L’État, dans l’Empire ottoman et en Turquie, est généralement décrit comme un modèle d’État fort et unitaire, capable d’imposer de façon unilatérale son ordre et ses règlements à la société. Considéré comme une instance souveraine largement imperméable aux demandes sociales, il a été présenté comme l’initiateur et l’acteur principal – sinon unique – des processus de « modernisation » et d’« occidentalisation » que la société a traversé depuis le XIXᵉ siècle.
Vue d’Istanbul. Le pont de Galata, le palais de Topkapi, la Mosquée Bleue et Hagia Sophia.
Vue de la Mosquée Bleue, à Istanbul.
Plusieurs éléments permettent toutefois de tourner le dos à cette conception. L’observation des transactions dans lesquelles sont pris les officiels de l’État donne à voir toute l’importance des initiatives des notables locaux visant à s’opposer aux institutions étatiques ou à s’en accommoder. Par ailleurs, une multiplicité d’acteurs non-institutionnels se trouvent engagés dans la production et la mise en œuvre de l’action publique. Enfin, les institutions sont exposées aux initiatives des partis politiques visant à les instrumentaliser à leur profit.
Ces trois aspects encouragent à substituer à la dichotomie État/société une analyse attentive aux chevauchements observables entre sphères étatiques, sociales et politiques. Se dessine alors une ensemble étatique faiblement autonomisé, un « État en société » (pour reprendre l’expression de Joel S. Migdal) disposant d’ancrages sociaux multiples.
La place Emin-Onou et Yeni Djami, à Constantinople (vers 1895).
Tradition étatique et modernisation dans l’Empire ottoman et en Turquie
En s’inspirant de la démarche initiée par Barrington Moore dans son analyse des origines sociales des régimes de dictature et de démocratie1, Şerif Mardin et Metin Heper proposent une lecture en négatif des configurations sociales ottomanes et turques. Selon Mardin, l’Empire ottoman n’a jamais traversé les processus constitutifs de la formation de l’État moderne occidental. En particulier, il n’aurait pas connu les multiples « confrontations [observables en Angleterre et en France] menées pour trouver des compromis avec ce qui peut être appelé les forces de la périphérie : la noblesse féodale, les cités, les bourgeois et plus tard, le travail industriel »2. C’est d’ailleurs en s’appuyant sur ce constat qu’il avance l’idée, devenue dominante dans la sociologie et la science politique turques, selon laquelle le clivage centre/périphérie serait la principale ligne de fracture des sociétés ottomane et turque. Cette absence supposée de « tradition de multiples confrontations agissant comme modes de résolution des conflits » permet à Heper de conclure, pour sa part, que « la République de Turquie a hérité de l’Empire ottoman un État fort et une société civile faible », et que « l’ouverture du système dans cette configuration n’a pas créé de situation de face-à-face entre groupes socio-économiques ou entre une autorité centrale et des notables intransigeants, mais entre un État dominant et une périphérie non organisée »3.
« La Liberté sauvée ». Une lithographie célébrant la révolte des Jeunes Turcs de 1908 et la réintroduction de la constitution ottomane du 23 novembre 1876. Le sultan Abdul Hamid II et les représentants des différents millets de l’empire (les millets turcs avec les drapeaux rouges, arabes avec les drapeaux verts, arméniens et grecs) assistent à la libération de la Turquie (représentée sous forme allégorique d’une femme non voilée). L’ange, le symbole de l’émancipation du pays, survole la scène, portant un bandeau avec la devise « Liberté-Égalité-Fraternité », en turc et en grec.
Cette conception d’un « face-à-face » entre État et élites sociales pose évidemment problème car l’intérêt et l’autorité du premier sont considérés comme antithétique à ceux des secondes, sans que ceci ne soit jamais empiriquement démontré. Elle a pourtant été mobilisée par de nombreux auteurs, à l’instar d’Ali Kazancıgil et Ergun Özbudun, considérant dans leur analyse du passage de l’Empire à la République que « les Jeunes-Turcs et les kémalistes […] étaient les héritiers de la vieille tradition patrimoniale, qui supposait la domination de l’État sur la société et réservait le monopole de légitimation et d’autorité aux élites étatiques, aux dépens des élites sociales et économiques »4. Il est certes indéniable qu’observée depuis le « centre », la formation de l’État ottoman correspond à l’affirmation du pouvoir sultanien sur les forces sociales susceptibles de lui contester son autorité. Mais cette vision dichotomique des relations entretenues entre officiels de l’État et forces économiques et sociales a encouragé les travaux historiographiques à ne rechercher, dans les discours et les textes normatifs, que les signes attestant de la domination de l’État sur la société – ce qui peut expliquer la persistance de l’image fantasmée du « despotisme oriental » ottoman dans la littérature.
Le sultan et premier calife Ottoman Selim Ier, vers 1500.
