Outre de nombreux travaux proposant des descriptions plus ou moins extensives, ou bien des classifications qui discriminent les organisations à partir de principes idéologiques tacitement considérés comme immuables et uniment partagés par les adhérents, on peut distinguer deux grandes traditions d'analyse des partis politiques1. Une première tente de rendre compte de leur création et de leurs orientations à partir des liens que chaque organisation entretient avec un ou plusieurs groupes sociaux. Ainsi, l'analyse marxiste voit dans les partis des représentants des intérêts de classes ou de fractions de classes sociales2. De manière plus générale, Seymour M. Lipset et Stein Rokkan3 soutiennent que les partis sont une composante des « versants » de clivages territoriaux, nationaux, religieux, sociaux et idéologiques, résultant des diverses révolutions – nationale, industrielle, internationale – qui ont marqué l'histoire occidentale. Prétendant rendre compte de l'activité partisane de « l'extérieur », à travers le prisme privilégié de la représentation d'intérêts sociaux plus ou moins largement définis, ces orientations théoriques peuvent être qualifiées d'hétéronomisantes. Elles tendent de ce fait à laisser dans l'ombre les « mécanismes internes » de création, d'organisation et de fonctionnement des partis politiques.
Karl Marx, 1875.
À l'opposé, une tradition autonomisante met les activités et les intérêts partisans spécifiques au cœur de ses questionnements et de ses explications. Ainsi, en rupture avec Edmond Burke qui analyse un parti comme un « groupe d'hommes » qui se sont mis d'accord sur « un certain principe » – en affinité avec la conception de sens commun d'un parti défini par son « idéologie » –, Joseph Schumpeter avance qu'un parti « est un groupe dont les membres se proposent d'agir de concert dans la lutte concurrentielle pour le pouvoir politique »4. L'économiste autrichien rejoint Max Weber qui soutient que « toutes les luttes partisanes ne sont pas uniquement des luttes pour des buts objectifs, mais [qu']elles sont aussi et surtout des rivalités pour contrôler la distribution des emplois ». Ces emplois sont nécessaires aux hommes politiques professionnels, qui vivent pour et de la politique, et aussi à leurs « partisans pour leurs bons et loyaux services »5. Du point de vue de cette tradition théorique, l'activité politique est une entreprise – c'est-à-dire « une activité continue en finalité » –, et toute entreprise politique est « nécessairement une entreprise d'intérêts »6. Pour Weber, « cela signifie qu'un nombre relativement restreint [je souligne] d'hommes intéressés au premier chef par la vie politique et désireux de participer au pouvoir recrutent par libre engagement des partisans, se portent eux-mêmes comme candidats aux élections ou y présentent leurs protégés, recueillent les moyens financiers nécessaires et vont à la chasse des suffrages »7. Toutefois, au-delà de leurs divergences, ces deux traditions intellectuelles ont en commun de ne pas intégrer la question du militantisme dans leur construction théorique.
Max Weber, Le Savant et le politique, Paris, [Plon, 1959] La Découverte, 2003.
Le militantisme comme impensé théorique
Dans le vocabulaire politique « indigène », un « militant » est un adhérent actif d'un mouvement – par exemple d'un parti – qui agit « à la base », en tant qu'exécutant, de manière « bénévole », sans être rémunéré, et sans occuper de position de pouvoir dans l'État ou à la direction de l'organisation. Les militants ont joué et ils jouent encore un rôle important dans l'activité des organisations. Leur ignorance relative par les deux principales traditions théoriques est donc évidemment dommageable, même si l'activité militante est sans doute en régression depuis plusieurs décennies.
Affaissement mais persistance des pratiques militantes
Cette régression est une conséquence du développement de l'activité politique professionnelle. On peut vivre pour et de la politique en tant que « permanent » payé par un parti, en occupant un poste dans une organisation contrôlée par un parti ou en étant élu dans des institutions représentatives. Ce sont les voies empruntées de longue date par ceux qui participent « en première personne » à la compétition pour la conquête de positions de pouvoir politique. On observe plus récemment une augmentation du nombre de ceux qui vivent également pour et de la politique, mais en agissant pour le compte d'autrui : les assistants, conseillers et membres des cabinets des parlementaires et des dirigeants élus des exécutifs locaux. Le nombre de ces collaborateurs est en augmentation du fait du renforcement des équipes constituées autour des parlementaires et des élus territoriaux. Une nouvelle voie d'accès au champ de la politique professionnelle s'est institutionnalisée dans le prolongement de cette transformation : des étudiants adhérent à un syndicat ou à un parti, ils sont recrutés pour travailler dans l'entourage d'un élu à l'issue de leurs études, ils entrent dans l'univers de la politique sans avoir connu d'autres expériences professionnelles et certains d'entre eux vont y faire carrière pour leur propre compte. Depuis plusieurs décennies, un marché des conseils politiques s'est également développé. Des entreprises économiques de spécialistes en relations publiques, sondages, communication et marketing politiques se sont multipliées.
