Aux sources de l’idée de « révolution néolithique ». Vere Gordon Childe, entre inspirations germaniques et rivalités londoniennes

(Johannes Gutenberg University Mainz - Palaeogenetics Group, Institute of Organismic and Molecular Evolution)

L’effondrement, au cours du XIXe siècle, de la chronologie courte ou biblique de l’histoire humaine laisse un vide – des milliers, voire des millions d'années d'histoire à remplir avant l'invention de l'écriture1. La préhistoire, en tant que discipline, émerge au confluent de l'histoire écrite et de l'histoire naturelle, et est vite appelée à jouer un rôle central dans la construction des identités nationales, car elle est considérée alors comme la période des grandes migrations, c’est-à-dire aussi la « période de la formation des races » – précédant la « période de la formation des nations », identifiée quant à elle à l'histoire2. La question de savoir qui a amené la civilisation en Europe devient un champ d'investigation majeur au tournant du XXe siècle.

Dans ce contexte, Vere Gordon Childe (1892-1957) est largement décrit dans le monde anglo-saxon comme étant celui qui a fixé les bases de la préhistoire européenne, à une période où la discipline était encore chaotique. Militant politique plutôt que préhistorien au début de sa carrière, Childe est aussi un homme sans affiliation, un Australien en Europe, à la recherche de ce continent autrefois « barbare ». Cet article explore les racines intellectuelles de la pensée de Childe et ce qui le conduit à écrire Man Makes Himself3, sa dernière grande synthèse d’avant-guerre, dans laquelle il introduit le concept de « révolution néolithique ».

Antifasciste engagé, socialiste international et intellectuel de gauche, Childe, comme de nombreux intellectuels de sa génération, n’en fait pas moins sienne l’idée, héritée du XIXe siècle, d’une interdépendance entre langue, culture et biologie, idée à laquelle il adhère jusqu'à ce qu’elle soit rendue intenable par la montée du national-socialisme en Allemagne. Muni de ces outils théoriques ambigus, il utilise la préhistoire comme argument politique pour contrer le mythe allemand des Aryens et de leur « berceau originel » (Urheimat) dans le nord de l'Europe. Mais il est avant tout un serviteur passionné de l’idée de progrès, dans un monde en proie à la régression sociale et à la peur du retour à un état effectif de sauvagerie, incarné par le pouvoir nazi.

Gordon Childe

Le préhistorien Vere Gordon Childe dans les années 1930.

La « révolution néolithique » dans l’œuvre de Vere Gordon Childe

Le jeune Childe

Les débuts : l’activisme politique

Né en Australie en 1892 de parents britanniques, Childe vient pour la première fois en Europe en 1914 pour étudier l'archéologie au Queen's College d’Oxford, et bénéficie de l’appui de préhistoriens influents tels que John Myres et Arthur Evans4. L'Université, à la veille de la Première Guerre mondiale, est un terreau fertile pour un esprit comme le sien : les philosophies hégélienne et marxiste y sont en vogue – au grand dam de certains, étant donné leur association avec l'Allemagne5 – et elles fournissent une partie de la matière que Childe explorera plus tard dans ses écrits ; par exemple, la dialectique révolutionnaire, « avec sa conception de tout État ou société comme étant la négation de ce qui l'a immédiatement précédé6 ». Emporté par l'enthousiasme belliciste du monde académique au début de la guerre, le jeune homme de vingt-deux ans pense d'abord à s'enrôler, mais il est refoulé par deux fois, en raison de restrictions sur les enrôlements étrangers7. Lorsqu'il reprend ses études, c'est au milieu d'un grand chaos, les Colleges britanniques se transformant les uns après les autres en casernes militaires et en hôpitaux de fortune8.

Au cours de la guerre, cependant, Childe est devenu un fervent défenseur du pacifisme, décrivant le conflit comme une entreprise impérialiste ; il se retrouve alors impliqué dans une lutte qui aura des répercussions majeures dans sa vie. Il devient objecteur de conscience et voit ses amis de l'Oxford Socialist Society persécutés et emprisonnés pour leur opposition à la conscription militaire9. Dans une lettre adressée à son ancien camarade de classe et secrétaire de la League of Nations Union, Raymond Watt, datée d'août 1917, il emprunte les arguments de la Workers Educational Association, à savoir que les autorités britanniques ont activement conspiré avec les autorités françaises et russes contre les Empires centraux, en premier lieu l'Allemagne et l'empire austro-hongrois, afin de détruire les industries de la Ruhr et confisquer les colonies allemandes 10.

Childe est particulièrement préoccupé par l’érosion des libertés civiles à mesure que la guerre se poursuit, ce qui lui vaut d’être placé sous la surveillance des services secrets britanniques durant cette période11. De fait, un tel point de vue est hautement suspect en 1917, et ce d’autant plus qu’on retrouve les mêmes préoccupations dans le pamphlet Qui est à blâmer pour la guerre ?12, distribué par les Allemands en Amérique . Le retour de Childe en Australie en 1917, pour occuper le poste de Senior Resident Tutor au St Andrew's College de l'Université de Sydney, s’annonce donc mal. Des officiers militaires du Département de la Défense du Commonwealth s’arrangent avec les autorités de l'Université pour le faire démissionner et l’empêcher d’obtenir d’autres contrats universitaires13. Son activisme anti-guerre est considéré comme une menace pour le moral de l'université, en conséquence de quoi son parcours professionnel de 1918 à 1919 est marqué par plusieurs échecs14.

L'activité politique incessante de Childe, cependant, lui vaut aussi de nombreux amis dans les cercles de gauche, qui deviennent, peut-être, sa seule vraie famille et l’aident à retrouver un emploi. Il attire l'attention du gouvernement travailliste du New South Wales et de son premier ministre, John Storey15. Devenu secrétaire privé de Storey, c'est en qualité de Research Officer pour le gouvernement travailliste que Childe est renvoyé en Europe en décembre 1921 pour assurer la liaison avec les autres mouvements socialistes de l’époque. La mort inattendue de John Storey, suivie de la défaite électorale des travaillistes australiens face aux nationalistes lors des élections d'État de 1922 en New South Wales16, fait perdre son emploi à Childe, qui se retrouve bloqué à Londres – une fois de plus en pleine tempête.

De la politique à l’archéologie

La période de 1922 à 1925 apparaît comme un tournant important dans sa vie : c’est là qu’il décide d'abandonner la politique, sur un plan professionnel, pour se concentrer sur l'archéologie. Son livre How Labor Governs (1923)17 raconte son amère désillusion à l’égard du gouvernement travailliste australien et dénonce la corruption qui règne dans le pays. Trop radical, peut-être, le trentenaire n’a pas beaucoup de perspectives de carrière politique – certainement aucune, en tout cas, en Australie, où le contexte politique a changé. J'insiste cependant sur le fait que – dans les années 1920 en particulier – l'archéologie préhistorique pouvait à bon droit être considérée comme une façon de faire de la politique par d'autres moyens. Avant Childe, au XIXe siècle, de grands philosophes politiques tels que Marx et Engels s’étaient vivement intéressés à la préhistoire des sociétés humaines, dont ils cherchaient à tirer, par exemple, leur modèle de « communisme primitif18 ». Le passé est activement utilisé par divers groupes politiques pour répondre à divers intérêts nationaux. Et la prochaine grande bataille se profile déjà, pour la défense de la civilisation européenne, un concept souvent confondu avec l’« aryanisme19 ».

La découverte au XVIIIe siècle que la plupart des langues d'Europe et d'Inde appartiennent à une seule famille linguistique – l'indo-germain ou l'indo-européen – a en effet déclenché une recherche frénétique des origines du peuple primitif qui aurait parlé cette langue20 et qu’on décide de désigner comme celui des « Aryens », en référence à la caste noble parmi les Indiens védiques et les premiers Perses21. Comme les livres sacrés de l’hindouisme mentionnent que le peuple élu est conduit par des « hommes blancs » – un point de vue adopté plus tard par les Grecs de l’Antiquité – un parallèle est établi avec une « race » teutonique ou nordique qui aurait prétendument formé un peuple en Europe du Nord22. Ceux qui participent à l'effort national pour l'unification allemande – comme Houston Stewart Chamberlain, sous l’égide du wagnérisme, Gustaf Kossinna, dans les milieux archéologiques, et leurs partisans – utilisent cette histoire pour revendiquer un lien presque mystique entre les Allemands modernes et les premiers civilisateurs aryens de l'Europe23. Le mythe d'une nation aryenne allemande, fruit de fantasmes racialistes, sert alors à justifier les ambitions territoriales du Reich allemand, à travers le concept de Lebensraum24 (« espace de vie »), donnant ainsi une justification prétendument morale à ce qu’on considère comme un assaut contre la civilisation européenne.

Childe, Myres et le poste de bibliothécaire au Royal Anthropological Institute

Lors de son premier cycle à l’Université d’Oxford, Childe étudie la céramique de style « minyen » sous la supervision de John Linton Myres25. À l’époque, les Grecs anciens étaient encore considérés comme la plus ancienne « race aryenne » d'Europe à sortir de l'obscurité26. C'est Myres qui encourage Childe à entreprendre l'étude des Aryens lorsque celui-ci le contacte en 1923 en vue de reprendre sa carrière universitaire27.

Sir John Linton Myres (1869–1954) était un classiciste, membre important du Royal Anthropological Institute (RAI). Ses théories sur les origines de la civilisation, qu’il fait remonter à Sumer et à l’Égypte antique, contrastent fortement avec le consensus académique allemand de l’époque. Cependant, Myres, qui est un scientifique dans l'âme, se montre désireux de discuter avec toutes les voix et tous les courants de recherche européens, du moment qu'ils manifestent à ses yeux un intérêt sincère pour la recherche de la vérité. C’est au nom de cet engagement à placer la science au-dessus de la politique qu’il faut comprendre sa volonté de soutenir Childe, en dépit de leurs divergences politiques. Les deux hommes entament alors une intense correspondance, qui se trouve désormais en grande partie à la Bodleian Library d’Oxford28. Tout, à vrai dire, semble les opposer. Myres est plus âgé, universitaire établi, bourgeois au sens marxien – ses convictions personnelles, du moins en public, sont toujours modérées par un strict respect de l'étiquette académique et par la recherche d'un consensus scientifique. Son livre de 1930, Who were the Greeks?29 fournit une excellente illustration de son caractère : alors que le livre, s'il est lu attentivement, déconstruit systématiquement le mythe allemand d'une nation grecque de pure race, fondée par les Aryens, à l'âge héroïque, il est si précautionneux et exact dans sa description des faits que le message est pratiquement noyé.

Le style de Myres colore les premiers écrits de Childe, en particulier The Dawn of European Civilization (1925)30 et The Aryans (1926)31, qui n’ont pas la clarté politique de ses travaux ultérieurs. Le mot dawn (« aube ») se veut un hommage direct à son mentor, qui avait en effet publié en 1911 The Dawn of History32, une sorte de synthèse historique en format poche du système mondial méditerranéen depuis l’antiquité la plus ancienne. Alors que Childe et Myres discutent de nombreux aspects du Dawn of European Civilization dans leurs lettres personnelles, cette filiation n'est jamais ouvertement revendiquée dans le livre lui-même33, ce qui s’explique peut-être par le conflit institutionnel plus large entre les différents courants d'anthropologie à Londres – ces « guerres anthropologiques », décrites ci-après. Il est tout à fait concevable que Myres ait voulu éviter d'entraîner Childe dans ce conflit, à un moment où sa carrière n'avait pas vraiment débuté et où il avait le plus grand besoin de soutien. Peut-être ne voulait-il pas le positionner comme son protégé, tel qu’Elliot Smith a pu le faire avec William James Perry au University College de Londres (UCL).

Quelles qu'en soient les raisons, les premiers travaux de Childe ne rendent pas justice à l'influence de Myres, qui se fait également sentir au niveau professionnel. C'est ce dernier qui lui permet apparemment d’obtenir son premier emploi stable, en tant que bibliothécaire du Royal Anthropological Institute (RAI) en 1925. Bien que Childe n’ait pas été aussi démuni qu'on l’a parfois décrit34 – il vit de l’argent de la succession de sa mère, décédée en 1910, de traductions pour Kegan & Paul et pour la Société des Nations, et de ses enseignements à la London School of Economics35 – sa situation après 1922 est loin d’être confortable et n'offre pas le genre de stabilité nécessaire pour se concentrer sur une recherche de long terme. Sa nomination en tant que bibliothécaire du RAI, outre qu’elle cimente immédiatement sa réputation académique, le soulage donc de soucis économiques, en lui laissant apparemment beaucoup de temps libre pour lire des livres, écrire des synthèses et même voyager36 .

Écrire pour se faire entendre

La stratégie de publication de Childe est simple, bien qu’un peu laborieuse : publier successivement plusieurs grandes synthèses historiques, dont l’impact soit suffisamment important pour lui permettre de décrocher un poste permanent dans l'une des meilleures universités britanniques37. Le pari est risqué, car le genre est florissant et il n'y a aucune garantie que ses propres synthèses soient lues, alors qu’il y en a déjà tellement en circulation38. J'insiste sur ce point souvent mal compris : la force de Childe ne réside pas dans sa capacité à écrire des synthèses ou à synthétiser le passé. La synthèse est le format en vogue en Grande-Bretagne depuis le XIXe siècle. Les synthèses de Childe sont un peu moins ambitieuses que beaucoup d’autres, se concentrant exclusivement sur l'Europe et l'Orient ancien dans la préhistoire, tout en laissant de côté l'Afrique, l'Australie, l’Amérique et les périodes historiques plus récentes.

Son talent réside bien davantage dans sa capacité à identifier les bonnes questions – celles qui comptent pour les gens –, un talent acquis en politique où la pertinence à l’égard du public est la clé de la réussite. Son esprit est capable d’aller rapidement au cœur d'un problème. Bien que l’on en sache peu sur sa vie personnelle, il est clair qu’il n'est pas du genre à se retirer du monde mais se place d’emblée au centre des milieux qu’il fréquente, qu’ils soient universitaires ou politiques. Les origines de la civilisation ou, pour le dire autrement, des Aryens, sont son sujet principal à l'époque et entrent directement en écho avec les politiques contemporaines d'identité nationale. Cette méthode, qu’on pourrait qualifier d’opportuniste, assure également une large diffusion à ses idées. Childe veut que sa voix soit entendue.

Dans ce cadre, on ne décèle guère de sympathie chez lui pour le point de vue « occidental » avancé par les universitaires allemands. Dans son livre de 1926, The Aryans, il déploie au contraire des critiques cinglantes à l’encontre du mythe de la nation aryenne allemande, déjà fermement ancré dans la culture germanique, bien des décennies avant l'arrivée des nazis au pouvoir :

Le lecteur peut penser que le rôle assigné ici aux Aryens est extrêmement modeste. Si l'opinion avancée […] est correcte, ils n'ont pas été les inaugurateurs de la civilisation néolithique, même en Europe, ni, dans l'ensemble, les pionniers de l'utilisation du bronze ou du fer. Les créateurs des amas coquilliers des côtes danoises ont été qualifiés à juste titre de « sauvages dégoûtants ». Des épithètes encore plus fortes pourraient être appliquées aux autres prétendants au titre de proto-aryens ; car un soupçon de cannibalisme plane sur les peuples à ocre rouge. Même dans l'Europe barbare, la culture matérielle des Nordiques n'est pas originellement supérieure à celle des paysans danubiens ou des bâtisseurs de mégalithes ; en Transylvanie, ils apparaissent franchement comme des destructeurs ; dans l'Orient ancien et dans la mer Égée, ils se sont appropriés et, pendant un certain temps, ont affaibli des civilisations plus anciennes et supérieures39.

