Biométrie, normalisation des corps et contrôle des frontières dans l'Union européenne
Estela Schindel

(European University Viadrina, Frankfurt/Oder - Viadrina Institut for European Studies)

La femme regarde la caméra frontalement. Elle a les yeux humides, la peau du visage tannée et un hijab est enroulé autour de celui-ci. Elle cligne un peu des yeux. Quelqu'un que nous ne voyons pas lui demande : « Est-ce que l'appareil vous fait pleurer ? ». Elle essaye de sourire, faisant face au dispositif d'enregistrement biométrique et dit : « C’est qu’il ne veut pas ». La voix d'une autre femme lui dit : « Ne pleure pas pour tes enfants ». Et elle répond : « Non, je ne pleure pas ».

La scène n'est qu'une courte séquence du fabuleux film documentaire Bienvenue au Refugistan (d’Anne Poiret, diffusé par Arte en juin 2016).

Affiche du documentaire "Bienvenue au Réfugistan" d'Anne Poiret

Affiche du documentaire « Bienvenue au Réfugistan » réalisé par Anne Poiret (2016).

Ce passage du film, bref et émouvant, montre l’enregistrement biométrique d'une femme syrienne entrant dans un camp de réfugiés en Jordanie. En plus de signaler le fait que les citoyens des États Nations, mais aussi les réfugiés sous l'administration du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR), sont de plus en plus enregistrés par des dispositifs biométriques, la scène met l’accent sur les incohérences créées par la biométrie lors de l'enregistrement

des individus1.

Les pleurs et l'émotion qui les provoque, sont présentés comme une perturbation du système d'enregistrement. La caméra a du mal à capturer l'image de son iris car, apparemment, ses yeux sont humides. La scène rend compte d’une incompatibilité entre l’objectif affiché de normalisation et la réalité du malaise vécu par la personne.

Un peu plus loin, ce même film montre la mise à l’essai d'un guichet automatique mobile, installé dans un véhicule portant l'inscription Cash on wheels, disposant également d'un dispositif de reconnaissance de l'iris. Cette fois, l’employée de l'agence a des difficultés à s'enregistrer à cause de la diffusion de la lumière. La forte lumière du désert ne permet pas à son iris d’être lu et l'opération ne peut être complétée qu’une fois l'écran assombri par un rideau. Il n’y a pas que les pleurs ou le soleil intense qui empêchent la capture des données corporelles pour la collecte biométrique. Les sourires, les gestes ou les grimaces ne sont pas non plus autorisés dans les photos de passeport pour entrer dans le dispositif d'enregistrement biométrique.

Le visage « neutre » est une recommandation de la norme internationale ISO / TEC, désignée par l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale (OACI) comme identifiant biométrique universel obligatoire2. Pour que le format de l'image faciale soit interopérable entre différents systèmes du plus grand nombre de pays possible, il est nécessaire d'harmoniser des variables, comme la forme, la taille, l'éclairage ainsi que l'expression neutre, sans sourire, les deux yeux ouverts et la bouche fermée. L'incompatibilité produite par les pleurs est cohérente – et complémentaire –  avec une pédagogie gestuelle, comportementale et vestimentaire liée à la prise de photographies pour passeports biométriques.

En Allemagne, par exemple, en 2010, le règlement ordonnant la délivrance de documents a établi que les photos de passeport et les documents d'identité devaient montrer un visage sérieux ou neutre, rejetant expressément toute expression gestuelle, comme les sourires3.

Extrait du documentaire "Bienvenue au Réfugistan" d'Anne Poiret.

Tout contrôle frontalier – y compris à l’entrée des camps de l’UNHCR – suspend, révise et renouvelle le lien entre l'individu et l'autorité souveraine. C'est une démarche solennelle, dans laquelle notre existence biologique s’attache à un lien de citoyenneté, à travers un enregistrement civil. Comme le souligne Mark Salter, la frontière est le lieu d'une suture : la cicatrice du processus qui tisse l'intérieur et l'extérieur, créant de part et d'autre, de manière performative, deux états souverains et marquant le point de « couture » du sujet aux systèmes d'enregistrement qui l’attachent. Quand on passe d'un territoire souverain à un autre, à travers la frontière, il y a un moment où l'autorité souveraine dispose de la prérogative d'inclure, de protéger ou non, la personne qui traverse. C'est un moment de rupture où s'expose la « suture de la souveraineté » : le sujet peut alors être accepté ou rejeté4.

Cependant, le codage extrême des photos du visage, pour les passeports biométriques, n'est pas dû à des mesures disciplinaires, dans le but d'ajuster la subjectivité du citoyen dans un moment de soumission civile à l'autorité souveraine. L'explication officielle à ce type d'exigence est tout simplement « technique » : une bouche ouverte brouille les paramètres, l'algorithme de lecture ne reconnaissant que la bouche fermée. Ce n'est donc pas une censure du geste de pleurer ou de sourire à la frontière, mais une simple exigence technique : les algorithmes qui encodent et décodent le visage en langage numérique ne lisent pas les yeux pleins de larmes ni les bouches souriantes.

Celui qui est prêt à passer un contrôle biométrique est un individu serein, dont la bouche est fermée.

Les pleurs et la surabondance de lumière, au‐delà de l'anecdotique, renseignent alors sur l'individu et sur la situation de contrôle qu'entraînent, et donc produisent, les contrôles biométriques. Le moment de « suspension » créé par la traversée des frontières met en jeu non seulement le statut civil mais aussi un certain catalogage de l'humain, qui produit en premier lieu certains individus et certaines situations comme plus propices à l’enregistrement biométrique. En principe, il s’agirait d’une personne à l'expression faciale neutre et à la bouche fermée, qui ne sourit pas, ne pleure pas et qui est protégée des éléments ou tout du moins n’est pas exposée à la torride lumière du désert. Celui qui doit passer un contrôle biométrique est un individu construit comme « neutre ». La technologie, pourtant, n'est pas neutre ou anhistorique, mais elle contient et reproduit une série de valeurs et de subjectivités. De même qu’un algorithme a été programmé pour « lire » une bouche fermée, on peut supposer qu'il aurait pu être programmé pour décoder un sourire. De fait, selon William Walters, en termes purement « techniques », il ne semble pas y avoir de preuve concluante qu'une expression faciale particulière soit meilleure qu'une autre5. La situation optimale de saisie des données, de conditionnements, leurs paramètres et leurs limites informent alors sur la définition sous-jacente du sujet qui franchit les frontières et sur la situation de la traversée elle-même. Lus en ces termes, ils révèlent une série d'indices sur la façon dont les contrôles biométriques supposent et produisent un certain type d'individu qui franchit la frontière.

Dans le cas des frontières de l'Europe, comme nous le verrons, tout indique qu’il s’agit d’un individu masculin, blanc, adulte, sans handicap et qui n'effectue pas de tâches manuelles.

