas reconnu le génocide des Charruas et des Minuanes commis en 1833, et ce, bien qu'il concerne un nombre important de ses habitants.

Le système politique et l'ensemble des composantes de l'État ont appuyé le rapatriement du Cacique charrua, mais ils reculent systématiquement dès qu'il s'agit de reconnaître le génocide indigène.  L'État uruguayen peut se rendre responsable d'un délit permanent de négation de ce génocide, alors que certains descendants de Charruas disent être des parents des aïeux assassinées et/ou de disparus politiques pendant la dictature38. En 2014, l'État uruguayen a dû reconnaître, sous la pression de la Cour interaméricaine des droits de l'homme, sa responsabilité dans la mort d'une citoyenne argentine en Uruguay pendant la dictature militaire. Cependant, la reconnaissance du génocide indigène, qui entraîne un positionnement éthique et symbolique similaire, au sujet cette fois de l'histoire de notre propre nation, reste inaccomplie.

Le déni du génocide a renouvelé sa stratégie discursive en faisant valoir la fausse dichotomie entre Charruas et Guaranis. Il s'agit d'une fausse opposition sur la contribution relative de chacun de ces deux groupes ethniques à la conformation nationale. Derrière cette fausse opposition persistent les préjugés qui accordent aux Guaranis une meilleure réputation, car rapidement christianisés, hispanophones, bons soldats et ouvriers obéissants des estancias, alors que les Charruas et les Minuanes étaient disposés à résister plutôt qu'à abandonner leurs terres. Il est toutefois clair que l'État uruguayen n'a pas garanti aux Guaranis un traitement différent de celui réservé au reste des Indiens « sauvages ». L'abandon par l'État uruguayen au profit du Brésil de sept villages situés en amont du fleuve Uruguay, entraîna en 1829 le déplacement organisé des populations guaranis et la fondation des villages de Bella Unión (département d'Artigas), San Borja del Yí (département de Florida) et San Servando (département de Cerro Largo), pour garder les limites du nouvel État. Ces villages, véritables réservoirs de lanciers pour l'armée uruguayenne, furent condamnés à la pauvreté et à l'oubli. Et ceux qui continuaient de parler guarani, les derniers Uruguayens à le faire, étaient qualifiés de l'adjectif péjoratif de « guarango » (imbécile).

La Déclaration des droits des peuples autochtones de 2007 a été signée par l'État uruguayen. En 2009, suite à l'examen périodique universel des Droits de l'homme par les Nations Unies, celles-ci ont demandé à l'Uruguay de reconnaître le génocide indigène de 1833, ce que l'État n'a pas fait. La Déclaration 169 de l'Organisation Internationale du Travail de 1989, qui consacre les droits relatifs au travail, à la terre et à la culture, n'a pas non plus été ratifiée par l'Uruguay39. Les hauts fonctionnaires uruguayens déclarent leur bonne volonté, mais craignent des réclamations économiques extrêmement élevées. En 2014, M. Almagro, alors Ministre des affaires étrangères, a fait savoir que l'Uruguay devait souscrire la Déclaration n° 169 de l'OIT40. Mais c'était une simple manifestation personnelle sans conséquences.

Le génocide indigène a entraîné l'extermination des hommes, la dissémination des femmes et des enfants, la perte de l'existence autonome de ce peuple en tant qu'entité culturelle, la confiscation de ses animaux et de ses terres et la subordination de ce groupe social à la société de classes. Cette question touche à la liberté et à l'éthique, au droit à la diversité culturelle, à l'histoire et à ses différentes branches. Reconnaître l'Indien au sein de la réalité uruguayenne et non au dehors, comme on l'a fait jusqu'à maintenant, pourrait être la clé d'une nouvelle stratégie, plus conforme à la réalité de la population. Les politiques relatives au patrimoine culturel peuvent intégrer, démocratiser, rendre justice et qualifier cette mémoire dans le sens de l'histoire. Si les Indiens morts à Salsipuedes sont des disparus, leurs descendants ont éprouvé le besoin de réapparaître, comme un acte de réparation, de mémoire historique et de justice sociale. Il faut que l'État uruguayen prenne en charge les différentes versions possibles de la construction des identités post-ethniques de ses citoyens. Il accepte sans objection la double nationalité des Hispano-, Luso-, Franco- et Italo-Uruguayens, mais doit à présent reconnaître le droit des descendants d'Indiens uruguayens à s'identifier en tant que tels, comme c'est le cas depuis longtemps dans les pays du nord de l'Amérique du Sud.