Ainsi, tout en acceptant l'existence des Aryens en tant que tribu historique et leur identification avec les peuples « nordiques » à « haches de guerre », Childe érode systématiquement leur réputation de bâtisseurs de civilisation. C’est typique de sa stratégie des débuts : occuper le terrain idéologique pour mieux le démolir. C'est une forme de vandalisme particulièrement subversive. Cela dit, rétrospectivement, ce fut probablement une erreur, car cela n’a fait qu'exacerber les tensions, tout en légitimant la base même sur laquelle ces mythes anhistoriques étaient construits. Scientifiquement la thèse défendue par Childe n’est pas encore aboutie40. Sa vision de la « culture » comme « un complexe de traits associés » « se retrouvant constamment ensemble » (qu’il s’agisse d’artefacts matériels, de formes architecturales ou de pratiques sociales, « céramiques, outils, ornements, rites funéraires et formes de maison ») reste largement intuitive ; il confond souvent « culture » et « race », par exemple lorsqu’il écrit que « le complexe en question est régulièrement et exclusivement associé aux restes osseux d'un type physique spécifique41 ». Qui plus est, en se livrant à une telle équation, Childe ne se distingue guère des savants allemands comme Kossinna ou Leo Frobenius, qui considèrent les peuples comme des Kulturträger, ou simples « porteurs de culture »42.

 Il n’en reste pas moins que The Dawn of European Civilization et The Aryans, tous deux parus alors que Childe est encore bibliothécaire au RAI, lui valent immédiatement un lectorat considérable, tant en Grande-Bretagne qu'en Europe continentale, où ses livres sont étonnamment bien acceptés43.

La chaire d’archéologie à Édimbourg

Dans la foulée, en 1927, Childe obtient la chaire Abercromby d'archéologie à l’Université d’Édimbourg. Je ne m'attarderai pas sur le temps qu’il y a passé, caractérisé, entre autres, par ses fouilles à Skara Brae44. Elles démontrent quelques lacunes dans l’interprétation des données issues du terrain45. Sans minimiser cet aspect de sa vie, sa méthode consiste principalement à lire des livres, à visiter des musées et des collections archéologiques, à voyager sans cesse et à correspondre avec des anthropologues et des archéologues de premier plan46. Ce qui importe, c’est qu’à Skara Brae, Childe s’essaie pour la première fois à l’interprétation marxiste, et déduit de l'uniformité de l'architecture des maisons un supposé « égalitarisme » des habitants du site, révélateur d'un état de « communisme primitif »47. Parallèlement, Childe poursuit son activité frénétique en Écosse, où il écrit les cinq autres grandes synthèses de la période d'avant-guerre, en plus de dizaines d'articles scientifiques : New Light on the Most Ancient East (1928)48, The Danube in Prehistory (1929) 49, The Bronze Age (1930)50The Prehistory of Scotland (1935)51 et, finalement, Man Makes Himself (1936)52.

Gordon Childe avec ses ouvriers

Vere Gordon Childe à Skara Brae, avec ses ouvriers sur le site.

Son engagement contre la montée du nazisme

Dès 1933, Childe est à l'avant-garde de la lutte contre Hitler et l'Allemagne nazie, menant une guerre systématique, dans la presse, contre sa conception de la race, tandis que la plupart de ses collègues ferment les yeux53. Bien que Childe ait quitté Londres, il reste très lié au paysage universitaire londonien. Il occupe par exemple la fonction de conseiller confidentiel du Committee for Race and Culture, établi en 1934 par le RAI pour étudier « le facteur racial dans le développement culturel »54. Ce comité a pour fonction d’arriver à une définition britannique du concept de « race » susceptible de contrer les idées racistes venues d'Allemagne nazie.

Bien qu'il ait joué un rôle déterminant dans la création du comité, Myres semble lent à saisir l'ampleur du problème, et ses tentatives pour étouffer une réponse ferme – pouvant provoquer une rupture profonde avec les universitaires allemands – sont décrites dans le livre Darwin’s Coat-Tails 55. Childe, en revanche, est beaucoup plus rapide à réagir et sa réaction est sans équivoque : il faut tout bonnement abandonner la notion de race. Un tel point de vue peut sembler conventionnel aujourd'hui, mais il est remarquablement progressiste et révolutionnaire à l'époque56. Pour autant, Childe n’est pas le seul universitaire australien à s'opposer violemment et publiquement à l'hitlérisme : son concitoyen Elliot Smith, l'éminent neuroanatomiste et président du Committee for Race and Culture, fait fuiter à plusieurs reprises les comptes-rendus des réunions à la presse, tandis que Myres tente au contraire de les supprimer57.

L’auteur de Man Makes Himself (1936)

Je me penche à présent sur Man Makes Himself et sa « révolution néolithique ». Tous les éléments convergent pour expliquer pourquoi Childe – un Australien, un pacifiste comme Elliot Smith, habitant à quelques rues du University College de Londres où enseignait ce dernier – ne se range pas naturellement dans le courant anthropologique connu sous le nom d'école britannique de diffusionnisme. Si Childe avait été le protégé d'Elliot Smith plutôt que de Myres, la « révolution néolithique » aurait pu être très différente. Childe débute en réalité sa carrière académique comme historien migrationniste avec un intérêt pour les Aryens ; puis il s’est tourné vers une forme différente de diffusionnisme à la fin des années 1920, à travers Oswald Menghin et la Kulturkreislehre autrichienne.

Un manifeste pour le progrès social et économique

Publié en 1936, à une époque où les libertés individuelles sont de plus en plus menacées à travers toute l'Europe, Man Makes Himself peut être lu comme un manifeste contre l'hitlérisme et la régression des sociétés occidentales, à la suite de la révolution national-socialiste en Allemagne58. Childe est peut-être plus conscient que d'autres du grand paradoxe de l'histoire, qui frappe de plus en plus les esprits depuis le début du XIXe siècle : alors que les progrès scientifiques et techniques s’accumulent de manière plus ou moins continue depuis que les sociétés humaines existent, les réalisations politiques, culturelles et artistiques semblent toujours erratiques au regard d’une conception linéaire de l’évolution, avec des hauts et des bas spectaculaires à mesure que les sociétés deviennent plus complexes et plus stratifiées59. Il n'est pas nécessaire de chercher loin pour voir que les sociétés les plus avancées technologiquement ne sont pas forcément les plus « progressistes » (au sens que ce mot a revêtu depuis l’époque des Lumières), ni socialement ni économiquement ni esthétiquement.

les trois révolutions

Les trois « révolutions » de Childe projetées sur le diagramme de Ian Morris: « Développement social de l’Orient et de l'Occident depuis 14 000 avant notre ère (modèle log-linéaire, mettant en évidence les taux de croissance relatifs) ».modifié d’après Ian Morris, Why the West Rules - for Now: The Patterns of History and What They Reveal about the Future, Londres, Profile Books, 2010.

Man Makes Himself est une tentative de dissiper cette ambiguïté du « progrès » humain – ou plutôt, Childe utilise la métaphore du « progrès » comme une arme dirigée contre Hitler et les nazis (il ne mentionne jamais le stalinisme). Non seulement, écrit-il, les nazis sont un danger imminent, mais ils mettent en péril les avancées de la révolution industrielle, nous détournant de ce qui devrait être le but ultime de l'homme : « le contrôle de la nature par la compréhension »60. « L'un des objectifs de ce livre », annonce-t-il, « est de suggérer que, d'un point de vue scientifique détaché, l'histoire peut encore justifier la confiance dans le progrès aux époques de dépression aussi bien qu'à l'apogée de la prospérité du siècle dernier »61. Le danger d’un retour en arrière n’en est pas moins réel, et le principal coupable est clairement pointé du doigt : il s’agit de « Herr Hitler », cité à la page deux de Man Makes Himself, dont la vision de l'Allemagne a quelque chose de préhistorique – un retour à la sauvagerie, déguisé en progrès biologique ou eugénisme – et doit donc être vigoureusement combattue pour éviter de retourner aux âges sombres qui ont fait suite à l'effondrement des civilisations orientales62.

La prééminence de la culture sur la biologie

Le titre du livre affirme d’emblée la prééminence de la culture sur la biologie. Un homme biologiquement déterminé ne pourrait ni se faire lui-même ni faire l'histoire ; il serait simplement façonné par la nature. Or, les réalisations de l'homme, dit Childe, ne sont ni des réponses automatiques à l'environnement ni le résultat « d’aptitudes psychologiques particulières », c'est-à-dire de caractéristiques raciales63. Elles sont le fruit de la tradition et de l'histoire. La « révolution néolithique », de ce point de vue, n'est rien de moins que le premier grand pas de l'homme vers l'émancipation à l’égard de la nature et vers ce qui aurait dû être sa libération totale, si des « Hitler » du passé n’y avaient fait entrave64. Childe écrit par exemple :

Il est puéril de se demander pourquoi l'homme n'est pas directement passé de la misère de sociétés non encore divisées en classes sociales aux gloires d'un paradis sans classes, qui n’est nulle part encore pleinement réalisé. Les conflits et les contradictions […] constituent peut-être eux-mêmes la dialectique du progrès. En tout cas, ce sont des faits historiques. Si nous ne les aimons pas, cela ne veut pas dire que le progrès est une illusion, mais simplement que nous n'avons compris ni les faits ni le progrès ni l'Homme65.

En somme, l'ambition de Childe est de récupérer la notion de progrès, cantonnée au monde occidental, à des fins démocratiques.

Les origines de l’agriculture

Examinons maintenant plus en détail son idée de « révolution néolithique ». Comment Childe en est-il arrivé à ce thème ? Le milieu académique londonien dans lequel il évolue constitue un facteur d’explication. Les chercheurs de l'école britannique de diffusionnisme élaborent en effet une théorie des origines de l’agriculture dès 1921. Ils sont fascinés, on va le voir, par l'Égypte ancienne, où ils cherchent à situer l’origine de l'agriculture, entre autres composantes essentielles de la « culture »66. En Australie, par ailleurs, Thomas Cherry, un professeur honoraire d'agronomie à l'Université de Melbourne, avait formulé l’hypothèse selon laquelle les conditions environnementales propices de la vallée du Nil – la qualité des plantes sauvages, celle de la terre, l’alliance d’inondations et de climat sec – avaient permis une transition relativement aisée et efficace vers l'irrigation en bassin67. Les anciens Égyptiens avaient compris qu'en fermant ou en approfondissant des canaux ici et là, ils pouvaient contrôler la crue du Nil et augmenter les rendements des céréales sauvages. Une fois l'art de l'irrigation en bassin maîtrisée et plantes domestiquées par isolement sélectif, il ne restait plus qu’à exporter cette innovation aux quatre coins du monde, en commençant par la Mésopotamie, où Le Tigre et l'Euphrate offraient des conditions similaires à celles du Nil68 .

Childe aurait pu facilement souscrire à cette idée très simple, qui renforçait sa propre conception « australienne » d'un monde divisé spatialement entre ceux qui vivent de la production et ceux qui vivent de la chasse et de la cueillette (ces derniers subsistant en particulier, comme le soulignait Elliot Smith69, « à la périphérie du monde, loin du grand centre de la civilisation […] [dans] des pays comme l’Australie »). De fait, Childe a assimilé le néolithique à la production alimentaire dès 1925, pour la première fois, dans The Dawn of the European Civilization70. Mais il a laissé cette idée en friche et ne l’a ressortie du placard, pour ainsi dire, sous la forme de la « révolution néolithique », qu’une décennie plus tard, lorsqu’il s’est agi de saper les fondements idéologiques de la révolution national-socialiste, avec sa « lutte pour le sang et le sol » (Kampf um Blut und Boden) et ses lois pour « préserver » la pureté biologique de la paysannerie allemande, considérée comme la « source du sang du peuple allemand »71.

Diffusion de la culture

« La diffusion de la culture et les centres d’origine des aristocraties militaires » . Carte redessinée d’après William James Perry, The Growth of Civilization, Londres, Methuen & Co., 1924. Childe est crédité pour son « aide à la préparation » dans la seconde édition du livre, publiée en 1926. ( Adam Stout, Creating Prehistory: Druids, ley Hunters and Archaeologists in Pre-War Britain, Malden/Oxford, Blackwell, 2008, p. 93.)

Childe l’a reconnu plus tard : « Ainsi, en 1925, reprenant une idée avancée par Elliot Smith dix ans plus tôt, j’ai choisi parmi les trois critères actuels (le polissage de la pierre, la faune moderne, les animaux domestiques/les plantes cultivées), la "production alimentaire" comme élément distinguant le Néolithique du Paléolithique antérieur et du Mésolithique72 ». Au milieu des années 1920, cependant, son attention est accaparée par d'autres projets – les origines des Aryens qui, bien que souvent assimilées à l'arrivée de l'agriculture en Europe, sont néanmoins de plus en plus considérées comme un phénomène distinct. C’est dire que le passage de la notion de « civilisation » à celle de « culture », et de la « culture » à « l'agriculture », dans les écrits de Childe entre 1925 et 1936, n'est pas seulement sémantique, et mérite une réflexion plus approfondie : il trahit en effet de profonds changements dans ses orientations de recherche et ses centres d’intérêt73.

Publications

Nombre d’occurrences de certains mots dans quelques grandes synthèses de Childe de la période de l’entre-deux-guerres. On observe un basculement progressif de la « civilisation » vers la « culture ». Le terme de « révolution » apparaît dans les années 1930.

Prenons Les Aryens (1926) : la description que fait Childe des premiers agriculteurs danubiens comme des gens frustes, attachés à leur terre, contraste avec ce qu’il décrit comme la nature aventureuse des Aryens ; ce n'est, selon lui, que lorsque les deux composantes se mélangent (racialement ?) que l'agriculture se développe d’un coup74. À cette époque, autrement dit, le jeune Childe ne croit pas vraiment au pouvoir civilisationnel de l'agriculture, qu'il considère comme plutôt inhibante en raison de la sédentarité à laquelle elle contraint les groupes humains concernés : « Pour autant qu'on puisse en juger, les paysans apparaissent tout au long de la préhistoire comme une masse inerte, et ont toujours été la proie d'une série de conquérants, de même que dans l’histoire plus récente75 ».

En 1936, en revanche, l'équation change, car la question aryenne est devenue particulièrement problématique. Si Childe contribue à un ouvrage allemand sur les Indo-Européens, c'est tout au plus pour dire que la race « nordique » - celle identifiée par Kossinna comme « aryenne » – ne fait que s’approprier ce qui a été créé par les grandes civilisations orientales76. Il ne se lasse pas de souligner, avec son humour typiquement anglo-saxon, à quel point, par rapport au Proche-Orient, l'Europe est rétrograde, en particulier ces « barbares […] de l'ancien Empire austro-hongrois » et leurs voisins « néolithiques » du Nord77 . Parallèlement, il décrit désormais les agriculteurs comme formant des sociétés itinérantes qui défrichent les champs par le feu et qui, désormais libérées de leur attachement à la terre, forment les premiers agents de la marche irrésistible vers le progrès, du fait de la nature expansive de leur agriculture78. Comment les « paysans » allemands d’aujourd’hui pourraient-ils se prétendre biologiquement purs, si leurs ancêtres étaient constamment en mouvement – se mêlant à d'autres races le long de l’axe de diffusion du Danube ?