L'invasion des sondages politiques, 2017.
Ces évolutions ont contribué à réduire l'espace d'activité des « militants ». Le nombre d'adhérents des partis est en diminution et une partie des tâches qui incombaient à des militants par le passé est désormais prise en charge par des collaborateurs ou par des spécialistes d'entreprises de communication rémunérés pour leurs services. Les affiches et tracts artisanaux ronéotés ont été remplacés par un matériel plus sophistiqué – d'un point de vue formel – produit par ces entreprises. Les réunions électorales de quartier se sont raréfiées et leur portée a été réduite. Elles ont été remplacées par de grands rassemblements, mis en scène de manière spectaculaire, là encore par des entreprises spécialisées, de façon à attirer l'attention des chaînes de télévision. Sans disparaître, les mobilisations rapprochées par l'intermédiaire de la distribution de tracts, du démarchage de porte à porte et de la vente de journaux partisans perdent de leur importance par rapport aux mobilisations à distance par l'intermédiaire des médias, notamment télévisés. Le militantisme semble également avoir perdu de son intensité : plus rares sont les militants qui consacrent tout leur temps libre aux activités politiques comme c'était sans doute plus souvent le cas dans les années 1960 ou 1970. L'engagement est peut être plus « distancié », même s'il ne l'est pas toujours8.
Mais, même affaiblie, la contribution des militants à l'activité des partis n'a pas disparu pour autant et doit être intégrée à une théorie des entreprises politiques. Le militantisme n'est de surcroît pas seulement partisan. Il est aussi syndical et associatif, et il se développe en dehors des organisations dans les mouvements sociaux, ce qui justifie la recherche d'hypothèses explicatives générales. Leur absence laisse le champ libre à des théories spontanées de sens commun, notamment développées dans la mouvance des organisations.
Les théories spontanées du militantisme
Les univers militants sont (encore ?) « officiellement », mais de manière diffuse, considérés comme désintéressés, bien que de manière sans doute variable selon les organisations, les individus et les contextes historiques. Réputés tendus vers la défense d'une cause légitime, d'un intérêt collectif et d'un « idéal », ils attirent (notamment) ceux qui valorisent (plus ou moins) la gratuité, le dévouement, le bénévolat, la générosité, le don de soi, la solidarité et l'intérêt général. Ils s'opposent (et tirent nombre de leurs propriétés de leur opposition) aux univers économiques ou de pouvoir au sein desquels la recherche du profit, de l'enrichissement, de la notoriété, de la puissance, du prestige, de l'ascension et de l'intérêt personnel sont plus acceptables, voire légitimes.
Organisés autour de la promotion d'une cause collective, ils censurent (il faut redire à chaque fois inégalement selon divers facteurs, mais toujours minimalement) les intérêts propres des desservants, ne serait-ce que parce que leur manifestation trop patente pourrait jeter la suspicion sur la cause et sa finalité collective. Les organisations se réclamant du bénévolat distinguent tacitement, en tant que de besoin, des conduites, des prétentions et des justifications acceptables – par exemple les satisfactions associées au sentiment de l'efficacité dans la défense de la cause – et d'autres qui ne le sont pas. Elles tirent leur propriété de la rencontre de dispositions au « désintéressement » (inégalement, mais sans doute minimalement, constituées) d'une partie (au moins) de leurs membres, et d'un mode de fonctionnement qui les récompense10. La « sacralisation » de la cause et la « sanctification » des actions menées en sa faveur s'accompagnent de stigmatisations (plus ou moins sévères) de la recherche trop ouverte et exclusive de profits individuels.
Faire campagne ensemble, pour la même cause. Forum social mondial de Dakar, 2011.
Source : Médias citoyens.