Un autre ensemble de travaux partage cette idée d’un État autonome et dominant, mais se détache du schéma interprétatif de Şerif Mardin et Metin Heper en postulant que l’importation de l’État « moderne » en Anatolie aurait été obtenue par le volontarisme d’une élite occidentalisée regroupée dans le parti-État kémaliste et par l’adoption de codes et de règlements empruntés aux États européens5. Dans l’historiographie dominante jusqu’aux années 1990, le régime kémaliste de parti unique (1923-1945) est analysé comme une étape du processus de modernisation initié au cours du siècle précédent par un Empire ottoman incapable de mener à terme son programme de réformes : le kémalisme serait, de ce point de vue, la réussite tardive des Tanzimat6. Les réformes sociales et politiques les plus emblématiques des débuts de la période républicaine – la « laïcité », la réforme de la langue et de l’alphabet, l’adoption de vêtements occidentaux, le vote des femmes, etc. – ont donc été étudiées sous l’angle de la modernisation7. Dans ce cadre, la genèse et l’application des politiques publiques constituent le principal objet de connaissance. Les résistances des religieux et les mobilisations ethno-nationalistes sont présentées comme réactionnaires en ce qu’elles s’opposent à la modernité, c’est-à-dire à la formation d’un État-nation sur le modèle européen8.
Tout se passe alors comme si la marche turque vers « la modernité »9 avait suivi une voie linéaire, sous l’égide d’un supposé modèle ouest-européen : les réformes ottomanes du XIXe siècle (Tanzimat) seraient l’expression d’un effort de rationalisation par importation de techniques de gouvernement élaborées ailleurs ; la première Constitution ottomane, promulguée en 1876, résulterait de l’influence, forcément décalée dans le temps, de l’esprit européen des Lumières10 et de l’importation d’une pensée contractualiste11 ; la transformation du réduit anatolien en État-nation républicain, la refonte systématique des instruments de l’action publique (recensement, codes juridiques) et l’adoption de nouvelles pratiques culturelles (latinisation de l’alphabet, port du chapeau, consommation d’alcool, abandon de la tradition « césaropapiste », modernisation des techniques12, etc.) découleraient du volontarisme d’élites occidentalisées et de contacts contingents avec certaines populations européennes13. Feroz Ahmad affirme ainsi que « les kémalistes voulaient voir la Turquie transformée en État nation moderne qui, selon les mots de Mustafa Kemal (Atatürk), “vivrait comme une nation avancée et civilisée au beau milieu de la civilisation contemporaine”. Une telle nation devait être laïque et rationnelle, encourageant la science et l’éducation moderne pour créer une économie industrielle moderne »14.
Le président Mustafa Kemal Atatürk à Bursa, en 1924.
Le président Mustafa Kemal Atatürk (au centre) et le Premier Ministre İsmet İnönü (à gauche) quittent le Parlement turc à l’occasion du 7e anniversaire de la proclamation de la République, en 1930.
Attentifs aux modalités de l’importation d’un modèle étatique occidental, les auteurs tendent à considérer les spécificités repérables dans les pratiques concrètes de gouvernement comme les révélateurs d’un écart à la norme importée, en postulant la supériorité de ladite norme occidentale. Ce paradigme développementaliste a fait l’objet de critiques sévères. Erik Jan Zürcher ramène l’action modernisatrice du régime à ses justes proportions : jusqu’en 1945 au moins, la pénétration de l’appareil d’État dans la société, notamment rurale, demeure très limitée15. De plus, cette approche institutionnelle et légaliste tend à se focaliser sur un acteur du changement, l’État, dans un processus essentiellement top-down16. Les acteurs sociaux apparaissent ainsi comme des récepteurs du changement sur un mode binaire : ils sont kémalistes ou réactionnaires, modernistes ou conservateurs.
Les ressorts notabiliaires de la domination étatique
L’idée d’une extériorité d’un État central despotique sous l’Empire ottoman, tout comme celle d’une réaffirmation des structures étatiques par le projet modernisateur des kémalistes doivent cependant être pour le moins relativisées. Ainsi que le note Marc Aymes, « il n’est pas certain que, vue de la province, l’histoire de l’Empire ottoman […] soit l’apanage d’un centre (étatique) dictant sa loi […]. La gouvernementalité ottomane ne se limite pas à la trame des compromis administratifs, mais engage aussi d’autres registres de relations sociales, d’autres expériences et (...) attentes »17. C’est ce que soulignent Albert Hourani et Philip Khoury dans leur paradigme dit de la « politique des notables » qui met en lumière le rôle clé des élites sociales dans le fonctionnement quotidien du régime ottoman, et notamment le rôle d’intermédiaires qu’ont pu jouer les notabilités locales entre gouvernement et population18. Les travaux de Suraiya Faroqhi ont quant à eux permis d’attester que, dès les XVIe et XVIIe siècles, les sujets du Sultan ne subissaient pas passivement les décisions de la Porte et mettaient en œuvre des « initiatives politiques » (résistances, contournements, accords) leur permettant d’élargir leurs marges de manœuvre19. Sur ce point, Reşat Kasaba, dans la lignée des travaux de Joel Migdal et des « State-in-societies studies »20, a montré dans une étude consacrée aux changements sociaux dans l’Empire ottoman au XIXe siècle, que les réformes des Tanzimat représentaient des formes d’accommodement des institutions étatiques à l’égard, notamment, de groupes sociaux non musulmans21. De ces recherches attentives aux médiations par lesquelles les acteurs étatiques et extra-étatiques se concurrencent et s’entendent22, il ressort que les protagonistes des arènes officielles ne constituent bien souvent que des prétendants parmi d’autres aux jeux socio-politiques, exposés aux effets inattendus de leur ambition hégémonique23, et non les acteurs dominants que certains travaux stato-centrés ont pu décrire.