Anau et la théorie des oasis

En somme, Childe n’aborde que tardivement la question des origines de l'agriculture. Son modèle est influencé par les travaux de l’archéologue Harold Peake et par la discussion qu’a celui-ci avec le botaniste russe Nikolai Vavilov, concernant les centres de domestication des plantes, en particulier le blé79. Peake observe que le blé n'est pas présent en tant qu'espèce sauvage en Afrique et qu’il est absent des assemblages égyptiens pré-dynastiques. De plus, le delta du Nil dans la préhistoire semble n'être guère qu'un « grand marais », inadapté à l'agriculture80. À l'inverse, on trouve du blé aux côtés de l'orge domestique dans les premiers assemblages mésopotamiens de Suse et d'autres sites au pied des monts Zagros en Perse – ce qui suggère que c'est là, en Mésopotamie, et non en Égypte, comme le défendait Elliot Smith, que l'agriculture européenne se serait initialement développée81.

Un site qui apparaît alors comme important pour les origines de l’agriculture est celui d’Anau au Turkestan, en Asie centrale, où le géologue américain, devenu archéologue, Raphael Pumpelly a fouillé un ancien site agricole au milieu d'une oasis – dans l’idée, notons-le, de rechercher là-bas les origines des Aryens82. À Anau, Pumpelly fait l’hypothèse que les premiers agriculteurs, qui ont la tête longue comme les « Aryens nordiques », auraient été rapidement remplacés par des éleveurs à tête large, peut-être de type « Alpin », suivant une caractérisation déjà développée par Gabriel de Mortillet au XIXe siècle83. Ces peuples à tête large auraient apporté les animaux domestiques et d'autres éléments de la culture84, et auraient ainsi introduit en Europe une économie mixte, combinant agriculture et élevage. Avec Anau, autrement dit, la boucle est bouclée. La recherche des Aryens conduit à mettre en évidence les origines de l'agriculture, et cette mise en évidence aboutit à écarter les Aryens de la marche de la civilisation.

Bien qu’Anau ne soit jamais identifié par Childe comme un centre primaire de domestication des plantes85, le site lui fournit un modèle pour sa théorie des oasis, d'abord articulée dans The Most Ancient East86. On peut résumer cette théorie de la façon suivante : selon Childe, une anomalie climatique globale aurait été déclenchée à la fin de la dernière période glaciaire par la fonte des glaciers au nord, ce qui aurait provoqué l'assèchement de l'Orient ancien et transformé une zone continue de prairies en déserts de sable seulement interrompus par quelques oasis87. Childe résume lui-même son modèle en ces termes :

La concentration forcée dans les oasis ou au bord de sources et de ruisseaux de plus en plus précaires exige la recherche intensifiée de nouveaux modes d’alimentation. Les animaux et les hommes se retrouvent regroupés autour de bassins et d'oueds de plus en plus isolés par les étendues désertiques, et une telle juxtaposition forcée peut presque d’elle-même favoriser cette sorte de symbiose entre l'homme et la bête qui s'exprime dans le mot « domestication »88.

 

Selon ce modèle, la culture des terres arides avec un bâton à fouir ou une houe serait la forme d'agriculture la plus primitive89. L'hypothèse de Childe est que cette forme, combinée à l'élevage de moutons, de chèvres et de bovins, est devenue rapidement nomade, s'étendant d'oasis en oasis, de la vallée du Nil à la vallée de l'Indus90. Tour à tour, l'invention de l'irrigation par bassin, de la charrue et du bateau à voile, dans une phase plus avancée de la « révolution néolithique » (ou « Prélude à la deuxième révolution ») décrite au chapitre 6 de Man Makes Himself 91, ont permis à l'homme de s’approprier les meilleures terres et d'étendre l'agriculture au-delà du monde oasien vers des régions plus lointaines comme l'Europe.

Le mode de production néolithique

Dans Man Makes Himself, Childe ne conçoit pas le « Néolithique » comme il le fait dans ses premiers écrits ou comme nous le faisons à notre tour aujourd'hui, c’est-à-dire comme une période ou une phase bien définie de l'histoire de l'humanité. Au lieu de cela, l'adjectif « néolithique » (sans majuscule) fait référence à une étape de production économique qui peut s’appliquer à n’importe quel lieu et n’importe quelle période, pourvu que la production alimentaire y soit présente (par opposition aux chasseurs-cueilleurs) et qu'aucun mode de production supérieur ne s’y superpose (par opposition aux sociétés urbaines et industrielles). L'utilisation par Childe de la forme minuscule et adjectivale « neolithic » dans Man Makes Himself est inhabituelle pour le monde anglo-saxon et suit vraisemblablement la tradition archéologique française, peut-être inspirée de Vayson de Pradenne92, qui soulignait ainsi le rôle de la technologie dans la culture. Le stade de production néolithique peut en effet faire référence à pratiquement « n'importe quoi entre 6000 av. J.-C. et 1800 ap. J.-C. 93». En d’autres termes, un tel stade peut s’observer aussi bien au Proche-Orient, au moment d’invention de l’agriculture, qu’en Australie et en Nouvelle-Zélande, juste avant que les premiers colons britanniques ne contaminent avec leurs objets de fabrication industrielle les économies « néolithiques » (et paléolithiques) des populations indigènes.

Le développement organique des sociétés humaines

Dans Man Makes Himself, le développement des sociétés humaines peut être qualifié d'organique : chaque innovation surgit en réponse à un besoin, tout en exerçant une pression nouvelle sur l'économie et la société. Pour un livre dont le titre se lit comme une affirmation de l'autonomie humaine, le processus est étrangement déterministe et dépersonnalisé. Le livre décrit de nombreuses relations causales ou des chaînes de cause à effet. Bien que des exemples archéologiques soient fournis, l'argumentaire est essentiellement logique, plutôt qu'empirique. L'économie vient toujours en premier. Les sociétés sont décrites comme « en train de s'adapter à leur environnement » et aux « besoins concrets de la nouvelle économie94 ». Vient ensuite le processus technique de production. À mesure que les forces de production changent, d'autres aspects du système doivent s'adapter ou faire face à de graves perturbations. Les institutions changent en dernier. Ainsi, l'introduction de la culture des plantes crée un surplus et un besoin de stockage, conduisant à l'adoption de la poterie95 ; la poterie implique à son tour une expérience communautaire, des « femmes » assises ensemble au centre du village, conduisant à l'émergence de traditions et de styles collectifs96. Enfin, les sociétés « passent à un niveau supérieur » grâce aux relations qu’elles entretiennent avec des sociétés plus avancées et aux ajustements qu’entraîne l’introduction d’une nouvelle économie.

Un héritage germanique controversé dans le contexte britannique de l’entre-deux-guerres

À mon sens, l'influence durable des théories de Childe s’explique en partie par sa capacité à concilier (parfois dans un même paragraphe ou une même phrase) des points de vue et des interprétations considérés généralement comme diamétralement opposés : ainsi en va-t-il de la migration, de la diffusion et de l'acculturation, comme facteurs d’expansion culturelle. Cela ne va pas sans une certaine ambiguïté, par exemple lorsqu'il s'agit de déterminer d'où vient exactement la « révolution néolithique », qui en sont les « porteurs », et à quoi ressemble l'agriculture primitive : est-il question d’une agriculture en sol aride, de la culture de potagers par une population nomade, d’une culture sur brûlis ou en plaine inondable ? Le lecteur a bien du mal à s’y retrouver après avoir lu Man Makes Himself.

Je souligne à nouveau que la « révolution néolithique » de Childe est une construction théorique, qui doit être lue non à la lumière des preuves archéologiques dont nous disposons aujourd'hui, mais à celle d'un ensemble de théories (essentiellement allemandes). Childe cite rarement ses sources. Quand il le fait, c’est uniquement pour ses contemporains, comme Grafton Elliot Smith, William Perry, Oswald Menghin, Nicolaï Vavilov et  Cyril Daryll Forde.

Comprendre d'où vient Childe, comme j'essaie de le faire dans cet article, implique donc de revenir à chacun de ces auteurs individuellement et de retracer leurs idées pour évaluer plus exactement la nature et l’importance de leur influence. La « révolution néolithique » de Childe apparaît alors comme une constellation d’idées de diverses origines, et non comme un bloc monolithique.

 Guerres anthropologiques à Londres

Venons-en donc au paysage de la recherche et des institutions d’archéologie et d’anthropologie à Londres, qui a servi de cadre aux débuts de la carrière de Childe et a déterminé son positionnement intellectuel. Nous savons que lorsque Childe déménage à Londres en 1921, il vit à Cartwright Gardens, au cœur de Bloomsbury97, et qu’il fréquente différentes institutions dont le University College, en particulier le département d'anatomie d'Elliot Smith sur Gower Street et la section d’égyptologie conduite par Flinders Petrie (sachant que l'Institut d'archéologie proprement dit n’est fondé qu'en 1937) ; le British Museum dans Great Russell Street ; le Royal Anthropological Institute (RAI), qui se situe alors dans Upper Bedford Place ; et le département d'anthropologie de Charles Gabriel Seligman à la London School of Economics (LSE).

Durant les années 1920, ce réseau intellectuel au cœur de Londres est témoin d'une série d'affrontements entre écoles rivales d'anthropologie. Ces « guerres anthropologiques », décrites en détail par Ian Langham dans The Building of British Social Anthropology98, relèvent essentiellement du « conflit interne », pour citer Sir William Beveridge, alors directeur de la LSE99, pour s’assurer le contrôle du RAI et de l'argent de la Fondation Rockefeller, au moment de la Grande Dépression, lorsque les financements se font rares. C’est aussi un combat pour éradiquer l’école « hérétique » d'anthropologie qui s’est installée à la faculté de médecine du University College sous Elliot Smith.

L’école britannique de diffusionnisme : William H. R. Rivers, Eliott Smith et la faculté de médecine du University College

La fondation de l'école britannique de diffusionnisme est généralement attribuée à W.H.R. Rivers, l'une des figures marquantes de l'anthropologie sociale britannique et le brillant inventeur de la méthode généalogique en ethnologie100. Débutant sa carrière sous l’égide de l’évolutionnisme culturel, dans la droite ligne de Lewis Henry Morgan et de William Burnett Tylor, Rivers annonce soudainement en 1911, dans son discours inaugural en tant que nouveau président de la section anthropologique de la British Association for the Advancement of Science, qu'il renonce à l'évolutionnisme anthropologique et se « convertit » au diffusionnisme101. Les circonstances de cette conversion sont encore assez obscures : Rivers l'attribue à un rêve qu'il a fait à propos de deux peuples mélanésiens102, mais on est à peu près sûr qu'il était au courant du travail du diffusionniste allemand Fritz Gräbner en Océanie, où il menait lui-même des travaux de terrain103. La publication en cette même année 1911 du livre de Gräbner, Methode der Ethnologie104, a peut-être précipité sa crise de conscience (cf. ci-dessous) : son History of Melanesian Society, publiée en 1914105, qui commence comme un ouvrage sur l'évolution des structures sociales, passe ainsi brusquement au diffusionnisme au milieu du deuxième volume106.

Contrairement à Gräbner qui a souvent été critiqué pour son approche « mécanique » de la culture, excluant complètement le domaine psychologique107, Rivers souligne le rôle de l’inconscient collectif pour expliquer pourquoi il est peu probable que les innovations apparaissent plus d’une fois dans différentes sociétés humaines108  Un tel recours à la psychologie et à l’architecture du cerveau devient alors l’un des traits principaux de l’école britannique de diffusionnisme après la rencontre entre Rivers et Elliot Smith, alors professeur d’anatomie à la Government School of Medicine du Caire. C’est en Égypte, en effet, qu’ils commencent à chercher ensemble une explication à la diffusion de différentes pratiques, dont la momification109 .

Sir Grafton Elliot Smith (1871-1937) peut être décrit comme un savant imprévisible quoique passablement obsessionnel : comme on l’a vu, il pensait que toute innovation dans le monde découlait, directement ou indirectement, de l’Égypte ancienne110. Venant de l’anthropologie biologique plutôt que des sciences sociales et humaines, il ne faisait pas grand cas de la question aryenne. En revanche, il exprimait des opinions quasi religieuses sur le caractère pacifique de la nature et des êtres humains111. Pour lui, la civilisation était née en Afrique de l’Est, tout comme l’humanité peut-être, et avait été « offerte » au monde par les anciens Égyptiens lors de leurs expéditions maritimes à la recherche de perles, d’or et d’autres métaux précieux – une vision missionnaire du monde antique dans laquelle on peut voir un écho du colonialisme. Childe, qui, en ce qui le concerne, entre dans l’archéologie par la philologie, l’histoire ancienne et la philosophie politique, avait tendance à le prendre pour un lunatique112. Cependant, l’école « hérétique » d’anthropologie promue par Elliot Smith était loin d’être marginale en Grande-Bretagne. En 1921-1922, elle a même brièvement menacé de prendre le contrôle du RAI113.

Grafton Elliot Smit

Sir Grafton Elliot Smith (1871-1937), neuroanatomiste australien et membre fondateur de l’école britannique de diffusionnisme.

Pendant la Première Guerre mondiale, Elliot Smith et Rivers travaillent ensemble sur le traitement des victimes de l’obusite (shell shock) – travail qui leur vaut une reconnaissance considérable en Grande-Bretagne et à l'étranger114. Dans le sillage de la Grande Guerre, ils se trouvent tous les deux portés au sommet de leurs domaines respectifs. Elliot Smith est nommé en 1919 à la chaire d'anatomie du University College de Londres, avec pour mission de fonder un institut grâce au mécénat de la Fondation Rockefeller – il s’agissait à l'époque de la plus grande donation individuelle à un établissement d'enseignement britannique115. La Fondation Rockefeller tenait particulièrement à cette donation pour soutenir la collaboration médicale entre le Royaume-Uni et les États-Unis, qui s’était considérablement développée pendant la guerre.

La faculté de médecine du University College était conçue pour s'étendre de la gare ferroviaire d’Euston jusqu’au British Museum et de Southampton Row à Tottenham Court Road116. Bien que le projet complet n'ait jamais été achevé, on peut encore se faire une idée de son échelle pharaonique en visitant le campus du UCL, qui possède d’ailleurs toujours un bâtiment au nom de Rockefeller. Le plan d'Elliot Smith pour le bâtiment d'anatomie sur Gower Street s'étend rapidement au-delà de l'anatomie chirurgicale pour traiter de la biologie humaine en général, avec des sous-départements consacrés à l'embryologie, à l'histologie et à la radiographie117. Elliot Smith est alors l'un des premiers à examiner les momies des pharaons aux rayons X et à décrire leurs caractères physiques, y compris leur cerveau desséché118. Plus controversée cependant est sa décision de nommer son ami et disciple W.J. Perry à une chaire d'anthropologie – quelque chose d'inimaginable auparavant au sein d’une faculté de médecine. L’« hérésie » diffusionniste prend soudain le contrôle de l'un des plus grands établissements d'enseignement de Grande-Bretagne, défiant l’anthropologie traditionnelle et s'étendant rapidement à d'autres parties du monde, étant donné que les étudiants, d’abord envoyés sur le terrain, sont souvent nommés plus tard à des chaires à l'étranger – par exemple, Raymond Dart à Johannesburg, qui découvre l'enfant de Taung, et Davidson Black à Pékin, qui décrit pour la première fois l'homme de Pékin119.