Ces croyances sont partagées par ceux qui adhèrent à la cause, mais rencontrent l'indifférence, le scepticisme, voire l'hostilité, de ceux qui restent en dehors, s'en éloignent ou s'en sont dépris. Les organisations collectives de défense d'une cause reposent donc aussi sur des croyances. Il n'y a pas d'action, d'intérêts et de biens collectifs en soi. Ce sont les dispositions et les représentations de ceux qui sont pris par la cause qui font que les actions menées en commun, les intérêts partagés et les finalités assignées à la mobilisation sont « collectifs ». Le militantisme apparaît d'autant mieux comme bénévole qu'il ne donne pas lieu à rémunération (monétaire). Dans une société où « l'intérêt » tend à se confondre avec l'une de ses formes particulières – c'est-à-dire l'intérêt économique –, l'absence de rémunération est facilement perçue comme preuve de désintéressement, a fortiori pour ceux qui s'engagent à la base sans exercer de pouvoir.
Dans le prolongement de ces perceptions « indigènes », les explications courantes du militantisme attribuent un rôle décisif aux mobiles idéologiques, politiques ou « moraux » pour expliquer l'adhésion, l'activisme ou la défection. L'adhésion à un parti et l'activité militante sont ainsi décrites comme des pratiques désintéressées résultant d'une prise de conscience et d'une volonté de se dévouer, et même de se sacrifier, au service d'une cause collective, comme l'intérêt d'un principe moral, d'un pays, d'une nation, d'une religion, d'un groupe ou d'une classe sociale.
Les faiblesses des théories spontanées
Ces théories spontanées présentent divers points aveugles, faiblesses et apories. L'adhésion à la cause partisane y est présentée comme formée antérieurement à l'entrée et indépendamment de l'entrée dans l'organisation. Un tel postulat est en contradiction avec diverses observations, sur lesquelles on reviendra, qui suggèrent que, au moins dans certains cas, l'adhésion à la cause et la capacité à la défendre tendent à se développer au fur et à mesure de l'engagement à son service. Ce postulat revient également à poser que tous les adhérents d'un parti politique sont également intéressés par les dimensions politiques, idéologiques et programmatiques de ses activités et également en mesure de les maîtriser. De tels présupposés sont eux aussi contredits par diverses observations. Ils ne permettent pas non plus d'expliquer comment certains partis peuvent mobiliser des hommes et des femmes issus des catégories les plus à distance du politique.
Action porteurs de parole, Jeunes écologistes.
Source : Jeunes-écologistes.org
Un autre paradoxe des théories spontanées du militantisme tient à ce qu'elles dénient l'existence chez les militants « d'intérêts » personnels qui semblent aller de soi pour les dirigeants. Weber, par exemple, entre dans le détail des raisons de la professionnalisation politique : « celui qui vit pour la politique fait d'elle, dans le sens le plus profond du terme, le but de sa vie, soit parce qu'il trouve un moyen de jouissance dans la simple possession du pouvoir, soit parce que cette activité lui permet de trouver son équilibre interne et d'exprimer sa valeur personnelle en se mettant au service d'une cause qui donne un sens à sa vie »11. Il suggère que les fonctionnaires du parti espèrent surtout des « postes » en récompense de leur dévouement. Toutefois, pour les militants, il ne voit guère que « la satisfaction que l'homme éprouve à travailler avec le dévouement d'un croyant au succès de la cause d'une personnalité et non pas tellement au profit des médiocrités abstraites d'un programme »11.
Les théories spontanées du dévouement militant se heurtent enfin à des objections théoriques. Si l'engagement militant résulte d'une pris de conscience, quelles en sont les conditions ? Pourquoi une telle prise de conscience serait avérée pour certains et pas pour d'autres ? Pourquoi certains adhèrent à une organisation quand d'autres ne le font pas ? Dans le prolongement des analyses de Mancur Olson12, mais sans endosser ses présupposés matérialistes, rationalistes, objectivistes et intentionnalistes, on peut se demander si ceux qui supportent divers « coûts », et prennent parfois des risques, au service d'un bien collectif, dont l'obtention, ou même seulement la poursuite, bénéficie à un groupe plus large, ne sont pas intéressés par diverses « incitations sélectives ».
L'observation de rétributions des activités militantes
L'observation directe, les témoignages écrits laissés par certains et les déclarations recueillies à l'occasion de conversations ou d'entretiens de recherche, mettent clairement en évidence que les militants retirent bel et bien diverses satisfactions de leur engagement. Ces composantes sensibles de leur activité peuvent être analysées comme des mécanismes de « récompense », ou, pour mieux dire, comme des rétributions, de l'implication dans les activités d'un mouvement collectif.
