Transformations d’une fête soviétique
En Russie, les festivités pour commémorer le 75e anniversaire de la victoire sur l’Allemagne nazie devaient prendre une ampleur inédite avec, entre autres, un défilé militaire impressionnant sur la Place rouge à Moscou et l’ouverture d’un nouveau mémorial près de la ville de Rjev, dominé par une énorme statue, pour commémorer les près de 400 000 soldats de l’Armée rouge morts dans cette région en 1942-1943. En raison de l’épidémie de Covid-19, tout ce programme a été reporté à une date ultérieure. Aleksandr Loukachenka, président du Bélarus voisin, a quant à lui décidé de ne pas annuler son propre défilé militaire, qui aura lieu à Minsk le 9 mai, Jour de la Victoire. L’importance symbolique de cette date reste énorme pour les sociétés post-soviétiques. Cette date constitue une bonne occasion pour revenir sur l’histoire complexe du Jour de la Victoire et des transformations qu’il a subi depuis 1945 en Union soviétique puis dans les États qui lui ont succédés1.
Représentation du futur mémorial de Rjev
Fêter la victoire de l’Armée rouge
Le 8 mai 1945, le carnage n’a pas encore touché à sa fin. En Asie, la guerre bat son plein. En Europe, l’offensive de Prague est en cours, les affrontements continuent en Yougoslavie et les Îles Anglo-Normandes ne seront libérées que le lendemain. De Moldavie jusqu’en Estonie, les forces soviétiques mettront plusieurs années à éliminer les partisans anticommunistes.
C’est cependant à cette date que l’acte de capitulation de l’Allemagne est signé à Berlin. L’acte de reddition militaire paraphé la veille à Reims n’avait pas satisfait Staline, insistant pour que la fin de l’empire nazi soit scellée dans sa capitale prise par l’Armée rouge, devant son plus célèbre commandant, le maréchal Joukov. La capitulation entre en vigueur le 8 mai à 23h01, soit le 9 mai, heure de Moscou : voilà pourquoi le Jour de la Victoire sera célébré le 8 mai en Europe occidentale et le 9 en Union soviétique comme dans ses États satellites. Quant au début de la guerre, il est daté au 22 juin 1941, date de l’agression nazie contre l’Union soviétique. À l’intérieur de l’URSS on commémore donc la « Grande Guerre patriotique » de 1941-1945 et non la « Seconde Guerre mondiale ».
Le statut de cette date va pourtant subir des changements, aussi bien en URSS qu’en Europe de l’Est, où le calendrier festif n’est pas soviétisé partout de manière homogène. À Moscou et à Varsovie, les dirigeants communistes décident dès le 8 mai 1945 de déclarer le lendemain fête d’État. En Roumanie, le 9 mai remplace le Jour de la monarchie, célébré auparavant le 10 mai2. Moins de deux ans plus tard, Staline signe cependant un décret réorganisant les jours fériés en Union soviétique, qui fait perdre au 9 mai son statut de jour chômé au profit du 1er janvier3 – le Jour de la Victoire sur le Japon, le 3 septembre, subit le même sort. En Pologne, le Jour de la Victoire est exclu de la nouvelle liste des jours chômés promulguée en 19514. Cette dernière voit en revanche réapparaître certaines fêtes religieuses et d’autres liées à l’histoire nationale, supprimées du calendrier officiel depuis 1946. Cette même année la Tchécoslovaquie déclare toutefois le 9 mai, Jour de la libération du fascisme, seule fête d’État et jour chômé5.
Les transformations de ce genre ne sont pas propres au monde soviétique. En France, le statut du 8 mai subit également plusieurs modifications dans l’après-guerre : les commémorations étant d’abord fixées au dimanche suivant le 8 mai (à moins que cette date ne tombe sur un dimanche), ce n’est qu’en 1953 que le 8 mai devient un jour férié. Il perd son statut de jour chômé en 1959 dans le cadre d’une réforme qui chercher à limiter les jour fériés, avant d’être rayé du calendrier officiel par Valéry Giscard d’Estaing en 1975 pour souligner la réconciliation franco-allemande puis réintroduit comme jour férié par François Mitterrand en 19816. En URSS comme en Pologne et dans les autres pays socialistes, ce changement de statut ne signifie pas la fin des commémorations. Le Jour de la Victoire s’inscrit en effet dans la tradition des fêtes d’État socialistes, rigidement contrôlées même quand les discours et les défilés se doublent de fêtes populaires7.
Dans les États-satellites, le 9 mai sert surtout à exprimer l’amitié avec l’Union soviétique et la gratitude envers son armée, encore présente sous forme de chars et de casernes mais aussi de manière symbolique : les nombreux monuments aux morts de l’Armée rouge servent d’arrière-plan à des cérémonies aussi bien commémoratives que politiques en présence de représentants de l’URSS.
