(Université catholique de Louvain)
Romano Martinis, La Classe morte de Tadeusz Kantor (1975)
Entre Allemagne et Pologne, l’écriture d’un manuel d’histoire commun
Peut-être n’est-il pas impossible d’élaborer à moyen terme un manuel d’histoire commun germano-polonais qui nous aide à mieux nous comprendre mutuellement. Avec ce projet, nous Allemands pouvons montrer clairement que nous sommes ouverts au point de vue polonais sur l’histoire. Je suis sûr que beaucoup d’Allemands ressentent comme un enrichissement le fait de mieux connaître ce point de vue et d’apprendre plus à propos de l’histoire polonaise1.
Ainsi s’exprime Frank-Walter Steinmeier, ministre allemand des Affaires étrangères, à l’Université Viadrina en octobre 2006. Après plusieurs décennies de débats sur l’histoire, les manuels scolaires et les sources historiques entre l’Allemagne et la Pologne, il est cette fois question de rédiger un seul récit commun. D’aucuns n’y verront qu’une initiative comme une autre à l’heure de la mondialisation, quand d’autres qualifieront le projet d’étape ultime de la réconciliation. L’idée n’est plus en effet d’ouvrir un dialogue, mais de négocier et de poser une seule vision de l’histoire.
L’histoire est considérée comme fondamentale dans la construction et la survie de la nation2. C’est encore plus vrai en Pologne, pays rayé des cartes de l’Europe de 1795 à 1918. La souveraineté « limitée » durant l’époque communiste, accompagnée de falsification et de négation des faits – aussi appelées « taches blanches », « białe plamy »3 – aurait renforcé cette « discipline reine »4. Depuis la chute de la République populaire de Pologne (PRL), et de manière plus radicale à partir des années 2000, deux courants s’affrontent : d’un côté des historiens, proches du parti Droit et Justice (Prawo i Sprawiedliwość, PiS), insistent sur la nécessaire mise en place d’une « politique historique »5, sur la singularité, la martyrologie et l’héroïsation6 de la Pologne ; de l’autre, les tenants d’une relativisation et d’une prise en compte des événements controversés, s’opposent à l’idée d’une instrumentalisation de l’histoire et promeuvent, somme toute, la liberté scientifique. La commission polono-allemande comprend des représentants de cette dernière vision7, ce qui se reflète dans le contenu du manuel : c’est « l’Allemagne nazie » et pas simplement « l’Allemagne » qui attaque la Pologne en 1939 (t. 8, p. 10).
L’histoire polono-allemande est de fait marquée par de nombreux « passés douloureux »8. Prenons-en pour preuve les Partitions qui, à la fin du XVIIIe siècle, font disparaître la Pologne des cartes européennes, ou encore la Seconde Guerre mondiale, qui engendre dominations, occupations, annexions, humiliations et massacres sur le territoire polonais. Certaines tensions sont beaucoup plus anciennes – mais non moins prégnantes – et remontent au Moyen-Âge. Elles sont toutes à l’agenda polono-allemand dès les années 1970 : suite au rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays en 1970, naît en 1972 une commission d’historiens9 entre la République populaire de Pologne et la République fédérale allemande. Elle se donne déjà pour but de créer un dialogue sur l’histoire et, dans l’esprit d’une « éthique reconstructive »10, de favoriser un « effort [commun] de lecture plurielle » du passé11 et par-là même, le rapprochement, voire la réconciliation polono-allemande.
En 2008, la commission décide de « passer à la vitesse supérieure » et de changer de cap : il ne s’agit plus de discuter de deux récits en parallèle, mais de produire un seul récit. Comment présenter une histoire commune à l’école ? Comment écrire un manuel d’histoire dans un cadre bilatéral ? Quelles sont les stratégies mises en place pour y parvenir ? Plutôt qu’une définition consensuelle, nous retiendrons ici la diversité de sens du terme « réconciliation », à commencer par son étymologie12. Tantôt politique, philosophique ou religieuse, tantôt vue comme une fin en soi ou comme un processus13, la « réconciliation » est variable d’un acteur à l’autre, d’un contexte à l’autre, d’une discipline à l’autre14.
Le manuel, intitulé Europe, notre histoire s’intègre tout à fait à la politique historique d’ouverture mise en place par le parti Plateforme civique (Platforma obywatelska, PO) de Donald Tusk à partir de 2007. Cette perspective d’ouverture s’impose après l’apparition de diverses controverses au début des années 2000 dans les relations bilatérales, qu’elles portent sur la concurrence des victimes15 juives et polonaises16 ou sur les expulsions de la fin de la Seconde Guerre mondiale et leurs conséquences. À l’inverse, comme en 2005-2007, les autorités élues en 2015 favorisent une politique historique « dure », centrée sur les héros nationaux, quitte à oblitérer les bourreaux, plutôt qu’une réconciliation avec les voisins, qui prendrait en compte les différents points de vue. Leur soutien s’est pourtant révélé indispensable à la poursuite du projet de manuel commun d’histoire.
Le corpus majeur de cette contribution est le manuel polono-allemand d’histoire, en particulier son premier tome, publié en mai 2016. Ce travail est fondé sur des entretiens menés en Pologne et en Allemagne avec les membres de la commission et divers acteurs gravitant autour, les archives consultées au sein de l’Institut Georg Eckert à Brunswick, du Land de Basse-Saxe à Wolfenbüttel, de l’Institut de l’Ouest à Poznań ou du Ministère polonais des Affaires étrangères à Varsovie, mais aussi des sources complémentaires, telles que des observations participantes au sein des conférences et séances (à huis-clos) de la commission polono-allemande.
La couverture de la version allemande du deuxième volume du manuel Europe, notre histoire, sorti en septembre 2017.
La transformation du dialogue en récit commun sur l’histoire
Le projet de manuel apparaît dans les années 2000. Il se fonde sur une coopération solide entre historiens polonais et allemands entamée depuis plusieurs décennies dans un contexte favorable au rapprochement bilatéral.
Un dialogue d’historiens ancien
Promues par la Société des Nations, les premières formes institutionnalisées de dialogues entre historiens de nationalités différentes apparaissent dès les années 1930 – sans grand succès malgré quelques avancées17 – puis sont renouvelées dans les années 1950, par l’échange de manuels18 et de thèses portant sur l’histoire bilatérale (sans parvenir pour autant à un réel dialogue par-delà les frontières)19. Sous l’impulsion des comités nationaux polonais et ouest-allemand auprès de l’UNESCO, la commission bilatérale portant sur les manuels scolaires naît en 1972. La première phase des travaux consiste en la rédaction de recommandations pour les manuels scolaires20. L’objectif est, à l’instar de la proposition de Marc Bloch en 1928, de « réconcili[er] par l’histoire »21. Władysław Markiewicz, premier co-président polonais de la commission, ne s’en cache pas : il s’agit « évidemment, évidemment » de réconciliation22, quand bien même certains acteurs, parmi les générations suivantes, réfutent le terme23.