Plutôt que de dissocier les élites sociales et les personnels de l’État, Michael Meeker évoque pour sa part un « système étatique non officiel »24. Il décrit comment une « oligarchie sociale régionale d’origine impériale » a pu s’épanouir au contact ou au sein des institutions publiques. Les travaux de Meeker démontrent ainsi que les élites locales anatoliennes ont pénétré le système étatique à mesure que l’État ottoman étendait son contrôle sur ses provinces. Ils suggèrent en outre que c’est par leur enracinement dans les sociétés locales que les protagonistes des arènes officielles ont pu se voir reconnaître l’autorité qu’ils prétendaient exercer. Quand des mesures de renforcement du gouvernement central furent adoptées au XIXe siècle, ces élites locales furent capables de s’adapter pour diversifier leurs positions dans le système étatique provincial et central. Si l’on suit les conclusions de Meeker, il y a lieu de considérer que, loin de l’idée d’une dichotomie entre l’État et les « élites » sociales, économiques ou religieuses, ce sont ces « oligarchies sociales régionales » qui ont « négocié et surveillé l’incorporation des terroirs dans le giron de l’État »25, tout en mettant en place des tactiques de pénétration du système étatique provincial et central. Ainsi, les notables locaux (commerçants, propriétaires terriens, etc.) trouvent dans l’administration impériale des possibilités de s’allier ou de s’opposer aux représentants de l’État, afin de pérenniser leurs positions sociales et économiques. Jane Hathaway observe le même type de processus au Caire, en analysant comment des personnalités locales ambitieuses cherchaient à obtenir les faveurs du centre impérial en rejoignant des maisonnées (households) de fonctionnaires impériaux, qui, de leur côté, tentaient de pénétrer les maisonnées de notables locaux en y plaçant leurs clients26. Ces initiatives croisées aboutirent à la constitution d’un système étatique ottoman provincial assimilable, selon l’auteur, à un « hybride administratif ».
Il convient en somme de se déprendre d’un modèle de jeu à somme nulle : les interactions entre secteurs étatiques et groupes sociaux peuvent très bien aboutir au renforcement (ou à l’affaiblissement) de chacune des deux parties. Les travaux d’Ariel Salzmann, consacrés à l’institution, à partir de 1695, de concessions fiscales à bail emphytéotique (malikâne), soulignent l’importance de ces accords d’affermage dans l’évolution du système ottoman d’administration provinciale27. Cette délégation de la gestion des territoires et de l’affermage de l’impôt a eu pour effet de consolider les positions d’élites sociales et économiques disposant des ressources nécessaires pour accéder à ces baux, tout en assurant au Trésor le versement régulier d’avances importantes. Sans expansion formelle de la bureaucratie stambouliote elle-même, le nouveau contrat liait une force de travail à l’État en même temps qu’il permettait à ce dernier d’étendre sa force de patronage fiscal. C’est donc en termes d’interdépendances, d’accords et de collusions, mais également de concurrences, de résistances et de contournements que l’interpénétration des institutions étatiques et de leur environnement doit être pensée.
Ce constat demeure valide après le passage à la République : pendant la période de parti-État kémaliste, même si le régime se méfie, en théorie, des notables, le pouvoir continue de s’appuyer sur les notabilités locales pour exercer le pouvoir à distance. Selon Mardin, « une partie importante de la classe notabiliaire provinciale a été cooptée avec succès dans les rangs du Parti républicain du peuple. Ce compromis n’a pas radicalement différé de ce qui prévalait à l’époque des Jeunes Turcs ou même plus tôt »28. Les notables ayant accepté de faire alliance avec les kémalistes au lendemain de la Guerre d’indépendance (1918-1922) se voient intégrés aux institutions politiques et administratives du régime, et disposent alors des moyens de renforcer leurs positions de pouvoir local tout en conférant au régime les ressorts locaux nécessaires à la reconnaissance de sa légitimité. Ainsi que le note Cemil Koçak, « tout spécialement dans les zones du pays où une structure agricole féodale prévalait, les riches propriétaires terriens siégeaient systématiquement au Parlement en tant que députés. En particulier, les chefs des clans kurdes dans les régions de l’Est et du Sud Est, qui entretenaient des relations étroites et positives avec l’administration centrale, entrèrent facilement et furent en mesure de rester au Parlement »29. Dans les provinces du Sud-Est, un pacte informel lie le gouvernement aux les notabilités foncières kurdes qui, en échange de leur conversion au régime, reçoivent des fonctions officielles et des positions dans les structures partisanes locales30. Dans tout le pays, les sections du parti unique sont bientôt monopolisées par les notabilités commerçantes et foncières locales, qui cumulent de la sorte positions de pouvoir et d’accumulation. D’un mot, les notables locaux ayant accepté de faire alliance avec le régime lors de sa formation se voient intégrés aux institutions et disposent des moyens de renforcer leurs positions de pouvoir local tout en conférant au régime les ressorts locaux nécessaire à la reconnaissance de sa légitimité.