Les contrôles biométriques, mais aussi toutes les technologies impliquées dans la gestion des frontières, définissent en quelque sorte le sujet qui les franchit ou se prépare à les franchir. Ces réflexions s'inscrivent dans un projet de recherche plus large, concernant le régime des frontières de l'Union européenne (UE), qui étudie précisément les discours, les politiques et les pratiques impliqués dans le contrôle, la surveillance et le franchissement des frontières européennes, en mettant l'accent sur les matérialités et les façons dont elles s’imbriquent avec ce que nous définissons comme la technologie et la nature.

Il s'agit aussi de démêler les opérations de délégation, d'externalisation, de déplacement et de sublimation de la violence et, surtout, d'interpréter les définitions de l'humain et les constructions d'altérité mises en jeu dans chaque cas, ainsi que les présomptions et valeurs sous‑jacentes. Quels objets, technologies et logistiques sont impliqués dans ces définitions ? Quels seuils d’humanité produisent‑ils et comment ceux‑ci sont-ils contestés ? Enfin, comment façonnent‑ils les « conflits frontaliers ? »6.

J'entends par là les négociations et les différends – à la fois symboliques et matériels – autour des « seuils » de définition d’« humanité » et de ce qu'ils révèlent de la construction de l'« Europe » et de son autre à l'heure actuelle7. Le champ des contrôles biométriques est un domaine dans lequel l'UE expérimente et applique de nouvelles technologies avec une grande intensité. En déplaçant la documentation papier et en la remplaçant par des traductions algorithmiques d'informations capturées à partir du corps individuel, les contrôles biométriques, comme nous le verrons, intègrent la politique et la biologie de telle façon qu’elles reconfigurent aussi les seuils de définition de l'humain et méritent donc d’être objet de réflexion.

Technologies  biométriques en expérimentation et utilisation par l'Union européenne.

La biométrie (du grec bios = vie, metron = mesure) consiste en « la mesure de la vie », c'est‐à‐dire l'enregistrement des caractéristiques humaines. En réalité, l'utilisation actuelle du terme ne se réfère pas à la mesure elle‐même mais aux technologies qui permettent la capture ou l'enregistrement de certains traits du corps humain, la numérisation de cet enregistrement et son stockage dans de grandes banques de données disponibles pour l'authentification, l’identification et la vérification par des États ou des entreprises. 

La biométrie est censée être plus sûre que la documentation papier, car elle rend difficile le « vol d'identité » ou l'utilisation de multiples « identités ». Les indicateurs biométriques sont essentiellement des caractéristiques mesurables pouvant être utilisées pour marquer des individus.

Quelles que soient les caractéristiques en question, il s'agit en réalité de capturer et de traiter les différents types d'informations générés par notre corps. Ces traits corporels ou comportementaux sont enregistrés et stockés numériquement puis utilisés par des systèmes dont le fonctionnement est extrêmement opaque. En termes généraux, la technologie utilisée consiste en un lecteur ou un dispositif de scanner, le logiciel pour numériser les informations scannées et comparer les points de coïncidence, et une base de données pour stocker les informations biométriques à des fins de comparaison.

Il y a une différence entre biométrie physiologique et comportementale. La biométrie physiologique – ou de première génération – enregistre les caractéristiques physiques permettant d'individualiser le sujet telles que les empreintes digitales, la structure veineuse, la géométrie ou l'impression de la paume de la main, la reconnaissance faciale, de l’iris ou de la rétine, ou encore l'ADN, entre autres. Elle est utilisée pour établir l'identité du sujet – qui est la personne – et pour vérifier et l'authentifier de la documentation – est‐ce bien la personne qu’elle prétend être ? 

La biométrie de deuxième génération, ou comportementale (également appelée behaviometrics: la mesure du comportement), est basée sur des caractéristiques liées aux modèles de comportement et vise à prédire des conduites suspectes ou des intentions hostiles. Il peut s'agir de gestes, de mouvements, d'états ou de conditions du corps mais aussi du rythme de frappe sur un clavier, du tracé calligraphique de la signature individuelle, de la façon de marcher ou de la voix. L'un de ses objectifs est d'établir des profils de personnes basés sur la prédiction de leurs actions et de leurs comportements à l’aide de caméras capables de reconnaître ces traits8.

Une différence essentielle entre les deux est la connaissance, par ceux qui sont surveillés, du fait que l'information est en train d’être capturée. Dans la biométrie de première génération, le contact pour la capture de l'information est physique, la personne comprend ce qu’il se passe, tandis que dans la surveillance avec des techniques biométriques de deuxième génération, la capture et le traitement de l'information peut être fait secrètement et à distance, sans coopération explicite de la part du sujet. Par conséquent, bien que le problème éthique du manque d'information et du consentement se retrouve dans les deux cas, il est considéré comme plus aigu dans la deuxième variante. Les développements actuels tendent vers les systèmes dits multimodaux, qui combinent des informations corporelles de différentes échelles, comprenant des gestes, des postures et des mouvements. Les technologies d'identification biométrique sont devenues une industrie milliardaire qui affirme fournir des « solutions » pour un large éventail de ce qui est socialement perçu comme de l’insécurité et de la menace. L'industrie de la biométrie est utilisée et développée pour diverses applications, notamment civiles et commerciales (telles que les opérations bancaires) ou médico-légales.

Dans le cas de l'Union européenne, la biométrie appliquée aux contrôles frontaliers est en plein essor, contribuant ainsi – en ces moments historiques critiques pour le régime de Schengen – à définir et à marquer les corps qui cherchent à franchir ses frontières. Les technologies utilisées, ou en expérimentation, dans l'UE comprennent la reconnaissance du visage, de l'iris, de la structure veineuse de la paume de la main, des schémas comportementaux (comme la démarche), reconnaissance de la voix ou même celle, plus archaïques, des empreintes digitales. Autant de façons de relier une identification fixe à un corps en mouvement. L'objectif est d'enregistrer les personnes de façon rapide, précise et non falsifiable face au double impératif de fournir sécurité et rapidité aux contrôles. On a alors de plus en plus recours à la biométrie multimodale ou multi‐biométrique, c'est‐à‐dire la combinaison de plusieurs enregistrements biométriques, pour l'authentification et l'identification. Avec l'application de ces technologies, les passages frontaliers sont censés être plus sûrs en termes de contrôle des entrées et des sorties du territoire et, d'autre part, adapter les contrôles migratoires à l’augmentation de la mobilité mondiale, garantissant ainsi un flux fluide aux voyageurs d’affaires et aux touristes.

En termes généraux, et tels que les caractérisent les acteurs impliqués dans leur développement, les principaux objectifs et buts de l'application des contrôles biométriques aux frontières de l'UE sont :

 

  • Obtenir une combinaison optimale de sécurité et de vitesse dans les contrôles. Ici, les entreprises et les autorités insistent sur la nécessité de différencier les « voyageurs fréquents », « de bonne foi » ou « bona fide » des autres. C’est pour ceux‑ci, surtout, que sont conçus les systèmes de contrôle automatisés dans les aéroports qui portent des noms comme happy flow.
  • Développer et optimiser l'interopérabilité des systèmes. Il s’agit essentiellement de faire que les différentes banques de données soient mutuellement lisibles, tout en centralisant l'information (fonction très discutée du fait des risques de ce que l'on appelle « function creep » ou « mission creep » et qui désigne la violation de l'intégrité contextuelle, c’est‐à‑dire l’usage de l'information disponible à des fins autres que celles pour lesquelles elles ont été collectées.
  • Capacité à fonctionner à distance et dans des contextes défavorables, par exemple avec des scanners ou d'autres dispositifs d'enregistrement légers et transportables.