À l’intérieur de l’Union soviétique, cette fonction est tout aussi importante. Le Jour de la Victoire est marqué chaque année par des salves d’honneur qui ont lieu non seulement dans les « villes héros » (Léningrad, Odessa, Sébastopol, Stalingrad), mais aussi à Kaliningrad et à Lviv, chefs-lieux de régions frontalières acquises au cours du conflit. Les discours officiels soulignent la continuité entre l’effort de guerre soviétique et la politique internationale de Staline depuis lors. Cette dimension géopolitique se double d’une fonction pédagogique focalisée pour l’essentiel sur l’armée : c’est l’occasion de discours, de cérémonies ou d’événements sportifs visant à faire de la propagande pour l’armée soviétique, ses dirigeants et leurs prédécesseurs prérévolutionnaires, à destination de la jeunesse et des nouvelles recrues. Au centre des commémorations sont placés quelques héros exemplaires, choisis parmi les millions de morts pour intégrer le panthéon soviétique en tant que martyrs pour la cause communiste et patriotique. Il s’agit surtout de jeunes résistants, comme Zoïa Kosmodemianskaïa, pendue par les Allemands et devenue une sorte de Jeanne d’Arc russe, le Biélorusse Marat Kazeï, qui, âgé de 14 ans, se fait exploser au lieu de se laisser tuer au combat, ou encore les membres du groupe de résistants « Jeune garde » dans la ville ukrainienne de Krasnodon, immortalisés par l’écrivain Aleksandr Fadeïev dans son roman éponyme paru en 19468.
De ce point de vue, le Jour de la Victoire s’inscrit dans un calendrier qui comprend d’autres fêtes militaires célébrées avec une semblable ferveur, comme le Jour de l’armée soviétique et de la marine de guerre, le Jour du tankiste ou encore celui de l’Armée de l’air. Dans l’après-guerre, le Jour de la Victoire n’est donc principalement ni une fête des anciens combattants, ni une commémoration des morts, ni une fête nationale, mais bien une fête de propagande politico-militaire. Au niveau local, ce sont souvent les unités militaires ou les bureaux de recrutement et d’instruction qui sont chargés d’en organiser le programme. Une attention particulière est accordée à la périphérie de l’Union soviétique, surtout aux régions occidentales comme les pays Baltes, la Biélorussie (Bélarus) et l’Ukraine : ici, les cérémonies, expositions et autres manifestations commémoratives sont censées soviétiser ou re-soviétiser les populations qui ont subi l’occupation, et associer exclusivement à l’Armée rouge et à l’URSS la mémoire de la résistance anti-allemande.
Toutes les pratiques commémoratives ne s’inscrivent cependant pas dans les plans de propagande du parti. En dehors des grands projets mémoriaux, comme les monuments ou les musées dans les capitales républicaines (par exemple l’énorme statue de Staline à Erevan inaugurée en 1950 et officiellement nommée Monument de la Victoire9), l’armée jouit d’une certaine autonomie dans la commémoration de ses morts. En URSS comme dans les pays à présence soviétique, les monuments – inaugurés d’habitude le 9 mai – sont souvent projetés et construits par les officiers du génie militaire, voire par de simples habitants : proches survivants, paysans biélorusses, rescapés juifs, etc. Certes, certains de ces musées ou monuments finiront par être modifiés, remplacés ou détruits faute de conformité aux directives officielles10, mais le contrôle n’est pas systématique. S’ajoutent à cela les traditions religieuses de commémoration des défunts, qu’a fait ressurgir l’atténuation des répressions anticléricales pendant la guerre. Enfin, les anciens combattants commencent à leur tour à s’approprier la date du 9 mai, et organisent des réunions informelles, des rencontres dans les écoles ou usines, ou encore des visites guidées sur les champs de bataille11.
Ces pratiques ne disparaissent pas pendant le dégel khrouchtchévien, mais elles sont éclipsées par le culte renouvelé de la révolution d’Octobre et la nouvelle vision progressiste galvanisée par les exploits des cosmonautes et physiciens soviétiques. Le débat (assez pudique et mené à huis clos) sur les répressions politiques des années précédentes jettent de l’ombre sur Staline, jusque-là symbole principal de la Victoire. La propagande autour de la victoire soviétique n’en continue pas moins à jouer un rôle important à l’étranger – en témoignent les manifestations chorégraphiées dans les États satellites, mais aussi la popularité de récits comme La Chaussée de Volokolamsk [Volokolamskoe šosse] (1943) d’Aleksandr Bek à travers le monde, d’Israël jusqu’à Cuba12. En URSS, pendant les deux décennies entre 1945 et 1965, les commémorations locales se développent surtout dans les régions directement touchées par la guerre, en particulier en Ukraine et en Biélorussie, dont les dirigeants cultivent le souvenir des partisans.
Le culte brejnévien de la Grande Guerre patriotique
La revalorisation du Jour de la Victoire est en effet d’abord un projet ukrainien. En novembre 1964, Petro Chelest, dirigeant du parti communiste d’Ukraine, est élu membre de la présidence du Comité central à Moscou en récompense de l’appui qu’il a donné à la destitution récente de Nikita Khrouchtchev. L’une de ses premières propositions est de redonner au 9 mai son statut de jour chômé pour séparer du 1er mai les défilés militaires mais aussi les pratiques commémoratives comme par exemple l’entretien des tombes et des monuments aux morts13.