Le conflit entre les différentes branches de l'anthropologie en Grande-Bretagne devient public en 1921 lorsque Rivers est élu président du RAI et annonce, dans son discours présidentiel, un remaniement radical de l'Institut dans la direction suggérée par Elliot Smith : une approche globale de l'anthropologie, tant biologique que culturelle120. Le temps de l'évolutionnisme et de ses grandes généralisations, annonce-t-il, est révolu ; l'heure est maintenant à l'empirisme et au terrain, tel que pratiqué, selon lui, par le groupe d'Elliot Smith. Si Rivers n’était pas mort subitement en 1922, l'école britannique de diffusionnisme aurait pu prendre le contrôle de l'anthropologie en Grande-Bretagne et la remodeler de façon significative – en l’alignant peut-être sur l’anthropologie américaine de Boas, caractérisée par une structure quadripartite (anthropologie biologique, archéologie, anthropologie culturelle, anthropologie linguistique).

À la mort de Rivers, cependant, les problèmes commencent à s’amonceler pour Elliot Smith. Sa décision de résilier son adhésion au RAI peu de temps après la mort de son collègue, pour protester contre les attaques des spécialistes de la civilisation Maya au British Museum – en particulier le capitaine T.A. Joyce, vice-président du RAI, qui ne croyait pas en son explication de l’origine des mégalithes mésoaméricains – ne font qu'aggraver ses problèmes. Elliot Smith et le RAI s’opposent ouvertement dans la presse au sujet de la coordination des activités anthropologiques en Grande-Bretagne, Myres prenant alors la tête de la campagne visant à défendre le RAI contre Elliot Smith121. Le coup de grâce intervient en 1927, quand ce dernier perd le financement de la Fondation Rockefeller au profit du RAI – qui utilise l’argent pour embaucher Childe – et de la London School of Economics122 . Bien qu'Elliot Smith et le RAI aient su faire taire leur différend lorsque les circonstances l'imposaient – notamment avec la création du Committee for Race and Culture en 1934 –, ce qui ressort de la crise de 1927, c’est l’impression d’une défaite de l’« hérésie » diffusionniste et d’une marginalisation d’Elliot Smith au sein de l’anthropologie britannique.

Le fonctionnalisme britannique : Bronisław Malinowski et la London School of Economics

Cette défaite est en partie imputable à Bronisław Malinowski (1884–1942). C'est apparemment lui qui se rend en Amérique pour persuader la Fondation Rockefeller de couper le financement accordé à Elliot Smith123. Né à Cracovie, alors province de l'Empire austro-hongrois, Malinowski étudie à Leipzig avant la Première Guerre mondiale. C'est là qu'il rencontre les théories de Karl Bücher, professeur d'économie politique à l'Université124. Bücher avait écrit un livre influent, traduit en Grande-Bretagne sous le titre Industrial Evolution (1901), qui propose de diviser le développement des sociétés humaines en trois phases principales : « (1) le stade de l'économie domestique indépendante […] dans lequel les biens sont consommés là où ils sont produits » ; « (2) le stade de l'économie de la ville […] dans lequel les biens passent directement du producteur au consommateur » ; et « (3) le stade de l'économie nationale […] dans lequel les marchandises doivent normalement passer par de nombreuses mains avant d'atteindre le consommateur »125. Ces étapes rappellent bien sûr fortement les trois étapes principales de la production – néolithique, urbaine et industrielle – avec lesquelles Childe a construit Man Makes Himself trente-cinq ans plus tard126.

 

Bronislaw Malinowski

Bronisław Malinowski (1884-1942), anthropologue et père-fondateur du fonctionnalisme.

Avant ces trois étapes, Bücher en imagine une quatrième, qu’on retrouve également dans le livre de Childe : l'étape pré-économique ou la « recherche individuelle de nourriture », caractérisée principalement par la maîtrise du feu – « une influence puissante dans le sens de la civilisation »127. Bücher est convaincu que « l'homme non civilisé », avant l'invention de la maison, erre sans but comme un animal sauvage, satisfaisant ses envies en prenant tout ce qu'il peut de la nature et de ses compagnons primates, ignorant l'amour et la compassion, identifiés à la vie de famille. Même l'amour maternel n’est pas certain et Bücher soutient que le stade le plus bas de la sauvagerie consiste probablement à tuer la plupart de ses enfants, d'où une très faible densité de population en ces temps originaires128.

C'est précisément contre cette vision des sociétés primitives comme pré- ou non-économiques que Malinowski et sa branche d'anthropologie se sont élevés : la célèbre étude de ce dernier sur les réseaux d’échange (Kula) parmi les tribus mélanésiennes de Nouvelle-Guinée vise à montrer qu'un système économique complexe est en place parmi des peuples qualifiés à l’époque de « primitifs », bien que leur objectif ne soit pas l'accumulation de profits comme dans la société capitaliste moderne129. Le point de vue de Malinowski, basé sur un travail de terrain remarquablement sérieux, constitue en quelque sorte une troisième voie, distincte à la fois de l’idée de recherche individuelle égoïste de nourriture propre à Bücher et du concept de communisme primitif développé par Marx et Engels. On n’est pas vraiment dans le communisme, en effet, car le capital social et le prestige s'accumulent et se transmettent sous forme de colliers et de bracelets de coquillages, ainsi qu’avec d’autres symboles de statut acquis lors d’expéditions maritimes risquées. Ce sont d’ailleurs elles qui donnent son titre au livre, Argonauts of the Western Pacific130.

Malinowski a commencé à définir sa méthode de recherche en 1910 alors qu'il étudie à la London School of Economics sous la direction de Charles Seligman et d’Edvard Westermarck131. Après la guerre, il acquiert une position importante dans le département d'anthropologie et y développe une approche iconoclaste de l'anthropologie, qui implique l'observation participante et l'abandon de la lecture de livres132. Avec cette idée de peuples « primitifs » voyageant sur la mer, Malinowski attaque les diffusionnistes sur leur propre terrain : alors que la situation étudiée présente toutes les conditions d’un cas parfait de diffusionnisme, Malinowski l’interprète selon les principes nouveaux de la réinvention fonctionnelle. Il obtient bientôt quelques adeptes « convertis », dont Daryll Forde – un bon ami de Childe – qui avait publié en 1927 Ancient Mariners sous la supervision d'Elliot Smith133, mais qui rejoint ensuite la LSE et s’inscrit dans la lignée de Malinowski dans son grand classique de 1934, Habitat, Economy and Society134. Or, dès 1927, la rupture entre Malinowski et Elliot Smith était consommée. Cette année-là, la publication de Culture: The Diffusion Controversy peut être considérée comme le dernier acte de l'école britannique de diffusionnisme avant sa disparition. Dans ce livre collectif, d’un côté, Elliot Smith réaffirme sa conviction que toute innovation vient d'Égypte135, tandis que, d’un autre côté, Malinowski expose les bases de son approche fonctionnaliste, substituant l’idée de réinvention à celle de diffusion136.

Le « diffusionnisme modéré » de Childe

Tandis que l'anthropologie sociale selon Malinowski devient ce qui a parfois été décrit comme une « science de l'acculturation », Childe, de son côté, développe une vision qu’on peut qualifier de diffusionnisme modéré, en mettant l'accent sur un phénomène bien délimité de diffusion, celle de l'agriculture137. Ces différences ne sont pas étrangères à leurs histoires personnelles : Européen de naissance, Malinowski part à la recherche des racines primitives ou « barbares » de l'humanité à l'autre bout du monde, dans le Pacifique occidental ; Childe, quant à lui, né en Australie et Européen d’adoption, préfère explorer le passé profond européen pour y découvrir les origines de la culture et de l'agriculture, qui se cachent sous la « civilisation » historique.

Cela dit, tous deux travaillent sur des communautés agricoles dites « primitives », bien qu’elles soient très distantes chronologiquement et géographiquement. D'où une certaine convergence de leurs idées, sensible notamment vers 1935, lorsque Malinowski publie Coral Gardens and Their Magic. A Study of the Methods of Tilling the Soil and of Agricultural Rites in the Trobriand Islands, dans lequel il décrit non seulement les formes primitives de travail de la terre, mais aussi le « langage de l'agriculture », mêlant données ethnographiques et données linguistiques138. Il n'est donc pas surprenant de constater que, pour comprendre « l'économie néolithique » (p. 272 de Man Makes Himself), Childe recommande de lire non seulement Argonauts…139 mais aussi Coral Garden140 de Malinowski, références auxquelles il ajoute celles de Primitive Economics of the New Zealand Maori141 de Firth et Economics in Primitive Communities142 de Thurnwald.

Bronislaw Malinowski 2

Bronisław Malinowski parmi les Trobriandais de Papouasie-Nouvelle-Guinée vers 1918.

Les influences germaniques

Le conflit entre les différentes branches de l’anthropologie à Londres fait écho au clivage ancien entre sciences naturelles et sciences humaines, qui s’exprime de façon très marquée en Europe centrale, où le créationnisme biblique n’a pas dit son dernier mot. Différentes disciplines se disputent alors le contrôle de l'anthropologie, la science de la nature de « l'homme » – pour utiliser un terme genré que nous n'utilisons plus guère aujourd'hui, car il semble n’impliquer qu’une moitié de l'humanité – qu’il s’agisse de l’anthropologie physique ou de l’anthropologie culturelle, plus tard venue. Les sociétés d'anthropologie remplacent celles d'ethnologie à Paris en 1859 et à Londres en 1863. Quant à la Société berlinoise d'anthropologie physique, d'ethnologie et de préhistoire (Gesellschaft für Anthropologie, Ethnologie und Prähistorik), créée en 1869 sur le modèle d'autres sociétés d'anthropologie européennes, elle se heurte à une forte opposition, venue de bords opposés.

Bastian et l’ « unité psychique de l'humanité »

La Gesellschaft… berlinoise ne semble en effet satisfaire personne. Ni Rudolf Virchow ni Adolf Bastian, ses deux figures de proue, ne soutiennent le darwinisme, et le second, qui plus est, tient des propos ambigus sur la psychologie, qu'il espère refonder sur les preuves apportées par l'ethnologie143. L'idée de Bastian d'une « unité psychique de l'humanité » ou, selon ses termes, de « l'épouvantable monotonie des idées fondamentales de l'humanité dans le monde entier » – dans la mesure où elle suppose une évolution parallèle des sociétés humaines – devient immédiatement la bête noire des historiens et des géographes allemands qui, tel Friedrich Ratzel, considèrent les échanges culturels et la migration comme les deux principaux moteurs de l'essor de la civilisation144. L'Empire allemand de 1871 est construit sur le mythe d'une symbiose parfaite entre un peuple et son territoire, l’idéologie du Blut und Boden (littéralement « sang et sol ») – une vision qui laisse peu de place à l'universalisme professé par Bastian et d'autres membres de la Berliner Gesellschaft.

De plus, la thèse de Bastian de « l'unité psychique de l'humanité » repose sur un singulier paradoxe : alors que l'évolutionnisme biologique implique que des formes naturelles apparentées ont une origine unique, son idée de l'évolutionnisme culturel suppose que les formes sociales, quant à elles, en ont plusieurs145. Dans ce contexte, le diffusionnisme, tel qu’observé en Allemagne et en Autriche, n’est pas tant une réaction à l'évolutionnisme en tant que tel qu’aux théories spécifiques de Bastian et à son postulat bizarre selon lequel toutes les sociétés peuvent passer par les mêmes stades d'évolution et développer des innovations similaires, sans qu’il soit jamais possible, comme l'explique Boas, « de découvrir les sources ultimes des inventions, des idées, des coutumes et des croyances qui sont d'occurrence universelle. Elles peuvent être indigènes, importées ou provenir de diverses sources, mais elles sont là. L'esprit humain est ainsi formé qu'il les invente spontanément ou les accepte dès qu'on les lui offre. C'est l'idée très mal comprise de Bastian146 ».

C’est à la suite de ces conflits entre évolutionnistes et diffusionnistes en Allemagne que « l'histoire des civilisations » (Kulturgeschichte) y devient un domaine à part, sous l’égide de Ratzel, et que l'ethnologie rejoint les « sciences de l'esprit » ou Geisteswissenschaften147.

La place de la préhistoire en Autriche

En Autriche, le divorce entre les Naturwissenschaften et les Geisteswissenschaften est institutionnalisé par la création de deux musées nationaux distincts se faisant face sur la Maria-Theresien-Platz à Vienne, le Naturhistorisches Museum (1889), avec ses fossiles et ses animaux empaillés, consacré dès le début à la défense et l’illustration de la théorie de l'évolution, et le Kunsthistorisches Museum (1891), caractérisé par sa collection de peintures mais aussi d’objets du Proche-Orient et de l’Égypte antiques, du passé grec et romain. La préhistoire reste un domaine contesté. L'une des plus anciennes chaires de « préhistoire » d'Europe est créée par Moritz Hoernes à l'Université de Vienne. Au lieu de Vorgeschichte (pré-histoire), l’intitulé de la chaire utilise la notion d’Urgeschichte (littéralement « histoire primitive » ou « originelle »148) – mettant ainsi l'accent sur la recherche des origines149.

A vrai dire, il n'existe pas de traduction adéquate du préfixe allemand Ur-, qui fait allusion au début ou à l'origine de quelque chose de lointain dans le temps, tout en véhiculant des idées de pureté et d'authenticité. S’y ajoute la dénomination de l'ancienne ville d'Ur en Chaldée, la maison présumée d'Abraham dans la Genèse150, homonymie qui n’échappe pas aux auteurs allemands, qui jouent souvent sur cette double signification d’une origine à la fois métaphysique et géographique, au centre du monde antique151. Le livre de Moritz Hoernes, Urgeschichte der bildenden Kunst in Europa (1898)152 repose sur cette polysémie et est essentiellement un plaidoyer pour intégrer la Urgeschichte dans les Geisteswissenschaften ou « sciences de l’esprit ». Apparemment, ce plaidoyer n’a pas été entendu dans le monde des musées, cependant, puisque la collection préhistorique va finalement au Naturhistorisches Museum, où elle peut encore être admirée aujourd'hui à côté de la galerie de l'évolution humaine.

L’École diffusionniste de Vienne : Fritz Gräbner, Wilhelm Schmidt et Wilhelm Koppers

Le diffusionnisme se développe en Autriche sous l'influence de l'historien allemand, devenu ethnologue, Fritz Gräbner, l'une des figures marquantes de l'École d'ethnologie de Vienne, dominée par la Kulturkreislehre, « l'école des cercles culturels » ou « théorie des aires culturelles »153. Gräbner a un plan de travail ambitieux, décrit dans sa Methode der Ethnologie (1911)154, qui est conçu pour être testé sur le terrain par ses collègues et assistants, envoyés en Océanie, en Afrique et en Amérique du Sud155.

