Enquêter sur les formes de la violence en Amérique centrale (1982-2022)
Directeur d'études

(EHESS - Centre d'études sociologiques et politiques Raymond-Aron - CESPRA)

Apprenti ethnologue

J’ai commencé à travailler sur les violences de masse en Amérique centrale au printemps 19821, en menant, à la demande de Médecins sans frontières, une enquête sur les réfugiés miskitus et mayangnas2 qui s’étaient enfuis du Nicaragua au Honduras pour échapper à un déplacement forcé organisé par l’armée sandiniste. Mon intérêt pour ce sujet était bien plus dicté par des soucis politiques que par des raisons scientifiques.

J’avais été, dès dix-sept ans, militant au Parti socialiste unifié (PSU), pendant l’année de ma terminale (1973-1974), qui avait commencé au lendemain de la mobilisation des ouvriers de Lip à Besançon, puis lors de mes premières années d’étudiant en géographie à Toulouse le Mirail, et à Paris 7 (1974-1977). Grâce à mes parents, je m’étais formé politiquement à la lecture des textes des figures phares de Socialisme ou Barbarie, Cornelius Castoriadis et Claude Lefort, comme d’autres membres du groupe, Benno Sarel et Daniel Mothé, et à celle de nombreux textes sur la nature de la révolution mexicaine, dont ceux d’Octavio Paz. Ces lectures m’avaient conduit à rompre avec le PSU après quelques discussions tendues sur la nature des partis révolutionnaires et sur celle de l’URSS.  Si je n’étais plus un militant « encarté » au PSU, je restais passionné par les questions politiques. Paradoxalement, si la lecture d’ouvrages de sociologie ou de philosophie politique et la réflexion sur le Politique contemporain occupait une bonne partie de mon temps, je ne m’autorisais pourtant pas à penser que je pourrais devenir sociologue et consacrer ma vie à l’étude des phénomènes politiques. Je souhaitais au contraire très passionnément devenir anthropologue et mener des recherches au Mexique où j’avais passé une partie décisive de mon enfance.

Après une maîtrise d’histoire (1977-1978) sur les communautés tzotziles et tzeltales du Chiapas mexicain, maîtrise co-dirigée par un attelage assez étrange composé de Georges Boudarel, l’ancien soldat blanc de Ho Chi Minh, et de Georgette Soustelle, qui avait été proche de l’OAS via son mari Jacques Soustelle, j’avais obtenu un DEA d’anthropologie sociale et d’ethnologie à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), et cela, pendant mon service militaire (1978-1979) que j’avais effectué au Service géographique de l’armée. J’avais assisté aux cours de Simone Dreyfus-Gamelon et de Jacques Soustelle. Je m’étais ensuite inscrit en thèse d’anthropologie, toujours à l’École, sous la direction de ce dernier, avec le sujet suivant : « Le système des charges chez les Tzotziles et les Tzeltales, un fait social total (Mexique, Chiapas) ». Les directeurs mexicanistes possibles étaient, à l’époque, peu nombreux : Jacques Soustelle à l’EHESS et Guy Stresser-Péan à l’EPHE. Le premier, membre du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, puis ancien patron des services secrets de la France Libre, était devenu membre de l’OAS en Algérie ce qui ne le rendait guère sympathique. Le second avait la réputation non usurpée de se comporter en petit mandarin tyrannique. J’avais donc choisi par défaut de travailler sous la direction de Soustelle, malgré son passé OAS.

Ma recherche sur les Tzotziles et les Tzeltales relevait d’un genre anthropologique que Clifford Geertz a assez justement raillé sous le vocable d’« anthropologie parnassienne3». En effet, comme beaucoup des anthropologues spécialistes du monde mésoaméricain, je mettais à l’honneur une approche des systèmes symboliques et des mécanismes de pouvoir propres à ces communautés indiennes – le système des charges, où j’omettais très soigneusement toute réflexion prenant en compte ces acteurs capitaux qu’étaient au Mexique, le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), le parti qui dominait la vie politique mexicaine depuis les années 1930, le système des ejidos – ces fonds de terres donnés en usufruit aux familles paysannes, et enfin le poids de la Confédération nationale paysanne dont les caciques régnaient sur ces ejidos. Je ne tenais pas non plus suffisamment compte de ce que Serge Gruzinski a nommé « la colonisation des imaginaires4 ». J’étais à la recherche de traits culturels et de pratiques qui me semblaient autant d’invariants et de permanences venus de l’époque précoloniale. J’évoquais, dans un vocabulaire inspiré de Fernand Braudel, « un temps long mésoaméricain », témoignant, au fil de l’histoire, d’un refus persistant des grandes structures étatiques par les communautés rurales, refus qui permettait de tracer un fil rouge entre les époques précolombiennes et le monde contemporain. Si dans le sillage des réflexions ouverte par le grand anthropologue marxiste Eric Wolf sur les closed corporate communities5, je posais quelques bonnes questions – la fonction de rite de passage masculin que remplissait la participation aux charges, le moment à la fois de fortification des pouvoirs magiques de l’individu et de mise au service de la communauté de ces pouvoirs, du fait de cette participation aux cargos, l’espace de compétition agonistique qu’étaient les rivalités dans les dépenses somptuaires coextensives du culte des saints – mon point de vue était néanmoins largement faussé par une vision idéalisée des communautés indiennes. J’avais en effet suivi, parallèlement à mes études de géographie et d’histoire, les enseignements d’ethnologie de Pierre Clastres, et j’avais été très séduit par ses réflexions sur le pouvoir dans le monde amérindien. Fasciné par les thèses de La Société contre l’État6, je les projetais sur le monde des communautés indiennes mexicaines. Je me refusais à faire droit aux faits qui venaient ébranler ma vision par trop idyllique de ces communautés. Je privilégiais les faits qui témoignaient d’un souci d’égalitarisme dans ces communautés et j’écartais tous les phénomènes qui attestaient au contraire d’un univers hiérarchique et autoritaire. Comme bien d’autres avant moi, puis après moi, je construisais, non sans quelques doutes, des Indiens imaginaires à distance de l’histoire se faisant. En bref, mon travail d’apprenti ethnologue ne me préparait nullement à une analyse des violences qui avaient cours de façon très ordinaire au Mexique soumis à la férule du PRI depuis soixante ans, et moins encore à celle qui se déroulait en Amérique centrale, tant au Nicaragua avec la victoire de la révolution sandiniste en 1979 puis l’émergence de mouvements paysans contre-révolutionnaires, la Contra, qu’au El Salvador et au Guatemala, en proie à des guerres internes d’une rare violence.