La commission se fonde sur des règles coutumières, plus flexibles que des règles écrites. Les historiens décident de se réunir deux fois par an, alternativement en Allemagne et en Pologne24. Cette régularité ne connaît que très peu d’exceptions en près de cinquante ans d’existence, quoiqu’à partir de 1994 les conférences ne sont organisées qu’un an sur deux. Aujourd’hui cooptés en toute indépendance, les membres de la commission étaient au départ (c’est encore le cas pour les co-présidents) nommés par les comités nationaux auprès de l’UNESCO en accord avec les autorités politiques – ils se sont émancipés de cette tutelle à la chute du communisme.
Les acteurs insistent tous sur la confiance mutuelle qui s’établit entre eux : on se tient à ce qui a été accordé lors des débats25. Renforcée par des temps informels conséquents, notamment autour des visites organisées dans le cadre des conférences, – chacun découvre la culture de l’autre et peut discuter avec ses homologues – cette confiance se mue parfois en amitiés26.
Le soutien politique est conséquent, insistant sur le rôle de la commission dans la réconciliation et le rapprochement entre les peuples. Cette dimension est flagrante avant 1989. En 1982, par exemple, le ministre de l’Éducation (Kultusminister) du Land de Basse-Saxe, Georg-Berndt Oschatz, « qualifie la réconciliation entre l’Allemagne et la Pologne de devoir le plus important des conférences germano-polonaises portant sur les manuels scolaires »27. À l’époque, le côté polonais doit rendre des comptes aux autorités, qui ne se privent pas d’envoyer des observateurs et des agents des services de sécurité28. En Allemagne, les échanges – épistolaires ou plus directs lors de dîners – avec le SPD sont réguliers29. Le chancelier Helmut Kohl, pourtant issu de la CDU, confirme son soutien à la commission en 1985 :
« Nous voulons tous la réconciliation et la compréhension [mutuelle] avec la Pologne. […] Je soutiens l’activité de la commission germano-polonaise portant sur les manuels scolaires comme une importante contribution supplémentaire vers la réconciliation et la compréhension avec notre voisin oriental30 ».
Cette vision de la commission comme outil de réconciliation est encore confirmée en 2015 lorsque le président allemand Joachim Gauck met en exergue la « réussite de la réconciliation par le dialogue sur les manuels » entre l’Allemagne et la Pologne31. Le soutien politique reste d’actualité malgré quelques aléas, parfois importants32.
Après 1989 et jusqu’au début des années 2000, la commission se concentre sur la publication de recueils de sources historiques inédites. Le dialogue s’approfondit au fil du temps : partant d’une opposition flagrante sur des sujets comme les expulsions à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, le rôle de l’Ordre des Chevaliers teutoniques ou l’importance de la Bataille de Grunwald/Tannenberg33 – qui donne son titre à cet article – au Moyen-Âge, la commission est peu à peu devenue un lieu de convergences. Habitués à discuter ensemble, ses membres ont développé une culture du travail en interaction. Les histoires nationales incompatibles se sont muées en perspectives variées, puis en une mise en récit commun de l’histoire. Inhérent au format d’un manuel scolaire, ce récit est toutefois partiel et orienté vers un public précis : les élèves du secondaire. Limité par la rédaction d’un supplément national polonais pour répondre aux spécificités du programme scolaire, il n’en demeure pas moins un instrument de coopération transnational novateur.
Genèse immédiate du projet
Lorsque le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier propose à son homologue polonais de mettre en place un projet de manuel commun d’histoire, il place la démarche dans le sillage du manuel franco-allemand dont le premier volume est publié la même année :
« Il n’y a pas si longtemps, nous avons réussi pour la première fois à publier un manuel d’histoire commun germano-français, qui est utilisé dans les écoles des deux pays. Peut-être n’est-il pas impossible d’élaborer à moyen terme un manuel d’histoire commun germano-polonais qui nous aide à mieux nous comprendre mutuellement34 ».
Le gouvernement polonais d’alors, dirigé par le PiS, ne répond pas à la suggestion. Cependant, l’arrivée au pouvoir de la PO de Donald Tusk en 2007 donne lieu à une relance des relations polono-allemandes, toujours dans une optique de rapprochement, voire de réconciliation35. Le nouveau gouvernement soutient aussitôt la proposition de Steinmeier et le projet est officiellement lancé en mai 2008. Sa réalisation est confiée à la commission polono-allemande sur les manuels scolaires, qui s’est imposée comme l’institution évidente pour mettre en place un tel programme, malgré une première hésitation36. La commission a cherché à justifier sa légitimité, en insistant sur son expertise ancienne37 et sur l’étude de faisabilité détaillée déjà réalisée par le secrétaire scientifique allemand de la commission38.
Comme la commission elle-même plus de trois décennies auparavant, le projet de manuel est lancé dans un contexte de rapprochement, avec pour but de renforcer les liens entre les deux pays et par-là même, de contribuer à la réconciliation polono-allemande. L’écho est retentissant dans les médias, tant le contraste est saisissant entre la politique historique mise en place par le PiS jusqu’en 2007 et la première action en la matière du gouvernement PO la même année. Au lieu d’exacerber les tensions avec le voisin occidental, les autorités proposent une coopération approfondie, dans un domaine-clé : l’éducation.