Les nouveaux dirigeants soviétiques autour de Léonid Brejnev, Mikhaïl Souslov et Alexeï Kossyguine se saisissent de sa proposition avec enthousiasme. D’un côté, ils cherchent à rappeler aux occidentaux et surtout aux « revanchards » ouest-allemands les sacrifices de l’URSS, tout en affirmant sa puissance militaire en pleine Guerre froide, dans une conjoncture marquée par l’émergence du mouvement non-aligné. Ainsi, le 9 mai 1965, lorsque, pour la première fois, une parade militaire a lieu sur la Place Rouge, les invités étrangers sont à l’honneur, et la veille, le discours de Brejnev porte davantage sur la situation internationale que sur l’histoire de la guerre. D’un autre côté, dans une Union soviétique secouée par une série d’émeutes locales autour de questions sociales, les leaders du parti sont soucieux de relâcher la pression sur les classes laborieuses en ajoutant deux nouveaux jours chômés au calendrier : le Jour de la Victoire et la Journée internationale des femmes du 8 mars14.
Enfin, ce changement répond aussi à un souci de réaffirmer la légitimité du système : le 7 novembre reste la fête politique principale, mais la révolution d’Octobre qu’elle commémore est déjà trop distante, et trop peu présente dans la mémoire des simples Soviétiques, pour pouvoir à elle seule générer la loyauté requise – d’autant qu’il n’en reste que peu de protagonistes parmi les figures de proue du parti. La Grande Guerre patriotique, quant à elle, a touché chaque famille soviétique. Vingt ans plus tard, elle reste fraîche dans la mémoire, et les anciens combattants, qui sont nombreux à avoir assumé des positions de responsabilité, se font volontiers fêter par les nouvelles générations. Les éléments de commémoration développés localement sont repris et incorporés dans un culte de la Grande Guerre patriotique de plus en plus homogénéisé à travers le territoire. Le Jour de la Victoire devient une fête nationale du peuple soviétique.
Ce faisant, le culte de la guerre se transforme. À l’époque stalinienne, l’héroïsme collectif du peuple soviétique et surtout des Russes était mis en avant. Désormais, la commémoration rappelle la contribution de telle ou telle région, ville ou usine. Elle s’urbanise, aussi. Grâce à l’aubaine des hydrocarbures, l’Union soviétique devient une société de consommation. Les banlieues résidentielles se multiplient, avec de nouveaux monuments et des odonymes qui renvoient à des héros de guerre. Pour ne citer qu’un exemple parmi des milliers, la petite ville de Touchino, près de Moscou, est annexée à la capitale en 1960 ; en 1965, lors de la construction de nouvelles artères, celles-ci sont nommées en l’honneur des « Héros de la division Panfilov », qui avaient bloqués l’avancée allemande dans ce secteur, et de Klavdiïa Fomitcheva, célèbre aviatrice et pilote de combat.
Éloignés et aliénés des zones rurales et forestières où avait eu lieu la plupart des affrontements, les nouveaux résidents des villes redécouvrent les champs de bataille en tant que lieux touristiques. Le Jour de la Victoire est l’occasion de remercier les vétérans d’avoir rendu possible la vie paisible et le bien-être des jeunes générations. Les réunions avec les anciens combattants pour leur remettre des fleurs et écouter leurs récits hautement aseptisés font désormais partie du programme obligatoire de chaque élève soviétique. En même temps, le 9 mai devient la date où l’on visite les cimetières ou l’on se réunit en famille pour commémorer les morts, mêlant ainsi les rites religieux, voire païens, aux nouvelles traditions soviétiques.
Le Jour de la Victoire s’inscrit par ailleurs dans un calendrier festif modifié : depuis les années 1960 se multiplient les fêtes spécialisées comme la Journée des cosmonautes ou celle du pêcheur, mais aussi celles qui reprennent dans un cadre soviétisé des éléments de traditions religieuses, populaires ou ethniques – comme la maslenitsa russe (semaine des crêpes précédant le Grand Carême), les vetchornytsi ukrainiennes (soirées pour les jeunes pendant les nuits d’hiver) ou les fêtes du chant dans les pays Baltes15. Les éléments de divertissement et de carnaval que cela représente se répercutent également sur les dates commémoratives comme le Jour de la Victoire : les cérémonies solennelles se doublent de plus en plus de pratiques moins formelles comme la prise de photo en famille devant les monuments aux morts.