En ce qui concerne les principaux obstacles, difficultés ou défis, tels qu'ils sont perçus par les acteurs impliqués dans le développement et l'application des contrôles biométriques, ceux-ci consistent en :

  • Les limites imposées, de leur point de vue, par la société civile à travers des organismes de contrôle en termes, par exemple, de droit à la vie privée.
  • L'impératif d'obtenir une relation optimale entre sécurité et coûts.
  • Les affaires corporatives ou syndicales liées à la nécessité ou non des contrôles « humains », c'est-à-dire le futur du rôle de garde-frontière.
  • La prévention et la défense contre des tentatives de contourner ou de tromper le système de contrôle biométrique, connu dans le jargon comme « spoofing » ou « presentation attack ».

L'agence européenne EULisa9 aspire à mettre en œuvre un grand projet de contrôle des frontières en 2020 et a déjà réalisé une première évaluation de sa phase pilote, dans laquelle elle a utilisé un contrôle « multimodal » basé sur la reconnaissance faciale, des empreintes digitales de huit doigts, et de l’iris. La reconnaissance de l'iris est apparue comme la plus vulnérable aux « attaques » ou au spoofing. Dans les résultats, les rapports préliminaires recommandent le déploiement simultané de différentes données biométriques (ou de la biométrie multimodale), faisant valoir qu'il est plus difficile de tromper en même temps deux ou plusieurs systèmes biométriques qu’un seul système isolé. Les exemples de spoofing d'iris rassemblés comprennent, par exemple, l'utilisation d'un œil artificiel, la présentation de l'image d'un iris imprimée en haute qualité, l'utilisation de l'image d'un iris comme masque sur un œil réel, l'utilisation de lentilles de contact, ou la présentation de l'image d'un iris sur un écran de téléphone ou de tablette10.

Alors que l'industrie s'efforce d'être à la hauteur des besoins des autorités gouvernementales – ainsi que de les encourager – la société civile parvient à peine à évaluer les risques et à établir des normes minimales en ce qui concerne, entre autres critères, le droit à la vie privée. Il s’agit de développements qui ont généralement lieu à distance ou à l’abris de l'opinion publique. Au niveau théorique, se pose une série de questions liées à la définition de la citoyenneté et au sujet produits par les contrôles biométriques.

Au-delà des critiques sur les questions liées à la vie privée ou à la protection des données, certains auteurs ont attiré l'attention sur des paramètres et critères de manière plus large. La question de la « dissection numérique » des corps aux frontières, par exemple, révèle un potentiel discriminatoire allant au-delà du droit à la vie privée11. D'un autre côté, comme le souligne Irma van der Ploeg12, le fait même de poser la question des contrôles biométriques comme un problème de « vie privée » repose sur une séparation fortement enracinée dans la modernité occidentale à travers une série de dualismes : réalité‑langage, référent‑représentation, matériel‑immatériel, biologique‑social. Ceux-ci dérivent à leur tour en ce que le « corps à proprement parler » ou « le corps lui-même » puisse être séparé des « données personnelles », comme peut l’être l'anatomie de son propre enregistrement, l'intérieur de l'extérieur, ce qui est privé de ce qui est public13. Considérer les contrôles biométriques comme une question liée à « l'intégrité » de « l'individu », comprise comme un substrat cartésien, mérite alors d'être problématisée, et amenée sur le terrain même de ce qui définit l'humain. L’enjeu n'est pas seulement la question du droit à la « vie privée », qui individualise le problème, mais celle des structures et des institutions au-delà d'une logique de défense des « droits et libertés individuels » propre aux démocraties libérales. Celles-ci tendent à « résoudre » le problème en « accordant plus de droits », empêchant de penser la chose en termes d’autres formes d'organisation sociale14.

Quels sujets produisent les contrôles biométriques ?

Le passage de frontières crée une instance de suspension momentanée de la protection du souverain et devient, non seulement pour les réfugiés ou d'autres sujets désinscrits mais aussi pour les citoyens, un moment d'extrême vulnérabilité. Lors de l'examen, les sujets sont appelés par les agents du pouvoir souverain à performer la reconnaissance de leurs droits. Ce sont des moments, écrit Mark Salter, d'anxiété intrinsèque et d'extrême vulnérabilité : 

Nous sommes tous également vulnérables face à l'exil, au sacrifice, à la transformation en homo sacer 15.

Salter affirme, en se référant, entre autres, au travail d'Etienne Balibar, que pour cette raison, « l'essence du pouvoir souverain est la capacité de décider qui compte comme être humain »16.

Mais quelle définition de l'humain sous‐tendent les contrôles biométriques ?

Contrairement aux technologies de surveillance utilisées en dehors des postes de contrôle aux frontières (comme les caméras thermiques, les radars et les détecteurs de dioxyde de carbone), qui visent à détecter la présence de vie organique dans les zones ouvertes, les technologies biométriques visent à individualiser un sujet en particulier. D’après Serge Gutwirth et Gloria Fuster, les frontières extérieures de l'Union Européenne se développent selon un « axe double » : d'une part, la création de bases de données visant à suivre les mouvements des citoyens des pays tiers, qui constituent lesdites « frontières numériques17». D’autre part, les frontières géographiques stricto sensu, les frontières physiques, où la technologie est déployée au service de la patrouille et de la surveillance du mouvement sur un territoire. Alors que les premières tournent autour du qui (entre dans l'UE) et se concentrent sur les informations personnelles, les dernières se concentrent sur ce qu’il se passe, sans le relier à des individus identifiés ou identifiables.

Suivant la distinction faite par Giorgio Agamben, basée sur les deux termes du grec ancien pour désigner la « vie », entre le citoyen ayant des droits, l'existence qualifiée (bios) et la simple existence biologique (zoe), nous pouvons ajouter que le premier groupe de technologies sert à l'identification et à la vérification d'informations sur un citoyen (bios), c'est-à-dire un sujet individualisable, tandis que le dernier groupe de technologies est orienté vers la détection et l'interception d'une menace vaguement définie comme forme de présence de vie biologique (zoe)18. Si les premières technologies, basées sur des informations numérisées, ont principalement recours à des algorithmes d'identification biométrique, les secondes, déployées pour surveiller les frontières géographiques, enregistrent la présence de vie de façon indéfinie : des caméras thermiques pour détecter la différence de température qui indiquerait une présence humaine (ou animale), des détecteurs de dioxyde de carbone pour percevoir si des êtres respirent (par exemple à l'intérieur de conteneurs ou de camions)19.