La Kulturkreislehre, pour le dire en un mot, part du principe que la culture rayonne en cercles à partir d'un centre d'origine bien défini, quelque part sur la terre. Chaque cercle culturel est associé à un « complexe culturel » (Kulturkomplex), composé d'un ensemble de traits ou d'attributs interdépendants, qui se diversifie de plus en plus à mesure que la culture se répand dans l'espace et rencontre d'autres cercles culturels156. Le processus de « diffusion » (Ausbreitung) peut prendre diverses formes – migration, acculturation – et son intensité diminue à mesure qu'il s'éloigne de sa source. Une culture n’en remplace jamais totalement une autre, ce qui conduit à des recombinaisons intéressantes. En analysant systématiquement la distribution des attributs culturels, tels que les formes de maisons, les pratiques religieuses, les structures sociales, les outils et les armes, et en comparant les complexes culturels en fonction de leur plus ou moins grande ancienneté, il devient possible d'identifier des « cultures d'origine » (Urkulturen) et d’étudier leur évolution dans le temps et dans l'espace. Cette méthode se veut la base d'une nouvelle anthropologie historique de la culture.

 

Le principal assistant de Gräbner, le père Wilhelm Schmidt, était un prêtre catholique romain, de même que son assistant, le père Wilhelm Koppers. La Kulturkreislehre étant dédiée à la recherche des origines, il n’est pas étonnant qu’elle ait attiré les catholiques et les missionnaires de toutes confessions157. J'insiste sur ce fait, car l'une des accusations les plus fréquemment portées contre l'école britannique de diffusionnisme d'Elliot Smith est qu'elle aussi cherchait à recycler le mythe de la Création à travers l'histoire des anciens Égyptiens et la diffusion mondiale d’une culture primitive158. W.J. Perry, l'un des trois principaux représentants du diffusionnisme britannique, était maître de conférences en religion comparée avant d'être nommé à la chaire d'anthropologie du University College. Perry et Elliot Smith s’interrogent souvent sur la nature humaine et son instinct fondamental, qu'ils croient être la quête de la vie éternelle ; Thanatos plutôt qu’Eros159. Ils observent la fascination des anciens Égyptiens pour la préservation des corps et des âmes des morts dans l'au-delà. Il est donc concevable pour eux que la recherche de substances considérées comme « vivifiantes », notamment l'or, ait pu déclencher la diffusion de la culture. Réciproquement, Malinowski et son « école pornologique » – pour reprendre l'expression d'Elliot Smith160 – est l'une des cibles favorites des diffusionnistes à Londres. De ce point de vue, le jugement de Childe à l’encontre des diffusionnistes est sans équivoque :

Au XXe siècle, les doctrines de la Création et de la Chute ont été relancées sous l’étiquette du diffusionnisme. Je suis sûr qu'Elliot Smith, le fondateur de l'école diffusionniste anglaise, n'avait pas l'intention de raviver les dogmes théologiques dans sa polémique contre Tylor et son concept d'évolution. Pourtant, c'est en fait ce à quoi le diffusionnisme a conduit. Dans sa forme stricte, le diffusionnisme part de l'affirmation de Niebuhr selon laquelle « aucun exemple ne peut être avancé d'un peuple réellement sauvage devenu indépendamment civilisé » […] Les sauvages sont représentés par les diffusionnistes comme totalement sans initiative, sans le désir ou la capacité d’inventer un outil, un mythe ou une institution quelconques. Toutes les inventions majeures n'ont été faites qu'une seule fois par quelques élus. En partant de ces derniers, elles se sont diffusées jusqu’aux ténèbres de la sauvagerie. Les différentes étapes de la barbarie sont dues aux radiations à partir d’un foyer unique de la civilisation – des radiations qui sont acceptées à des degrés divers mais toujours dégradées dans le processus. Puisqu'aucun peuple ne peut se civiliser, la civilisation doit être un miracle, le résultat d'une intervention surnaturelle161.

La Urgeschichte d’Oswald Menghin et la méthode des « cycles culturels »

Oswald Menghin (1888–1973), le successeur d’Hoernes à la chaire d’Urgeschichte de l'Université de Vienne, était lui aussi catholique pratiquant162. Il utilise la Kulturkreislehre comme cadre méthodologique d'une approche radicalement nouvelle de la « préhistoire » (Urgeschichte) qui prévoit de transformer cette discipline en science mère incorporant toutes les autres, à savoir les branches historiques de l'anthropologie physique, la paléoethnologie, l'archéologie linguistique, l'ethnologie et l'archéologie préhistorique163. Car Menghin se rend vite compte que les préhistoriens sont particulièrement bien placés pour étudier les cultures d’un point de vue anthropologique ; les strates qu'ils fouillent sont comme des fenêtres ouvertes sur la vie des cercles culturels et les objets qu'ils découvrent sont la preuve matérielle que les cultures originelles existent et qu'elles peuvent être décrites.

Oswald Menghin

Le préhistorien autrichien Oswald Menghin (1888-1973) vers 1930.

Aujourd'hui, cela semble évident, mais dans les années 1920-1930, lorsque l'archéologie préhistorique était encore une science relativement nouvelle, la méthode des « cycles culturels » – comme l’appelle Childe164 – était considérée comme potentiellement révolutionnaire165. « L'ethnographie comparée », écrit Childe, « […] est handicapée par sa limitation à deux dimensions. Ce n'est qu'avec l'aide de l'archéologie que le facteur temps peut être réintroduit166 ». Si Menghin n'avait pas décidé de rejoindre le gouvernement nazi de Seyss-Inquart en tant que ministre de la Culture et de l'Éducation en 1938, on se souviendrait peut-être de lui aujourd'hui comme de l'une des figures majeures de l'archéologie historico-culturelle167. On peut se faire une idée de son projet (et également de sa mégalomanie) à la lecture de son magnum opus, Weltgeschichte der Steinzeit168, dans lequel il prétend avoir identifié trois cultures originelles dans le monde, caractérisées respectivement par les lames, les haches en pierre et les objets en os. Son intention était peut-être de créer ainsi une alternative au système des trois âges.

Diffusion evolution

(A) La « théorie des cercles culturels » (adaptée de David Clarke, Analytical Archaeology, Methuen & Co., 1968, fig. 67). Les trois traditions fondamentales de l’humanité d’après Weltgeschichte der Steinzeit de Menghin (Oswald Menghin, Weltgeschichte der Steinzeit, Vienne, Anton Schroll und Co., 1931) sont représentées sur ce diagramme ; (B) la théorie des trois âges de Thomsen (vers 1825) et la succession des époques préhistoriques du paléolithique d’après de Mortillet (Gabriel de Mortillet, Le Préhistorique, antiquité de l’homme, Paris, C. Reinwald, 1883).

Les emprunts à la tradition historique allemande dans Man Makes Himself

J’en viens maintenant à ce que j’estime être les trois principaux courants qui ont influencé Childe et à la façon dont ils se traduisent dans son modèle des trois révolutions.

La « Dreistufenlehre »

Aux pages 75 et 91 de Man Makes Himself, Childe mentionne « l'école historique » allemande. Il fait ainsi référence à l'ensemble des théories économiques évolutionnistes du XIXe siècle, qui imaginent que la transition vers l'agriculture s'est déroulée de façon unilinéaire en trois stades, passant de la vie nomade à la vie pastorale, puis à l'agriculture sédentaire169. Plus d’un siècle et demi auparavant, Adam Smith faisait déjà référence aux « chasseurs », « bergers » et « agriculteurs » dans son Wealth of Nations170, mais c’est en Scandinavie171, et plus tard en Allemagne, que le système des trois stades fut véritablement élaboré et débattu172. L'une des hypothèses les plus communes, vraisemblablement influencée par l'histoire biblique de Caïn le fermier et d'Abel le berger, soutient que l'agriculture et l'élevage se sont développés de façon indépendante dans des groupes humains distincts, vivant côte à côte sans partager les produits de leur travail. Déracinés et apatrides, les pasteurs nomades détruiraient constamment ce que les agriculteurs réalisent, d’où la tension observée à travers l'histoire entre la « civilisation » et ses « barbares ». Cette vision trouve un écho chez les diffusionnistes britanniques, qui voient dans la division du travail entre agriculteurs et éleveurs – ou dans la dégradation de la vie sédentaire en vie pastorale – les origines de la guerre et des aristocraties militaires173.

Les chercheurs allemands et autrichiens imaginent en outre une spécialisation des rôles et des productions alimentaires selon le sexe des individus : les femmes, qui récoltent les fruits et les racines, seraient naturellement prédisposées aux durs labeurs des champs ; tandis que les hommes, qui chassent traditionnellement les animaux, seraient plus aptes à s'en occuper, une fois ceux-ci placés en captivité174. Cette division sexuée du travail est présentée comme naturelle et universelle – ce qui peut sembler naïf, quand bien même les données ethnographiques sont appelées à la rescousse pour accréditer cette hypothèse175. Le contrat social entre mari et femme, entre éleveur et agriculteur, institutionnalisé par la vie domestique et familiale, est souvent décrit comme le ferment essentiel de la civilisation, permettant par exemple d'établir la paternité et avec elle la transmission du nom et de la propriété176.

Childe, pour sa part, n'a jamais mis l'accent sur la maison ni sur la sédentarité dans son idée de « révolution néolithique », et la raison en est claire : ce sont les véhicules d'une révolution bourgeoise faite par les hommes pour contrôler les femmes et leur progéniture, en d'autres termes, les origines du pater familias. Cela étant, Childe adopte clairement l'idée de Bücher d'un stade de production domestique, dans lequel les biens sont consommés là où ils sont produits, c'est-à-dire dans le cercle exclusif du ménage élargi177. L'échange est la plupart du temps absent de son modèle et c'est l'une de ses principales différences avec Malinowski178. Ce n’est qu’au stade de l’évolution des sociétés néolithiques en sociétés urbaines qu’est mobilisé, comme facteur explicatif, le passage d'une « production alimentaire autosuffisante à une économie basée également sur la fabrication spécialisée et le commerce extérieur179».

La « Kulturkreislehre »

Dans Man Makes Himself, Childe décrit un phénomène de « dégradation » inhérent au processus de diffusion, avec « différents degrés de civilisation […] disposés en zones autour des centres primaires180 ». On retrouve ici quelques éléments de la Kulturkreislehre, notamment la théorie des « cercles culturels », par lesquels se diffuse dans l'espace et le temps un complexe de traits culturels, perdant de la vitesse à mesure qu’on s'éloigne de la source d'origine de l'innovation181. Fait intéressant, la pensée de la « révolution néolithique » chez Childe ne fait aucune distinction entre les origines de l’agriculture et la diffusion des économies agricoles. Ce qui se diffuse, c'est la « révolution néolithique182». Si Gräbner n’est pas directement mentionné dans Man Makes Himself, on trouve en revanche quelques références à Oswald Menghin183. Dans son livre Geist und Blut, ce dernier décrit le complexe agricole d’origine qui s’est développé dans la région située entre le Nil et la vallée de l'Indus184. Plus que l'importance de la nouvelle économie, Menghin tient à montrer la supériorité de l'agriculteur, décrit comme le « guide » (Führer) incontesté de la famille – celui qui subvient aux besoins et fait vivre son large cheptel grâce à des activités nobles comme le travail de la terre et l’exploitation des animaux185. Par comparaison, le complexe néolithique de Childe met davantage l'accent sur l'économie. Autrement dit, son Neolithic package (« paquet néolithique ») – pour reprendre un concept inventé par un élève d'Andrew Sherratt186 – est avant tout économique, et non culturel.

Le matérialisme dialectique

J'ai déjà mentionné la « dialectique du progrès » et les contradictions dans les rapports de production qui sous-tendent les deux révolutions « préhistoriques » de Childe187. Nous sommes là en territoire marxiste. La pierre, le bronze et le fer sont décrits comme des instruments de production. La science archéologique en Europe centrale, il est bon de le souligner, n’a pas de tradition matérialiste fortement établie avant les années 1860188. Le système des trois âges de Thomsen, par exemple, n’est pas véritablement accepté en Allemagne ni en Autriche avant la fin du XIXe siècle189. L'existence d'un âge du bronze est vigoureusement contestée par Lindenschmit, le tout-puissant directeur du Musée romain-germanique de Mayence, qui se méfie de toute association entre ce métal, les expansions celtiques – vraisemblablement de l'Est de la France - et l'essor des Allemands modernes190. Ce n'est qu'avec son décès en 1893 que le système des trois âges commence à être plus largement accepté. Au début du XXe siècle, un parfum de scandale plane donc encore sur le matérialisme historique, qui reste longtemps banni des universités allemandes. C’est par des figures politiques telles que Marx et Engels, que le schéma évolutionniste culturel décrit par Lewis Henry Morgan, qui va de la sauvagerie à la barbarie pour atteindre la civilisation, est introduit pour la première fois en Allemagne, et ce qu’on y voit le plus souvent à l’époque, c’est une entreprise de soutien à un programme révolutionnaire faisant la part belle à l’émancipation des femmes, à l'amour libre et à la chute de la bourgeoisie191.

Dans ce sillage matérialiste, la « révolution néolithique » de Childe ne se réduit pas à une évolution d’un stade de production à un autre, mais elle inclut un changement qualitatif des forces de production, avec un point de basculement irréversible. Aucun retour en arrière n’est possible. Childe propose comme analogie la révolution industrielle, caractérisée par « des changements radicaux dans la culture matérielle et les outils, les nouvelles forces sociales de production, la réorganisation économique » et par une explosion démographique192. Childe a peut-être emprunté cette analogie à un autre matérialiste militant, Gabriel de Mortillet, qui en 1879 décrivait déjà le Néolithique comme « une révolution industrielle, qui rappelle assez celle produite en Amérique par l'arrivée des Européens193». Chose intéressante, il n'y a ni gagnants ni perdants dans Man Makes Himself. Le changement vient en réaction aux contradictions non-résolues du système de production – et non à la suite d’une lutte des classes, comme chez Marx et Engels. Selon Childe, le progrès profite à tout le monde (mais peut-être pas équitablement).

Conclusion et perspectives

Dans cet article, je me suis concentré sur le cadre intellectuel de Childe à Londres, ainsi que sur les racines allemandes et autrichiennes de sa pensée. Bien que Childe ait sans aucun doute participé au processus contemporain de professionnalisation de l'archéologie, avec le développement de la stratigraphie et de l'archéologie historico-culturelle, son approche du passé n’est pas celle d’un archéologue. Son travail incorpore et transforme des éléments de la philosophie politique et de l'histoire allemandes du XIXe siècle. Ce faisant, il est évidemment impliqué dans ce grand transfert d'idées de l’Est vers l'Ouest, qui commence peu avant la Première Guerre mondiale et se termine avec la destruction des traditions intellectuelles d'Europe centrale sous Hitler194. Ces idées lui fournissent incontestablement un cadre pour comprendre non seulement la préhistoire mais aussi la fabrique de l'Europe ; cela dit, sa position à leur égard n'est jamais tout à fait claire : il les trouve probablement à la fois attirantes et répulsives. J'ai décrit Childe comme un intellectuel en guerre, dans une discipline en guerre, dans une Europe en guerre. La guerre est en quelque sorte le fil conducteur qui relie les différents aspects de cet article. Pour paraphraser Clausewitz, la préhistoire, dans ce contexte de crise, me semble être, comme la guerre, une continuation de la politique par d’autres moyens.