À l’inverse, ma formation politique m’avait préparé à regarder sans fard les réalités politiques mexicaines et centraméricaines. Neveu par alliance de Claude Lefort, je suivais ses enseignements à l’EHESS. Devenu très proche de lui, j’avais été plongé dans les débats sur le totalitarisme, comme dans ceux sur la démocratie et les droits de l’homme. J’étais devenu un lecteur assidu de la revue Esprit à laquelle l’équipe formée par Paul Thibaud et Olivier Mongin avait insufflé un souffle nouveau. Je découvrais une approche neuve du politique, une réflexion antitotalitaire préoccupée de justice sociale et d’égalité, en aucun cas par une défense du statu quo. J’avais appris à conjuguer rigoureusement les aspirations à la liberté et à l’égalité et j’étais un critique résolu, tant des aveuglements des progressistes face aux bureaucraties du tiers-monde, que de ceux des libéraux bon teint qui, au nom du réalisme, étaient prêts à tous les compromis avec des régimes politiques autoritaires, pour peu que leurs dirigeants s’affirment anti-communistes. De plus, si les lectures d’Octavio Paz ne m’avaient pas éloigné d’une vision très idéalisée du monde paysan et indien, vision que lui-même mettait à l’honneur dans ses réflexions sur le projet d’Emiliano Zapata et son mouvement paysan dans la révolution mexicaine, la lecture de ses grands textes politiques sur le Mexique, m’avait fait prendre conscience des phénomènes de bureaucratisation des mouvements révolutionnaires dans le tiers-monde7. Plus encore, la lecture d’un de ses proches au sein de la revue Vuelta, Gabriel Zaïd, et celle d’un essayiste libertaire, Louis Mercier Vega, m’avaient appris à reconnaître dans certains mouvements de guérillas inspirés du castrisme, de possibles bureaucraties en gestation8.

L’époque à laquelle j’avais commencé mes recherches sur les Tzotzils et les Tzeltales avait coïncidé avec un intérêt accru de l’opinion publique pour l’Amérique latine. Les régimes militaires, et leurs pratiques du terrorisme d’État à l’encontre de leurs opposants, faisaient l’objet de nombreuses enquêtes des organisations de défense des droits de l’homme comme Amnesty International. Des travaux très substantiels commençaient à leur être consacrés. La thématique de la défense des droits de l’homme et de la démocratie connaissait une faveur nouvelle. La révolution sandiniste de 1979 au Nicaragua et l’essor des guerres civiles au El Salvador et au Guatemala faisaient l’objet d’un suivi passionné. La presse donnait un large écho à tous ces événements et aux débats qui les accompagnaient. Après qu’en juillet 1979 l’opinion avait unanimement salué la victoire de la révolution sandiniste sur la dictature somoziste, elle s’était divisée sur le tour pris par cette révolution, comme sur les événements en cours au El Salvador et au Guatemala.  En effet, malgré leurs promesses initiales, de pluralisme et de non-alignement, les sandinistes avaient imposé leur hégémonie sur le processus révolutionnaire et s’étaient très vite alignés sur la politique soviétique malgré les bonnes manières de l’administration de Carter à leur égard. Les sandinistes étaient confrontés à des oppositions armées très diverses. Les unes étaient le fait de nostalgiques du régime somoziste, les autres rassemblaient des paysans ayant appuyé les sandinistes lors de la guerre contre Somoza, mais, depuis, déçus par la réforme agraire sandiniste qui avait privilégié la formation de fermes d’État et de coopératives aux dépens des petits propriétaires. Le El Salvador, lui, était pris dans une guerre interne chaque jour plus féroce. La junte de jeunes militaires qui avait pris le pouvoir en octobre 1979 et avait été appuyée par les démocrates-chrétiens, les socio-démocrates et l’Église catholique, avait été incapable de freiner la volonté de montée aux extrêmes des secteurs d’extrême droite et des guérillas du Front Farabundo Marti de libération nationale (FMLN). L’archevêque de San Salvador, qui appelait les milieux patronaux, les militaires et les guérilleros à des concessions réciproques, avait été accusé par l’extrême droite de « faire le jeu des communistes », puis assassiné par celle-ci. Forte du soutien du Nicaragua et de Cuba, la guérilla salvadorienne marquait des points contre une armée qui pratiquait un véritable terrorisme d’État. Le Guatemala était lui aussi en proie à une guerre interne qui, pour en être moins médiatisée par la presse, était encore plus cruelle et meurtrière. Dans ces deux pays, des dizaines de milliers de paysans, métis au El Salvador et indiens mayas au Guatemala, prenaient la fuite pour échapper aux tueries de l’armée, les premiers au Honduras, les seconds au Mexique. Fin 1981 et début 1982, la presse avait commencé à employer le terme de génocide pour évoquer le sort des populations paysannes massacrées par les armées guatémaltèque et salvadorienne. C’est dans ce contexte que le déplacement forcé des communautés des Indiens mayangnas et miskitus du Nicaragua, vivant sur le fleuve frontalier avec le Honduras, le Rio Coco, avait commencé à faire la une des journaux. Les journaux, d’abord honduriens et nord-américains, puis latino-américains et européens, relatèrent à la fois les conditions du déplacement forcé des communautés indiennes, mais aussi des massacres commis notamment dans un village plus important, Leimus, les 23 et 24 décembre 1982, où des dizaines de jeunes hommes miskitus auraient été enterrés vivants.

Le petit groupe d’ethnologues avec qui je discutais de mes recherches sur les Tzotziles et les Tzeltales étaient presque tous membres de Survival International, une des premières ONG à défendre les peuples indigènes. Tous prenaient fort à cœur la défense des populations amérindiennes. De même que la Société des américanistes avait formé en son sein, à l’initiative de Robert Jaulin, un Groupement d’information sur les amérindiens (GIA), le Journal de la société des américanistes (JSA) avait une section intitulée « Chronique d’information sur les amérindiens » à laquelle contribuaient régulièrement ces ethnologues. Ainsi en 1979, bravant les interdits et les pressions du ministre de l’Industrie et de la Recherche, comme celle de la direction du CNRS, Simone Dreyfus-Gamelon s’était rendue au Brésil pour constater, puis dénoncer, les dégâts et les préjudices causés par les forages de Total sur le territoire des Indiens Satérés9. Son action avait obligé la compagnie pétrolière à verser des indemnités aux Satérés. Les discussions sur la situation en Amérique centrale allaient bon train dans ce petit groupe. Plus encore, ceux qui menaient des recherches sur les populations mayas du Guatemala avaient soif de dénoncer le sort qui leur était fait. J’étais pour ma part passionné par ce qui se passait au Nicaragua et par ce que j’avais commencé à lire sur les mondes mayangna et miskitu, comme sur la révolution sandiniste.

Premières rencontres avec les Miskitus

Les discussions avec les amis ethnologues qui m’avaient introduit à Survival International me conduisirent à accepter d’aller, à la demande de Médecins sans frontières, enquêter dans les camps de réfugiés où étaient les Mayangnas et les Miskitus qui s’étaient enfuis au Honduras pour échapper aux déplacements forcés organisés par les sandinistes. Leur cas me paraissait d’autant plus important que le GIA ou SI s’étaient mobilisés à de nombreuses reprises pour défendre les populations amérindiennes victimes des régimes militaires ou de dictateurs conservateurs. Il me semblait donc capital de ne pas pratiquer deux poids deux mesures. J’étais d’autant plus désireux de faire la lumière sur les événements survenus en Moskitia nicaraguayenne que l’administration Reagan multipliait les déclarations à l’emporte pièces et les faux pour accuser les sandinistes de tentatives de génocide à l’encontre des Miskitus tout en n’ayant pas un mot pour dénoncer les tueries de masses pratiquées par les régimes militaires salvadoriens et guatémaltèques. J’avais soif de mettre en pratique un adage formulé par Pierre Vidal-Naquet qui m’avait particulièrement frappé : « qu’une idéologie s’empare d’un fait ne supprime pas l’existence de celui-ci10 ».