Les deux types de technologie construisent celui qui traverse la frontière, respectivement comme une vie biologique indiscriminée, une existence non qualifiée d'une part, ou comme un sujet individualisé, lié à une certaine inscription en tant que citoyen de l’autre.

Gutwirth et Fuster, cependant, expriment leur préoccupation au sujet de la confluence des deux approches, qui est précisément la voie que prend l'Union Européenne. Plusieurs auteurs alertent sur le fait que l’association des systèmes d'information et des technologies déployées dans les frontières physiques présentera des problèmes juridiques liés au droit à la vie privée – la fusion des deux tendances continue de se développer dans la mesure où Frontex a plus d'autonomie pour combiner la patrouille de frontières et l'utilisation de données de renseignement. Les technologies numériques s'étendent sur les vastes zones géographiques à surveiller – comme dans le cas du balayage numérique des empreintes digitales à bord des navires de la Marine ou de la Garde Côtière italienne. En même temps, la surveillance des grands espaces utilise de plus en plus de capteurs biométriques. L'horizon qui se profile est celui où l'individu est biométriquement « scanné » en traversant le terminal des arrivées de sorte que, en quittant l'aéroport, il ait été enregistré et classé par les autorités. En Australie, les autorités frontalières ont lancé en 2017 un plan pour remplacer le contrôle des passeports par un contrôle biométrique du visage, de l'iris et des empreintes digitales en traversant, par exemple, un couloir. Le Département de l'Immigration et de la Protection des Frontières s'attend à ce que, d'ici à 2020, 90 % des passagers effectuent le processus de migration « sans intervention humaine », permettant au personnel de sécurité de se concentrer sur les personnes « suspectes »20.

La croissante combinaison et intégration des pratiques et des technologies de surveillance dans un ensemble plus vaste,

dérivent vers ce que l'on appelle désormais « l'assemblage de surveillance »21 .

C’est ainsi que l’on désigne la convergence de ce qui, précédemment, étaient des systèmes de surveillance numériques, pour qu’ils fonctionnent à la manière d'un assemblage. Ceci correspond à l'objectif constant des autorités policières, d'intégrer les différents systèmes informatiques et les bases de données afin de les rendre interopérables. Pour certains auteurs, cela conduit à une dématérialisation du corps. Haggert et Ericson parlent d'un « double informatique » ou data double. Cet assemblage opère en extrayant les corps humains de leur cadre territorial et en les scindant en une série de flux digitaux. Ces flux seront ensuite réassemblés en « doubles informatiques » pouvant faire l'objet d'examen et d'intervention. Le corps est décomposé, abstrait puis réassemblé à travers une série de flux d'informations :

Le résultat est un corps décorporéisé, un « double informatique » purement virtuel, converti lui-même en un assemblage22.

L'assemblage de surveillance normalise et capture les flux de chair

– convertis en données – du corps humain. L'accent n'est pas mis tant sur sa localisation physique directe que sur sa transformation en information pure, de sorte qu'elle puisse devenir mobile et comparable. Dans cette vision, l'intérêt ne réside pas dans les corps complets mais dans des fragments d'informations émanant du corps. Cette nouvelle forme de devenir transcende la corporéité humaine et réduit la chair à de l'information pure tout en produisant « la multiplication de l'individu, la constitution d'un soi (self) supplémentaire »23.

Ces doubles informatiques circulent et servent d'indicateurs pour l'accès aux ressources, aux services et au pouvoir, de façon souvent inconnue de leur référent. C'est un nouveau type d'individu, composé d'informations pures.

D'autres auteurs, cependant, préviennent que loin d'être épuisé dans une virtualité pure, le « double informatique » produit des effets dans la vie quotidienne, incarnée, de la personne24. Au-delà de « la violence qu’implique le fait de décomposer et de réécrire le corps sous forme numérique »25, le défi consiste à re-corporéiser l‘individu, à reconstituer la matérialité physique qui est à la base, et dans les conséquences, de ces réseaux informatiques. De fait, dans certaines circonstances, la preuve du data double peut prévaloir sur la parole de la personne incarnée, et même, dans ses effets pratiques, être perçue comme « plus réelle » que « la vie physique de la victime, épuisée d'essayer de raconter son côté de l’histoire »26.

Une fois que les caractéristiques corporelles ont été traduites en informations pouvant être traitées numériquement, les corps deviennent susceptibles d'être analysés et catégorisés produisant des conséquences très concrètes pour les personnes concernées27.

Il n'y a donc pas de « réalité virtuelle libérée de la réalité matérielle », mais pour le moins « une pervasivité et une intensité inédites (des contrôles numériques) » et un « nombre sans précédent de façons dont les corps peuvent être surveillés, évalués, analysés, classés et finalement administrés »28.

La question soulevée par Irma Van der Ploeg est alors celle de savoir comment maintenir la distinction entre le corps lui-même et l'information le concernant, lorsque le corps lui-même consiste en de l'information : où se trouve exactement la transition entre la matière et l'information corporelle ? Comment définit-on les limites du corps ? La distinction elle-même, nous dit l’auteur, n'est plus évidente mais de plus en plus ambiguë : qu'est-ce que le corps et qu'est-ce que l'information sur le corps ? Le corps numérisé peut être transporté à travers le temps et l'espace, et l’information stockée peut être récupérée pendant de longues périodes, de sorte que la présence physique n'est plus nécessaire pour qu'un corps puisse être examiné. Cependant, plus qu'une « dé-physicalisation », c'est une reconfiguration de la matérialité même de nos corps et de leurs incarnations. Plutôt que de rendre le corps inapproprié pour l'identification, l'union de la biométrie et de l'informatique le place au centre de la scène29.

Ceci étant dit, quel est ce corps construit par les contrôles biométriques ?

Ce qui semble être des conditions techniques inoffensives pour la saisie de l'information biométrique, reproduit et dissimule en même temps une série d'hypothèses et de valeurs autour de la construction de l'individu et, en dernière instance, de la production du sujet créé par les contrôles frontaliers. En examinant les évaluations de certaines expériences pilotes de contrôles biométriques, apparaissent d'autres « limites ou « anomalies » à l’heure de définir le sujet – supposément « universel » – des contrôles biométriques.

En effet, certaines populations ethniques et démographiques sont plus susceptibles que d'autres de produire ce que l'on appelle les « échecs d'inscription » (FTE, failure to enrol). Par exemple, les empreintes digitales des personnes âgées, des artisans et des ouvriers, ou des personnes d'origine asiatique, notamment les femmes, présentent des rugosités qui sont floues et difficiles à lire.