Andrew Sherratt a écrit que le fantôme de Childe hantait encore la préhistoire européenne195. J'irai plus loin. Le spectre des politiques nationales du XIXe siècle plane toujours sur la préhistoire. Une fois que l'on a épluché les différents éléments constitutifs de l’idée de « révolution néolithique », on se demande comment ce concept, avec tout ce qu'il englobe initialement – mythologie aryenne, civilisation, migration des brachycéphales, Blut und Boden, etc. – peut encore faire sens au XXIe siècle. Est-ce à cause de sa capacité à nous projeter dans le passé – à illuminer une période qui reste largement inaccessible ? Nous ne nous sommes jamais complètement débarrassés des récits créés à une autre époque par d'autres Européens. Quand certains politiques tentent de réintroduire le conflit civilisationnel entre sédentaires et nomades – entre ceux qui contribuent à la nation, économiquement, biologiquement et culturellement, et ceux qui se contentent de passer les frontières pour venir voler « nos » fruits – la préhistoire ne risque-t-elle pas d'être instrumentalisée à nouveau ?

En 1940, la guerre semblait perdue. Childe envisageait d'émigrer en Amérique et pensait même à se suicider196. Mais il voit finalement une nouvelle aube se lever sur l'Europe (il se suicidera en 1957 pour de tout autres raisons). Pour résumer ce que nous savons de lui et de sa « méthode », il n'était ni diffusionniste, ni évolutionniste. Je ne suis pas même convaincu qu'il était marxiste. Il crée plutôt un système hybride qui emprunte beaucoup au monde dans lequel il vit, produisant des déclarations d'une pertinence universelle qui peuvent plaire à un très large lectorat. Dans une période – la fin des années 1930 – de fragmentation conflictuelle extrême des opinions et des méthodes, son originalité et sa force résident avant tout dans sa capacité à parler ainsi à tout le monde.

Mais ce ne sont pas des croisés qui sont venus. Ce sont les fugitifs d’une civilisation que nous sommes en train de manger, parce que nous sommes forts et vindicatifs comme le Jabuti 197 .

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1

Cet article trouve son origine dans une publication parue en 2019 dans Journal of World Prehistory, ici actualisée et substantiellement modifiée. La recherche a été menée à Londres grâce à une bourse de recherche du RAI (The Royal Anthropological Institute – David C. Pitt Library Fellowship, 2018). Je remercie Rémi Labrusse pour son invitation à participer à cet atelier sur les « politiques de la préhistoire », pour sa relecture critique et les nombreuses améliorations qu’il a apportées au texte.

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2

William McDougall, The group mind: A sketch of the principles of collective psychology with some attempt to apply them to the interpretation of national life and character, Cambridge, University Press, 1920, p. 201. Les traductions sont de l’auteur.

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3

Vere Gordon Childe, Man Makes Himself, Londres, Watts & Co, 1936.

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4

Sally Green, Prehistorian: A biography of V. Gordon Childe, Bradford-on-Avon, Moonraker Press, 1981, p. 14.

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5

William McDougall, The group mind: A sketch of the principles of collective psychology with some attempt to apply them to the interpretation of national life and character, Cambridge, University Press, 1920, p. ix.

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6

Raymond Firth, Primitive economics of the New Zealand Maori, Londres, George Routledge & Sons, 1929, p. 13.

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7

Katie Meheux, « Eight socialist conscientious objectors at the University of Oxford, 1914–1918 », Oxoniensia, nº 82, 2017, p. 165–200.

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8

Katie Meheux, « Eight socialist conscientious objectors at the University of Oxford, 1914–1918 », Oxoniensia, nº 82, 2017, p. 166-167.

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9

Katie Meheux, « Eight socialist conscientious objectors at the University of Oxford, 1914–1918 », Oxoniensia, nº 82, 2017, p. 165–200.

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10

Cité dans Terry H. Irving, « Selection of Vere Gordon Childe’s private letters », in P. Gathercole, T. H. Irving, G. Melleuish (dir.), Childe and Australia: Archaeology, politics and ideas, St Lucia, University of Queensland Press, 1995, p. 28.

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11

Timothy Champion, « Childe and Oxford », European Journal of Archaeology, nº 12(1–3), 2009, p.12.

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12

Houston Stewart Chamberlain, Who is to blame for the war ? New York, German–American Literary Defense Committee, 1915.

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13

Raymond Evans, « "Social passion": Vere Gordon Childe in Queensland, 1918–1919 », in P. Gathercole, T. H. Irving, G. Melleuish (dir.), Childe and Australia: Archaeology, politics and ideas, St Lucia, University of Queensland Press, 1995, p. 1.

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14

Raymond Evans, « "Social passion": Vere Gordon Childe in Queensland, 1918–1919 », in P. Gathercole, T. H. Irving, G. Melleuish (dir.), Childe and Australia: Archaeology, politics and ideas, St Lucia, University of Queensland Press, 1995, p. 1–26.

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15

Peter Gathercole, Terry Irving, Gregory Melleuish, « Introduction », in P. Gathercole, T. H. Irving, G. Melleuish (dir.), Childe and Australia: Archaeology, politics and ideas, St Lucia, University of Queensland Press, 1995, p. xvii.

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16

Peter Gathercole, Terry Irving, Gregory Melleuish, « Introduction », in P. Gathercole, T. H. Irving, G. Melleuish (dir.), Childe and Australia: Archaeology, politics and ideas, St Lucia, University of Queensland Press, 1995, p. xiii–xxi.

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17

Vere Gordon Childe, How Labour Governs, Melbourne, University Press, 1923.

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18

Friedrich Engels, Der Ursprung der Familie, des Privateigenthums und des Staats. Im Anschluss an L. H. Morgan’s Forschungen, Hottingen/Zürich, Schweizerische Genossenschaftsbuchdruckerei, 1884.

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19

William Zebina Ripley, The races of Europe. A sociological study, New York, D. Appleton and Company, 1899, p. 454.

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20

Jean-Paul Demoule, Mais où sont passés les Indo-Européens ? Le mythe d’origine de l’occident, Paris, Seuil, 2014.

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21

Harold Peake, The Bronze Age and the Celtic world, Londres, Benn Brothers, 1922, p. 133.

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22

Friedrich Ratzel, The history of mankind. Translated from the Second German Edition by A. J. Butler, Londres/New York, The Macmillan Co., 1896, p. 560. William Zebina Ripley, The races of Europe. A sociological study, New York, D. Appleton and Company, 1899, p. 454.

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23

Voir, par exemple, Houston Stewart Chamberlain, Die Grundlagen des neunzehnten Jahrhunderts. I. Hälfte, Munich, Verlangsanstalt F. Bruckmann A.-G., 1899. Gustaf Kossinna, Die Herkunft der Germanen: Zur Methode der Siedlungsarchäologie, Würzburg, C. Kabitzsch, 1911. Gustaf Kossinna, Ursprung und Verbreitung in vor- und frühgeschichtlicher Zeit, Berlin-Lichterfelde, Germanen-Verl, 1926.

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24

Voir Friedrich Ratzel, Der Lebensraum: Eine biogeographische Studie, Tübingen, H. Laupp, 1901.

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25

Vere Gordon Childe, « On the date and origin of Minyan Ware », Journal of Hellenic Studies, nº 35, 1915, p. 196–207.

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26

Voir, par exemple, Friedrich Ratzel, The history of mankind. Translated from the Second German Edition by A. J. Butler, Londres/New York, The Macmillan Co., 1896, p. 560.

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27

Andrew Sherratt, « V. Gordon Childe: Archaeology and intellectual history », in A. G. Sherratt (dir.), Economy and society in prehistoric Europe: Changing perspectives, Edinburgh, University Press, 1997 [1989], p. 58.

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28

Bodleian MS Myres 8, fs. 1–40.

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29

John Linton Myres, Who were the Greeks?, Berkeley, University of California Press, 1930.

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30

Vere Gordon Childe, The dawn of European civilization, Londres, Kegan Paul, Trench, Trubner & Co., 1925.

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31

Vere Gordon Childe, The Aryans: A story of Indo-European origins, Londres, Kegan Paul, Trench, Trubner & Co., 1926.

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32

John Linton Myres, The Dawn of History, New York, Henry Holt and Company / Londres, Williams & Norgate, 1911.

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33

Katie Meheux, « Digitising and re-examining Vere Gordon Childe’s "Dawn of European civilization": A celebration of the UCL Institute of Archaeology’s 80th anniversary ». Archaeology International, nº 20, 2017, p. 91–105.

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34

Terry Irving, « On the work of Labour governments: Vere Gordon Childe’s plan for volume two of How Labour governs », in P. Gathercole, T. H. Irving, G. Melleuish (dir.), Childe and Australia: Archaeology, politics and ideas, St Lucia, University of Queensland Press, 1995, p. 83.

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35

Sally Green, Prehistorian: A biography of V. Gordon Childe, Bradford-on-Avon, Moonraker Press, 1981.

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36

D. Shankland, comm. pers.

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37

Vere Gordon Childe, The Dawn of European Civilization, Londres, Kegan Paul, Trench, Trubner & Co., 1925. Vere Gordon Childe, The Aryans: A story of Indo-European origins, Londres, Kegan Paul, Trench, Trubner & Co., 1926.

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38

Pour n’en mentionner que quelques-unes: John Linton Myres, The Dawn of History, New York, Henry Holt and Company / Londres, Williams & Norgate, 1911. William Matthew Flinders Petrie, The Revolutions of Civilization, Londres/New York, Harper & Brothers, 1911. Harold Peake, The Bronze Age and the Celtic World, Londres, Benn Brothers, 1922. Harold Peake, Herbert John Fleure, The Corridors of Time II. Hunters and Artists, New Haven, Yale University Press / Londres, Humphrey Milford / Oxford, Oxford University Press, 1927. Harold Peake, Herbert John Fleure, The Corridors of Time III. Peasants and Potters, New Haven, Yale University Press / Londres, Humphrey Milford / Oxford, Oxford University Press, 1927. Harold Peake, Herbert John Fleure, The Corridors of Time IV. Priests and Kings, New Haven, Yale University Press / Londres, Humphrey Milford / Oxford, Oxford University Press, 1927. Grafton Elliot Smith, The Ancient Egyptians and the Origin of Civilization. New and revised edition, Londres/New York, Harper & Brothers, 1923. William James Perry, The Children of the Sun: A Study in the Early Civilization of History, Londres, Methuen & Co., 1923. William James Perry, The Growth of Civilization, Londres, Methuen & Co., 1924. George Grant MacCurdy, Human Origins. A Manual of Prehistory. Volume II. The New Stone Age and the Ages of Bronze and Iron, New York/Londres, D. Appleton and Company, 1924.

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39

«The reader may think that the role here assigned to the Aryans is an extremely modest one. If the view advanced […] be correct, they were not the inaugurators of the Neolithic civilization even in Europe nor were they as a whole the pioneers in the use of bronze or irons. The makers of the kitchen-middens on the Danish coasts have been justly termed ‘disgusting savages’. Even stronger epithets might be applied to the other claimants to the title of proto-Aryans; for a suspicion of cannibalism clings to the ochre-grave peoples. Even in barbarian Europe the material culture of the Nordics was not originally superior to that of the Danubian peasants or the megalith-builders; in Transylvania they appear frankly as wreckers; in the Ancient East and the Aegean they appropriated and for a time impaired older and higher civilizations ». Vere Gordon Childe, The Aryans: A story of Indo-European origins, Londres, Kegan Paul, Trench, Trubner & Co., 1926, p. 207.

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40

Bruce Graham Trigger, Gordon Childe: Revolutions in archaeology, New York, Columbia University Press, 1980.

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41

Vere Gordon Childe, The Danube in prehistory, Oxford, Clarendon Press, 1929, p. v-vi.

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42

Gustaf Kossinna, Die Herkunft der Germanen: Zur Methode der Siedlungsarchäologie, Würzburg, C. Kabitzsch, 1911. Leo Frobenius, Der Ursprung der afrikanischen Kulturen, Berlin, Gebrüder Borntraeger, 1989.

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43

Voir, par exemple, les critiques élogieuses d'Oswald Menghin dans le Wiener prähistorische Zeitschrift : Oswald Menghin, « Review of: ‘The Danube in prehistory’, by V. Gordon Childe », Wiener Prähistorische Zeitschrift, nº 20, 1933, p. 20–21. Menghin, O. « Review of: ‘The prehistory of Scotland’, by V. Gordon Childe », Wiener Prähistorische Zeitschrift, nº 26, 1939, p. 216–217.

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44

Ian Ralston, « Gordon Childe and Scottish archaeology: The Edinburgh years 1927–1946 », European Journal of Archaeology, nº 12(1–3), 2009, p. 47–90.

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45

Colin Richards, « Vere Gordon Childe at Skara Brae and Rinyo: Research and redemption », in P. Gathercole, T. H. Irving, G. Melleuish (dir.), Childe and Australia: Archaeology, politics and ideas, St Lucia, University of Queensland Press, 1995, p. 118–127.

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46

Sally Green, Prehistorian: A biography of V. Gordon Childe, Bradford-on-Avon, Moonraker Press, 1981.

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47

Colin Richards, « Vere Gordon Childe at Skara Brae and Rinyo: Research and redemption », in P. Gathercole, T. H. Irving, G. Melleuish (dir.), Childe and Australia: Archaeology, politics and ideas, St Lucia, University of Queensland Press, 1995, p. 124.

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48

Vere Gordon Childe, The Most Ancient East: The Oriental Prelude to European Prehistory. Reprinted with a few corrections, Londres, Kegan Paul, Trench, Trubner & Co., 1929 [1928].

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49

Vere Gordon Childe, The Danube in Prehistory, Oxford, Clarendon Press, 1929.

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50

Vere Gordon Childe, The Bronze Age, Cambridge, University Press,1930.

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51

Vere Gordon Childe, The Prehistory of Scotland, Londres, Kegan Paul, Trench, Trubner & Co., 1935.

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52

Vere Gordon Childe, Man Makes Himself, Londres, Watts & Co, 1936.

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53

Vere Gordon Childe, « Races, peoples and cultures in prehistoric Europe », History, New Series, nº 18(71), 1933, p. 193–203. Childe, V. Gordon (1933b). « Is prehistory practical? », Antiquity, nº 7(28), p. 410–418. Childe, V. Gordon (1933c). « Before the Aryans », The Times, Aug 3, p. 11. Childe, V. Gordon (1933d). « Aryan nonsense », The Scotsman, Oct 19, p. 11.

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54

Elazar Barkan, The retreat of scientific racism: Changing concepts of race in Britain and the United States between the world wars, Cambridge, Cambridge University Press, 1992, p. 285–296. Paul Crook, Darwin’s coat-tails: Essays on social Darwinism, New York, Peter Lang Publishing, 2007, p. 174, 181–182.

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55

Paul Crook, Darwin’s Coat-Tails: Essays on Social Darwinism, New York, Peter Lang Publishing, 2007.