L’histoire et l’ethnographie des Miskitus et des Mayangnas révélaient des destins très singuliers. Ces deux ethnies n’avaient jamais été conquises par les Espagnols. Les premiers étaient devenus les alliés des flibustiers, puis de la couronne britannique qui avait reconnu une royauté miskitue. Les Miskitus étaient l’ethnie hégémonique sur les territoires caraïbes du Honduras et du Nicaragua, d’où le nom de Moskitia donnée à ces territoires. Ils s’étaient d’ailleurs emparés de territoires au départ peuplés par d’autres ethnies, dont les Mayangnas, et avaient participé au trafic d’esclaves tout en se métissant avec des populations africaines ayant fui l’esclavage. L’intégration de la Moskitia au Nicaragua en 1894 avait coïncidé avec les débuts de l’évangélisation des Miskitus par les Frères moraves. Dès lors, cette conversion au piétisme avait permis aux Miskitus, comme au Mayangnas, de préserver et de réinventer leurs particularismes face au Nicaragua catholique et hispanophone. Mieux, une organisation indianiste, l’Alliance pour le progrès miskitu et sumu (Alpromisu), était apparue dans les années 1970 à l’ombre de l’Église morave.

Office Morave1
Office Morave2

Office morave. 

À lire les journaux et à les recouper minutieusement, une chose semblait indiscutable. La vingtaine de villages des communautés indiennes installées sur le Rio Coco avaient tous été occupés par l’armée sandiniste, parfois, dès janvier 1982. Quelques jours ou semaines après, l’armée avait évacué de force, d’amont en aval, toutes leurs populations, Mayangnas et Miskitus. Et, pour empêcher tout retour des déplacés, les villages et les champs avaient été méthodiquement incendiés, et les arbres fruitiers abattus tout comme le bétail. Si des milliers de Mayangnas et de Miskitus n’avaient eu d’autre choix que d’être regroupés dans un camp d’internement baptisé Tasba Pri, Terre Libre, par les sandinistes, plus de 10 000 Indiens avaient réussi à échapper à l’armée, à gagner la rive hondurienne du fleuve et à se réfugier au Honduras, où ils avaient été pris en charge par le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR). Par ailleurs, au moins une trentaine de jeunes Miskitus semblaient avoir été délibérément assassinés à Leimus quelques semaines avant le déplacement forcé de population. Si nul ne pouvait douter de l’ampleur de ce phénomène de fuite des Mayangnas et des Miskitus au Honduras, restaient toute une série de questions en suspens. Outre ceux qui recevaient l’aide du HCR, combien étaient au total les réfugiés au Honduras ? Pourquoi les Mayangnas et les Miskitus s’étaient-ils enfuis alors que l’armée prétendait, disait le gouvernement nicaraguayen, les protéger des exactions de la contre-révolution naissante – la Contra – qui commençait à être appuyée par les États-Unis ? Quelles étaient l’ampleur et la réalité des massacres dénoncés par les réfugiés et les leaders miskitus en exil ? Avaient-ils été commis par l’armée lors de ces déplacements forcés ou avant ? Quelle était la réalité du plan d’invasion contre-révolutionnaire, façon opération Baie de cochons à Cuba en 1961, qu’évoquaient les sandinistes ? Quel était la nature des liens entre le mouvement indianiste, Misurasata, un temps allié aux sandinistes, puis accusé de séparatisme par ces derniers et passé à l’opposition armée depuis 1981, avec les contras nostalgiques du régime somoziste ? Quels étaient les projets de Misurasata, comment fonctionnait ce mouvement, et quels étaient ses liens avec les réfugiés ? Que penser enfin de la politique des sandinistes vis à vis des populations indiennes mayangnas et miskitues de la Côte atlantique nicaraguayenne ? 

C’est fort de toutes ces interrogations, qui me semblèrent immédiatement indissociablement liées les unes aux autres, que j’arrivais en avril 1982 dans la capitale hondurienne, puis au camp de réfugiés de Mocorón, en compagnie du responsable de MSF pour le Honduras. J’eus tout d’abord quelques discussions avec les autorités du HCR à Tegucigalpa et avec Diana Mary Villiers Negroponte, l’épouse de l’ambassadeur des États-Unis, qui avait la haute main sur l’association caritative, Alas de socorro, qui assurait la liaison aérienne entre le camp de réfugié de Mocorón et Tegucigalpa. Les responsables du HCR semblaient favorables à des enquêtes indépendantes sur les raisons de la fuite des indiens mayangnas et miskitus au Honduras. En revanche, l’ambassadrice affichait fort clairement l’idée que les diplomates américains avaient fait toute la lumière nécessaire sur les faits et que, sauf à vouloir faire le jeu des sandinistes, il était malséant de discuter leurs dires. L’important était de faire connaître les exactions des sandinistes et le drame des réfugiés. Mon arrivée à Mocorón me mit aux prises avec des équipes venues de différentes organisations humanitaires à la fois débordées par les tâches, parfois fatigués des enquêteurs et, pour quelques-uns de leurs membres, très suspicieux vis-à-vis des réfugiés mayangnas et miskitus. Ces derniers voyaient dans les réfugiés des affabulateurs qui grossissaient les faits. Et, ils ne cachaient pas qu’ils étaient très dépités d’avoir à travailler avec des réfugiés « de droite », alors qu’ils avaient espérés être affectés aux camps du HCR chargés de la protection des exilés salvadoriens.

Femmes réfugiées lavant leur linge dans le fleuve
 Camps de réfugiée 1982

Image de gauche, femmes réfugiées lavant leur linge dans le Rio Mocoron. Image de droite, camp de réfugiés Mocorón.

Les réfugiés, eux, se méfiaient des journalistes, considérés dans l’ensemble comme « pro-sandinistes » et ce furent les pasteurs moraves et les membres des conseils des congrégations qui répondirent longuement aux questions concernant les conditions et les raisons de leurs fuites comme les massacres commis par les militaires. En revanche, mes questions sur Misurasata furent prudemment éludées. Mes interlocuteurs s’exprimaient toujours devant les petits groupes de réfugiés qui les accompagnaient. Si je ne pouvais a priori suspecter de mensonges ou d’affabulations mes interlocuteurs, force m’était de constater qu’ils parlaient sous le contrôle des réfugiés présents. Je n’eux qu’à de très rares occasions des discussions seul à seul avec des réfugiés.