La reconnaissance faciale peut ne pas être en mesure d'« inscrire » les personnes ayant une peau très foncée et les technologies de balayage de l'iris ont également du mal à localiser les traits distinctifs lorsque l'iris est très sombre. De surcroît, il y a eu des problèmes avec des personnes ayant de petites mains, comme ce fut le cas à l'aéroport de Los Angeles avec des hôtesses de l’air japonaises30. Certaines catégories sont donc exclues, car les contrôles biométriques ne disposent que d'une plage limitée pour traiter les différences, ce qui est évoqué dans le jargon par des concepts tels que usability, accessibility, failure to enrol, exception handling o template aging31. Ces termes désignent des personnes de catégories spécifiques telles que les aînés ou les enfants (en raison de leur taille ou des particularités de leur relief papillaire), ou possédant une certaine origine ethnique ou professionnelle (qui peut avoir usé leurs doigts) qui ont des difficultés à « s'inscrire » dans le système biométrique : ceux qui ne possèdent pas les caractéristiques physiques requises ou un corps suffisamment « lisible » par la machine, avec les conséquences qui en découlent en termes de normalisation et d'exclusion sociale.

Magnet et d'autres ont montré que les mesures biométriques n’accomplissent pas les promesses de leurs défenseurs puisqu'elles échouent systématiquement à identifier correctement les personnes mais qu’elles sont en revanche efficaces pour reproduire ou consolider les inégalités ethniques, raciales, d'âge et de genre, entre autres32. Selon Magnet, ces deux aspects sont étroitement liés : c'est en partie à cause de ces « erreurs » que s'exercent des exclusions et des injustices puisque les contrôles biométriques d'un aéroport désavantagent systématiquement certains segments de la population. Les technologies biométriques produisent ainsi des effets de racialisation explicitement discriminatoires et excluants, pour les « constitutions ethniques qui sont structurellement en dehors des épistémologies normatives blanches qui modulent les systèmes biométriques tels que le scanner facial ou digital »33. Ces systèmes ne garantissent donc pas leur efficacité pour les sujets non blancs, c'est-à-dire non conformes à la norme. Les incidences de la classe, du sexe, de l'âge et de la race sur ces résultats sont révélatrices quant à la construction culturelle de la technologie biométrique. Les corps construits comme « illisibles » sont ceux des personnes engagées dans des travaux physiques, les femmes - en particulier les asiatiques - les personnes à la peau ou aux yeux sombres, les personnes âgées et, en termes « comportementaux » ou de contexte, nous pouvons ajouter ceux qui pleurent ou se trouvent dans la rigueur du désert. Comme le souligne Heather Murray, l'illisibilité, « ne découle pas de ces corps mais de la technologie qui aspire à les lire » et qui est une technologie « calibrée pour des corps idéalisés dans une certaine culture, produisant comme anormaux ceux qui ne correspondent pas au modèle idéalisé »34. La technologie biométrique, selon Heather Murray, « a été créée selon une notion normative du corps, une notion culturellement construite de l’identité incarnée (...) débordée par le corps des femmes, ou des individus à la peau ou les yeux sombres, les ouvriers ou les personnes âgées », tandis que « les corps biométriques masculins sont médiés par la technologie comme des corps lisibles »35. Le poids de l'incarnation tombe sur les corps illisibles, considérés comme « trop physiquement présents pour le transcodage de la chair en chiffres » ou, en d'autres termes, des personnes, qui « ont trop de corps »36. Cette connotation de certains corps plus proches de la « nature » ou moins « compatibles » avec les technologies de pointe est cohérente avec les observations et les entretiens menés à d'autres points frontaliers de l'Union européenne, où les migrants illégalisés sont matériellement et symboliquement déplacés vers une zone de continuité ou de contiguïté avec le monde du « naturel »37.

Les conflits frontaliers sont ainsi portés sur un terrain biologisé, c'est-à-dire présenté comme extérieur à l'histoire et à la société.

Il faut alors élucider le contenu de cette opération racialisante. D’après Heather Murray, il s’agit de corps illisibles, construits comme « monstrueux », comme « autres », alterisés, au contraste de ces corps idéalisés comme blancs, jeunes, mâles et riches. Amoore et Hall soutiennent y compris que les projets de sécurisation contemporains, pointant à visualiser le risque et l'anomalie, maintiennent une remarquable similitude avec les tentatives de localisation de la déviance des corps proposées au cours des siècles précédents, comme l'anthropométrie ou l'anthropologie criminelle de Francis Galton et Cesare Lombroso, pour produire un « type » physique qui permette d’identifier la criminalité et  la dégénération38.  

À la manière de ces physionomistes - mettent en garde les auteurs - l’hypothèse sous-tend que les corps pourraient révéler une compréhension plus profonde de l'essence ou de l'âme humaine, de sorte qu'au-delà de l'enregistrement des corps pour des raisons de sécurisation, il y a une volonté d’examiner ce que les vêtements et les gestes dénotent en termes de présomptions futures. Les dissections contemporaines du corps à travers des techniques de genèse d'images virtuelles perpétuent cet idéal de transparence entre le corps et ses motivations39.

Loin d'être universelle, la figure de « l'humain » peut être considérée, en suivant Alexander Weheliye, comme un « appareil racialisant » qui pousse à distinguer une personne « complètement » humaine - l'homme occidental blanc - de ses homologues non blancs, un peu moins humains40. Selon cet auteur, la tradition humaniste libérale de « l'homme » élude ainsi d’autres instanciations de l'humain, elle se présente comme un « degré zéro » de l'humanité. De plus, les assemblages racialisants marquent les sujets non-blancs comme moins humains41. Dans ce contexte, tout pousse à ce qu’à travers les contrôles biométriques, certains corps soient produits comme plus proches de la biologie, « infériorisés », et d'autres, en revanche, comme plus compatibles avec les technologies biométriques. Ce n'est pas seulement une pédagogie mais aussi une construction racialisée du sujet que les dispositifs biométriques enregistrent.

Fissures, résistances, champs de bataille

L'un des effets de la technologie de contrôle digitalisé est de déplacer, sublimer ou rendre invisible la coercition étatique, c’est-à-dire l’usage de la violence. Dans certains cas, cependant, elles donnent encore lieu à des manifestations visibles et sonores, comme à Lampedusa, en juillet 2013, au cours de l'une des nombreuses manifestations contre les procédures d'identification où deux cents Érythréens ont résisté à la capture leurs données biométriques au cri de « No fingerprints! » (« Non aux empreintes digitales! »)42. On reconnaît, dans cette protestation, des formes connues de l'action politique, mais tout porte à croire qu’elles s’hybrideront avec d’autres formes numérisées, et s’associeront à des moyens de contourner les contrôles. Le fait que les autorités italiennes aient, en 2014, approuvé le recours à la force pour les enregistrements, montre que la contrainte physique est encore nécessaire pour l'introduction de ces contrôles basés en apparence sur l'abstraction numérique43. Les études critiques sur la migration et les frontières mettent en évidence « l'autonomie de la migration », c’est à dire qu’elles insistent sur la capacité autonome des personnes en transit à se déplacer à travers les territoires et à traverser les frontières, au-delà des politiques et des contraintes - et avant celles-ci. Les contrôles biométriques, cependant, reconfigurent les termes dans lesquels les migrants, les réfugiés et les citoyens devront mener la lutte pour leur droit à l'autonomie et la liberté de mouvement44.