Le discours d’Ankara de Mustafa Kemal Atatürk, prononcé à l’occasion du 10e anniversaire de la proclamation de la République turque, le 23 octobre 1933.
La coproduction de l’action publique
L’observation des modalités de production de l’action publique en Turquie permet à son tour de rompre avec l’idée d’un État fonctionnant tel un ensemble bureaucratique unitaire et autonome, imposant son ordre et ses règlements à des périphéries « amorphes » ou inorganisées. Divers acteurs non institutionnels participent directement à l’élaboration et à la mise en œuvre des réformes, au sein de réseaux constitués de membres de la fonction publique, de responsables partisans, de notables, de groupements tribaux ou familiaux, d’associations (professionnelles, culturelles, etc.) et de syndicats. Par ailleurs, les représentants de l’État rencontrent des résistances, et connaissent régulièrement des échecs dus à cette contestation des populations ou à la faiblesse de leurs moyens.
Les réformes les plus emblématiques de la « révolution kémaliste » n’ont ainsi pu revêtir quelque légitimité qu’en associant les représentants des secteurs visés par la puissance publique. Nathalie Clayer a mis en évidence que, loin d’être imposée aux intéressés de manière autoritaire, la politique de laïcisation fut négociée avec les différents acteurs du champ religieux. Les nouvelles institutions religieuses mises en place par le régime représentent, davantage que de simples instruments de pouvoir, des lieux de négociation et de coproduction de l’action publique31. Les savoirs de gouvernement nécessaires à l’élaboration et à la mise en œuvre des réformes obligent d’ailleurs le régime à s’adjoindre les services de savants et d’hommes de science. Les travaux d’Emmanuel Szurek consacrés à la réforme de la langue (changement d’alphabet, romanisation des caractères, turcisation de la grammaire, purge du vocabulaire et introduction d’innombrables néologismes) et à l’instance qui en fut la cheville ouvrière, l’Institut turc du langage (Türk Dil Kurumu), en donnent de très riches exemples32. En reconstituant la multiplicité des agents intervenant dans la politique linguistique menée par le régime kémaliste, Szurek donne à voir la densité des interactions entre savants, hommes politiques et parti unique dans la Turquie kémaliste.
Ces recherches récentes mettent en lumière l’entrelacement des institutions publiques et des sociétés locales pendant la période du parti unique. Elles permettent de relativiser l’idée de l’imposition systématique d’un ordre nouveau par le parti-État kémaliste. C’est dans cette perspective encore que Murat Metinsoy analyse les nombreux rapports établis par les députés, visant à informer les administrations centrales des mécontentements et des revendications des populations de leur circonscription. Il souligne que ces rapports étaient un moyen, pour l’État et le parti unique, de pallier la fragilité de leur hégémonie. En l’absence de participation directe des citoyens, ils constituaient autant de dispositifs de médiation, qui encouragent l’auteur à considérer l’État républicain comme un régime autoritaire flexible fortement imbriqué dans la société33.
Pour certains secteurs d’action publique, à l’instar du maintien de l’ordre, le régime recours même régulièrement à des pratiques de délégation. Pendant la seconde moitié du XIXe siècle, la police s’est imposée dans l’espace urbain en s’appuyant sur le concours d’hommes de main, de bandes organisées et de milices capables de faire respecter l’ordre34. La formation par le sultan Abdülhamid II des Hamidiye, des régiments tribaux en activité dans le Sud-Est de l’Anatolie, permet de faire de certaines tribus kurdes des alliées de l’État, auxquelles ce dernier délègue certaines de ses prérogatives35. Un siècle plus tard, dans les années 1980, alors que la guerre contre le PKK s’intensifie, les pouvoirs publics auront encore recours à des soutiens civils, en mettant en place des milices villageoises – les protecteurs de village (Köy Korucusu) – dans les régions kurdes, afin de soutenir leur stratégie de contre-insurrection. Aux périodes de relative centralisation de la violence – la période du parti unique en est une – en succèdent d’autres pendant lesquelles le travail de violence est délégué à des intermédiaires capables de se substituer aux institutions étatiques36. Somme toute, l’histoire de l’Empire ottoman tardif et de la République de Turquie est tissée de configurations fluctuantes, d’interpénétration et de chevauchement entre des secteurs étatiques et non-étatiques, politiques et économiques, bureaucratiques et partisans, légaux et illégaux, « modernes » et « traditionnels ».