Fort de mes entretiens avec les réfugiés, comme du recoupage minutieux des multiples reportages parus dans la presse, depuis le mois de février, je pus rédiger un article faisant le point sur la situation. J’y fis quatre constats11. Le premier était que le tableau dressé dès l’automne 1981 par Armstong Wiggings, un des principaux leaders miskitus en exil, des rapports devenus très vite conflictuels entre sandinistes et amérindiens, était plus que fondé. Tous les récits des personnes que j’avais recueillis confirmaient le récit de Armstrong Wiggins, non seulement sur la volonté d’intégration forcée des populations indiennes au Nicaragua du FSLN, mais aussi sur le racisme qui marquait les rapports entre les Nicaraguayens hispanophones et le monde indien. Ce racisme et cette défiance, tout spécialement vis à vis des Miskitus, avait conduit dès octobre 1979 à l’assassinat du leader d’Alpromisu, Lyster Athders, puis à des heurts qui étaient allés crescendo lors de la campagne d’alphabétisation, et enfin, lorsque Misurasata avait commencé à dresser une carte des territoires indiens. Le second était que, dès le départ, les sandinistes avaient eu pour but de vassaliser le mouvement indianiste. Ils avaient pour cela exigé l’autodissolution d’Alpromisu et la fondation d’un nouveau mouvement, Misurasata, qu’ils avaient conçu comme une organisation de masse subordonnée au FSLN. C’était ce qu’avaient refusé les leaders et les jeunes militants de Misurasata, qui entendaient défendre leur autonomie et poursuivre le projet d’Alpromisu, d’où, très vite, les accusations de séparatisme, puis de tentatives contre-révolutionnaires, lancées à l’encontre de ce mouvement par les sandinistes. Le troisième était que les premiers articles de la presse consacrés à la tuerie de Leimus, loin de grossir les faits, avaient au contraire sous-estimé l’ampleur du massacre. Ce n’était pas une trentaine d’hommes qui avaient été tués mais plus probablement une centaine. Le dernier était que les déplacements forcés s’étaient accompagnés de nombreuses arrestations et peut-être, dans certains cas, d’assassinats. Ainsi au dire de certains réfugiés, des gens incapables de marcher et d’effectuer le déplacement forcé auraient été brulés vifs lors de l’incendie de la communauté d’Asang.

Les difficultés d’une enquête sur les violences

Homme avec un chargement de bananes au bord du rio Coco

Homme avec un chargement de bananes au bord du Rio Coco.

Les premières difficultés auxquelles j’ai été confronté lors de ce séjour à Mocorón, difficultés qui furent à nouveau les miennes lors d’enquêtes postérieures sur les massacres de masse au Guatemala ou au El Salvador, tinrent à la façon dont les groupes armés, les Forces armées régulières, mais aussi les différentes guérillas, tenaient les territoires où avaient eu lieu les déplacements forcés, comme les violences qui les avaient précédés ou accompagnés. En effet, un des premiers problèmes était la difficulté à aller sur les lieux, qu’avaient fui les réfugiés, pour pouvoir constater l’ampleur des violences qu’ils dénonçaient, les incendies des villages, la présence, ou pas, de fosses communes, de restes de cadavres ou d’ossements dans les cendres des maisons – en général des palafittes en bambous couverts de toits en tôle ou en palme. On m’avait ainsi expliqué qu’il y avait eu des massacres dans le temple d’Asang un village situé sur le cours moyen du Rio Coco, où des personnes incapables de marcher au sein de la colonne des personnes déplacées de force auraient été brûlées vives. On m’avait aussi dit qu’une femme, sur le point d’accoucher, avait subi le même sort dans une communauté voisine. La zone était tenue par la guérilla de Misurasata. Celle-ci, comme les militaires honduriens, ne souhaitaient nullement la présence d’observateurs. Ces derniers auraient été susceptibles de révéler différents faits à tout le moins gênants : la présence de campements de guérilleros au Honduras ; la tolérance dont le Honduras faisait preuve à leur égard ; et enfin la présence d’instructeurs payés par la CIA pour former les combattants miskitus. Côté nicaraguayen la situation était la même. Les sandinistes souhaitaient agir sans témoins. Les rares enquêteurs, triés sur le volet, étaient aux mieux autorisés à visiter le camp de regroupement de Tasba Pri et, s’ils l’étaient, il était hors de question qu’ils s’entretiennent seul à seul avec les déplacés. J’en étais réduit aux conjonctures. Je me devais de rapporter les dires des réfugiés tout en soulignant que leurs témoignages étaient autant d’indices de possibles violences, mais, nullement des preuves indiscutables. J’étais dans l’obligation soit de projeter d’autres voyages, ce qui supposait que des organisations humanitaires veuillent poursuivre l’enquête, soit de me mettre en lien avec d’autres enquêteurs, des journalistes, comme des membres des organisations humanitaires travaillant sur place, pour vérifier la validité de ces témoignages et de ces recoupements.

L’autre difficulté fondamentale fut celle de la langue dans laquelle pouvait s’effectuer les entretiens, comme du type de propos tenus par les réfugiés. Je ne parlais bien évidemment pas le miskitu et encore moins le mayangna et, d’ailleurs, rares étaient les ethnologues, même spécialistes de ces deux ethnies, à parler ces langues. Pour autant, au vu de mes lectures historiques et anthropologiques, j’avais cru que les Miskitus comme les Mayangnas parlaient l’anglais. Or il n’en était rien, très rares étaient ceux qui parlaient l’anglais et mon mauvais anglais ne m’était d’aucun secours. En revanche les jeunes hommes qui allaient soit travailler dans les mines d’or de la Côte atlantique, soit dans le versant pacifique du pays, parlaient très bien l’espagnol, même si le bilinguisme n’était absolument pas la règle. Les plus âgés, notamment les pasteurs, le comprenaient souvent assez bien, sans toutefois être toujours capables de s’exprimer clairement en espagnol. Les récits des pasteurs, surtout des plus âgés, étaient d’ailleurs souvent faits en miskitu, puis traduits en espagnol, par les plus jeunes qui parfois simplifiaient leurs dires, ou, en tout cas, en gommaient certaines nuances. Les femmes quant à elles étaient des spectatrices muettes lors des entretiens, car elles ne parlaient pas l’espagnol. Cet usage du miskitu, comme le fait de parler devant tout un groupe de témoins, témoignait aussi d’une volonté d’une parole publique qui fasse corps avec le groupe. Il était évident que certaines choses étaient dicibles, d’autres pas, notamment certaines violences. C’était le cas tout spécialement des viols ou des tortures commises par les militaires sandinistes. En parler, ce que je ne compris vraiment qu’après, était non pas une libération par la parole, mais une nouvelle épreuve, où la souffrance des traumatismes passés envahissait tout le champ du ressenti et coupait court à tout récit. Et ce fut lors des très rares entretiens, que j’eus seul à seul avec quelques interlocuteurs, que je sentis que l’on sortait de paroles très convenues. Il était aussi évident que les récits qui étaient faits des événements survenus depuis les débuts de la révolution de 1979 et, plus encore, depuis leur fuite au Honduras, comme les mots qu’ils employaient, traduisaient un point de vue très structuré sur les événements qu’ils avaient vécus. Ils utilisaient ainsi presque comme des synonymes les mots « fuite », « exil », « exode », et de la même façon ceux de « persécution » de « violence ». Ils faisaient aussi très nettement l’amalgame entre Augusto César Sandino et son Armée de Défense de la Souveraineté Nationale et les dirigeants du FSLN et l’Armée populaire sandiniste (EPS). Comme si ces deux moments, pourtant bien distincts de l’histoire, formaient un même continuum. L’empreinte d’un discours très structuré par une vision religieuse et historique était à la fois évidente, mais aussi difficile à saisir dans toute sa subtilité et sa force.