L'identification biométrique tend à remplacer la documentation sur papier et déplace avec elle un certain régime de citoyenneté qui permettait à son tour certaines logiques de perturbation, de contournement ou de résistance (comme la falsification de documents ou l'utilisation de documents d’autrui). À la recherche d'alternatives pour déterminer les modes et les temporalités d'organisation de leur parcours, tout en affirmant leur propre autodétermination, les voyageurs illégalisés ont su recourir à des éléments mis à disposition précisément par leur propre désinscription : se débarrasser des documents, ne pas avoir de passeport - ou se l'envoyer en format numérique à sa propre adresse électronique afin de le rendre disponible si nécessaire - sont différents recours que les migrants illégalisés utilisent pour contourner les contrôles migratoires et les règles d'asile imposées par l'UE. Dans le cadre des contrôles biométriques, cependant, la falsification des passeports, l'utilisation de faux papiers ou même l'absence de toute documentation, deviendra de plus en plus inefficace. Si l’on porte le passeport dans son propre corps, il n'y a aucun moyen de se débarrasser de cette inscription. De nouvelles formes de contrôle et de résistance feront du corps humain le futur terrain de lutte.

Ainsi les contrôles biométriques ouvrent de nouveaux champs de bataille pour résister ou contester l'inscription de la citoyenneté et sa certification : ils rendent la personne « prisonnière » de son propre corps - de la façon dont elle est définie et « inscrite » par les dispositifs biométriques - et amènent sur le terrain biologique et physiologique les questions sur les possibles résistances, stratagèmes ou désobéissances civiles. Dans le cas des traversées maritimes par des voyageurs illégalisés en Europe, on peut observer comment ce que nous construisons comme « nature » prend un rôle fondamental, peut-être même une forme d'agencivité, dans la stratégie et les calculs de surveillance et de contrôle des frontières45. Les conflits frontaliers sont ainsi menés sur un terrain « naturalisé »,

c'est-à-dire présentés comme étrangers à l'histoire et à la société.

De la même façon, les contrôles biométriques portent la question sur le terrain prétendument aseptisé de la mesure physiologique et inscrivent le conflit frontalier dans le corps même.

 

À mesure que les entreprises avancent dans leur développement, artistes et hackers pensent des gadgets, des astuces de contournement et de résistance. L'artiste chinois Mian Wei a par exemple développé un kit de bandes adhésives contenant des « empreintes digitales de substitution ».

Le « kit d'identité » est un substitut à l'empreinte digitale qui, comme un pansement protecteur, est remplaçable et jetable de sorte que l’on peut compter sur une nouvelle empreinte chaque jour, pour en éviter par exemple les potentiels vols. Son auteur soutient qu'elles sont uniques et encore plus difficiles à falsifier que les empreintes originalesMissing Note de texte.. Mian Wei affirme que la duplication des empreintes digitales d'une impression est relativement simple et viable : le TouchID d'un iPhone, par exemple, a une résolution (500 ppp) similaire à la norme d'authentification d'empreintes digitales du FBI. D’après lui, il n'y a pas de clé qui ne puisse être dupliquée. Un algorithme crée le patron d’une rugosité ayant la même densité que les empreintes digitales, qui peut être imprimé en 3D ou gravé au laser pour créer un moule avec lequel créer une prothèse en silicone ou en caoutchouc. Bien que les empreintes digitales soient uniques, et donc censées être optimales pour l'identification, en laissant leurs impressions partout, dans l'interaction avec les objets, nous augmentons en permanence les chances d'enregistrement et de filtrage permettant de les dupliquer et donc de les rendre inutiles. Ce que cherche l’artiste avec ses prothèses, c'est à protéger sa propre identité biométrique, en développant des moyens d'utiliser des systèmes d'authentification biométriques tout en gardant le soi biologique en dehors des registres. Ainsi, affirme-t-il, dans la société moderne « les gens pourraient avoir une identité plus fluide et objectivée ».

Un autre artiste, Leonardo Selvaggio, a créé une réplique de son visage pour la distribuer et la rendre utilisable par d’autres personnes. Elle s'appelle « URME » (you are me, - tu es moi -) et consiste en un masque de résine synthétique pigmentée qui reproduit son visage de façon réaliste. L'objectif de URME, selon Selvaggio, est que « si on ne peut pas transformer la surveillance, on peut au moins transformer ses objets, en particulier les gens »Missing Note de texte.. Le masque, qui coûte environ 200 dollars, inclut un scan 3D du visage de Leo Selvaggio ainsi qu’une photo réaliste de ses traits qui reproduit le ton et la texture de sa peau.

Un hacker allemand, Jan Krissler, a montré pour sa part à quel point il est « facile » de copier des empreintes digitales à partir de photos en haute définition, en utilisant par exemple celles de la Ministre de la Défense. Une telle photo permet, selon Krissler, avec peu d'effort et grâce à un logiciel économique appelé VeriFinger, de reconstruire l'impression digitale du pouce droit. Ces impressions pourraient par exemple être utilisées dans des points de contrôle et démontrent, selon Krissler, que du point de vue de la sécurité, la biométrie des empreintes digitales est un placeboMissing Note de texte..

De même qu'elles ouvrent des moyens de sujétion sans précédent, les technologies biométriques vont permettre - et certainement exiger - des gestes inédits de la part de ceux qui cherchent à échapper aux systèmes de classement et de contrôle, un domaine où les activistes, les hackers et les artistes ont largement pris la parole. Néanmoins l'anomalie, le rire, les pleurs, les dysfonctionnements, semblent aussi contenir des potentialités qui, sans tomber dans une naïveté romantique, indiquent peut-être quelque chose sur les pratiques perturbatrices potentielles ou, en tout cas, soulignent ce qui n'est pas assimilé dans la biométrie telle qu’elle est aujourd'hui définie et programmée.

Au-delà de la ruse et des gadgets, il s'agit dans tous les cas de réfléchir au terrain sur lequel vont se mener les conflits qui prennent naissance aux frontières. Les instruments de contrôle biométriques mènent les pratiques migratoires clandestines sur un nouveau terrain et posent de nouvelles questions en termes de marges de résistance possible49. C'est un champ qui se présente d'une part comme de la pure « biologie », présentée en termes d’une prétendue neutralité, et d'autre part apparaît régi par des algorithmes et des logiciels extrêmement opaques hormis pour les ingénieurs ou les hackers. Ces deux terrains, pourtant, ne sont pas seulement vulnérables, ils introduisent aussi des définitions et des valeurs respectives à la traversée des frontières et des contours de la définition de l'humain. En termes d'analyse des frontières et de construction de la citoyenneté et de l’humanité qu’elle sous-tend, la question à se poser est celle de savoir comment l'individu contrôlé à la frontière est constitué, de quelles marges de dissidence ou de résistance il dispose, et surtout sur quel terrain sont portés ces pratiques et ces conflits.

Ce texte a été traduit de l'espagnol par Xavi Antón Galindo, la révision a été assurée par Clara Duterme et Ariela Epstein.

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1

La société française Accenture est en train d’installer les contrôles biométriques pour l’UNHCR dans 62 camps de réfugiés à travers le monde, ce qui donne à réfléchir en termes de gestion humanitaire, bien que ce ne soit pas le sujet qui nous occupe ici.