Les partis politiques dans l’État
Avec l’établissement du régime de parti unique, puis l’autorisation des groupes d’opposition au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les partis politiques sont devenus les vecteurs privilégiés des forces sociales dans l’appropriation des ressources et des positions étatiques. De façon continue depuis l’instauration de la république en 1923, les partis de gouvernement déploient leur personnel politique et leurs militants au sein des institutions afin de s’approprier des ressources publiques qu’ils distribuent à leurs partenaires et à leurs soutiens37. Ces activités de captation des ressources publiques représentent des modes d’accumulation primordiaux pour les partis38. La centralisation historique des ressources économiques et sociales dans le giron étatique, en particulier pendant la période où l’économie est dirigée (1923-1980), explique cette tendance à l’implantation des partis dans l’État, qui contribue à faire de ces derniers de véritables intermédiaires pour les acteurs du monde économique et social39.
Jusqu’en 1980, la Turquie a en effet mis en œuvre des politiques économiques protectionnistes appuyées sur l’intervention massive de l’État. Cette stratégie de développement a façonné les modes d'accumulation du capital et a contribué à l’émergence et au développement de grands groupes économiques entretenant des relations étroites avec les gouvernements. Ayşe Güneş-Ayata note que « dans une société où ressources sont rares et où l'État est un élément fondamental dans l'allocation des ressources, le clientélisme est utilisé comme une stratégie de participation par certaines classes et groupes sociaux, pour mettre en place, dans leur propre intérêt, un système d'allocation fermé »40. Ces pratiques de captation des ressources et des positions publiques permettent aux partis de négocier des soutiens politiques et de privilégier leurs partenaires sectoriels, économiques mais aussi syndicaux. En intervenant dans les procédures de nomination des fonctionnaires ou des employés des entreprises publiques, ils disposent d’un puissant moyen de rétribution de leurs militants et d’entretien de leurs clientèles électorales, ce qui leur permet à la fois de trouver le concours humain indispensable à leurs activités politiques et de contrôler les institutions visées41. La présence de soutiens dans les institutions représente aussi un atout en période électorale, les militants fonctionnarisés disposant alors des moyens de l’État pour soutenir le travail de mobilisation électorale du parti. De plus, une fois au gouvernement, les partis peuvent modifier le droit, ce qui leur permet de se renforcer et de marginaliser d’autres acteurs (partis politiques, fonctionnaires, entreprises).
Ces pratiques contribuent également à la faiblesse de l’autonomie des institutions publiques, qui ne parviennent ni à poser les règles de leur propre fonctionnement, ni même à contrôler leur recrutement. Elles sont donc porteuses de plusieurs effets sur le système politique. Tout d’abord, l’État apparaissant comme l’enjeu des luttes politiques, les institutions ne peuvent pas être neutralisées. En Turquie, les partis ne se contentent pas d’intervenir dans les procédures de nomination des membres de la fonction publique, ils attendent des fonctionnaires qu’ils se comportent de façon à soutenir le gouvernement dans leur pratique professionnelle quotidienne. Ce faisant, ils substituent aux lois et règlements en vigueur des modes de certification et des filières d’accès partisanes à la fonction publique. L’investissement de l’État par les partis produit donc une politisation des institutions et contribue à faire de l’ensemble étatique une arène de conflits42.
L’investissement de l’État par les partis contribue par là à une désobjectivation des institutions. Ce processus est observable à la fois dans les pratiques des fonctionnaires et dans les représentations qu’en a le public. La politisation des pratiques professionnelles des fonctionnaires conduit le public à s’adapter à ce qu’il suppose être les biais politiques de l’administration et à déployer des tactiques visant à faire lien avec l’administration – par l’adoption de signes distinctifs d’appartenance à un mouvement politique ou religieux par exemple43. L’ensemble étatique subit donc ce qu’on peut analyser comme une perte d’objectivation : les rapports sociaux qu’il abrite et dans lesquels sont pris ses participants ne se caractérisent aucunement par leur extériorité ou leur impersonnalité, par ailleurs, leur perception ne s’opère nullement sur le mode de « ce qui va de soi » (taken for granted).