Les années 1970 voient l’éclosion du nouveau culte de la mémoire de guerre. Le Jour de la Victoire devient l’occasion pour dévoiler d’innombrables monuments construits jusqu’au fin fond du pays. Les postes de télévision sont désormais présents dans la plupart des foyers, et c’est autour du 9 mai que les deux chaînes centrales ou leurs homologues dans les républiques présentent ou rediffusent les films de guerre qui continuent à ce jour à encadrer l’imaginaire historique des jeunes générations. Dans les années 1980 au plus tard, malgré un redoublement des efforts de l’État (avec de grands défilés militaires à Moscou en 1985 puis en 1990), nombre de jeunes se lassent des cérémonies obligatoires devenues standardisées. Vers la fin des années 1980, la perestroïka voit se multiplier les critiques du récit officiel de l’histoire de la Grande guerre patriotique. Au moment où l’État se dissout, le culte semble voué à l’oubli16.
Les conflits mémoriels post-soviétiques
Après l’effondrement de l’empire soviétique, la plupart des pays d’Europe centrale cessent de célébrer le 9 mai. Les manifestations de commémoration passent au 8. Avec l’accession (espérée ou achevée) de nombreux pays de la région à l’Union européenne, le 9 mai devient Journée de l’Europe – date de commémoration officiellement introduite dans la Communauté européenne en 1985 pour célébrer la signature de la déclaration Schuman en 1950. Seules la Pologne et quelques républiques de l’ex-Yougoslavie continuent à observer le Jour de la Victoire, notamment le Monténégro, la Serbie et la Bosnie (où le 9 mai est une fête d’État mais un jour férié dans la seule partie serbe).
Le 9 mai conserve toutefois son statut de fête officielle et de jour férié dans les anciennes républiques de l’URSS, à l’exception des pays Baltes. Son statut varie néanmoins d’un pays à l’autre : avec l’introduction de nouvelles dates commémoratives qui renvoient à l’histoire nationale, le Jour de la Victoire passe souvent à l’arrière-plan du calendrier festif. Dans certains cas, la fête change de nom ; presque partout, les célébrations sont nationalisées. On évoque certes l’effort commun du peuple soviétique, mais ce sont dorénavant les exploits des héros nationaux qui se trouvent mis en relief.
Dans une Russie politiquement fracturée après la crise sanglante d’octobre 1993, quand le président Boris Eltsine fait bombarder le parlement, les autorités partent à la recherche de rituels qui puissent étayer l’unité nationale. Le 9 mai 1995, l’ouverture d’un énorme Parc de la Victoire à Moscou, projeté depuis la fin des années 1950, marque la renaissance du Jour de la Victoire comme grande fête nationale. Le 1er mai ou le 7 novembre (fête de la révolution d’Octobre rebaptisée Journée de la concorde et de la réconciliation en 1996) sont trop étroitement associés à la tradition communiste ; le 12 juin, qui marque la déclaration de la souveraineté en 1990, est odieuse pour les nostalgiques de l’URSS. Moins controversé et aisément relié à l’histoire familiale de chacun, le Jour de la Victoire va éclipser les autres dates commémoratives. Les parades militaires, réservées aux grands anniversaires de 1965, 1985 et 1990 à l’époque soviétique, deviennent désormais annuelles, à commencer par deux défilés le 9 mai 1995 (l’un dans le nouveau parc, l’autre sur la Place rouge). Cette tendance se renforce sous Vladimir Poutine : suite à une décennie largement interprétée comme une période d’humiliation et d’abaissement d’un grand pays, le 9 mai sert désormais de support à la nouvelle fierté nationale. En 2005, le Jour de la Victoire prend une envergure considérable, avec un grand programme de défilés, fêtes populaires, expositions et émissions de télévision coordonné par un Comité « Victoire » dont Poutine avait décrété la création dès l’an 200017.
Par-delà cette consolidation à l’intérieur du pays, la commémoration redevient aussi un instrument géopolitique. Les fonctionnaires russes commencent à accuser de falsification de l’histoire tous ceux – notamment les historiens et les hommes politiques nationalistes en Europe centrale – qui mettent en question l’interprétation traditionnelle de la Grande Guerre patriotique. La participation des représentants étrangers aux parades et autres manifestations à Moscou est vue comme indicatrice de leur soutien à la politique de la Russie actuelle. Plusieurs ambassades russes sont dotées de nouveaux bureaux chargés de la commémoration, qui s’occupent des tombes militaires et tentent d’orienter dans un sens favorable à Moscou un certain nombre d’initiatives commémoratives non-étatiques.
Ces dernières se multiplient en effet depuis la dissolution de l’Union soviétique. Il s’agit par exemple des poiskoviki, groupes dédiés à la recherche des dépouilles de soldats morts au combat, mais aussi des amateurs de reconstitution historique ou de ce qu’on peut appeler les pèlerins militaires séculiers qui, en voiture ou en moto, retracent le chemin de telle ou telle unité militaire, suivant un itinéraire qui aboutit souvent le 9 mai à Berlin. De manière paradoxale, c’est bien la disparition du Rideau de fer qui rend possible ce genre d’activités. Les ressortissants de l’ex-URSS peuvent désormais franchir les frontières sans faire partie d’une délégation officielle. Les nombreux immigrés russophones introduisent des pratiques commémoratives de tradition soviétique dans de nouveaux pays, au point de modifier les traditions locales, comme en Israël, où, en 2017, le 9 mai est officiellement déclaré Jour de la Victoire en Europe.