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2

Le choix de la reconnaissance faciale en tant qu'indicateur universel semblerait moins lié à des raisons technologiques que culturelles, considérant par exemple les pays où la prise d’empreintes digitales a une connotation criminelle, William Walters, « Rezoning the global : technological zones, technological work and the (un-)making of biometric borders », in V. Squire (dir.), The contested Politics of Mobility. Borderzones and Irregularity, Routledge, 2011, p. 61.

Le document de 2005 qui établit la norme peut être consulté ici

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3

Le document informatif explique : « La personne doit regarder la caméra de face, avec une expression faciale neutre et la bouche fermée ».

Les instructions présentent une série de photos d’identité d'individus et les identifient comme correctes ou incorrectes, par exemple : le sujet incline la tête, a les yeux fermés ou ouvre la bouche. L'éclairage, d'autre part, doit être uniforme et ne produire ni surexposition, ni ombres.

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4

Mark Salter, « Theory of the / : The Suture and Critical Border Studies », Geopolitics, vol. 17, n° 4, 2012, p. 735-740.

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5

William Walters, « Rezoning the globa l: technological zones, technological work and the (un-)making of biometric borders », in V. Squire (dir.), The contested Politics of Mobility. Borderzones and Irregularity, Routledge, 2011, p. 70.

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6

Sandro Mezzadra, Brett Neilson, Border as Method, or the Multiplication of Labor, Duke University Press, 2013.

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7

Le travail empirique porte sur les trois types d'environnement qui définissent les scènes des contrôles aux frontières (à savoir les frontières de l'eau, de la terre et de l'air). Des données spécifiques ont été collectées dans une étude multi-située à différents endroits. Dans chacun d'eux, la construction du scénario frontalier révèle différentes définitions des frontières entre citoyenneté, technologie et biologie ou nature. Dans chacun d’eux, le sang et la politique, l'appartenance civile et la biologie sont configurés de manières différentes.

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8

C'est pourquoi certains auteurs parlent même de biométrie de « troisième génération » : celle qui se base sur des comportements dérivés de l'émotion. Une étude commandée par le département des politiques du Parlement Européen met en garde contre une adoption non critique par l'UE de modèles développés par les États-Unis dans le cadre de son programme de sécurité interne en tant que « biométrie de troisième génération ».

Juliet Lodge, Developing Biometrics in the EU. Policy Departament, European Parliament, Brussels, 2010, p. 7. Disponible ici.

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9

La principale autorité de l'UE en matière de contrôle informatique frontalier est « l'Agence pour la gestion opérationnelle des systèmes d'information à grande échelle au sein de l'espace de liberté, de sécurité et de justice », abrégée EULisa, créée en 2011. L'agence est responsable des trois principaux systèmes informatiques traitant des visas, des demandes d'asile et des échanges d'informations European Asylum Dactyloscopy Database (Eurodac), Schengen Information System (SIS II) et Visa Information System (VIS). Elle développe actuellement Entry-Exit System (une partie du paquet « Smart Borders »), un nouveau système pour l'enregistrement et la collecte d'informations à grande échelle, encore en cours d'évaluation par le Conseil de l'Europe et qui commencerait à fonctionner en 2020.

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10

European Agency for the operational management of large-scale IT systems in the area of freedom, security and justice (EULISA), Smart Borders Pilot Project. Report on the technical conclusions of the Pilot, 2015, p. 137. Disponible ici.

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11

Louise Amoore, Alexandra Hall, « Taking people apart : digitised dissection and the body at the border », Environment and Planning D: Society and Space, n° 27, 2009, p. 444-464, p. 448.

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12

Irma Van der Ploeg, « Genetics, biometrics and the informatization of the body », Ann Ist Super Sanita, vol. 43, n° 1, 2007, p. 44-50.

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13

Irma Van der Ploeg, « Genetics, biometrics and the informatization of the body », Ann Ist Super Sanita, vol. 43, n° 1, 2007, p. 47.

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14

Irma Van der Ploeg, « Genetics, biometrics and the informatization of the body », Ann Ist Super Sanita, vol. 43, n° 1, 2007, p. 44-50.

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15

Mark Salter, « Theory of the / : The Suture and Critical Border Studies », Geopolitics, vol. 17, n° 4, 2012, p. 741.

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16

Mark Salter, « Theory of the / : The Suture and Critical Border Studies », Geopolitics, vol. 17, n° 4, 2012, p. 742.

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17

Gloria Gonzalez Fuster, Serge Gutwirth, « When ‘Digital Borders’ Meet ‘Surveilled Geographical Borders’. Why the Future of the EU Border Management is a Problem », in P. Burgess, S. Gutwirth (dir.), A Threat Against Europe ? Security, Migration and Integration, Brussels, Institute for European Studies/Brussels University Press, 2011, p. 171-190.

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18

Giorgio Agamben, Homo Sacer. El poder soberano y la nuda vida, Valencia, Pre-Textos, 1998.

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19

Pour une exposition plus détaillée de cet argument, voir Estela Schindel, « Bare Life at the European borders. Entanglements of technology, society and nature », Journal of Borderlands Studies, vol. 31, n° 2, 2016.

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20

« ‘World first' : Government moves to radically overhaul Australia’s international airports », The Sydney Morning Herald, édition du 22 janvier 2017.

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21

Kevin Haggerty, Richard Ericson, « The Surveillant Assemblage », British Journal of Sociology, vol. 51, n° 4, 2000, p. 610.

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22

Kevin Haggerty, Richard Ericson, « The Surveillant Assemblage », British Journal of Sociology, vol. 51, n° 4, 2000, p. 611, 613.

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23

Mark Poster, The Mode of Information, Chicago : University of Chicago Press, 1990, p. 97, cité chez Kevin Haggerty, Robert Ericson, « The Surveillant Assemblage », British Journal of Sociology, vol. 51, n° 4, 2000, p. 613.

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24

Irma Van der Ploeg, « The body as data in the age of information », in K. Ball, Kevin D. Haggerty, D. Lyon (dir.) Routledge Handbook of Surveillance Studies, New York, Routledge, 2012, p. 176-183.

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25

Louise Amoore, Alexandra Hall, « Taking people apart : digitised dissection and the body at the border », Environment and Planning D : Society and Space, n° 27, 2009, p. 451.

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26

Irma Van der Ploeg, « The body as data in the age of information », in K. Ball, K. D. Haggerty, D. Lyon (dir.), Routledge Handbook of Surveillance Studies, New York, Routledge, 2012, p 176.

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27

« Les corps authentifiés et profilés biométriquement à l'aéroport sont automatiquement classés comme connus / inconnus, légaux / illégaux, recherchés / non recherchés, risques élevés / faibles : toutes les évaluations ayant des conséquences concrètes pour l'avenir immédiat des personnes concernées » Irma Van der Ploeg, « The body as data in the age of information », in Kirstie Ball, Kevin D. Haggerty, David Lyon (Éds.), Routledge Handbook of Surveillance Studies, New York, Routledge, 2012. p. 177.