L’appropriation de l’État par les partis a enfin encouragé l’entrée de l’armée dans le champ politique. Elle est parfois considérée comme une institution « extérieure » qui stabiliserait le système politique incapable de se réguler : les militaires convoquent d’ailleurs, lors de chacun de leurs coups d’État (1960, 1971, 1980 et 1997), ce rôle de protectrice de l’intégrité de l’État que les trois constitutions successives (1924, 1961 et 1982) lui confèrent. L’hypothèse d’une armée extérieure au système fait cependant l’impasse sur le fait que son fonctionnement même peut être vu comme une conséquence de l’absence de neutralité de l’État. L’armée subit, comme les autres institutions étatiques, l’influence des logiques partisanes : elle connaît également des processus de politisation de certains de ses secteurs, exposés, et parfois opposés, aux initiatives politiques du gouvernement et du parti dominant. En réalité, l’institution militaire semble être en tension permanente entre des secteurs intégrés aux réseaux collusifs des partis de gouvernement, et d’autres, pour lesquels le coup d’État représente un moyen de prendre (ou de garder) le contrôle de l’institution tout en revendiquant son autonomie politique. Exposée, comme les autres institutions publiques, aux initiatives partisanes visant à l’investir l’État et à l’influencer, l’armée a cependant disposé des ressources coercitives nécessaires pour se protéger des initiatives des partis et reconfigurer le jeu politique à son avantage44.
Les manifestants occupent les bâtiments de la place Taksim, en Istanbul, lors des manifestations du 5 juin 2013.
Loin de l’image d’un État fort et fortement différencié de la société, l’histoire renouvelée de l’Empire ottoman et de la Turquie entre le XIXe et le XXIe siècle dévoile des intérêts partagés et des positionnements multiples, qui font de l’État un ensemble de positions à conquérir fonctionnant comme autant de possibilités d’accumulation de ressources reconvertibles dans d’autres arènes. Devant cette accumulation de travaux, la lecture classique de l’État en tant qu’organe différencié, entité unifiée et intentionnelle, dotée des ressources nécessaires pour imposer son ordre à une société inorganisée, doit être abandonnée. Cette conception tend à ignorer la très faible institutionnalisation des rôles étatiques et à nier les mécanismes de dévolution ou de discontinuité qui jalonnent l’histoire de l’État turc contemporain. Il faut résolument tourner le dos à l’idée d’une extériorité des élites sociales et étatiques, ainsi qu’à celle, couramment admise, d’une destruction des structures traditionnelles par le volontarisme d’État pendant la République. La multiplicité des pratiques de chevauchement (straddling) observables interdisent de considérer la sphère étatique comme un organe hors de la société.
Notes
1
Barrington Moore, Social Origins of Dictatorship and Democracy. Lord and Peasant in the Making of the Modern World, Boston, Beacon Press, 1966.
2
Şerif Mardin, « Center-Periphery Relations : A Key To Turkish Politics? », Daedalus, n° 102, 1973, p. 170.
3
Metin Heper, The State Tradition in Turkey, Northgate, The Eothen Press, 1985, p. 149, 16.
4
Ali Kazancıgil, Ergun Özbudun, Atatürk. Founder of a Modern State, Londres, C. Hurst and Company, 1981, p. 48.
5
Paul Dumont, Mustafa Kemal invente la Turquie moderne, Bruxelles, Complexe, 1983 [nouv. éd. 1997 et 2006].
6
Niyazi Berkes, The Development of Secularism in Turkey, Montreal, McGill University Press, 1964 ; Stanford Shaw, Ezel Kural Shaw, History of the Ottoman Empire and Modern Turkey, t. II, Reform, Revolution, and Republic. The Rise of Modern Turkey, 18081975, Cambridge, Cambridge University Press, 1977.
7
Daniel Lerner, The Passing of Traditional Society. Modernizing the Middle East, New York, Free Press of Glencoe, 1958 ; Bernard Lewis, The Emergence of Modern Turkey, Londres-Oxford-New York, Oxford University Press, 1961 ; Suna, Kili, Atatürk Devrimi. Bir Çağdaşlaşma Modeli [La Révolution d’Atatürk. Un modèle de modernisation], Istanbul, Türkiye İş Bankası Kültür Yayınları, 2011.
8
Hamilton A. R. Gibb, Harold Bowen, Islamic Society and the West. A Study of the Impact of Western Civilization on Moslem Culture in the Near East, Oxford, Oxford University Press, 1957 ; Peter Mansfield, The Ottoman Empire and its Successors, New York, St. Martin’s Press, 1973.
9
Walter F. Weiker, The Modernization of Turkey. From Ataturk to the Present Day, New York-London, Holmes and Meier, 1981 ; Craig C. Hansen, « Are We Doing Theory Ethnocentrically ? A Comparison of Modernization Theory and Kemalism », Journal of Developing Societies, vol. 5, n° 2, 1989, p. 175-187.
10
Şerif Mardin, « L’influence de la Révolution française sur l’Empire ottoman », Revue internationale des sciences sociales, n° 119, 1989, p. 26-33.
11
Şerif Mardin, The Genesis of Young Ottoman Thought. A Study in the Modernization of Turkish Political Ideas, Syracuse, Syracuse University Press, 2000.