Ces incitations « non-officielles » existent pour les dirigeants, qui trouvent dans l'occupation de positions de pouvoir dans l'État ou dans leur organisation, des sources de revenu, des avantages matériels, la possibilité de vivre de la politique, des moyens pour agir conformément à leurs convictions idéologiques et politiques et/ou diverses gratifications symboliques comme le prestige, la notoriété, l'honneur et le pouvoir. Pour les permanents et autres collaborateurs salariés, l'engagement permet d'accéder à un emploi rémunéré et ménage les disponibilités nécessaires à l'engagement au service d'une cause. Ceux qui occupent des positions hiérarchiques dans l'organisation aux divers niveaux ne sont pas toujours rémunérés, mais sont de facto gratifiés par divers bénéfices d'estime de soi, de puissance (accès à des informations à diffusion restreinte, sentiment d'importance, satisfaction d'agir, pouvoir sur les choses et sur les personnes), de « notabilisation » (reconnaissance, prestige, titres à intervenir dans divers espaces publics) et par l'estime, l'affection, parfois l'admiration, des compagnons de lutte.
Perchoir de l'Assemblée nationale.
Même si les « simple militants » n'ont pas accès à de tels profits de pouvoir, leur engagement leur procure malgré tout diverses satisfactions qui contribuent elles-aussi à soutenir, voire à renforcer, leurs dispositions à l'investissement dans l'action collective13. Le sentiment de ne pas subir, d'agir en faveur d'une juste cause, de transformer ou de pouvoir transformer la réalité, parfois de faire l'histoire, donne ou conforte des raisons de militer. Le temps donné, les efforts consentis, les renoncements aux plaisirs de la vie « ordinaire », les sacrifices prodigués, les risques parfois endurés, les dons de soi, peuvent aider à trouver l'apaisement, la sérénité, la plénitude, et diverses satisfactions morales, jusqu'au sentiment de supériorité éthique.
Les militants ont aussi des occasions de s'informer et d'entrer (plus ou moins) dans les grands débats à propos des affaires de la cité et du monde. Certains développent leurs dispositions à l'autodidactie et acquièrent des instruments de compréhension de leur environnement et parfois des aptitudes à accumuler des informations, à organiser des argumentaires et à prendre la parole en public. Des militants parviennent ainsi à compenser, ne serait-ce que partiellement, leurs handicaps scolaires et culturels, à combattre leurs sentiments d'ignorance, d'indignité culturelle, d'incompétence politique ou de mésestime personnelle, et à atténuer les stigmatisations dont ils souffrent14. D'aucuns se réjouissent de leur enrichissement intellectuel et racontent leur éblouissement devant la découverte de la culture (légitime) favorisée par le militantisme. Des adhérents se prennent aussi aux jeux compétitifs internes, parfois pour leur propre compte, ou avec la fierté de côtoyer des « grands personnages ». L'engagement militant peut donner l'occasion d'exercer des rôles sociaux gratifiants et contribuer à l'affirmation et à la valorisation de soi. Certains y trouvent des revanches contre les expériences de désinsertion familiale, de précarité, de chômage ou de marginalisation15.
Atelier de formation, université d'été du Parti communiste Français, Angers, 2017.
Organiser, s'informer, rencontrer : quelques gratifications du militantisme politique en période de campagne électorale (Clamart citoyenne, 2014).
L'expérience militante et le capital de relations constitué à cette occasion (de façon délibérée ou pas) peuvent aussi faciliter l'insertion sur le marché du travail ou des reconversions. Certains trouvent (sans nécessairement les rechercher) des clients, des commandes ou des façons gratifiantes d'exercer leur profession en la mettant au service d'un idéal16. Pour les plus investis, le militantisme est encore un espace de sociabilité, d'intégration, d'amitié, parfois de vie amoureuse, de convivialité et de loisir. Il peut avoir un parfum d'aventure rompant les routines de la vie courante. Il donne par exemple quelques frissons quand il faut coller des affiches de nuit sous la menace de groupes adverses ou, dans un autre domaine, quand des bénévoles doivent assurer une mission dans des pays en proie à la guerre civile. Dans le cas des intellectuels, le militantisme donne des titres à intervenir dans les débats publics, des accès à des tribunes, des débouchés de publication, des occasions de confrontation avec des pairs consacrés, et des gains de notoriété.