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56

Voir Elazar Barkan, The retreat of scientific racism: Changing concepts of race in Britain and the United States between the world wars, Cambridge, Cambridge University Press, 1992.

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57

Paul Crook, Darwin’s Coat-Tails: Essays on Social Darwinism, New York, Peter Lang Publishing, 2007, p. 173-197.

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58

Vere Gordon Childe, Man Makes Himself, Londres, Watts & Co, 1936, p. 1–16.

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59

Vere Gordon Childe, Man Makes Himself, Londres, Watts & Co, 1936, p. 169-170. Voir aussi Kenneth Maddock, « Prehistory, power and pessimism », in P. Gathercole, T. H. Irving, G. Melleuish (dir.), Childe and Australia: Archaeology, Politics and Ideas, St Lucia, University of Queensland Press, 1995, p. 117.

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60

Vere Gordon Childe, Man Makes Himself, Londres, Watts & Co, 1936, p. 267.

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61

« One purpose of this book is to suggest that, viewed from an impersonal scientifc viewpoint, history may still justify a belief in progress in days of depression as well as in the heyday of last century’s prosperity ». Vere Gordon Childe, Man Makes Himself, Londres, Watts & Co, 1936, p. 2.

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62

Voir également Vere Gordon Childe, What Happened in History, Harmondsworth, Penguin, 1942.

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63

Vere Gordon Childe, Man Makes Himself, Londres, Watts & Co, 1936, p. 268-269.

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64

Vere Gordon Childe, Man Makes Himself, Londres, Watts & Co, 1936, p. 56.

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65

« It is childish to ask why Man did not progress straight from the squalor of a ‘pre-class’ society to the glories of a classless paradise, nowhere fully realized as yet. Perhaps the conflicts and contradictions […] themselves constitute the dialectics of progress. In any case, they are facts of history. If we dislike them, that does not mean that progress is a delusion, but merely that we have understood neither the facts nor progress nor Man ». Vere Gordon Childe, Man Makes Himself, Londres, Watts & Co, 1936, p. 268.

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66

William James Perry, The Children of the Sun: A study in the Early Civilization of History, Londres, Methuen & Co., 1923. William James Perry, The Growth of Civilization, Londres, Methuen & Co., 1924. Grafton Elliot Smith, The Ancient Egyptians and the Origin of Civilization. New and revised edition, Londres/New York, Harper & Brothers, 1923.

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67

Thomas Cherry, The Discovery of Agriculture, Melbourne, Albert J. Mullett, 1921, p. 7–8.

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68

William James Perry, The Children of the Sun: A Study in the Early Civilization of History, Londres, Methuen & Co., 1923.

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69

Grafton Elliot Smith, Human History, Londres, Jonathan Cape, 1930, p. 197.

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70

Vere Gordon Childe, The Dawn of European Civilization, Londres, Kegan Paul, Trench, Trubner & Co., 1925.

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71

Reichserbhofgesetz [Loi sur les fermes héréditaires], Reichsgesetzblatt, Teil 1, nº 108, 1933, 29 Sep, p. 685–692.

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72

Vere Gordon Childe, Social Evolution, Londres, Watts & Co., 1951, p. 22.

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73

Margarita Díaz-Andreu, « Constructing identities through culture: The past in the forging of Europe », in P. Graves-Brown, S. Jones, C. Gamble (dir.), Cultural Identity and Archaeology: The Construction of European Communities, Londres/New York, Routledge, 1996, p. 54–55.

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74

Vere Gordon Childe, The Aryans: A story of Indo-European Origins, Londres, Kegan Paul, Trench, Trubner & Co., 1926, p. 144.

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75

Vere Gordon Childe, The Aryans: A Story of Indo-European Origins, Londres, Kegan Paul, Trench, Trubner & Co., 1926, p. 143.

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76

Vere Gordon Childe, « The antiquity of Nordic culture », in W. Koppers (dir.), Die Indogermanen- und Germanenfrage: Neue Wege zu ihrer Lösung, Salzburg/Leipzig, Verlag Anton Pustet, 1936, p. 517–530.

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77

Vere Gordon Childe, Man Makes Himself, Londres, Watts & Co, 1936, p. 201.

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78

Vere Gordon Childe, Man Makes Himself, Londres, Watts & Co, 1936.

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79

Vere Gordon Childe, Man Makes Himself, Londres, Watts & Co, 1936, p. 76. Harold Peake, The Origins of Agriculture, Londres, E. Benn, 1928.

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80

Harold Peake, The Origins of Agriculture, Londres, E. Benn, 1928, p. 69.

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81

Harold Peake, The Origins of Agriculture, Londres, E. Benn, 1928, p. 47.

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82

Raphael Pumpelly, Explorations in Turkestan: Expedition of 1904. Prehistoric Civilizations of Anau. Origins, Growth, and Influence of Environment, Washington, Carnegie Institution, 1908, p. xxv.

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83

Gabriel de Mortillet, Sur l’origine des animaux domestiques (communication à propos de la discussion sur l’origine des Aryas). Extrait des Bulletins de la Société d’anthropologie de Paris. Séances des 20 mars et 3 avril 1879, Paris, Hennuyer, 1879. Gabriel de Mortillet, Le Préhistorique, antiquité de l’homme, Paris, C. Reinwald, 1883. Raphael Pumpelly, Explorations in Turkestan: Expedition of 1904. Prehistoric Civilizations of Anau. Origins, Growth, and Influence of Environment, Washington, Carnegie Institution, 1908, p. 68.

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84

Raphael Pumpelly, Explorations in Turkestan: Expedition of 1904. Prehistoric Civilizations of Anau. Origins, Growth, and Influence of Environment, Washington, Carnegie Institution, 1908, p. 69.

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85

Voir la discussion dans Vere Gordon Childe, The Most Ancient East: The Oriental Prelude to European Prehistory. Reprinted with a few corrections, Londres, Kegan Paul, Trench, Trubner & Co., 1929 [1928], p. 229–230.

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86

Vere Gordon Childe, The Most Ancient East: The Oriental Prelude to European Prehistory. Reprinted with a few corrections, Londres, Kegan Paul, Trench, Trubner & Co., 1929 [1928].

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87

Vere Gordon Childe, The most ancient East: The oriental prelude to European Prehistory. Reprinted with a few corrections, Londres, Kegan Paul, Trench, Trubner & Co., 1929 [1928], p. 42. Vere Gordon Childe, Man makes himself, Londres, Watts & Co, 1936, p. 87.

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88

« Enforced concentration in oases or by the banks of ever more precarious springs and streams would require an intensified search for means of nourishment. Animals and men would be herded together round pools and wadis that were growing increasingly isolated by desert tracts, and such enforced juxtaposition might almost of itself promote that sort of symbiosis between man and beast that is expressed in the word “domestication” », Vere Gordon Childe, The Most Ancient East: The Oriental Prelude to European Prehistory. Reprinted with a few corrections, Londres, Kegan Paul, Trench, Trubner & Co., 1929 [1928], p. 42.

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89

Vere Gordon Childe, Man Makes Himself, Londres, Watts & Co, 1936, p. 82.

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90

Vere Gordon Childe, Man Makes Himself, Londres, Watts & Co, 1936, p. 119.

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91

Vere Gordon Childe, Man Makes Himself, Londres, Watts & Co, 1936, p. 118.

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92

André Vayson de Pradenne, « The world-wide expansion of neolithic culture », Antiquity, nº 9(35), 1935, p. 305–310.

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93

Vere Gordon Childe, Man Makes Himself, Londres, Watts & Co, 1936, p. 98.

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94

Vere Gordon Childe, Man Makes Himself, London, Watts & Co, 1936, p. 201, 269.

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95

Vere Gordon Childe, Man Makes Himself, Londres, Watts & Co, 1936, p. 93.

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96

Vere Gordon Childe, Man Makes Himself, Londres, Watts & Co, 1936, p. 109.

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97

Sally Green, Prehistorian: A Biography of V. Gordon Childe, Bradford-on-Avon, Moonraker Press, 1981, p. 40.

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98

Ian Langham, The Building of British Social Anthropology: W. H. R. Rivers and his Cambridge Disciples in the Development of Kinship Studies, 1898–1931, Dordrecht/Londres, D. Reidel, 1981.

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99

Beveridge cité dans Ian Langham, The building of British social anthropology: W. H. R. Rivers and his Cambridge disciples in the development of kinship studies, 1898–1931, Dordrecht/Londres, D. Reidel, 1981, p. 195–196.

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100

William Halse Rivers Rivers, « A Genealogical Method of Collecting Social and Vital Statistics », The Journal of the Anthropological Institute of Great Britain and Ireland, nº 30, 1900, p. 74–82. Richard Slobodin, W. H. R. Rivers, New York, Columbia University Press, 1978. Ian Langham, The Building of British Social Anthropology: W. H. R. Rivers and his Cambridge Disciples in the Development of Kinship Studies, 1898–1931, Dordrecht/Londres, D. Reidel, 1981.

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101

Ian Langham, The Building of British Social Anthropology: W. H. R. Rivers and his Cambridge Disciples in the Development of Kinship Studies, 1898–1931, Dordrecht/Londres, D. Reidel, 1981, p. 119–120.

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102

Ian Langham, The Building of British Social Anthropology: W. H. R. Rivers and his Cambridge Disciples in the Development of Kinship Studies, 1898–1931, Dordrecht/Londres, D. Reidel, 1981, p. 129.

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103

Adam Kuper, The Reinvention of Primitive Society: Transformations of a Myth Reissue of Second edition, Abingdon, Routledge, 2017, p. 117–118.

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104

Fritz Gräbner, Methode der Ethnologie, Heidelberg, Carl Winter’s Universitätsbuchhandlung, 1911.

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105

William Halse Rivers Rivers, The History of Melanesian Society, Cambridge, University Press, 1914.

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106

Ian Langham, The Building of British Social Anthropology: W. H. R. Rivers and his Cambridge Disciples in the Development of Kinship Studies, 1898–1931, Dordrecht/Londres, D. Reidel, 1981, p. 119–120.

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107

Alexander Goldenweiser, « Diffusionism and the American school of historical ethnology », American Journal of Sociology, nº 31(1), 1925, p. 19–38. Franz Boas, « The limitations of the comparative method of anthropology », in F. Boas (dir.), Race, Language and Culture, Toronto, Collier-Macmillan Canada, 1940 [1896], p. 295.

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108

Ian Langham, The Building of British Social Anthropology: W. H. R. Rivers and his Cambridge Disciples in the Development of Kinship Studies, 1898–1931, Dordrecht/Londres, D. Reidel, 1981, p. 130.

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109

Grafton Elliot Smith, « On the significance of the geographical distribution of the practice of mummification: A study of the migrations of peoples and the spread of certain customs and beliefs », Manchester Memoirs, nº 59(10), 1915. Grafton Elliot Smith, The Influence of Ancient Egyptian Civilization in the East and in America. Reprinted from The Bulletin of the John Rylands Library January–March, 1916, Manchester, University Press, 1916. Grafton Elliot Smith, The Ancient Egyptians and the Origin of Civilization. New and revised edition, Londres/New York, Harper & Brothers, 1923.

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110

Grafton Elliot Smith, The Ancient Egyptians and the Origin of Civilization. New and revised edition, Londres/New York, Harper & Brothers, 1923.

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111

Voir Vere Gordon Childe, Social Evolution, Londres, Watts & Co., 1951, p. 12.

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112

Adam Stout, Creating Prehistory: Druids, ley Hunters and Archaeologists in Pre-War Britain, Malden/Oxford, Blackwell, 2008, p. 105.

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113

Ian Langham, The Building of British Social Anthropology: W. H. R. Rivers and his Cambridge Disciples in the Development of Kinship Studies, 1898–1931, Dordrecht/Londres, D. Reidel, 1981, p. 147.

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114

Richard Slobodin, W. H. R. Rivers, New York, Columbia University Press, 1978, p. 57–58.

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115

Harold Arthur Harris, « At University College, London », in W. R. Dawson (dir.), Sir Grafton Elliot Smith: A Biographical Record by his Colleagues, Londres, Jonathan Cape, 1938, p. 173.

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116

Harold Arthur Harris, « At University College, London », in W. R. Dawson (dir.), Sir Grafton Elliot Smith: A Biographical Record by his Colleagues, Londres, Jonathan Cape, 1938, p. 173.

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117

Harold Arthur Harris, « At University College, London », in W. R. Dawson (dir.), Sir Grafton Elliot Smith: A Biographical Record by his Colleagues, Londres, Jonathan Cape, 1938, p. 175.

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118

Hermann David Black, « Welcome to the centenary commemoration», in A. P. Elkin, N. W. G. Macintosh (dir.), Grafton Elliot Smith: The Man and his Work, Sydney: Sydney University Press, 1974, p. 6.

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119

Harold Arthur Harris, « At University College, London », in W. R. Dawson (dir.), Sir Grafton Elliot Smith: A Biographical Record by his Colleagues, Londres, Jonathan Cape, 1938, p. 177.

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120

William Halse Rivers Rivers, « Presidential address: The unity of anthropology », The Journal of the Royal Anthropological Institute of Great Britain and Ireland, nº 52, 1922, p. 12–25.

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121

Ian Langham, The Building of British Social Anthropology: W. H. R. Rivers and his Cambridge Disciples in the Development of Kinship Studies, 1898–1931, Dordrecht/Londres, D. Reidel, 1981, p. 161–162.

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122

Ian Langham, The Building of British Social Anthropology: W. H. R. Rivers and his Cambridge Disciples in the Development of Kinship Studies, 1898–1931, Dordrecht/Londres, D. Reidel, 1981, p. 185.

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123

Ian Langham, The Building of British Social Anthropology: W. H. R. Rivers and his Cambridge Disciples in the Development of Kinship Studies, 1898–1931, Dordrecht/Londres, D. Reidel, 1981, p. 185. Timothy Champion, « Egypt and the diffusion of culture », in D. Jeffreys (dir.), Views of Ancient Egypt since Napoleon Bonaparte: Imperialism, Colonialism and Modern Appropriations, Londres, Institute of Archaeology, University College London, 2003, p. 125.

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124

Michael Young, Malinowski: Odyssey of an Anthropologist. 1884–1920, New Haven/Londres, Yale University Press, 2004, p. 165.

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125

« (1) The stage of independent domestic economy […], at which the goods are consumed where they are produced. (2) The stage of town economy […], at which the goods pass directly from the producer to the consumer. (3) The stage of national economy […], at which the goods must ordinarily pass through many hands before they reach the consumer », Karl Bücher, Industrial Evolution. Translated from the Third German Edition by S. Morley Wickett, New York, Henry Holt and Company, 1901, p. 89.

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126

Vere Gordon Childe, Man Makes Himself, Londres, Watts & Co, 1936.

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127

Karl Bücher, Industrial Evolution. Translated from the Third German Edition by S. Morley Wickett, New York, Henry Holt and Company, 1901, p. 3–4, 26–27. comparer avec Vere Gordon Childe, Man Makes Himself, Londres, Watts & Co, 1936, p. 56.

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128

Karl Bücher, Industrial Evolution. Translated from the Third German Edition by S. Morley Wickett, New York, Henry Holt and Company, 1901, p. 14.