C’est dans ces milieux associatifs que persistent ou se renouent (non sans nouveaux conflits) des liens internationaux, y compris entre les anciennes Républiques de l’URSS comme l’Ukraine et la Russie. Dans des pays comme la Russie et le Bélarus, les autorités essaient certes de prendre en main ces initiatives en cooptant par exemple les poiskoviki dans les structures de l’État. Toutefois ces efforts n’apaisent que partiellement le potentiel critique propre à des initiatives dont le patriotisme n’équivaut pas à une obéissance sans condition. Dans d’autres pays, comme les États baltes ou l’Allemagne, la participation aux rituels du 9 mai suit une logique propre : pour une grande partie des participants, il s’agit de manifester une identité ethnique ou politique distincte de celle de la majorité. Pour cela, ils reprennent souvent des pratiques jadis obligatoires, comme les défilés commémoratifs, et les réinventent par en bas. Cependant, dans le contexte géopolitique actuel, la Russie réclame régulièrement le patronage de ce genre d’activités, ce qui n’est pas sans renforcer la méfiance des élites politiques locales.
En Ukraine postsoviétique, la mémoire retrouvée de l’Holodomor ou encore des forces nationalistes antisoviétiques de l’OUN-UPA18 se reflète dans de nouveaux monuments ou rituels commémoratifs. Le premier président de l’Ukraine postsoviétique, Léonid Kravtchouk (1991-1994), mène une politique mémorielle hybride : les discours et monuments aux victimes du régime soviétique coexistent désormais avec ceux qui vantent la victoire de 1945. Son successeur, Léonid Koutchma (1994-2005), poursuit d’abord une ligne similaire avant de s’aligner plus nettement sur les nouveaux rituels commémoratifs russes vers la fin de son second mandat. Après lui, Viktor Iouchtchenko (2005-2010), tente de faire de l’Holodomor la pièce maîtresse de la culture commémorative ukrainienne. Pour sa part, Viktor Ianoukovytch (2010-2014) reprend à nouveau certains symboles soviétiques19. Cependant, tous ces revirements mémoriels ont lieu sur fond d’une certaine tolérance des pratiques commémoratives des uns et des autres au niveau local. Le Jour de la Victoire garde son statut de fête d’État ; la tradition du 9 mai demeure largement intacte pour une grande partie de la population. Surtout à l’est du pays et en Crimée, les élites politiques régionales donnent leur appui aux nouvelles initiatives, parfois en accusant leurs homologues en Ukraine occidentale de révisionnisme historique. À l’ouest, en revanche, les protestations contre le Jour de la Victoire prennent de l’ampleur. Le 9 mai 2011, des affrontements violents ont lieu à Lviv entre des militants du parti nationaliste Svoboda d’un côté et, de l’autre, des activistes prorusses venus soutenir les vétérans soviétiques locaux20.
De nouvelles pratiques controversées
Depuis 1991, les nouvelles pratiques commémoratives sont devenues un enjeu des conflits politiques et géopolitiques. Cependant, elles n’en sont pas un pur produit. Des tendances plus profondes sont à l’œuvre dans le monde postsoviétique comme ailleurs : la dynamique générationnelle et l’individualisation de la commémoration21. Deux initiatives particulières, le Ruban de Saint-Georges et le Régiment immortel, illustrent ces tendances et la manière dont elles interagissent avec la donne politique actuelle.
Un défilé du Régiment immortel à Chymkent, au Kazakhstan,
avec des portraits décorés de Rubans de Saint Georges (2013)
Introduit en 2005, le ruban noir et orange dit de Saint Georges est d’abord proposé par une journaliste moscovite employée par une agence de presse d’État. Petite-fille d’un combattant mort juste avant le 9 mai 1995, elle s’inspire des couleurs d’un ordre militaire de la Russie tsariste déjà repris pour les rubans d’une série d’insignes et médailles soviétiques à partir de 1942. Son initiative rappelle les coquelicots en papier dont la vente, dans les pays du Commonwealth, sert la collecte de fonds pour les anciens combattants ou autres services des forces armées. En Russie, l’idée de vendre les rubans ne prend pas, mais ils se répandent rapidement comme symbole gratuit et omniprésent de la mémoire de guerre et comme moyen d’exprimer son patriotisme. Propagés d’abord par des journalistes et des bénévoles – en Russie et ailleurs –, les rubans sont bientôt découverts par l’État russe qui rend leur port quasi-obligatoire pour ses officiels lors d’occasions comme le 9 mai et organise leur distribution à l’étranger. Aux yeux des dirigeants des pays voisins, cela transforme le ruban en symbole de soutien à la politique impérialiste de la Russie (surtout depuis 2014, vu son utilisation par les soldats russes et les forces séparatistes en Ukraine)22. Aussi ces derniers encouragent-ils le port d’emblèmes alternatifs pour le Jour de la Victoire : des rubans aux couleurs des drapeaux nationaux au Bélarus, au Kazakhstan, au Kirghizstan ou en Ouzbékistan et, en Ukraine, le coquelicot britannique, dans une version légèrement remaniée par un designer de Kharkiv.