L’autre chose tout à fait stupéfiante fut la façon dont ce premier article fut accueilli. Quel qu’ait été mon souci de circonscrire mon enquête aux seuls heurts entre les Indiens de la Moskitia et les autorités sandinistes, comme d’appeler, de la façon la plus explicite, à des enquêtes complémentaires venant confirmer ou infirmer les informations, dont j’avais tenté une analyse contradictoire des témoignages déjà publiés dans la presse et de ceux que j’avais recueillis, mon article fut, à de rares exceptions dont celles de René Dumont et de Jean Ziegler, lu comme une condamnation sans appel de la révolution sandiniste et un appui de fait à la politique de Ronald Reagan à son encontre. Cette lecture biaisée fut à la fois celle des critiques de la révolution mais aussi, celle de ses défenseurs.  Pour les anti- comme les pro-sandinistes, l’heure n’était ni à la discussion méthodique des faits avancés, ni à de nouvelles enquêtes in situ notamment dans les villages frontaliers, pour y examiner les lieux et les traces de destructions, réelles ou inventées. L’heure était soit à l’acceptation ou au rejet en bloc de mes assertions. J’étais au dire de mon directeur de thèse, Jacques Soustelle, plume anti-sandiniste s’il en était, un « témoin indiscutable ». Pour les défenseurs de la révolution, et au premier chef l’ambassade du Nicaragua, j’étais au mieux, manipulé, et, au pire, un ennemi de la révolution. Citant « comme sources informatives des personnes intéressées de mauvaise foi (…) sans se préoccuper de vérifier (des) accusations incroyables », j’étais « un instrument irresponsable d’obscures conspirations contre (le) pays et son gouvernement ». La réaction de l’ambassade du Nicaragua, reprise à l’identique par les défenseurs de la révolution, dont un conseiller de François Mitterrand, consistait à disqualifier, sans les examiner, les témoignages recueillis au prétexte que ceux-ci émanaient de personnes pour certaines appelant clairement à la lutte armée contre le régime sandiniste, tel Steadman Fagoth le principal dirigeant de Misurasata, pour d’autres en exil aux États-Unis comme Armstrong Wiggins, devenu un membre d’une grosse ONG de défense des droits des amérindiens, l’Indian Law Ressources Center, pour d’autres des exilés au Honduras.

Ces réactions me révoltèrent. Mais fort de l’appui de Paul Thibaud et d’Olivier Mongin, comme de celui de certains membres de Survival International, au premier chef Patrick Menget et Bruce Albert, je décidais de poursuivre méthodiquement mon enquête en rédigeant pour Esprit un second article complétant le premier12. Je commençais par une polémique renvoyant dos à dos tant mon laudateur que mes détracteurs. Je repris méthodiquement l’examen des nouveaux éléments à ma disposition : des reportages de journalistes ayant séjourné au Honduras depuis mon propre séjour ; des témoignages venus de médecins ayant travaillé avec le HCR à Mocorón ; une très remarquable enquête réalisée au Nicaragua par Eric Sabourin à l’initiative de Robert Jaulin qui dirigeait alors l’UER d’ethnologie à l’université de Paris VII ; enfin, une longue discussion avec un des leaders miskitu en exil, Brooklyn Rivera, venu à Paris invité par l’université de Paris VII. Ces données nouvelles n’infirmaient non seulement en rien les conclusions auxquelles j’étais parvenu un an auparavant, mais bien plus, elles les confirmaient. Restait en suspens la question des assassinats, commis lors des déplacements forcés, car aucun enquêteur n’avait pu se rendre ni à Asang, ni dans les communautés voisines. Je concluais mon article en dressant un portrait sommaire des modes d’actions de Misurasata, en insistant sur les aspects composites de ce mouvement. À ses débuts, Misurasata avait incontestablement reçu l’appui du gros de la population de la Moskitia, notamment lors de sa campagne pour une alphabétisation dans les différentes langues indigènes et, sans doute, plus encore lors de son projet de cadastrer les terres des communautés indiennes, et enfin lors des premières persécutions de ses leaders. Je n’esquivais pas pour autant les questions qui se posaient depuis le départ en exil des dirigeants et des militants de Misurasata. La première était celle des débats très tendus au sein de sa direction et de ses militants, entre les partisans de négociations avec les sandinistes et les partisans de la lutte armée en alliance avec les anciens somozistes. Brooklyn Rivera était partisan de la première de ces options, Steadman Fagoth de la seconde. L’autre question était celle des modalités d’organisation interne de Misurasata, quelle était la nature du pouvoir des différents leaders ? La dernière question touchait à la nature des rapports de Misurasata avec les réfugiés, et plus particulièrement de leurs enrôlements, volontaires ou forcés, dans la guérilla. 

port de la guerilla, 1984

Port de la Guérilla.

 Quatre nécessités s’imposèrent à moi dans ce qui allait devenir une passion : la question des Miskitus et de leur déplacement forcé. La première concernait le statut du débat et des polémiques politiques, dans lesquelles je m’étais sciemment embarqué, sans pour autant en mesurer toutes les conséquences. Sans les chercher, il ne fallait pas s’y dérober, mais au contraire s’y plier. Tout l’art était dans l’examen méticuleux et sans concessions des faits, comme dans le refus conjoint de tout procès d’intention. Si je découvris, à l’usage, que l’on pouvait payer au prix fort ces polémiques, elles vous ouvraient aussi des portes insoupçonnées. La seconde était la nécessité de maîtriser très largement son sujet. Il fallait être un enquêteur obsessionnel, toujours prêt à remettre en question ses conclusions au vu d’éléments nouveaux. Le modèle en la matière était pour moi différentes études de Pierre Vidal-Naquet, bien évidemment son petit livre L’Affaire Audin13, tout comme sa grande étude sur le négationnisme, « Un Eichmann de papier14 ». La troisième était la nécessité de ne pas se cantonner à l’étude des faits de violences, mais de les inscrire dans un contexte plus large. Personne n’aurait imaginé un spécialiste du cannibalisme chez les Aztèques ou les Guarani qui se cantonne à l’étude de cette pratique sans se donner la peine de maitriser l’ethnographie de ces deux ethnies au XVIe siècle. De même, était-il impossible de prétendre étudier la terreur stalinienne sans connaître de la façon la plus large l’histoire de la révolution russe et, au-delà, celle de la Russie. Et c’est fort de ces constats qu’en délicatesse avec mon directeur de thèse, je décidais d’abandonner ma thèse sur les Tzotziles et les Tzeltales pour me consacrer de la façon la plus rigoureuse, non seulement à l’étude des Miskitus et de leur place dans la révolution sandiniste, mais plus généralement à l’étude comparée des guerres civiles qui ravageaient l’Amérique centrale.

Quarante ans après

Les quarante ans écoulés depuis mes premières rencontres avec les Miskitus et la rédaction de mes premiers articles m’ont convaincu du bien-fondé de mes premiers constats.

Si mes polémiques me fermèrent durablement les portes de nombreux interlocuteurs, j’étais pour certains « un agent de la CIA », pour d’autres « un communiste infiltré », si elles furent aussi incontestablement des entraves dans ce qu’il est convenu d’appeler une carrière universitaire, elles furent aussi extrêmement fructueuses car elles me donnèrent un accès privilégié à tous ceux qui, dans les différents camps aux prises dans les guerres civiles centraméricaines, ruaient dans les brancards et avaient soif d’interrogations. Ce fut bien évidemment le cas au sein de la guérilla miskitue et dans d’autres secteurs de la Contra, mais aussi auprès d’autres guérillas centraméricaines, au El Salvador et au Guatemala, puis au sein de la nébuleuse des sandinistes en rupture de ban.