Un conseil d’administration et un comité d’experts sont créés dans la foulée39, avec le soutien des gouvernements des deux pays. Toutefois, le projet demeure chancelant, en particulier au niveau financier. Après plusieurs difficultés, tant côté allemand que polonais, c’est paradoxalement le gouvernement PiS, de retour au pouvoir en 2015, qui accorde le financement nécessaire à la poursuite et à l’aboutissement du projet. Le ministre polonais des Affaires étrangères, Witold Waszczykowski participe même à la séance de promotion officielle du premier tome en juin 2016. Ce soutien est maintenu ensuite jusqu’à la parution du dernier tome portant sur la période contemporaine à l’automne 2020. S’il est difficile de comprendre ce revirement de situation – la PO qui se désengage doucement (lassée des rallonges déjà octroyées à ce projet plus complexe qu’il n’y paraît ? par peur d’engager des budgets à la veille des élections ?) et le PiS qui permet au projet de perdurer –, force est de constater que la parution d’un tel ouvrage transnational permet à tout le moins de faire découvrir à des lecteurs occidentaux, notamment aux nouvelles générations, l’histoire polonaise. C’est peut-être la raison du soutien du parti Droit et Justice, en décalage avec sa réforme de l’éducation drastique40, insistant sur les « héros » de la nation polonaise et omettant les questions plus controversées. Ce revirement démontre quoi qu’il en soit que les politiques historiques mises en avant par les gouvernements successifs, si différentes soient-elles, ne sont pas toujours dichotomiques et que des lignes de faille apparaissent au sein d’un même parti : projet phare soutenu par la PO – et ignoré par le PiS – dès son lancement, le manuel est finalement « sauvé » par le parti de Jarosław Kaczyński.
L’expérience franco-allemande, premier exemple de production aboutie d’un manuel commun binational, fournit un point de référence pour les acteurs du cadre polono-allemand, qui se penchent sur ce projet et ses principales critiques41. Le manuel serait trop universitaire, difficile à appréhender par un public de lycéens ; certains lui reprochent aussi le manque d’explications sur les enjeux de traduction42. « Trop français » pour certains, il est, à l’inverse, « trop allemand » pour d’autres. L’œuvre, soutenue politiquement, inspirerait quelque méfiance.
Des rencontres sont organisées avec les experts de ce premier essai afin de discuter des aspects plus ou moins difficiles de la mise en place d’un manuel bilatéral d’histoire43. En 2007, il est considéré nécessaire d’établir un schéma clair des possibilités de transfert des pratiques de l’expérience franco-allemande44, même si certains acteurs polono-allemands insistent sur le fait qu’ils ont poursuivi leur propre programme afin de faire face à leurs défis spécifiques45. Lors du lancement officiel du projet en mai 2008, une longue discussion est organisée sur le thème : « Une histoire commune – un manuel commun ? Que résulte-t-il du manuel franco-allemand d’histoire pour le projet polono-allemand ? Est-il possible d’écrire une histoire commune ? »46.
Les acteurs polono-allemands cherchent à créer leurs propres manières de travailler. Certains éléments se retrouvent certes dans les deux processus, mais plusieurs différences apparaissent. Les experts ont cherché à davantage impliquer des pédagogues – comme les professeurs Violetta Julkowska et Holger Thünemann – dès la création du comité d’experts et ont porté une attention particulière à ce que les textes soient rédigés de manière accessible pour des collégiens. En raison des demandes politiques et sociétales, le projet franco-allemand avait d’abord publié le dernier tome de la série, portant sur l’après- Seconde Guerre mondiale ; le comité polono-allemand refuse de faire le même choix et se tient pour sa part à une démarche chronologique.
Notons que ces manuels scolaires bilatéraux ne concernent pas l’histoire des relations entre les deux pays, mais sont conçus comme des manuels classiques qui respectent les programmes scolaires et s’adressent au plus grand nombre. Les acteurs insistent tous sur ce point : « C’est certain, [le manuel] ne devrait pas être un projet pour l’élite »47. C’est l’un des plus grands défis du projet : montrer au public qu’il s’agit d’un manuel normal, issu d’une expérience originale et permettant toute une série d’innovations pédagogiques.
Le premier tome publié du manuel franco-allemand a créé beaucoup d’écho, la série demeure toutefois peu utilisée, hormis dans les classes européennes ou « ABIBAC », et ce malgré l’implication des grandes maisons d’édition Nathan et Klett48. Ainsi, « [f]ruit d’une initiative initiée mais aussi en partie détruite par des responsables politiques, salué dans le monde entier mais snobé par le public visé, ce livre est, en fait, un symbole parfait de la relation franco-allemande »49. Pour pallier ce phénomène, les acteurs polono-allemands décident de recruter une personne chargée des « relations publiques » du manuel et du projet dans son ensemble50 : Christiane Brandau, rattachée à l’Institut Georg Eckert à partir d’août 201651.
L’idée d’éditer un manuel dirigé vers les collégiens et satisfaisant les programmes scolaires des deux pays implique un ensemble d’institutions plus ou moins formelles afin de négocier le récit d’une histoire commune, processus-clé assez unique en matière de réconciliation bilatérale.
La négociation d’une histoire commune
Le projet de manuel commun doit répondre aux contraintes habituelles en matière de déontologie et de méthode historiographique : les sources doivent être vérifiées, croisées, discutées. À cela s’ajoute la contrainte d’une pluralité des points de vue : les deux pays ont non seulement vécu des événements différents, mais ils ont aussi le plus souvent une perception spécifique des mêmes faits historiques. La variété des programmes scolaires – notamment en Allemagne, où les Länder sont compétents en matière éducative – et des pratiques pédagogiques vient encore complexifier le tableau. Au fil des interactions et des réunions de travail se développe pourtant une socialisation entre les acteurs et une meilleure compréhension des perceptions de l’autre, en somme, une réconciliation en pratique.
Apprentissages réciproques
Les acteurs impliqués dans le projet appartiennent a priori au même champ des universitaires et à celui, plus restreint, des historiens. Toutefois, leur habitus est particulier, reflet de leur socialisation dans le monde éducatif et universitaire (ouest-)allemand ou dans la Pologne communiste52. Les traditions éducatives et universitaires diffèrent d’un pays – ou d’une région – à l’autre. En Allemagne, ce sont souvent des professeurs du secondaire qui conçoivent les manuels scolaires, alors qu’en Pologne la plupart d’entre eux sont rédigés par des universitaires. Les auteurs de chaque pays – voire de chaque sous-champ de la discipline historique – arrivent donc avec leurs habitudes, leurs perceptions et leurs représentations du monde. La rencontre avec des acteurs aux visions distinctes entraîne une nouvelle forme de socialisation : chacun découvre une autre manière de penser, de fonctionner, puis s’adapte au nouvel environnement. Beaucoup, parmi les experts du projet, se sont déjà socialisés dans le cadre de la commission polono-allemande : ils ont appris à travailler ensemble, à négocier et coopérer, ou ont effectué un long séjour scientifique dans l’autre pays53. Cette longue socialisation précédant le projet ne se vérifie pas pour les auteurs : ceux-ci relèvent davantage des logiques nationales et ont peu collaboré à des projets binationaux auparavant.