Le « Régiment immortel », qui date pour sa part de 2012, est également une initiative lancée par des petits-fils de combattants, des journalistes russes employés par une chaîne de télévision de Tomsk, plutôt opposée au pouvoir. Critiques d’une tradition du Jour de la Victoire qu’ils jugent trop institutionnelle, ils proposent à tous les citoyens de célébrer le 9 mai en défilant avec des portraits de leur grands-parents ou d’autres membres de leur famille ayant participé à la guerre, qu’ils aient survécu ou non. Comme le Ruban de Saint-Georges, le « Régiment immortel » se répand rapidement à travers le Russie et ailleurs grâce à des bénévoles souvent issus de la même génération. Si les auteurs de l’idée tentent de proscrire toute symbolique politique, certains organisateurs locaux acceptent volontiers le soutien de Russie unie, le parti au pouvoir, qui tente de récupérer le « Régiment immortel » dans le cadre d’une campagne patriotique coordonnée par l’appareil d’État23. Le conflit entre les deux réseaux d’organisateurs continue, mais certains résultats de cette initiative sont déjà patents. En Russie, le « Régiment immortel » contribue à une individualisation qui renforce le statut de la mémoire familiale dans la commémoration collective de la victoire soviétique. À l’étranger et surtout en Ukraine, le « Régiment » s’inscrit dans une série d’initiatives discréditées du fait de leur association ressentie avec la politique de l’État russe.
Un défilé du Régiment immortel, le 9 mai 2013 à Perm, en Russie
Le mouvement séparatiste et l’intervention militaire russe dans le Donbass radicalisent le conflit mémoriel autour du 9 mai. En avril 2014, l’Institut de la mémoire nationale à Kiev propose de réformer le Jour de la victoire. Il faudra dorénavant parler de la « Seconde Guerre mondiale de 1939-45 » (et non plus de la « Grande Guerre patriotique », commencée en 1941) et rendre les honneurs à tous les combattants ukrainiens (ceux de l’OUN-UPA aussi bien que les soldats de l’Armée Rouge). L’institut propose le 8 mai comme nouvelle Journée de mémoire et de réconciliation plus « européenne », et le coquelicot comme nouveau symbole commémoratif. Une série de lois passées en 2015 officialisent ces changements – elles laissent toutefois au 9 mai, rebaptisée Jour de la victoire sur le nazisme en Europe, son statut de fête d’État. Si le discours officiel russe place la lutte des séparatistes contre les nouveaux dirigeants ukrainiens dans la tradition de la guerre antifasciste, Kiev s’approprie également la tradition commémorative soviétique, par exemple avec des vidéos où un ancien combattant soviétique s’apprête à célébrer le 9 mai lorsqu’il reçoit un appel de son petit-fils actuellement engagé dans l’opération militaire ukrainienne dans le Donbass24.
La Pologne réagit à son tour à la crise ukrainienne. Jusque-là, le 9 mai y avait gardé son statut de fête d’État, quoique sans manifestations officielles au plus haut niveau. En 2015, cependant, la Diète, la chambre basse du Parlement polonais, donne suite à une proposition de l’Institut de mémoire nationale pour remplacer la Fête nationale de la victoire et de la liberté du 9 mai par une Journée nationale de la Victoire désormais observée la veille.
Au-delà des grands gestes des pouvoir publics, la divergence entre la Russie et l’Ukraine est également réelle au niveau des cultures festives populaires, même si les changements se manifestent de manière moins subite et radicale. En Ukraine, les nouveaux rituels et symboles se popularisent sans pour autant refouler complètement le répertoire de pratiques de provenance russo-soviétique. Dans plusieurs régions, des conflits violents éclatent le 9 mai 2017 entre ceux qui défilent en « Régiment immortel » et des groupes nationalistes ou combattants de l’ « Opération antiterroriste ».
En Russie, les sondages constatent la place croissante accordée au Jour de la Victoire : entre 2010 et 2018, le nombre de ceux qui l’incluent parmi les trois fêtes les plus importantes passe de 38 % à 71 %, dépassant le Jour de l’An et les fêtes religieuses comme Pâques ou Noël25. Cette importance symbolique se reflète d’ailleurs dans les pratiques – le 9 mai, on constate en effet une pointe dans la statistique des morts violentes (souvent sous effet de l’alcool), ce qui n’est pas le cas pour d’autres jours fériés comme le Jour de la Russie (12 juin) ou la Fête de l’Unité nationale (4 novembre)26.