Cours de formation des cadres de la guérilla

Cours de formation des cadres de la guérilla, banlieue de Tegucigalpa.

Voyageant à de nombreuses reprises sur le Rio Coco avec la guérilla miskitue, puis après la guerre, dans l’ensemble de la Moskitia, je n’ai cessé de découvrir des éléments nouveaux sur les événements survenus en Moskitia lors des débuts de la révolution et ceux de la guerre entre Misurasata et les sandinistes. Malgré certaines exagérations dans le récit des horreurs des massacres dont je pris conscience, j’ai au contraire eu confirmation des massacres de Leimus et compris la difficulté à recueillir les témoignages de tous ceux ayant assisté aux massacres de leurs parents. En effet, presque tous étaient bouleversés par des souvenirs extrêmement douloureux et se trouvaient dans l’impossibilité d’en faire le récit. J’ai aussi été confronté aux limites d’une enquête sans grands moyens. La zone de Leimus, où sont les fosses communes, a été minée par l’armée sandiniste ! Si les enquêtes sur les tueries de masse sont, au départ, plus faciles à réaliser pour des enquêteurs individuels, vient un moment où des enquêtes plus lourdes sont les seules possibles, avec toutes les négociations et les freins bureaucratiques que cela suppose lors de leur mise en place. Ce fut le cas des commissions de la vérité au El Salvador et au Guatemala qui, formées par des intellectuels indépendants et à distance des pressions politiques, permirent non seulement des avancées sans précédent sur la connaissance de la violence, mais ouvrirent des débats nouveaux sur la place de la violence dans les jeux politiques locaux. Au Nicaragua, jamais de telles commissions ne furent créées. Ni certains secteurs de la Contra, ni les sandinistes n’en voulurent, ils avaient trop à dissimuler. Il est à souhaiter qu’une telle initiative voit, tôt ou tard, le jour.

Mes quatre décennies de réflexions et de voyages en Amérique centrale m’ont renforcé dans l’idée que l’on ne s’improvisait pas spécialiste des massacres et de la violence sans prendre le temps de se doter d’une connaissance bien plus vaste des représentations collectives qui structurent les sociétés où ils adviennent. Les formes du récit des violences qu’avaient subi les Miskitus ne me sont devenues vraiment compréhensibles qu’en acceptant de me plonger dans leurs systèmes de représentations et de croyances collectives. Piétistes moraves, les Miskitus vivaient et interprétaient l’histoire qu’ils vivaient à la lumière de celle de la Unitas Fratrum des descendants de Jean Hus. Leur déplacement forcé par les sandinistes début 1982 était vécu au travers de deux précédents. Le premier était celui de leurs parents et de leurs grands-parents, dans les années 1927-1934, lors des guerres menées par Augusto Cesar Sandino contre les marines nord-américains. Les habitants des communautés du Haut Rio Coco, fatigués des pressions et des exactions des soldats de Sandino, avaient migré plus au nord sur le Rio Patuca et n’avaient regagné le Rio Coco qu’une fois Sandino assassiné sur ordre de Somoza Garcia. Un des motifs de leur départ avait aussi été le meurtre du pasteur Bregenzer par un lieutenant de Sandino qui l’avait considéré, sans l’ombre d’une preuve, comme un espion nord-américain. Le second était celui des persécutions endurées par les Frères moraves au XVIIe siècle lors de la Contre-Réforme, notamment à l’occasion de la « semaine sanglante » de Prague puis de la bataille de la Montagne Blanche. Les Frères moraves s’étaient enfuis et réfugiés en Allemagne où l’Église s’était reformée dans des débats tendus entre Zinzendorf et Wesley. Ces différentes expériences, selon l’expression utilisée dans les textes de la Unitas Fratrum, étaient celles des « temps difficiles », et les épreuves de années 1980 étaient vécues comme une réminiscence de ces moments. Elles étaient aussi interprétées à la lumière du Livre de l’Exode, qui, là encore, était comme une anticipation des premiers « temps difficiles » du XVIIe siècle. Le style même des prises de paroles des pasteurs lors de mes premières enquêtes était lui aussi marqué par la théologie morave. Pour la Unitas Fratrum, une bonne décision, une parole juste sont celles qui émanent de gens se sentant comme un seul cœur. Une expression miskitu, kupia kumi, le disait explicitement. Lorsque les pasteurs m’avaient relaté les malheurs de leurs communautés, ils s’étaient pliés à cette forme d’éloquence. On peut d’ailleurs faire des remarques analogues sur la façon dont les récits de l’Exode, comme un sens du martyr et de la rédemption, ou enfin l’adage biblique du Magnificat « les premiers seront les derniers », ont accompagné et permis aux réfugiés salvadoriens et guatémaltèques d’interpréter et de vivre leurs exils et leurs persécutions respectives. Ce sont ces références religieuses qui ont été au fondement de leurs capacités à témoigner et à demander justice. Il faudrait enfin rappeler la force d’autres images les unes religieuses, les autres politico-religieuses qui furent mobilisées à de nombreuses reprises lors des guerres des années 1970-1980 et parfois même avant. Les images du Christ-Roi et de Saint Georges terrassant le dragon, l’exemple des Croisades aussi, furent au cœur des représentations qui guidèrent les actions des paysans hispanophones de la Contra nicaraguayenne, des catholiques conservateurs et des militaires salvadoriens et guatémaltèques. La figure de la « guerre juste » fut invoquée par l’Archevêque de Ciudad Guatemala, Casariegos, lors du renversement de Jacobo Arbenz au Guatemala en 1958, et reprise à nouveau par l’Archevêque de Managua contre Somoza en 1979, il fit ensuite appel à l’image de David luttant contre Goliath pour justifier le combat des contras. Les différentes guérillas castristes firent de leurs nombreux militants enlevés, torturés puis assassinés par les militaires autant de figures de martyrs dont les images se mêlèrent à celle de Guevara gisant dans la buanderie des basses terres de la Bolivie où il avait été assassiné par l’armée bolivienne après avoir été fait prisonnier. Tous ces sacrifices, ceux des guérilleros centraméricains comme celui de Guevara, furent lus comme la marque de la vérité de leurs actions. Cela fut dit dans le langage du marxisme-léninisme comme dans celui du catholicisme libérationniste ou du catholicisme plus traditionnel. Ce furent longtemps autant de justification de la nécessité de combats sans merci et du refus de toute interrogation sur les résultats de ceux-ci.

La dernière découverte que je ne cesse de méditer est la façon dont le recours à la violence semble une modalité de mise en forme du social parfaitement légitime aux acteurs. L’accumulation des expériences passées et leurs remémorations posent des manières de justification de la violence, même si celle-ci n’est pas toujours synonyme de guerres inexpiables, mais peut aussi être conçue comme une démonstration de force qui est un appel à un accord entre parties adverses.