Qu'’il s'agisse d'une résurgence culturelle, d'une ethnogenèse, d'un mouvement social ou du besoin d'une preuve anthropologique d'ethnicité, tels sont les termes d'un débat qui reste ouvert. Cette construction identitaire néo-indigène a mûri silencieusement au sein de la lutte des classes, où le pouvoir et la position subalterne se doublent de la fédération des démunis. C'est ainsi que s'est construit un cercle vicieux entre identité ethnique et subalternité sociale. Il était pauvre parce qu'Indien, et Indien parce que pauvre. Le traitement de cette question par les intellectuels et la gauche uruguayenne a mis en évidence un vide idéologique profond.

Différents théoriciens ont reconnu le rôle des sociétés indigènes dans les asymétries structurelles de la société latino-américaine post-coloniale41. Mais notre histoire, encore très montévidéenne et européenne, frôle la surdose de héros politiques et une nette insuffisance d'Indiens. La question indigène est une question à la fois historique, culturelle, politique, économique et d'exclusion sociale. Mais c'est avant tout la question éthique d'un système politique et d'un État toujours immature, qui reconnaît le droit au changement de l'identité sexuelle, sans toutefois admettre les circonstances légales, sociales et culturelles qui découlent du sang indigène.

L'émergence des nouvelles identités semble avoir été encouragée par les recherches sur le passé indigène, mais ces identités impliquent une manière différente de concevoir le monde et la nature. Elles revendiquent surtout une mémoire familiale que l'État se doit de respecter. Dans le nouvel agenda des droits, l'auto-identification en tant que descendant d'Indien fait partie du libre exercice de la citoyenneté. Mais, pour être exact, il faut avouer que cette citoyenneté post-nationale uruguayenne n'a rien d'original, car elle ne fait que réclamer, comme dans bien d'autres pays en Amérique latine, le droit à la mémoire, à l'histoire indigène et à la vérité.

Ce texte a été traduit de l'espagnol par Ana Guarnerio et la révision assurée par Clara Duterme et Ariela Epstein.

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1

Mes remerciements à Mónica Michelena, Gerardo Sosa, Gabriel Gatti, Mónica Sans, Elisabeth Anstett et Gustavo Verdesio, ainsi qu'aux lecteurs anonymes qui ont aidé à rendre possible la présente étude.

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2

Anonyme, « Partes de la jefatura de Montevideo », El Tranvía. nº 254, 2014, p. 15.

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3

Rafael Suárez, José López Mazz, « Archaeology of Pleistocene/Holocene transition in Uruguay », in Quaternary International, vol. 109, n° 119, 2003, p. 65-76.

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4

Gustavo Verdesio, « Un fantasma recorre el Uruguay : la reemergencia charrúa en un país sin indios », in Cuadernos de literatura, vol. 18, nº 36, 2014, p. 86‑107.

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5

La rencontre internationale intitulée « Sangs politiques », qui s'est tenue à Montevideo en décembre 2016, en est un bon exemple.

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6

L'armée uruguayenne a usé d'un stratagème pour rassembler et massacrer les derniers contingents d'Indiens.

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7

Eduardo Neves, « A arqueologia da Amazônia Central e as classificações », in E. Pereira et V. Guapindaia, (dir.), Arqueologia Amazônica, vol. 2, Belém, Museu Paranaense Emilio Goeldi, 2010, p. 54-71.

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8

Eduardo Acosta y Lara, La guerra de los charrúas, Montevideo, Monteverde, 1976.

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9

Diego Bracco, Güenoas, Montevideo, Instituto del Libro, 1996.

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10

Raúl Abadie, Héctor Zarrilli, Libro 3ero de Lectura, Montevideo, Edición Oficial,1927.