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129

Bronisław Malinowski, Argonauts of the Western Pacific: An Account of Native Enterprise and Adventure in the Archipelagoes of Melanesian New Guinea, Londres, Routledge & Sons, 1922.

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130

Bronisław Malinowski, Argonauts of the Western Pacific: An Account of Native Enterprise and Adventure in the Archipelagoes of Melanesian New Guinea, Londres, Routledge & Sons, 1922.

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131

Michael Young, Malinowski: Odyssey of an Anthropologist. 1884–1920, New Haven/Londres, Yale University Press, 2004, p. 161, 173.

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132

David Shankland, « Introduction: Archaeology and anthropology: Divorce and partial reconciliation », in D. Shankland (dir.), Archaeology and anthropology: Past, Present and Future, Londres/New York, Berg, 2012, p. 1–18.

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133

Daryll Forde, Ancient Mariners: The Story of Ships and Sea Routes, Londres, Gerald Howe, 1927.

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134

Daryll Forde, Habitat, Economy and Society: A geographical Introduction to Ethnology, Londres, Methuen & Co., 1934.

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135

Grafton Elliot Smith, « The diffusion of culture », in G. Elliot Smith, B. Malinowski, H. J. Spinden, A. Goldenweiser (dir.), Culture: The Diffusion Controversy, New York, W. W. Norton & Co., 1927, p. 9–25.

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136

Bronisław Malinowski, « The life of culture », in G. Elliot Smith, B. Malinowski, H. J. Spinden, A. Goldenweiser (dir.), Culture: The Diffusion Controversy, New York, W. W. Norton & Co., 1927, p. 26–46.

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137

Bruce Graham Trigger, Gordon Childe: Revolutions in Archaeology, New York, Columbia University Press, 1980. Bruce Graham Trigger, « Archaeology and epistemology: Dialoguing across the Darwinian chasm », American Journal of Archaeology, nº 102(1), 1998, p. 34.

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138

Bronisław Malinowski, Coral Gardens and their Magic: A Study of the Methods of Tilling the Soil and of Agricultural Rites in the Trobriand Islands, Londres, George Allen & Unwin Ltd., 1935, p. ix.

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139

Bronisław Malinowski, Argonauts of the Western Pacific: An Account of Native Enterprise and Adventure in the Archipelagoes of Melanesian New Guinea, Londres, Routledge & Sons, 1922.

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140

Bronisław Malinowski, Coral Gardens and their Magic: A Study of the Methods of tTlling the Soil and of Agricultural Rites in the Trobriand Islands, Londres, George Allen & Unwin Ltd., 1935.

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141

Raymond Firth, Primitive Economics of the New Zealand Maori, Londres, George Routledge & Sons, 1929.

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142

Richard Thurnwald, Economics in Primitive Communities, Londres, Oxford University Press, 1932.

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143

Alan Barnard, History and Theory in Anthropology, Cambridge, Cambridge University Press, 2000, p. 47–49. Annemarie Fiedermutz-Laun, « Adolf Bastian, Robert Hartmann et Rudolf Virchow : Médecins et fondateurs de l’ethnologie et de l’anthropologie allemandes », in C. Trautmann-Waller (dir.), Quand Berlin pensait les peuples : Anthropologie, ethnologie et psychologie, Paris, CNRS Editions, 2004, p. 61–76.

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144

Bastian cité dans Franz Boas, « The limitations of the comparative method of anthropology », in F. Boas (dir.), Race, Language and Culture, Toronto, Collier-Macmillan Canada, 1940 [1896], p. 270–271. Friedrich Ratzel, The History of Mankind. Translated from the Second German Edition by A. J. Butler, Londres/New York, The Macmillan Co., 1896, p. 25.

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145

George Stocking, The Shaping of American Anthropology 1883–1911: A Franz Boas Reader, New York, Basic Books, 1974, p. 129–130.

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146

Franz Boas, « The limitations of the comparative method of anthropology », in F. Boas (dir.), Race, Language and Culture, Toronto, Collier-Macmillan Canada, 1940 [1896], p. 272.

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147

Wilhelm Schmidt, Rasse und Volk: Eine Untersuchung zur Bestimmung ihrer Grenzen und zur Erfassung ihrer Beziehungen, Munich, Josef Kösel & Friedrich Pustet, 1927.

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148

Timothy Taylor, « Prehistory vs. archaeology: Terms of engagement », Journal of World Prehistory, nº 21, 2008, p. 2.

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149

Voir Oswald Menghin, Weltgeschichte der Steinzeit, Vienna, Anton Schroll und Co., 1931. Oswald Menghin, Geist und Blut: Grundsätzliches um Rasse, Sprach, kultur und Volkstum. 2nd Edition, Vienne, Anton Schroll und Co., 1934 [1933], p. 9–31.

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150

Charles Leonard Woolley, Ur of the Chaldees: A Record of Seven Years of Excavation, Londres, Faber & Faber, 1935, p. 14.

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151

Voir, par exemple, Thomas Mann, Joseph und seine Brüder. Der erste Roman: Die Geschichten Jaakobs, Berlin, S. Fischer, 1933, p. xix.

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152

Moritz Hoernes, Urgeschichte der bildenden Kunst in Europa von den Anfängen bis um 500 vor Chr. Vienne, Adolf Holzhausen, 1898.

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153

Wilhelm Schmidt, « Fritz Gräbner † », Anthropos, nº 30(1/2), 1935, p. 211. Alan Barnard, History and Theory in Anthropology, Cambridge, Cambridge University Press, 2000, p. 47–60.

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154

Fritz Gräbner, Methode der Ethnologie, Heidelberg, Carl Winter’s Universitätsbuchhandlung, 1911.

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155

Wilhelm Schmidt, « Fritz Gräbner † », Anthropos, nº 30(1/2), 1935, p. 204.

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156

Fritz Gräbner, Methode der Ethnologie, Heidelberg, Carl Winter’s Universitätsbuchhandlung, 1911, p. 145.

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157

Voir Vere Gordon Childe, Piecing Together the Past: The Interpretation of Archaeological Data, Londres, Routledge & Kegan Paul, 1956, p. 54–55.

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158

Vere Gordon Childe, Social Evolution, Londres, Watts & Co., 1951.

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159

Voir William James Perry, The Children of the Sun: A Study in the Early Civilization of History, Londres, Methuen & Co., 1923. William James Perry, The Growth of Civilization, Londres, Methuen & Co., 1924.

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160

Voir Paul Crook, Darwin’s Coat-Tails: Essays on Social Darwinism, New York, Peter Lang Publishing, 2007, p. 183.

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161

« In the twentieth century the doctrines of Creation and the Fall have been revived under the guise of Diffusionism. I am sure that Elliot Smith, the founder of the English Diffusionist school, had no intention of reviving theological dogmas in his polemic against Tylor and his concept of evolution. Yet that in effect is what Diffusionism has led to. In its strict form Diffusionism starts from the affirmation of Niebuhr that ‘No single example can be brought forward of an actually savage people having independently become civilized’ […] Savages are represented by Diffusionists as totally without initiative, without the desire or the capacity for inventing a device, a myth, or an institution. All the major inventions were made but once by some chosen people. From the latter they were diffused through the outer darkness of savagery. The various stages of barbarism are due to radiations from the one focus of civilization – radiations which were accepted in varying degrees but always degraded in the process. Since no people can civilize itself, civilization must be a miracle, the result of supernatural intervention », Vere Gordon Childe, Social Evolution, Londres, Watts & Co., 1951, p. 12

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162

Katharina Rebay-Salisbury, « Thoughts in circles: Kulturkreislehre as a hidden paradigm in past and present archaeological interpretations », in B. W. Roberts, M. Vander Linden (dir.), Investigating Archaeological Cultures: Material Culture, Variability, and Transmission, New York, Springer, 2011, p. 47.

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163

Oswald Menghin, Geist und Blut: Grundsätzliches um Rasse, Sprache, Kultur und Volkstum. 2nd Edition, Vienne, Anton Schroll und Co., 1934 [1933], p. 18–31.

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164

Voir Vere Gordon Childe, « Changing methods and aims in prehistory: Presidential address for 1935 », Proceedings of the Prehistoric Society, nº 1, 1935, p. 15. Vere Gordon Childe, « Review of "Prehistory", by A. Vayson de Pradenne », Antiquity, nº 14(56), 1940, p. 452. Vere Gordon Childe, Piecing Together the Past: The Interpretation of Archaeological Data, Londres, Routledge & Kegan Paul, 1956, p. 55.

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165

Wilhelm Schmidt, « Fritz Gräbner † », Anthropos, nº 30(1/2), 1935, p. 213.

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166

« Comparative ethnography […] is handicapped by its limitation to two dimensions. Only with archaeological help can the time factor be reintroduced », Vere Gordon Childe, « A prehistorian’s interpretation of diffusion », in Harvard tercentenary publications: Independence, convergence, and borrowing in institutions, thought, and art, Cambridge, Harvard University Press, p. 5.

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167

Vere Gordon Childe, Piecing Together the Past: The Interpretation of Archaeological Data, Londres, Routledge & Kegan Paul, 1956, p. 25. Philip Kohl, José Antonio Pérez Gollán, « Religion, politics, and prehistory: Reassessing the lingering legacy of Oswald Menghin », Current Anthropology, nº 43(4), 2002, p. 561–586.

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168

Oswald Menghin, Weltgeschichte der Steinzeit, Vienne, Anton Schroll und Co., 1931.

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169

Karl Bücher, Industrial Evolution. Translated from the Third German Edition by S. Morley Wickett, New York, Henry Holt and Company, 1901, p. 85–86.

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170

Adam Smith, An inquiry into the nature and causes of the wealth of nations. Vol. I, Londres, W. Straham & T. Cadell, 1776.

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171

Peter Rowley-Conwy, From genesis to prehistory. The archaeological Three Age System and its contested reception in Denmark, Britain and Ireland, Oxford, University Press, 2007, p. 50-55

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172

Voir la discussion dans Raymond Firth, Primitive economics of the New Zealand Maori, Londres, George Routledge & Sons, 1929. Richard Thurnwald, Economics in primitive communities, Londres, Oxford University Press, 1932.

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173

William James Perry, The growth of civilization, London, Methuen & Co., 1924, p. 134–135.

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174

Richard Thurnwald, Economics in primitive communities, Londres, Oxford University Press, 1932, p. 6–7.

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175

Voir, par exemple, George Peter Murdock, « Comparative data on the division of labor by sex », Social Forces, nº 15(4), 1937, p. 551–553.

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176

Karl Bücher, Industrial evolution. Translated from the Third German Edition by S. Morley Wickett, New York, Henry Holt and Company, 1901, p. 16–17.

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177

Voir Karl Bücher, Industrial evolution. Translated from the Third German Edition by S. Morley Wickett, New York, Henry Holt and Company, 1901, p. 89–90.

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178

Bronisław Malinowski, Coral gardens and their magic: A Study of the methods of tilling the soil and of agricultural rites in the Trobriand Islands, Londres, George Allen & Unwin Ltd., 1935.

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179

Vere Gordon Childe, Man makes himself, Londres, Watts & Co, 1936, p. 160.

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180

Vere Gordon Childe, Man makes himself, Londres, Watts & Co, 1936, p. 200.

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181

Fritz Gräbner, Methode der Ethnologie, Heidelberg, Carl Winter’s Universitätsbuchhandlung, 1911.

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182

Melinda Zeder, « The neolithic macro-(r)evolution: Macroevolutionary theory and the study of culture change », Journal of Archaeological Research, nº 17(1), 2009, p. 1–63.

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183

Vere Gordon Childe, Man makes himself, Londres, Watts & Co, 1936, p. 73.

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184

Oswald Menghin, Geist und Blut: Grundsätzliches um Rasse, Sprache, Kultur und Volkstum. 2nd Edition, Vienna, Anton Schroll und Co., 1934 [1933], p. 108-126.

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185

Oswald Menghin, Geist und Blut: Grundsätzliches um Rasse, Sprache, Kultur und Volkstum. 2nd Edition, Vienna, Anton Schroll und Co., 1934 [1933], p. 109.

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186

Voir Andrew Sherratt, « Settling the Neolithic: A digestif », in D. Bailey, A. Whittle, V. Cummings (dir.), (Un)settling the Neolithic, Oxford, Oxbow Books, 2005, p. 145.

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187

Vere Gordon Childe, Man makes himself, Londres, Watts & Co, 1936, p. 268.

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188

Wilhelm Schmidt, Rasse und Volk: Eine Untersuchung zur Bestimmung ihrer Grenzen und zur Erfassung ihrer Beziehungen, Munich, Josef Kösel & Friedrich Pustet, 1927.

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189

Marie Louise Stig Sørensen, Katharina Rebay, « The impact of 19th century ideas on the construction of ‘urnfield’ as a chronological and cultural concept: Tales from northern and central Europe », in A. Lehoërff (dir.), Construire le temps : Histoire et methodes des chonologies et calendriers des derniers millénaires avant notre ère en Europe occidentale. Actes du XXXe Colloque International de HALMA-IPEL, UMR 8164 (CNRS, Lille 3, MCC), 7–9 Décembre 2006, Lille, Glux-en-Glenne, Bibracte, 2008, p. 59.

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190

Ulrike Sommer, « Anthropology, ethnography and prehistory: A hidden thread in the history of German archaeology », in K. Hardy (dir.), Archaeological invisibility and forgotten knowledge. Conference Proceedings, Łódź, Poland, 5th–7th September 2007, BAR International Series 2183, Oxford, Archaeopress, 2010, p. 8.

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191

Friedrich Engels, Der Ursprung der Familie, des Privateigenthums und des Staats. Im Anschluss an L. H. Morgan’s Forschungen, Hottingen/Zürich, Schweizerische Genossenschaftsbuchdruckerei, 1884.

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192

Vere Gordon Childe, Man makes himself, Londres, Watts & Co, 1936, p. 15.

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193

Gabriel de Mortillet, Sur l’origine des animaux domestiques (communication à propos de la discussion sur l’origine des Aryas). Extrait des Bulletins de la Société d’anthropologie de Paris. Séances des 20 mars et 3 avril 1879, Paris, Hennuyer, 1879, p. 2. Voir également Rémi Labrusse, Préhistoire : l’envers du temps, Paris, Hazan, 2019, p.193.

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194

Voir Han Vermeulen, Before Boas: The genesis of ethnography and ethnology in the German Enlightenment, Lincoln/Londres, University of Nebraska Press, 2015.

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195

Andrew Sherratt, « V. Gordon Childe: Archaeology and intellectual history », in A. G. Sherratt (dir.), Economy and society in prehistoric Europe: Changing perspectives, Edinburgh, University Press, 1997 [1989], p. 64.

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196

William Peace, « Vere Gordon Childe and the Cold War », in P. Gathercole, T. H. Irving, G. Melleuish (dir.), Childe and Australia: Archaeology, politics and ideas, St Lucia, University of Queensland Press, 1995, p. 131.

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197

“Mas não foram cruzados que vieram. Foram fugitivos de uma civilização que estamos comendo, porque somos fortes e vingativos como o Jabuti”, Oswald de Andrade, « Manifeste anthropophage / Manifesto antropófago », trad. Michel Riaudel, Revue Silène, 2010 [1928], http://www.revue-silene.comf/index.php?sp=liv&livre_id=143