Les historiens, dans leur travail en commun, cherchent, non pas la vérité, mais un récit qui peut favoriser un rapprochement. Ils tentent d’atteindre ce que Ricœur appelle la « bonne subjectivité »54. Ricœur insiste sur quatre éléments : le souci de clarifier, afin d’obtenir une meilleure compréhension par l’interlocuteur ; la reconnaissance du fait qu’il est toujours possible d’interpréter différemment ; la prétention d’apporter des arguments plausibles et, enfin, l’aveu que chaque interprétation a « un fond impénétrable, opaque, inépuisable de motivations personnelles et culturelles, dont le sujet n’a jamais fini de rendre compte »55. Les acteurs tendent alors à « “remodel[er]” les “histoires que nous nous racontons les uns sur les autres” »56 et s’essayent à « l’effort de “lecture plurielle” ou de “narration croisée” [qui] apparaît comme la “seule manière d’ouvrir la mémoire des uns sur celle des autres” »57 et, ainsi, de favoriser la réconciliation.
En pratique, ce travail en commun implique un certain pragmatisme. Les éditeurs allemands ne maîtrisent pas le polonais et réciproquement : un dispositif de traduction est donc instauré. Afin de garder un équilibre, les rencontres ont lieu en alternance à Varsovie et Wiesbaden. D’autres contraintes formelles, plus classiques, viennent s’ajouter à la rédaction de l’ouvrage, comme le nombre de pages, la variété et la disponibilité des illustrations ou le format du livre. Les perceptions initiales des uns et des autres se confrontent à la réalité : les stéréotypes entraînent une surestimation ou une sous-estimation des capacités des partenaires. Les rédacteurs allemands ne s’attendaient pas forcément à travailler avec des Polonais à la pointe des outils numériques et ont été surpris par les compétences poussées de leurs homologues, notamment en matière de reconstruction virtuelle en trois dimensions, dont le manuel regorge, comme le phare d’Alexandrie (p. 87)58. Au contraire de la petite structure allemande Eduversum, WSiP est l’une des principales maisons d’édition de manuels scolaires en Pologne. C’est pourquoi les partenaires polonais disposent d’une grande base de données et de leurs propres cartes, possibilités assez rares dans l’édition scolaire.
Le Phare d’Alexandrie, reconstitution informatique.
Europa, nasza historia, t. 1, Varsovie-Wiesbaden, Wydawnictwa szkolne i pedagogiczne et Eduversum, 2016, p. 87.
Présentation d’une histoire transnationale
Les auteurs apprennent les uns des autres tout au long du travail en commun ; ces rencontres visent à présenter, au-delà des histoires nationales incompatibles, une histoire transnationale ouverte et non susceptible d’alimenter les tensions entre les pays. L’histoire transnationale permet d’étudier une variété de processus d’échanges, économiques, culturels, scientifiques ou migratoires59. Membre historique de la commission polono-allemande, Klaus Zernack a, dès les années 1970, mis en place une grille d’analyse appelée aujourd’hui « transnationale »60 : il a étudié les relations, notamment polono-allemandes et plus largement en Europe centrale et orientale, en insistant sur les influences réciproques, positives comme négatives61. Il a aussi mis en exergue des processus transnationaux par nature, ne pouvant être étudiés uniquement dans le cadre d’un État-nation tel que défini au XXe siècle, comme les groupes « ethniques » d’Europe centrale et orientale62.
L’histoire transnationale s’est depuis précisée63. Elle comprend plusieurs courants, liés aux approches de comparaison, d’étude de transfert, mais aussi de croisement. L’écriture du manuel commun s’inscrit dans cette perspective. L’histoire croisée vise à « mettre en évidence le tissu épais des entrecroisements »64, à découvrir les liens, faire jouer les différentes échelles d’analyse et à historiciser les objets d’étude. Elle insiste sur les dynamiques et les « modalités de co-construction »65, tout en prônant un « décentrement du monde »66. Le manuel, fruit d’une réflexion nourrie de plusieurs points de vue, relève de cette volonté de mise en avant des interactions et influences réciproques, des différentes échelles d’analyse possibles ou de la définition précise des termes employés et de l’historicisation de leur objet.
Dans un manuel bilatéral, l’énonciation de l’histoire peut reposer sur différents mécanismes. Cinq d’entre eux ont été repérés dans le cadre du manuel polono-allemand. Ils se retrouvent dans chacun des tomes, montrant, s’il en est besoin, que les divergences ne concernent pas seulement le XXe siècle.
1) L’histoire peut en premier lieu être le reflet de la domination d’un point de vue sur l’autre. La perspective allemande prime par exemple clairement sur les questions de compétences : les élèves allemands sont habitués à l’évaluation des compétences et aux tests à la fin de chaque chapitre, ce qui est nettement moins le cas des Polonais. Le point de vue allemand dominant de l’exploitant a été souligné tout au long du processus et même depuis le début de l’existence de la commission polono-allemande. L’image du Polonais comme paysan dépourvu, face à la civilisation et à la technique allemande apportée tant par les juridictions germaniques que par les chevaliers teutoniques, perdure aujourd’hui encore67.
Le point de vue polonais prime lui aussi dans certaines parties, en particulier lorsqu’il s’agit de l’histoire de la Pologne ou de l’Europe centrale, souvent peu développée dans les manuels allemands ou d’Europe de l’Ouest en général68. Les commentaires précis sur la dynastie des Piast (p. 154-159) puis celle des Jagellon (p. 208-213), qui appartiennent aux sous-chapitres les plus longs du premier tome du manuel – sur trois doubles-pages – illustrent l’importance de la perception polonaise dans la présentation de l’histoire. Dans le dernier volume, le point de vue polonais semble prévaloir aussi à propos des expulsions/migrations forcées de la fin de la Seconde Guerre mondiale : les exemples retenus sont polonais et le terme wypędzenie (expulsion, très fort en polonais) apparaît en titre d’un paragraphe – il n’est certes pas précisé par la suite, où lui succède l’expression « przesiedlenie (przymusowe) » [migrations (forcées)] ; t. 8, p. 55-56). Ces explications sont somme toute en adéquation avec les recommandations de la commission rédigées dans les années 1970 et soulignent l’unité voulue par les auteurs.