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11

Josè López Mazz, « Las estructuras monticulares de las tierras bajas de Uruguay », in Latin American Antiquity, vol. 12, 2000, p. 231-251.

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12

José López Mazz, Federica Moreno, Robert  Bracco, Roberto González, « Perros prehistóricos en las tierras bajas de Uruguay, contextos e implicaciones culturales », in Latin American Antiquity, 2017, p. 1-15.

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13

Diego Bracco, Guenoas. Instituto del Libro, Montevideo, MEC,1996.

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14

Aurelio Porto, Historia das Missões Orientais do Uruguai, Porto Alegre, Livraria Selvach, 1954.

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15

José López Mazz, Diego Bracco, Minuanes, Montevideo, Linardi y Risso, 2011.

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16

Alejandra Olivera, Devenir Charrúa, Université de Lausanne, 2016.

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18

Bernardo Bertoni, Mónica Portas, Mónica Sans, « Relaciones morfologías de las sociedades prehistóricas del Uruguay », in A. Durán, R. Bracco, (dir.), Arqueología de las Tierras Bajas, Montevideo, MEC, 2000, p. 2-19.

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19

Mónica Sans, M. Federico Mañé Garzón, René Kolski, « Frecuencia de la mancha mongólica en recién nacidos de Montevideo », Archivo de Pediatría del Uruguay, n° 57, 1986, p. 149.

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20

Mónica Sans, « Raza, adscripción étnica y genética en Uruguay », in RUNA, vol. 30, Buenos Aires, UBA, 2010, p. 163-174.

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22

Institut national des statistiques, Datos del censo 2011.

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23

Mythe populaire selon lequel les succès remportés par le football uruguayen seraient le résultat du courage hérité des indiens charruas.

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24

Fynn Stepputat, Governing the Dead, Manchester University Press, 2014.

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25

Eeco Runia, Mouved by the Past, New-York, Columbia University Press, 2014.

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26

Eeco Runia, Mouved by the Past, New-York, Columbia University Press, 2014.

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27

Kathelyn Verdery, The Political Lives of the Dead Bodies, New-York, Columbia University Press, 1999.

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28

Kathelyn Verdery, The Political Lives of the Dead Bodies, New-York, Columbia University Press, 1999.

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29

Kathelyn Verdery, The Political Lives of the Dead Bodies, New-York, Columbia University Press, 1999.

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30

Raúl Maruca Sosa, Tierra Charrúa, Montevideo, 1957.

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31

Commission nationale du patrimoine culturel, Declaratoria de Monumento Histórico Nacional al conjunto de cerritos de la zona de India Muerta, n° 821, 2008.

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32

Roberto Bracco, Leonel Cabrera, José López Mazz, « La prehistoria de la cuenca de la Laguna Merín », in A. Durán et R. Bracco (dir.) Arqueología de las Tierras Bajas, Montevideo, Ministère de l'éducation et de la culture, 2000, p. 13-38.

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33

Jorge Femenías, Leonel Cabrera, La historia de Floraida Aires, com, pers, 1991.

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34

Mónica Michelena, entrevista, 2017.

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35

Claude Lévi Strauss, Raza y Cultura, Madrid, Teorema, 1996.

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36

Alejandra Olivera, Devenir Charrúa, Université de Lausanne, 2016.

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37

Josè López Mazz, « Las estructuras monticulares de las tierras bajas de Uruguay », in Latin American Antiquity, vol. 12, 2000, p. 231-251.

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38

Martín Delgado, « Violaciones históricas de los Derechos Humanos de los pueblos originarios de Uruguay », in E. Rodríguez, M.E., G.Verdesio, (dir.), Re-emergencia indígena en los países del Plata, Table ronde de la Réunion de l'Association des études latino-américaines, Montevideo, Faculté des sciences sociales, 2017.

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40

Gustavo Verdesio, « Un fantasma recorre el Uruguay : la reemergencia charrúa en un país sin indios », Cuadernos de literatura, vol. 38, n° 36, 2014, p. 86-107.

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41

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Mónica Michelena, Entrevista, 2017.

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