La situation est bien différente en Ukraine, où ce sont systématiquement les fêtes chrétiennes qui sont à l’honneur. Parmi les fêtes politiques néanmoins, le 9 mai conserve sa première place, même si le nombre de ceux qui disent le célébrer baisse de 58 % en 2010 à 37 % en 2017 et 31 % en 201827. En 2015, juste avant l’introduction de la nouvelle fête du 8 mai, 78 % des personnes interrogées en Ukraine déclaraient qu’il fallait continuer à commémorer la fin de la guerre le 9 mai. Deux ans plus tard, 82 % disent toujours considérer le 9 mai comme une fête hautement symbolique28. Quant à la Journée internationale des femmes, désormais plus populaire malgré des tentatives de la supprimer comme ancienne fête communiste, elle n’a jamais récupéré dans les pays postsoviétiques le statut politique et émancipateur qui est le sien dans certains pays de l’Ouest et du Sud. En Ukraine comme en Russie, c’est principalement une occasion pour affirmer une conception traditionnelle du rôle des femmes en leur offrant des fleurs.
Ces résultats montrent que les traditions soviétiques ne se laissent pas abolir du jour au lendemain. Il est clair, toutefois, que le 9 mai ne saura jamais récupérer en Ukraine son statut de date centrale du calendrier festif. Même en Russie, la signification de cette date ne se laisse pas simplement décréter par les autorités, puisqu’elle dépend largement d’une dynamique générationnelle. Quel avenir donc pour le 9 mai ? On peut supposer qu’au-delà du 75e anniversaire puis du centenaire de 1945, nous verrons une commémoration de plus en plus spécialisée, animée par des groupes de reconstitution historique, de poiskoviki ou d’historiens amateurs, comme c’est le cas pour des guerres plus éloignées dans le temps. En même temps, son association avec la Russie risque de transformer le 9 mai, en dehors de ce pays, en une fête ethnique des communautés russophones. Elle pourrait même perdre ses connotations politiques, comme ce Cinco de Mayo qui, au Mexique, marque la victoire des forces républicaines sur un corps expéditionnaire français mais qui, aux États-Unis, s’est transformé en un festival de la culture hispanique. Dans le pire des cas, le 9 mai pourrait subir le sort du Sedantag, jour de victoire et principale fête nationale en Allemagne entre 1871 et 1918, rendu obsolète par l’effondrement de l’Empire suivant sa défaite dans une nouvelle guerre, et vite oublié29.
Notes
1
Ce texte est une version légèrement remaniée d’un article qui va paraître à la rentrée dans un recueil intitulé Histoire partagée, mémoires divisées. Ukraine, Russie, Pologne, dirigé par Korine Amacher, Éric Aunoble et Andrii Portnov (Lausanne, Éditions Antipodes).
L’auteur ainsi que l’équipe de Politika.io adressent en particulier leurs remerciements à Korine Amacher.
2
Maria Bucur, Heroes and Victims. Remembering War in Twentieth-Century Romania, Bloomington, University of Indiana Press, 2009.
3
Pravda, 24 décembre 1947.
4
Ustawa z dnia 18 stycznia 1951 r. o dniach wolnych od pracy. [en ligne]
5
Roman Krakovsky, Réinventer le monde. L’espace et le temps en Tchécoslovaquie communiste, Paris, Publications de la Sorbonne, 2014.
6
La Mémoire des Français : quarante ans de commémorations de la Seconde Guerre mondiale, Paris, Éditions du CNRS, 1986.
7
Malte Rolf, Das sowjetische Massenfest, Hambourg, Hamburger Edition, 2006.
8
Une traduction française paraît à Moscou en 1947 aux Éditions en langues étrangères, puis à Paris en 1948 chez les Éditeurs réunis.
9
Iu.S. Iaralov, Monument I.V. Stalina, Moscou, 1952.
10
Par exemple, suite à l’ « Affaire de Léningrad », se voient fermer en 1949-1952 le Musée du blocus (en 1949) et celui de la défense de la ville (en 1952) ainsi que le mémorial « Victoire sur la Svir’ » construit dans sa région en 1945 par le Front de Carélie (en 1951).
Sur le musée, voir : Lisa Kirschenbaum, Myth, Memories, and Monuments. The Legacy of the Siege of Leningrad, 1941-1995, Cambridge, Cambridge University Press, 2009.
11
Mark Edele, Soviet Veterans of World War II. A Popular Movement in an Authoritarian Society, Oxford, Oxford University Press, 2008, p. 125.
12
Cette nouvelle raconte les exploits militaires et les émotions de Bauyržan Momyš-Uly, officier originaire du Kazakhstan, lors de la Bataille de Moscou de 1941-1942. Traduit en hébreu dès 1946 et en espagnol en 1952, le livre ne paraîtra en français qu’en 1965, chez Gallimard.
13
CDAHOU (Central’nyj deržavnyj arhiv hromadskyh ob’’ednan Ukrainy (Archive centrale d’État des organes supérieurs du pouvoir et de la direction d’Ukraine), f. 1, op. 24, spr. 6053, a. 7-10.