2) La formule hybride trouvée pour les expulsions de la fin de la Seconde Guerre mondiale témoigne également du travail de compromis entre les deux parties. Ce deuxième mécanisme est plus souvent sensible dans le texte, selon deux modalités. Primo, les auteurs peuvent décider de réduire au minimum, au plus petit dénominateur commun, les interprétations de faits historiques. Par exemple, la bataille des Thermopyles dans l’Antiquité – première défaite héroïque rapportée – apparaît certes dans le manuel, mais seulement dans le cadre d’un « point de vue » sous forme d’images et accompagné d’une courte légende. De même, la bataille de Grunwald ne fait l’objet que d’un encadré mémoriel dans le manuel, à propos des reconstructions de la bataille (p. 211). La position de l’éditeur polonais est ici privilégiée : tout ce qui n’apparaît pas dans le manuel commun peut être développé dans le supplément national. Ainsi, la bataille de Grunwald (supplément, p. 71) y fait l’objet d’un encadré mémoriel additionnel.
Encadré « Le passé dans le présent » à propos de la Bataille de Grunwald.
Europa, nasza historia, t. 1, Varsovie-Wiesbaden, Wydawnictwa szkolne i pedagogiczne et Eduversum, 2016, p. 211.
Deuxio, le compromis peut se traduire au contraire par un long développement sur un sujet sensible. Les parties sur la religion, notamment chrétienne, sont en général très nourries, de même que celles portant sur le rôle supposé civilisationnel des Allemands. Le sous-chapitre « Prie ! Défends ! Travaille ! – chacun a sa place dans la société » (p. 164-169), qui se termine par deux pages entières de sources variées, en est une illustration saisissante. Le sous-chapitre sur les « conquêtes au nom de la croix » est encore plus étendu (p. 184-190). Il y est question des Croisés et des chevaliers allemands, qui s’installent près de la Baltique – les chevaliers teutoniques ne constituent ici qu’un exemple parmi d’autres. Le « développement des installations rurales et urbaines en Europe centrale et orientale » (p. 228-235) est le sous-chapitre le plus long : il porte entre autres sur le rôle des Allemands dans le développement économique, technique et juridictionnel des villes et villages polonais. D’autres exemples, notamment autour de la personne de Napoléon, illustrent encore ces différences (t. 2, p. 224-236).
3) L’évitement constitue une troisième possibilité de gestion du passé dans le cadre du manuel : si un sujet dérange, les auteurs ne l’évoquent pas. Il ne s’agit pas d’une stratégie privilégiée dans ce manuel, on peut toutefois remarquer que les périodes ou événements bilatéraux conflictuels sont davantage développés dans le supplément national polonais69 (rendu nécessaire par la diversité des programmes scolaires entre les pays). La brève évocation de ces faits historiques dans le manuel, doublée d’une plus longue description dans le supplément reflète tant un compromis qu’une forme d’évitement. S’il faut souligner l’effort d’intégrer un maximum de faits historiques polonais au manuel commun, malgré leur absence dans les programmes allemands, beaucoup d’éléments, en particulier les détails sur les rois et dynasties ainsi que les régimes politiques, ne sont détaillés que dans le supplément (supplément, p. 44-52 et p. 64-80).
4) La superposition des points de vue forme un quatrième résultat possible de la négociation sur l’histoire. Le récit s’apparente alors à une mosaïque d’expressions différentes du passé (commun). Soit les auteurs n’ont pas réussi à se mettre d’accord et les deux points de vue sont accolés – le rôle de l’Acte de Gniezno en l’an 1000 est par exemple discuté par les Polonais et les Allemands (p. 159) ; de même, l’installation-colonisation des Allemands et la mise en place des juridictions allemandes dans les villes et villages polonais sont débattues par des historiens des deux pays (p. 235)70.
Encadré « point de vue » à propos de l’Acte de Gniezno.
Europa, nasza historia, t 1, Varsovie-Wiesbaden, Wydawnictwa szkolne i pedagogiczne et Eduversum, 2016, p. 159.
Soit la pertinence de chacun des points de vue semble intéressante aux auteurs, qui décident de présenter les deux côtés. C’est ainsi que les auteurs décident d’utiliser l’« Atelier de l’historien » consacré à l’apprentissage de la comparaison de sources écrites afin de montrer les Croisades de la perspective des Croisés et des populations arabes sur place (p. 191). Les différends concernent notamment la responsabilité des massacres perpétrés. Des sources tierces sont utilisées, renforçant ainsi le caractère nuancé de la mosaïque des récits. La superposition apparaît utile pour pallier les désaccords entre auteurs ou pour montrer l’importance des perceptions dans l’histoire et la mémoire : un même fait peut être interprété totalement différemment selon le point de vue où l’on se place.
5) Lorsque les points de vue divergent, une cinquième solution s’offre aux auteurs : ajouter un élément non prévu au départ. Ce recadrage permet de sortir du duel entre histoires et de dépasser les crispations sur l’Histoire. C’est une stratégie classique de négociation71. Dans le manuel, ce type de négociation créative se manifeste par les longs développements sur les apports – discutés – de la civilisation allemande ; ils se trouvent compensés par les influences réciproques, notamment linguistiques, présentées dans un alinéa, complété par un encadré mémoriel (p. 232) : manière de souligner que la Pologne a, elle aussi, pesé sur la culture allemande.
Encadré « Le passé dans le présent » sur les influences linguistiques.
Europa, nasza historia, t. 1, Varsovie-Wiesbaden, Wydawnictwa szkolne i pedagogiczne et Eduversum, 2016 p. 232.
Le paragraphe à propos de la Silésie, « une des régions qui divisent et unissent » (p. 234) semble relever de la même stratégie. Plutôt que d’ajouter à la disparité des points de vue, les auteurs choisissent de rédiger un seul texte, qui insiste en particulier sur l’union à laquelle inciterait cette région. Les contacts culturels entre communautés allemandes et polonaises sont nombreux dès le Moyen-Âge, tandis que les territoires sont tantôt gouvernés par le prince polonais, tantôt régis par les seigneurs allemands. Les experts avaient recommandé d’illustrer les échanges multiculturels par la ville de Lviv – Lwów en polonais – aujourd’hui en Ukraine, mais les auteurs se sont émancipés de cette proposition afin de dénouer un point de tension entre les deux pays : la Silésie. La région apparaît de nouveau dans le dernier volume (p. 28) et avait déjà fait l’objet de discussions lors des conférences de la commission.