Mes premières lectures sur les Mayangnas et les Miskitus, notamment le volume de d’Eduard Conzemius, un marchand de bois ethnographe, Ethnographic survey of the Miskito and Sumu Indians of Honduras and Nicaragua15, m’avait persuadé de l’importance des guerres passées entre Miskitu et Espagnols à l’époque coloniale. La Moskitia avait été un territoire indépendant et un protectorat de la Couronne britannique. Durant toute cette époque les Mosquitos avaient été les alliés des pirates et de la Couronne britannique et ils avaient participé au sac des villes espagnoles en Amérique centrale. Pour les Nicaraguayens, les Miskitus n’étaient que des assassins et des bandits de grand chemin, comme l’étaient les pirates. Cette image qui existait depuis le XVIe siècle rendait légitime la violence à leur encontre. Mieux, un petit livre d’un des dirigeants sandiniste, Jaime Wheelock, Raíces indígenas de la lucha anticolonialista en Nicaragua : de Gil González a Joaquín Zavala, 1523 a 188116, soulignait à l’envi non seulement leur absence de participation aux luttes pour l’indépendance, mais en faisait une ethnie suspecte de collusion avec les impérialismes anglo-saxons. Le grand poète nicaraguayen, Ernesto Cardenal, figure emblématique des intellectuels sandinistes, avait employé des images parfaitement racistes pour décrire le dernier roi Miskitu, El Rey Mosco. L’adjectif mosco renvoie en effet à la couleur de la robe des chevaux noirs, ou aux mouches et était particulièrement méprisant. Il était l’équivalent du terme « négro » dans le monde francophone. Et pour parfaire son portrait du dernier souverain miskitu, Robert Henry Clarence, il le peignait sous les traits d’un ivrogne patenté, avide de rhum de la Jamaïque. Pour la sociologie dépendantiste et sommaire des dirigeants du FSLN, le titre du classique de Max Weber, L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme, les incitaient à voir dans le piétisme des Miskitus une preuve de leur collusion avec l’impérialisme. Enfin, le fait que l’opération de la Baie des cochons – le débarquement manqué des opposants armés à Castro soutenus par la CIA – soit partie du port de Puerto Cabezas situé sur la Côte atlantique nicarguayenne nourrissait là encore tous les phantasmes des sandinistes. Ce qui ne fut au départ que des escarmouches circonscrites, certes cruelles et meurtrières pour la dizaine de soldats sandinistes assassinés, ne pouvaient être qu’une nouvelle opération d’invasion à grande échelle. De la même façon, les cruautés et les châtiments mis à l’honneur par Sandino à l’encontre de ceux qu’ils qualifiaient de « bradeurs de patrie » – la corte de bloomer, la coupe du caleçon ou amputation des jambes ; la corte de chaleco, la coupe du gilet ou des bras ; la corte de cumbo, le tranchage du haut du crâne – étaient tacitement revendiqués par les sandinistes qui reproduisaient volontiers les images du sceau de Sandino où l’on voit un de ses soldats le genou sur la poitrine d’un marine américain le bras levé prêt à le décapiter à la machette. Ces cruautés marquaient très nettement la volonté de déshumaniser les adversaires politiques et s’inscrivaient d’ailleurs dans des pratiques plus anciennes lors des guerres entre conservateurs et libéraux tout au long du XIXe siècle, où les pillages, les humiliations publiques et les viols de guerre semblaient autant de geste légitimes aux protagonistes armés. Ils témoignaient de la suprématie absolue du clan vainqueur qui littéralement marquait, dans leurs chairs et dans leurs biens, les vaincus. Si les visées totalitaires manifestées dès leur arrivée au pouvoir par les sandinistes étaient inédites dans l’histoire nicaraguayenne, elles ne s’en appuyaient pas moins sur toute une série d’expériences qu’elles mobilisaient et auxquelles elles donnaient des significations nouvelles.

Les Miskitus n’étaient pas en reste dans l’utilisation à leurs fins de l’histoire pour justifier leur recours à la violence. Ils remobilisaient les souvenirs de leur passé guerrier aux côtés de la flibuste. Ils remettaient au goût du jour une prophétie apparue au moment de l’intégration forcée de la Moskitia au Nicaragua, qui avait été rebaptisé Département de Zelaya en l’honneur du caudillo libéral à la tête du pays. À cette époque une rumeur affirmait que, sur son lit de mort, la reine Victoria avait engagé ses descendants à veiller sur le sort des Miskitus : « Si les Espagnols maltraitent mes enfants miskitus, nous leur enverront une frégate chargée d’armes ». Cette promesse refaisait surface et beaucoup l’évoquait. Il en allait de même avec une croyance encore plus ancienne datant probablement de l’époque de la flibuste. Lassés des caprices d’un roi étranger qui envahissait leurs territoires et les obligeait à le transporter sans cesse dans leurs pirogues, des chasseurs miskitus avaient découvert une liane qui rendait invisible. Fort de cette liane, dont ils se faisaient des colliers, ils devenaient invisibles et se soustrayaient aisément aux exigences de ce roi.  La guerre contre les sandinistes poursuivait celles menées naguère contre l’Empire espagnol, les armes données par les Nord-américains se substituaient à celles promises par la reine Victoria, certains guérilleros partirent même à la recherche de la liane qui rendait invisible pour pouvoir attaquer plus aisément les postes sandinistes. Les guérilleros miskitus ne furent pas en reste dans la pratique de certaines cruautés. Ainsi lors des premières attaques contre les postes militaires sandinistes en décembre 1981, les guérilleros émasculèrent les cadavres de leurs victimes. Quelques temps plus tard, d’autres violèrent collectivement une médecin et des infirmières miskitues travaillant dans l’hôpital morave de Bliwaskarma, qu’ils accusèrent de collaborer avec les sandinistes.

Les faits de violence devaient de plus être inscrits dans la longue durée dans l’ensemble de l’Amérique centrale. Ainsi au Guatemala, les tueries de masses commises par l’armée à l’encontre des communautés indiennes ne sont compréhensibles qu’en les mettant en relation avec la peur viscérale du monde métis face aux soulèvements indiens à l’époque coloniale, comme lors des guerres civiles entre conservateurs et libéraux où les communautés indiennes étaient enrôlées par un groupe ou par l’autre. Et à toutes ces époques, les cruautés avaient été monnaies courantes. Les violences au El Salvador renvoient là encore à une histoire présente dans toutes les mémoires, le soulèvement de 1932. Au vu de la baisse des cours du café, les propriétaires des haciendas caféières avaient décidé de ne pas embaucher les habitants des communautés indiennes pour la récolte. Les indiens nahuatls de l’ouest du pays s’étaient soulevés pour protester. Le Parti communiste avait parallèlement appelé à un soulèvement général. L’oligarchie et les militaires avaient déclenché une répression particulièrement féroce. Des dizaines de milliers de paysans avaient été fusillés sommairement, les membres du Comité central du Parti communiste avaient eux aussi été passés par les armes. À de très rares exceptions près, les membres des élites civiles et militaires avaient jugé que c’était là la bonne et la seule façon d’en finir avec la menace communiste. Dans les années 1970-1980, « faire comme en 1932 » était devenu un slogan courant face aux mouvements réformateurs, comme face aux aspirations sociales de l’Église et plus encore face aux mouvements populaires.