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28

Irma Van der Ploeg, « The body as data in the age of information », in K. Ball, K. D. Haggerty, D. Lyon (dir.) Routledge Handbook of Surveillance Studies, New York, Routledge, 2012, p. 177.

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29

Irma Van der Ploeg, « The illegal body : ‘Eurodac’ and the politics of biometric identification », Ethics and Information Technology, vol. 1, p. 295–302, 1999.

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30

Cité dans Shoshana Amielle Magnet, When Biometrics fail. Gender, Race, and the Technology of Identity, Durham, Duke University Press, 2011, p. 35.

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31

Shoshana Amielle Magnet, When Biometrics fail. Gender, Race, and the Technology of Identity, Durham, Duke University Press, 2011, p. 5.

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32

Shoshana Amielle Magnet, When Biometrics fail. Gender, Race, and the Technology of Identity, Durham, Duke University Press, 2011.

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33

Joseph Pugliese, “In Silico Race and the Heteronomy of Biometric Proxies : Biometrics in the Context of Civilian Life, Border Security and Counter-Terrorism Laws”, Australian Feminist Law Journal, vol. 23, n° 1, 2005, p. 2.

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34

Heather Murray, « Monstrous Play in Negative Spaces : Illegible Bodies and the Cultural Construction of Biometric Technology », The Communication Review, vol. 10, n° 4, 2007, p. 351.

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35

Heather Murray, « Monstrous Play in Negative Spaces : Illegible Bodies and the Cultural Construction of Biometric Technology », The Communication Review, vol. 10, n° 4, 2007, p. 352.

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36

Heather Murray, “Monstrous Play in Negative Spaces: Illegible Bodies and the Cultural Construction of Biometric Technology”, The Communication Review, 10:4, 2007, p. 351.

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37

Estela Schindel, « ‘Blowing off the boat’. The sea border crossing to Europe, a navigation on the nature/culture divide », Mobile Culture Studies, The Journal, I/2015, p. 199-216 and « Bare Life at the European borders. Entanglements of technology, society and nature», Journal of Borderlands Studies, vol. 31, n° 2, 2016.

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38

Louise Amoore, Alexandra Hall, « Taking people apart: digitised dissection and the body at the border », Environment and Planning D : Society and Space, n° 27, 2009, p. 452.

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39

Louise Amoore, Alexandra Hall, « Taking people apart: digitised dissection and the body at the border », Environment and Planning D: Society and Space, n 27, 2009, p. 451.

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40

Alexander Weheliye, Habeas Viscus : Racializing Assemblages, Biopolitics, and Black Feminist Theories of the Human, Durham, Duke University Press, 2014, p. 9-10.

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41

Alexander Weheliye, Habeas Viscus : Racializing Assemblages, Biopolitics, and Black Feminist Theories of the Human, Durham, Duke University Press, 2014, p. 19.

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42

Cité par Charles Heller, Lorenzo Pezzani, « Ebbing and Flowing: The EU’s Shifting Practices of (Non-) Assistance and Bordering in a Time of Crisis », Near Futures Online 1 « Europe at a Crossroads », 2016, p. 12 in http://nearfuturesonline.org/ ebbing-and-flowing-the-eus-shifting-practices-of-non-assistance-and-bordering-in-a-time-of-crisis/

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44

Stephan Scheel, « Autonomy of Migration Despite Its Securitisation? Facing the Terms and Conditions of Biometric Rebordering », Millennium. Journal of International Studies, 41: 3, 2013, p. 575-600, in http://doi.org/10.1177/0305829813484186

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45

Estela Schindel, « ‘Blowing off the boat’. The sea border crossing to Europe, a navigation on the nature/culture divide », Mobile Culture Studies, The Journal, I, 2015, p. 199-216.

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49

Stephan Scheel, « Autonomy of Migration Despite Its Securitisation ? Facing the Terms and Conditions of Biometric Rebordering », Millennium. Journal of International Studies, vol. 41, n° 3, 2013, p. 575-600, disponible ici.

Giorgio Agamben, Homo Sacer. El poder soberano y la nuda vida, Valencia, Pre-Textos, 1998.

Louise Amoore, Alexandra Hall, « Taking people apart: digitised dissection and the body at the border », Environment and Planning D: Society and Space, n° 27, 2009, p. 444-464. 

 

European Agency for the operational management of large-scale IT systems in the area of freedom, security and justice (EULISA), Smart Borders Pilot Project. Report on the technical conclusions of the Pilot, 2015.

 

Gloria Gonzalez Fuster, Serge Gutwirth, « When ‘Digital Borders’ Meet ‘Surveilled Geographical  Borders’. Why the Future of the EU Border Management is a Problem », in P. Burgess, S. Gutwirth (dir.) A Threat Against Europe ? Security, Migration and Integration, Brussels, Institute for European Studies/Brussels University Press, 2011, p. 171-190.

 

Kevin Haggerty, Richard Ericson, « The Surveillant Assemblage », British Journal of Sociology, vol. 51, n° 4, London, 2000, p. 605-622.

 

Charles Heller, Lorenzo Pezzani, « Ebbing and Flowing: The EU’s Shifting Practices of (Non-) Assistance and Bordering in a Time of Crisis », Near Futures Online 1, 2016, Europe at a Crossroads. Disponible ici.

 

 

Juliet Lodge, Developing Biometrics in The EU. Policy Department C : Citizens' Rights and Constitutional Affairs European Parliament, Brussels, 2010. Disponible ici.

 

David Lyon, (dir.), Surveillance as social sorting : Privacy, risk, and digital discrimination. New York, Routledge, 2003.

 

Shoshana Amielle Magnet, When Biometrics fail. Gender, Race, and the Technology of Identity, Durham, Duke University Press, 2011.

 

Sandro Mezzadra, Brett Neilson, Border as Method, or the Multiplication of Labor, Durham, Duke University Press, 2013.

 

Heather Murray, « Monstrous Play in Negative Spaces : Illegible Bodies and the Cultural Construction of Biometric Technology », The Communication Review, Oxford, vol. 10, n° 4, 2007, p. 347-365.

 

Irma Van der Ploeg, « The illegal body : ‘Eurodac’ and the politics of biometric identification », Ethics and Information Technology, Dordrecht, Kluwer Academic Publishers, vol. 1, 1999, p. 295–302.

 

Irma Van der Ploeg, Genetics, biometrics and the informatization of the body, Ann Ist Super Sanita, vol. 43, n° 1, Roma,  2007, p. 44-50.

 

Irma Van der Ploeg, « The body as data in the age of information », in K. Ball, K. Ball, D. Haggerty, D. Lyon (dir.),  Routledge Handbook of Surveillance Studies, New York, Routledge, 2012, p. 176-183.

 

Joseph Pugliese, « In Silico Race and the Heteronomy of Biometric Proxies: Biometrics in the Context of Civilian Life, Border Security and Counter-Terrorism Laws », Australian Feminist Law Journal, vol. 23, n° 1, 2005, p. 1-32.

 

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