Grâce à ce processus bilatéral et à l’émulation du travail en commun, les innovations pédagogiques sont nombreuses. Outre les courts textes d’auteur, chaque chapitre contient un test de compétences sur une double page. Lorsque le chapitre ou sous-chapitre concerne une autre région du monde, il est doublé d’une petite chronologie intitulée « Et pendant ce temps, en Europe… », qui permet aux élèves de mettre en perspective les diverses thématiques et régions étudiées (p. 43). Les sources et les types d’illustrations sont aussi extrêmement variées. L’originalité des sources choisies est sans doute l’une des spécificités du manuel : les auteurs et éditeurs ont cherché à utiliser certaines sources moins connues ou reconstruites, tant polonaises qu’allemandes. Une grande nouveauté du manuel repose sur la variété des points de vue mis en avant (seul le manuel franco-allemand apparaît à ce titre comme un précédent). Lorsque les expériences nationales et donc les points de vue diffèrent, les auteurs ont créé des encadrés appelés « points de vue » : le texte d’un historien polonais est alors mis en résonnance avec l’écrit d’un historien allemand, par exemple à propos de l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale (t. 8, p. 59).
Encadré « point de vue » à propos de la responsabilité du début de la Seconde Guerre mondiale.
Europa, nasza historia, t. 8, Varsovie-Wiesbaden, Wydawnictwa szkolne i pedagogiczne et Eduversum, 2020, p. 59.
Enfin, le caractère innovant du manuel se manifeste par la présence d’encadrés portant sur la mémoire et intitulés « le passé dans le présent ». Ils sont fréquents dans le manuel, pour évoquer par exemple les influences linguistiques (p. 232) ou l’Holocauste (t. 8, p. 38).
Encadré « le passé dans le présent » à propos de l’Holocauste.
Europa, nasza historia, t. 8, Varsovie-Wiesbaden, Wydawnictwa szkolne i pedagogiczne et Eduversum, 2020, p. 38.
En somme, le dialogue qui s’est initialement développé sous la forme d’une discussion entre historiens aux perspectives bien différentes est devenu une véritable conversation entre partenaires, au point de mettre en place un projet de manuel scolaire commun, soit in fine, une forme de récit commun de l’histoire. La socialisation longue des acteurs et leur engagement réel dans le cadre de la commission bilatérale d’historiens portant sur les manuels scolaires facilitent ce travail. La présentation d’une histoire commune passe néanmoins par des stratégies variées, dont cinq sont ici relevées : la domination d’un point de vue, le compromis, l’évitement, la superposition et le recadrage de la négociation. Elles se révèlent comme un outil de réconciliation, favorisant l’écoute et la prise en compte de la perspective de l’autre, pour aboutir à un récit commun de l’histoire.
Le manuel, intitulé Europe, notre histoire apparaît dans un contexte particulier : il s’intègre à la politique d’ouverture mise en place par la Plateforme civique de Donald Tusk à partir de 2007. Toutefois, le projet vient fissurer, en tout cas nuancer la ligne de démarcation entre les politiques historiques de la PO et du PiS. Les réformes opérées depuis 2015, tant en matière de politique éducative qu’en termes de politique étrangère, augurent toutefois d’un changement de paradigme profond, à l’opposé de la politique mise en place entre 2007 et 2015, voire au-delà dans le cadre du projet de manuel commun.
Notes
1
L’autrice tient à remercier chaleureusement l’éditeur WSiP et en particulier Andrzej Dusiewicz pour l’autorisation de reproduire quelques fragments du manuel dans cet article. Frank- Walter Steinmeier, Discours à l’occasion de l’ouverture de l’année académique 2006-2007 à l’Université Viadrina, Francfort (Oder), 26 octobre 2006, p. 5 [en ligne].
2
Marc Lazar, Jakob Vogel, « L’historien dans la Cité. Actualités d’une question classique. Introduction », Histoire@Politique, no 31, 2017, p. 2.
3
Violetta Julkowska, « Białe plamy », in Magdalena Saryusz-Wolska, Robert Traba (dir.), Modi memorandi. Leksykon kultury pamięci, Varsovie, Wydawnictwo Naukowe Scholar, 2014, p. 59-60.
4
Georges Mink, « Les historiens polonais face à l’expérience de la « démocratie illibérale », Histoire@Politique, no 31, 2017, p. 1.
5
Joanna Kalicka, Piotr Witek, « Polityka historyczna », in Magdalena Saryusz-Wolska, Robert Traba (dir.), Modi memorandi. Leksykon kultury pamięci, Varsovie, Wydawnictwo Naukowe Scholar, 2014, p. 378-387 ; Valentin Behr, « La politique publique de l’Histoire et le “bon changement” en Pologne », Revue d’études comparatives Est-Ouest, 1(1), 2020, p. 73-103.
6
Voir : Jean-Yves Potel, « Un nouveau récit national pour la Pologne », Mémoires en jeu. Revue critique interdisciplinaire et multiculturelle sur les enjeux de mémoire, 28 décembre 2016 [en ligne]. Voir par exemple les polémiques autour des entretiens de Jan Gross.
7
Robert Traba, « Walka o kulturę », Przegląd polityczny, no 75, 2006, p. 45-53 ; Robert Traba, « Historia jako przestrzeń dialogu », in Robert Traba, Historia-Przestrzeń dialogu, Varsovie, Instytut Studiów Politycznych PAN, 2006, p. 78-110.
8
Georges Mink, Laure Neumayer (dir.), L’Europe et ses passés douloureux, Paris, La Découverte, 2007.
9
La commission n’a pas de membres en tant que tels, mais elle dispose d’une présidence composée d’une quatorzaine de membres de chaque côté aujourd’hui. Pour faciliter la lecture, nous écrirons par la suite « les membres » ou « les historiens », sans pour autant chercher à généraliser le point de vue de ces « membres » à tous les historiens (polonais ou allemands).
10
Jean-Marc Ferry, L’Éthique reconstructive, Paris, Cerf, 1996 ; et Valérie Rosoux, « Raconter l’Europe autrement. Les affres d’une “mémoire réconciliée” », in Jean-Marc Ferry (dir.), L’Europe et ses religions, Paris, Presses Universitaires de Paris Sorbonne, à paraître.
11
Paul Ricœur, « Quel éthos nouveau pour l’Europe ? », in Peter Koslowski (dir.), Imaginer l’Europe. Le marché intérieur européen, tâche culturelle et économique, Paris, Cerf, 1992, p. 111.
12
Voir : Corine Defrance, « La “réconciliation” après les conflits : un “savoir-faire” européen ? Éléments d’introduction », Les Cahiers Sirice, vol. 1, no 15, 2016, p. 5-14 (en particulier p. 8).