12
Donald Quataert, Manufacturing and Technology Transfer in the Ottoman Empire 1800-1914, Istanbul, Isis Press, 1995.
13
Arnold Reisman, Turkey’s Modernization. Refugees from Nazism and Ataturk’s Vision, Washington D.C., New Academia Publishing, 2006.
14
Feroz Ahmad, The Making of Modern Turkey, Londres, Routledge, 1993, p. 53.
15
Erik Jan Zürcher, Turkey. A Modern History [1993], Londres-New York, I. B. Tauris, 2004, p. 41-53.
16
Olivier Bouquet, « Faut-il encore parler de modernisation ottomane ? », in M. Aymes, B. Gourisse, É. Massicard (dir.), L’Art de l’État en Turquie. Arrangements de l’action publique de la fin de l’Empire ottoman à nos jours, Paris, Karthala, 2014, p. 55.
17
Marc Aymes, « Provincialiser l'empire », Annales. HSS, 62e année, n° 6, 2007, p. 1328.
18
Albert Hourani, « Ottoman reforms and the politics of notables », in W. R. Polk, R. L. Chambers (dir.), Beginnings of modernization in the Middle East. The Nineteenth Century, Chicago-Londres, The University of Chicago Press, 1968, p. 41-68; Philip S. Khoury, « The urban notables paradigm revisited », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, n° 55-56, 1990, p. 215-228.
19
Suraiya Faroqhi, « Political Initiatives “From the Bottom Up” in the Sixteenth- and Seventeenth-Century Ottoman Empire : Some Evidence for Their Existence », in H. G. Majer (dir.), Osmanistiche Studien zur Wirtschafts- und Sozialgeschichte. In Memoriam Vanco Boskov, Wiesbaden, Otto Harrasowitz, 1986, p. 24-33 ; Suraiya Faroqhi, « Political Tensions in the Anatolian Countryside around 1600 : An Attempt at Interpretation », in J.-L. Bacqué-Gramont, B. Flemming, M. Gökberk, I. Ortayli (dir.), Türkische Miszellen. Robert Anhegger Festschrift, Istanbul, Divit, 1987, p. 116-130 ; Suraiya Faroqhi, « Political Activity among Ottoman Taxpayers and the Problem of Sultanic Legitimation (1570-1650) », Journal of the Economic and Social History of the Orient, n° 35, 1992, p. 1-39 ; Antonis Anastasopoulos (dir.), Political Initiatives « from the bottom up » in the Ottoman Empire [Actes des Halcyon Days in Crete VII, 9-11 janvier 2009], Réthymnon, Crete University Press, 2012.
20
Joel S. Migdal, Strong Societies and Weak States, Princeton, Princeton University Press, 1988.
21
Reşat Kasaba, « A Time and a Place for the Nonstate : Social Change in the Ottoman Empire during the Long Nineteenth Century », in J. S. Migdal, A. Kohli, V. Shue (dir.), State, Power and Social Forces. Domination and Transformation in the Third World, Cambridge, Cambridge University Press, 1994, p. 207-230.
22
Sur le cas turc, voir notamment : Yael Navaro-Yashin, Faces of the State. Secularism and Public Life in Turkey, Princeton, Princeton University Press, 2002.
23
Timothy Mitchell, « The Limits of the State », American Political Science Review, vol. 85, n° 1, 1991, p. 77-96 ; Veena Das, Deborah Poole, « State and its Margins: Comparative Ethnographies », in V. Das, D. Poole (dir.) Anthropology in the Margins of the State, Santa Fe, School of American Research Press, 2004, p. 6-34.
24
Michael E. Meeker, A Nation of Empire. The Ottoman Legacy of Turkish Modernity, Berkeley-Los Angeles, University of California Press, 2002, p. xxi.
25
Jean-François Bayart, L’État en Afrique. La politique du ventre, Paris, Fayard, 2006, p. 272.
26
Jane Hathaway, The Politics of Households in Ottoman Egypt. The Rise of the Qazdaḡlıs, Cambridge, Cambridge University Press, 1997, p. 24.
27
Ariel Salzmann, Tocqueville in the Ottoman Empire. Rival Paths to the Modern State, Leiden-Boston, Brill, 2004, p. 87-88.
28
Şerif Mardin, « Center-Periphery Relations : A Key To Turkish Politics ? », Daedalus, n° 102, 1973, p. 182.
29
Cemil Koçak, « Parliament Membership during the Single-Party System in Turkey (1925-1945) », European Journal of Turkish Studies, n° 3, 2005, § 37 (en ligne : http://ejts.revues.org/497).
30
Berk Esen, « Nation Building, Party-Strength, and Regime Consolidation : Kemalism in Comparative Perspective », Turkish Studies, vol. 15, n° 4, p. 608.