14
Pour plus de détail et les références aux documents pertinents du RGANI (Archives d’État d’Histoire contemporaine), voir mon article : « Den’ Pobedy : prošloe », à paraître sur colta.ru.
15
Iu.O. Kaganov, Radâns’ki svâta ta obrâdy u konteksti ideolohičnoï polityky v Ukraïni druhoï polovyny XXst, Naukovi praci istoričnoho fakul’tetu Zaporiz’koho nacional’noho universytetu, 2013, vyp. XXXVI, p. 186-194 ; Katriona Kelli [Catriona Kelly], Svetlana Sirotinina, « “Bylo neponâtno i smešno” : prazdiniki polsednih desâtiletiï sovetskoï vlasti i vospriïatie ih det’mi », Antropologičeskii forum, no 8, 2008, p. 258-299.
16
Sentiment exprimé à l’époque par Nina Tumarkin, The Living and the Dead. The Rise and Fall of the Soviet Cult of World War II, New York, Basic Books, 1995.
17
Voir Pavel Polian, « Iubileï à la Glavpour, Pamiat‘ o voïne 60 let spustia : Rossiâ, Germaniâ, Evropa, Moscou », Novoe literaturnoe obozrenie, 2005 (dir. M. Gabovič [M. Gabowitsch]), p. 282-296.
18
L’Armée insurrectionnelle ukrainienne, branche militaire de l’Organisation des nationalistes ukrainiens, créée en 1942. En Ukraine l’histoire de l’UPA et de sa participation dans des massacres de Juifs et de Polonais fait débat. En même temps l’UPA et ses dirigeants font à leur tour l’objet d’un culte, avec des monuments et des cérémonies commémoratives, surtout dans les régions occidentales du pays.
19
Voir Nikolay Koposov, Memory Laws, Memory Wars. The Politics of the Past in Europe and Russia, Cambridge, Cambridge University Press, 2018, p. 126-176.
20
Galina Nikiporets-Takigawa, « Memory Events and Memory Wars. Victory-Day in L’viv, 2011 through the Prism of Quantitative Analysis », in E. Rutten, J. Fedor, V. Zvereva (dir.), Memory, Conflict and New Media. Web Wars in Post-Socialist States, Londres, Routledge, 2013, p. 48-62.
21
Voir : Manfred Hettling, Jörg Echternkamp (dir.), Gefallengendenken im globalen Vergleich. Nationale Tradition, politische Legitimation und Individualisierung der Erinnerung, Berlin, De Gruyter, 2013.
22
Pål Kolstø, « Symbol of the War – But Which One ? The St George Ribbon in Russian Nation-Building », The Slavonic and East European Review, vol. 94, no 4, 2016, p. 660-701.
23
Mischa Gabowitsch, « Are Copycats Subversive ? Strategy-31, the Russian Runs, the Immortal Regiment, and the Transformative Potential of Non-Hierarchical Movements », Problems of Post-Communism, vol. 65, no 5, 2018, p. 297-314.
24
Jochen Hellbeck, Tetiana Pastushenko, Dmytro Tytarenko, « “Wir werden siegen, wie schon vor 70 Jahren unsere Großväter gesiegt haben”. Weltkriegsgedenken in der Ukraine im Schatten des neuerlichen Kriegs », in M. Gabowitsch, C. Gdaniec, E. Makhotina (dir.), Kriegsgedenken als Event. Der 9 Mai 2015 im postsozialistischen Europa, Paderborn, Schöningh, 2017, p. 41-66.
25
Vitaliï Červonenko, Ukraina – ne Rossiâ: kak Den‘ Pobedy terâet populârnost‘, BBC News Ukraïna, 8 mai 2018 (https://www.bbc.com/ukrainian/features-russian-44037206).
26
Vladimir Kudrâvcev, Krasnyï den’ kalendarâ, Vedomosti, 8 mars 2017 (https://www.vedomosti.ru/opinion/articles/2017/03/09/680396-krasnii-den).
27
Vitaliï Červonenko, Ukraina – ne Rossiâ: kak Den‘ Pobedy terâet populârnost‘, BBC News Ukraïna, 8 mai 2018 (https://www.bbc.com/ukrainian/features-russian-44037206) ; Ukraincy bol’še vsego liubât prazdnovat‘ Voskresenie Khristovo, Religiozno-informacionnaâ služba Ukrainy, 30 avril 2010 (https://risu.org.ua/ru/index/all_news/community/social_questioning/35437).
28
Vitaliï Červonenko, Ukraina – ne Rossiâ: kak Den‘ Pobedy terâet populârnost‘, BBC News Ukraïna, 8 mai 2018 (https://www.bbc.com/ukrainian/features-russian-44037206).
29
Pour plus de détails sur ces scénarios, voir: Mischa Gabowitsch, « Victory Day in 2055: Four Scenarios », Free Russia, 9 mai 2019 (https://www.4freerussia.org/victory-day-in-2055-four-scenarios).