13
Lily Gardner Feldman, Germany’s Foreign Policy of Reconciliation. From Enmity to Amity, Lanham, Rowman & Littlefield Publishers, 2012 ; Elizabeth Cole, « Introduction », in Elizabeth Cole (dir.) Teaching the Violent Past. History Education and Reconciliation, Lanham, Rowman & Littlefield Publishers, 2007, p. 1-28.
14
Valérie Rosoux, « Portée et limites du concept de réconciliation. Une histoire à terminer », Revue d’études comparatives Est-Ouest, vol. 45, no 3-4, 2014, p. 21-47.
15
Jean-Michel Chaumont, La Concurrence des victimes. Génocide, identité, reconnaissance, Paris, La Découverte, 2010.
16
Voir : Jan Tomasz Gross, Neighbors. The Destruction of the Jewish Community in Jedwabne, Poland, Princeton, Princeton University Press, 2001.
17
Krzysztof Ruchniewicz, « Powstanie Wspólnej Polsko- Niemieckiej Komisji Podręcznikowej 1937/1938-1972 », in Dariusz Wojtaszyn, Thomas Strobel (dir.), Po Dwóch stronach historii. Polsko-niemieckie inicjatywy edukacyjne, Wrocław, GAJT Wydawnictwo, 2012, p. 35-54 (p. 44) ; entretien avec Władysław Markiewicz, 8 juillet 2016, Konstancin-Jeziorna.
18
Archives de l’Institut Georg Eckert à Brunswick. Correspondances.
19
Krzysztof Ruchniewicz, Enno Meyer a Polska i Polacy (1939-1990), Instytut Historyczny Uniwersytetu Wrocławskiego i Wrocławskie Towarzystwo miłośników historii, Wrocław, 1994 ; entretien avec Krzysztof Ruchniewicz, 16 novembre 2015, Varsovie.
20
Wspólna Komisja podręcznikowa PRL-RFN, Zalecenia Komisji UNESCO PRL i RFN do podręczników szkolnych, Poznań, Instytut Zachodni, 1986.
21
Marc Bloch, « Pour une histoire comparée des sociétés européennes », Revue de synthèse historique, 46, 1928, p. 49.
22
Entretien avec Władysław Markiewicz, 8 juillet 2016, Konstancin-Jeziorna.
23
Emmanuelle Hébert, Passé(s) recomposé(s). Les Commissions d’historiens dans les processus de rapprochement (Pologne-Allemagne, Pologne-Russie), Bruxelles, Peter Lang, 2020, p. 141-159.
24
Voir la liste des conférences reprises sur le site de la commission polono-allemande [en ligne].
25
Entretien avec Michael G. Müller, 12 janvier 2017, Halle.
26
Entretiens avec Włodzimierz Borodziej, 21 juillet 2015, Varsovie et Hans-Jürgen Bömelburg, 9 juin 2017, Francfort (Oder).
27
Der Niedersächsische Kultusminister, Pressemitteilung, 16 novembre 1982, 98/82. Archives de l’Institut Georg Eckert à Brunswick.
28
Thomas Strobel, Transnationale Wissenschafts- und Verhandlungskultur. Die Gemeinsame Deutsch-Polnische Schulbuchkommission 1972-1990, Göttingen, V&R unipress, 2015, p. 203-222.
29
Cf. Archives de l’Institut Georg Eckert à Brunswick, Correspondances.
30
Lettre d’Helmut Kohl au Professeur von Simson, citée dans l’UNESCO Aktuell du 24 avril 1985, 12/85. Archives de l’Institut Georg Eckert à Brunswick.
31
Bundespräsident Joachim Gauck, 2015. Cité dans : Eckhardt Fuchs, Steffen Sammler (dir.), Schulbücher zwischen Tradition und Innovation. Ein Streifzug durch die Geschichte des Georg-Eckert-Instituts, Brunswick, Georg Eckert Institut, page de garde [en ligne].
32
Władysław Markiewicz, co-président polonais depuis 1972, est ainsi contraint à démissionner en 1984.
33
Le symbole est fort : il s’agit de la première grande victoire de l’Union de Pologne-Lituanie, en 1410, sur les Chevaliers teutoniques. Ceux-ci ne se sont jamais vraiment relevés de cette défaite, qui marque le début de leur déclin.
34
Frank- Walter Steinmeier, Discours à l’occasion de l’ouverture de l’année académique 2006-2007 à l’Université Viadrina, Francfort (Oder), 26 octobre 2006, p. 5 [en ligne].
35
La réconciliation est entendue ici comme un processus, une démarche sur le long terme et non comme une fin en soi. Elle nécessite un travail régulier renforçant la confiance entre les acteurs et approfondissant leur coopération.
36
Protocole de la séance de la présidence de la commission polono-allemande, Berlin, 1er juin 2007.
37
Pour plus de détails sur la décision de confier le projet à la commission polono-allemande, voir Simone Lässig, Thomas Strobel, « Towards a joint German-Polish history textbook : historical roots, structures and challenges », in Karina V. Korostelina, Simone Lässig (dir.), History Education and Post-Conflict Reconciliation. Reconsidering joint textbook projects, Abingdon, Routledge, 2013, p. 90-119.
38
Thomas Strobel, Hanna Grzempa, Studie in Vorbereitung eines gemeinsamen Deutsch-Polnischen Geschichtsbuch, Georg-Eckert-Institut. Document non publié, archives de l’Institut Georg Eckert.
39
Pour la composition des comités, voir : Wspólna Polsko-Niemiecka Komisja Podręcznikowa Historyków i Geografów, Podręcznik do historii. Zalecenia, Varsovie, Neriton, 2013.
40
Ewa Tartakowsky, « L’enseignement de l’histoire en Pologne depuis 2017 : de la “décommunisation” à la centralité d’un nationalisme catholique », Revue d’études comparatives Est-Ouest, 1(1), 2020, p. 105-134. Notons qu’il a fallu revoir la structure des volumes 3 et 4, devenus 7.1, 7.2 et 8 en raison de la suppression des gymnazjum au profit d’une extension des classes primaires.
41
Pour une analyse approfondie du manuel franco-allemand, voir le dossier : Rainer Markowitz, Ulrich Pfeil (dir.), « Europäische Geschichte à la franco-allemande ? Das deutsch-französische Geschichtsbuch in der Analyse », Dokumente. Zeitschrift für den deutsch-französischen Dialog, 5/06, 2006, p. 53-102.
42
Raphaël Gitton, « Le manuel franco-allemand à l’épreuve de la classe », Histoire@Politique, no 2, 2007, p.1-11.
43
Voir les protocoles des sessions de la présidence de la commission polono-allemande, en particulier en 2007-2008.