31
Nathalie Clayer, « Un laiklik imposé ou négocié ? L’administration de l’enseignement de l’islam dans la Turquie du parti unique », in M. Aymes, B. Gourisse, É. Massicard (dir.), L’Art de l’État en Turquie. Arrangements de l’action publique de la fin de l’Empire ottoman à nos jours, Paris, Karthala, 2014, p. 103-126.
32
Emmanuel Szurek, Gouverner par les mots. Une histoire linguistique de la Turquie nationaliste, Thèse de doctorat d’histoire, École des Hautes Études en Sciences Sociales, 2013.
33
Murat Metinsoy, « Fragile Hegemony, Flexible Authoritarianism, and Governing from Below : Politicians' Reports in Early Republican Turkey », International Journal of Middle East Studies, vol. 43, n° 4, 2011, p. 699-719. Voir également : Yiğit Akın, « Reconsidering state, party and society in early republican Turkey : politics of petitioning », International Journal of Middle East Studies, vol. 39, n° 3, 2007, p. 435-457 ; Catherine Alexander, Personal States. Making connections between people and bureaucracy in Turkey, Oxford-New York, Oxford University Press, 2002.
34
Noémi Lévy-Aksu, Ordre et désordres dans l’Istanbul ottomane (1879-1909), Paris, Karthala, 2012.
35
Gilles Dorronsoro, « Les politiques ottomane et républicaine au Kurdistan à partir de la comparaison des milices Hamidiye et korucu : modèles institutionnels, retribalisation et dynamique des conflits », European Journal of Turkish Studies, n° 5, 2006, § 1 (en ligne : https://ejts.revues.org/778) ; Janet Klein, The Margins of empire. Kurdish Militias in the Ottoman Tribal Zone, Stanford, Stanford University Press, 2011.
36
Hamit Bozarslan, « Le phénomène milicien : une composante de la violence politique en Turquie des années 70 », Turcica, n° 31, 1999, p. 185-244.
37
Gilles Dorronsoro, Benjamin Gourisse, « Une clés de lecture du politique en Turquie : les rapports État-partis », Politix, n° 107, 2015, p. 195-218.
38
Pour une étude des activités de pénétration de l’État par les partis pendant les années 1970, voir : Benjamin Gourisse, « Party Penetration of the State: the Nationalist Action Party in the late 1970s », in É. Massicard, N. Watts (dir.), Negotiating Political Power in Turkey. Breaking up the Party, London, Routledge, 2012, p. 118-139.
39
Voir notamment Zafer Toprak, Türkiye'de Ekonomi ve Toplum (1908-1950). Milli Iktisat - Milli Burjuvazi [Économie et société en Turquie (1908-1950). Économie nationale, bourgeoisie nationale], Istanbul, Tarih Vakfi Yurt Yayınları, 1995 ; Şevket Pamuk, « Political Economy of Industrialization in Turkey », MERIP Reports, n° 93, 1981, p. 26-32.
40
Ayşe Güneş-Ayata, « Class and Clientelism in the Republican People’s Party » in A. Finkel, N. Sirman (dir.), Turkish State, Turkish Society, London, Routledge, 1990, p. 181. Sur les transactions clientélaires unissant partis politiques et acteurs locaux, voir également : Ergun Özbudun, « Turkey : the Politics of Clientelism » in S. Eisenstadt, R. Lemarchand (dir.), Political Clientelism, Patronage and Development, Beverly Hills, Sage, 1981, p. 249-268; Horst Unbehaun, Klientelismus und Politische Partizipation in der Ländlichen Türkei. Der Kreis Datça 1923-1992, Hambourg, Schriften des Deutschen Orient-Instituts, 1994, p. 249-268.
41
Pour une étude des activités de pénétration de l’État par les partis pendant les années 1970, voir : Benjamin Gourisse, « Party Penetration of the State : the Nationalist Action Party in the late 1970s », in É. Massicard, N. Watts (dir.), Negotiating Political Power in Turkey. Breaking up the Party, London, Routledge, 2012, p. 118-139.
42
Pour une étude de cette question appliquée à la police turque dans les années 1970, voir : Benjamin Gourisse, « Pluralité des rapports aux normes professionnelles et politisation des pratiques dans la police turque des années 1970 », European Journal of Turkish Studies, n° 8, 2008 (en ligne : http://ejts.revues.org/index2273.html).
43
Benoît Fliche, « Éléments pour une trichologie turque », in M.-F. Auzépy, J. Cornette (dir.), Histoire du poil, Paris, Belin, 2011, p. 211-233.
44
Cette capacité de l’armée à assurer son autonomie par le coup d’État a cependant connu de sérieuses limites depuis l’arrivée de l’AKP au pouvoir en 2002. En reprenant à son compte le projet européen du pays, le parti a pu obtenir une marginalisation progressive de l’armée. La vague de réformes liées à la candidature européenne du pays, ainsi que les exigences des bailleurs de fonds internationaux et du Fonds Monétaire International ont fortement contribué à la réduction des positions des militaires dans le système politique.
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