Toutes ces pratiques et leurs mises en sens révélaient une vision du politique et du social qui faisait de la violence une manière si ce n’était la manière de mettre en forme le social. Une phrase de Plutarco Elias Calles, un président mexicain qui avait jeté les bases du PRI et combattu sans merci un soulèvement paysan catholique, la Cristiada, qui protestait contre l’anticléricalisme officiel de la révolution, témoignait de la prégnance de cet imaginaire : « Le politicien doit être comme un potier qui pétrit sans merci l’argile pour la mettre en forme. » Le social livré à lui-même n’était que barbarie, à ses yeux comme à ceux de nombreux politiques latino-américains, il appartenait au politique de le mettre en forme par la violence. Si dans les années 1980, l’apparition de régimes démocratiques a battu en brèche de telles conceptions du Politique, elles n’ont pas pour autant disparu.

À propos de Gilles Bataillon

 

 

Né en 1956, Gilles Bataillon est sociologue. Après avoir été enseignant à l’Université de Caen et au CIDE à Mexico, il est directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales depuis 2007. Il s’est spécialisé dans l’étude de l’Amérique latine au XXe et au XXIe siècle depuis plus de quarante ans. Il a publié de nombreux articles et coordonné différents ouvrages sur les questions politiques latino-américaines et sur l’ethnographie des Miskitus nicaraguayens. Il est l’auteur de Genèses des guerres internes en Amérique centrale (1960-1983), les Belles Lettres, 2003, et Enquête sur une guérilla (Nicaragua 1982-2007), Le Félin, 2009, tous deux traduits en espagnol. Il est le co-auteur avec Clara Ott d’un film documentaire sur la Révolution sandiniste, Nicaragua une révolution confisquée, Paris 2013. Il prépare actuellement un livre sur l’histoire du Nicaragua, Nicaragua de Sandino à Ortega et l'édition des inédits de Claude Lefort.

Entretien avec Gilles Bataillon, journée CESPRA 19 octobre 2022

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1

Ce texte est issu de la reformulation d’une intervention orale préparée et enregistrée depuis le Mexique pour la « journée de rentrée » du CESPRA, « les violences de masse : la prise du sujet » le 19 octobre 2022. Que soit remerciée Élisabeth Dutartre-Michaut qui a fait une retranscription de cette intervention dont je suis parti pour écrire ce texte. Je reprends et poursuis ici une réflexion amorcée dans Enquête sur une guérilla. Nicaragua (1982-2007), Paris, le Félin, 2009.

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2

J’utiliserai l’orthographe « miskitu » qui est celle utilisée par les Miskitus eux-mêmes et non « misquito » ou « mosquito » qui ont longtemps eu cours. Je ferai de même avec le vocable Mayangna qui est le nom que se donnent les membres de cette ethnie longtemps désignée sous un vocable miskitu, « sumu », ce qui veut dire en miskitu « tête plate », avec la connotation péjorative que cela suppose. Rappelons que les estimations démographiques de ces deux populations amérindiennes ont fait l’objet de polémiques très sévères entre le Misurasata, l’organisation indianiste miskitue et le gouvernement sandiniste et les anthropologues qui jouèrent un rôle d’expert auprès de ce dernier. En 1981, Misurasata avançait que la population miskitue comptait un plus de 150 000 personnes et la population mayangna 13 750. Charles Hale et Edmund T. Gordon faisaient en 1986 des estimations sensiblement plus basses : 66 994 miskitus et 4 851 mayangnas (Ethnic Groups & the Nation the State. The case of the Atlantic Coast in Nicaragua, CIDCA, Université de Stockholm, 1987). Ces estimations basses sont pour une part contredites par les estimations officielles du gouvernement sandiniste de la population de l’ensemble de la Côte atlantique en 1985 : 325 454 habitants au total, alors que des milliers avaient fui le pays. Les Miskitus et les Mayangnas vivant sur les hauts cours des fleuves de la Moskitia étaient de plus mal recensés au Nicaragua comme au Honduras. Les chiffres des congrégations moraves au Nicaragua et au Honduras seraient sans doute plus surs. Il faut donc considérer des chiffres plus importants pour les populations miskitue et mayangna en 1980, sans doute 80 000 miskitus nicaraguayens et près de 10 000 mayangnas.

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3

Clifford Geertz, Works and Lives : The Anthropologist as Author (1998), traduction française, Ici et Là-bas. L’anthropologue comme auteur, Paris, Éditions Métailié, 1996.

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4

Serge Gruzinski, La Colonisation des imaginaires. Sociétés indigènes et occidentalisation dans le Mexique espagnol XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, 1988.

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5

Eric Wolf, « Types of Latin American Peasantry », American Anthropologist, LVII, 1955, p. 452-471; Eric Wolf, « Closed Corporate Peasant Communities in Mesoamercia and Central Java », South Western Journal of Anthropology, XIII, 1957, p. 1-18.

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6

Pierre Clastres, La Société contre l’État, Paris, Éditions de Minuit, 1974.

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7

Sous l’influence de Victor Serge, Octavio Paz fit très tôt une critique de la bureaucratie soviétique et des bureaucraties du tiers-monde dont celle du PRI au Mexique. On verra sur ces différents points certains développements du Laberinto de la soledad, Mexico, Fondo de Cultura Economica, 1950, de Posdata, Mexico, Siglo XXI, 1969 et de El ogro filantropico, Mexico, Seix Barral, 1979. Il consacra de nombreuses pages à l’histoire du zapatisme, dans le Laberinto et El ogro, où il discerna une volonté de retour à des communautés rurales autonomes à distance de tout pouvoir étatique.

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8

Deux textes m’avaient particulièrement frappé : un long article de Gabriel Zaïd sur la guerre civile au Salvador, « Colegas enemigos, una lectura de la tragedia salvadoreña », Vuelta n°56, juin 1981, dont une partie avait été traduite en français dans Esprit, « Une guerre de chefs. Lecture de la tragédie salvadorienne » dans un numéro au titre très explicite « Révolutions sans le peuple », décembre 1981 et un livre prémonitoire de Louis Mercier Vega, Les Guérillas. Techniques du contre-État, Paris, Belfond 1968.

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9

On verra sur ce point le très beau portrait de Simone Dreyfus Gamelon dressé par Martine Segalen, « La señora des études amazoniennes : biographie de Simone Dreyfus-Gamelon », Bérose – Encyclopédie internationale des histoires de l’anthropologie : https://www.berose.fr/article1445.html

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10

Pierre Vidal-Naquet, « Un Eichmann de papier », Esprit, septembre 1980, p. 18.

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11

L’article paru à la fois dans Esprit, « Le Nicaragua et les indiens miskito », juillet-août 1982, p. 145-153 et dans le n°68 du JSA, 1982, p. 235-242.

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12

« Le Nicaragua et les Indiens de la côte atlantique », Esprit, n°7, juillet 1983, p. 146-162.

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13

Pierre Vidal-Naquet, L'Affaire Audin, Paris, Éditions de Minuit, 1958.

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14

Pierre Vidal-Naquet, « Un Eichmann de papier », Esprit, septembre 1980.

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15

Eduard Conzemius, Ethnographic survey of the Miskito and Sumu Indians of Honduras and Nicaragua, Bureau of American Ethnology, Washington, 1932.

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16

Jaime Wheelock, Raíces indígenas de la lucha anticolonialista en Nicaragua : de Gil González a Joaquín Zavala, 1523 a 1881, Mexico, Siglo XXI, 1986.