44
Protocole de la séance de la présidence de la commission polono-allemande à Berlin, 1er juin 2007.
45
Notes de terrain, 2016-2017.
46
Séminaire organisé au CBH PAN à Berlin par la Commission polono-allemande portant sur les manuels scolaires, le CBH PAN, en collaboration avec l’Institut Georg Eckert, l’Institut polonais de Darmstadt et le coordinateur germano-polonais des écoles berlinoises les 16 et 17 mai 2008.
47
Entretien avec Marcin Wiatr, 10 mars 2017, Brunswick.
48
Notes de terrain. Discussions informelles avec Etienne François, membre du comité du projet de manuel franco-allemand, Francfort (Oder), juin 2017 ; Raphaël Gitton, « Le manuel franco-allemand à l’épreuve de la classe », Histoire@Politique, no 2, 2007, p. 1-11.
49
Frédéric Lemaître, « Malheureux manuel franco-allemand », Le Monde, 23 mai 2011 [en ligne].
50
Protocole de la séance de la présidence de la commission polono-allemande, Halle, mai 2016.
51
Entretien avec Christiane Brandau, 17 mars 2017, Brunswick.
52
Sur les notions d’habitus et de champ, voir par exemple : Pierre Bourdieu, Roger Chartier, Le Sociologue et l’historien, Agone & Raisons d’agir, 2010, p. 73-88. Nous nous concentrons ici sur l’habitus professionnel et la socialisation liée à l’apprentissage et à la réalisation du métier d’historien. Sur la socialisation : Claude Dubar, La Socialisation, Paris, Armand Colin, 2014 (4e éd.).
53
Dominik Pick, Ponad żelazną kurtyną. Kontakty społeczne między PRL i RFN w okresie Détente i stanu wojennego, Varsovie, Instytut Pamięci Narodowej, 2016, p. 260-303.
54
Paul Ricœur, Histoire et Vérité, Paris, Le Seuil, 1955, p. 36 (cité dans Paul Ricœur, La Mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Le Seuil, 2000, p. 440).
55
Paul Ricœur, La Mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Le Seuil, 2000, p. 442.
56
Paul Ricœur, « Quel éthos nouveau pour l’Europe ? », in Peter Koslowski (dir.), Imaginer l’Europe. Le marché intérieur européen, tâche culturelle et économique, Paris, Cerf, 1992, p. 110. Cité dans Valérie Rosoux, « Raconter l’Europe autrement. Les affres d’une “mémoire réconciliée” », in Jean- Marc Ferry (dir.), L’Europe et ses religions, Paris, Presses Universitaires de Paris Sorbonne, à paraître.
57
Paul Ricœur, « Quel éthos nouveau pour l’Europe ? », in Peter Koslowski (dir.), Imaginer l’Europe. Le marché intérieur européen, tâche culturelle et économique, Paris, Cerf, 1992, p. 115.
58
Europa, nasza historia, t. 1, Od prahistorii do średniowiecza, Varsovie-Wiesbaden, Wydawnictwa szkolne i pedagogiczne et Eduversum, 2016. Lorsque le volume n’est pas précisé dans le texte, il s’agit du premier.
59
Emmanuel Droit, « Entre histoire croisée et histoire dénationalisée. Le manuel franco-allemand d’histoire », Histoire de l’éducation 114, 2007, p. 151-162 (en particulier p. 158-159).
60
Wspólna Polsko-Niemiecka Komisja Podręcznikowa Historyków i Geografów, Podręcznik do historii. Zalecenia, Varsovie, Neriton, 2013, p. 20.
61
Klaus Zernack parlait de Beziehungsgeschichte (histoire des relations). Voir par exemple : Klaus Zernack, Osteuropa. Eine Einführung in seine Geschichte, Munich, Beck, 1977. En particulier le chapitre 1 « Ostkunde oder Osteuropäische Geschichte? », p. 12-19 et la première sous-partie (« Ostmitteleuropa ») du chapitre 3 : « Die vier großen Regionen der osteuropäischen Geschichte », p. 33-41. Le terme d’« Ostkunde » n’a pas d’équivalent en français. Il désigne l’étude, scientifique ou non, de l’Est de l’Europe, en particulier des anciens territoires allemands. Il est souvent empreint de nostalgie voire de ressentiment.
62
Klaus Zernack, Osteuropa. Eine Einführung in seine Geschichte, Munich, Beck, 1977, p. 35.
63
Voir par exemple Chloé Maurel, Manuel d’histoire globale, Paris, Armand Colin, 2014. En particulier le chapitre 4 : « L’histoire transnationale, connectée, croisée, partagée… », p. 79-92.
64
Michael Werner, Bénédicte Zimmermann, « Penser l’histoire croisée : entre empirie et réflexivité », Annales. Histoire, sciences sociales, 58e année, no 1, 2003, p. 7-36 (p. 28).
65
Philippe Minard, « Globale, connectée ou transnationale : les échelles de l’histoire », Esprit, no 12, 2013, p. 20-32 (p. 26).
66
Chloé Maurel, Manuel d’histoire globale, Paris, Armand Colin, 2014, p. 91.
67
Documents de travail. A propos du tome 1, aux pages 228 et 229.
68
Cette asymétrie dans la proportion de l’histoire de chacun des pays dans l’enseignement nous a été rapportée tout au long de notre terrain et se retrouve explicitée à plusieurs reprises dans les protocoles de la présidence de la commission polono-allemande.
69
Europa, nasza historia, t. 1, Historia w źródłach, obrazach i odwołaniach do współczesności, Varsovie, Wydawnictwa szkolne i pedagogiczne, 2016.
70
Le terme allemand « Landesausbau » est assez neutre et pourrait être traduit par « aménagement de la campagne ». Le mot polonais « osadnictwo » est plus ambigu. Il peut signifier la mise en place du droit allemand dans les villes et villages polonais (« osadnictwo na prawie niemieckim ») au Moyen-Âge, mais contient aussi une connotation plus négative de colonisation (cf. « osadnik », le colon).
71
Voir Valérie Rosoux, « La négociation internationale », in Thierry Balzacq, Frédéric Ramel (dir.), Traité des relations internationales, Paris, Presses de Sciences Po, 2013, p. 795-822. Valérie Rosoux évoque notamment la réflexion de Ian Zartman (« La politique étrangère et le règlement des conflits », in Frédéric Charillon (dir.), Politique étrangère. Nouveaux regards, Paris, Presses de Sciences Po, 2002, p. 275-299).