Dans tous ces cas, les chances de profits dans des univers extérieurs à l'action collective constituent des mécanismes de rétribution internes. Des multi-positionnements dans des champs distincts peuvent permettre de mobiliser des ressources intellectuelles dans des univers militants et de mobiliser des expériences militantes dans la production intellectuelle. Dès lors, et tant qu'ils sont pris par leur engagement, les militants attachent le plus souvent du prix (en pratique, sans en avoir toujours pleinement conscience, et parfois dans le déni) à ces satisfactions, dont les propriétés de rétribution dépendent – on y reviendra – de cette valorisation. L'appropriation et les obstacles à l'appropriation de ces satisfactions, de même que les fluctuations de la valeur qui leur est accordée, sont du même coup un important élément de compréhension et d'explication (parmi d'autres) des investissements et désinvestissements militants. Les satisfactions de toutes natures retirées du militantisme favorisent l'orthodoxie et la réduction des gratifications contribue aux défections et oppositions internes. L'ordre interne d'une organisation dépend ainsi des possibilités de rétribution de ses membres, et certains traits de l'activité ou de l'agencement des organisations (par exemple la multiplication de « responsabilités » à divers niveaux) procèdent de cet impératif.
Il faut également rendre compte des ressorts qui conduisent des femmes et des hommes à s'imposer des renoncements et à prendre des risques, parfois considérables. D'un point de vue extérieur, mais aussi, plus ou moins, d'un point de vue de certains participants, l'engagement est « coûteux » en temps, en énergie, en disponibilité, en pénibilité, en sacrifices et en préjudices, qu'ils soient effectifs ou potentiels. D'autant que les gratifications générées par un engagement sont susceptibles d'être concurrencées par d'autres obligations, bonheurs et récompenses de la vie familiale, amoureuse, scolaire ou professionnelle ou par des investissements alternatifs. La fragilité et, dans certains cas, la faiblesse des processus d'intéressement au militantisme sont au principe de la volatilité et du renouvellement des effectifs. Ce sont des composantes structurelles des organisations et mobilisations collectives.
Local de campagne de Bernard Marionnaud, Rassemblement Bleu Marine, Clamart, 2014.
Les paradoxes de l'économie symbolique du militantisme
L'hypothèse de rétributions du militantisme revêtait par le passé et revêt encore, bien que de manière sans doute affaiblie, des connotations iconoclastes et hérétiques auprès des militants et aussi, par extension, dans certains milieux académiques. Des résistances affleurent sous des objections d'allure théorique. L'analyse des rétributions serait partielle et partiale. Elle conduirait à négliger d'autres dimensions comme « la constitution de collectivités identifiantes »17, les passions, les émotions et les affects18, ou les bonheurs du don de soi. Elle s'inscrirait dans une étroite anthropologie utilitariste et machiavélienne et reprendrait à son compte la vision simpliste d'un homo economicus calculateur19. Ces objections reposent sur des incompréhensions de l'économie symbolique du militantisme et sur des malentendus plus ou moins intéressés20.
Calculs conscients ou scotomisation des appropriations pratiques ?
La quête délibérée de bénéfices associés à l'activité militante existe. Elle s'est peut-être récemment développée en raison de diverses transformations qui seront examinées plus loin. On rencontre désormais des membres de parti politique qui expliquent leur adhésion par le souci de trouver un emploi ou de s'engager dans une carrière politique. Mais ce rapport à l'engagement ne doit pas être généralisé. Il est d'ailleurs l'objet de critiques dans les univers militants au sein desquels on peut dorénavant observer un affrontement entre des conceptions bénévoles « désintéressées » et des stratégies ouvertement instrumentales21.
Dans l'engagement « désintéressé », la quête délibérée de gratifications est rare, et encore plus rarement systématique. Les rétributions sont appropriées dans le cours et dans la « logique » des pratiques militantes, sans avoir été délibérément recherchées comme telles. Frederik G. Bailey souligne à juste titre que « les services que l'on rend par amour sont des services que l'on ne fait pas payer et, que dans la véritable relation morale, le service est à lui-même sa propre récompense22. Une cause est un bien symbolique collectif, mais la lutte en sa faveur est une récompense, et donc une « incitation », sélectivement réservée à ceux qui s'engagent. L'attachement à une cause et la satisfaction de défendre des convictions donnent un sens à la vie et à l'activité de beaucoup de militants. De leur point de vue, les autres satisfactions passent inaperçues ou viennent en sus, de manière accessoire. Dans cette perspective, l'adhésion ne peut pas s'expliquer par le seul calcul rationnel de chances de profit. Il y a bien des comportements « cyniques » dans les univers militants et leur fréquence est peut-être en augmentation. Il n'en résulte pas que tous les comportements le soient.
Congrès du Parti socialiste, Valence, 1981 ; Congrès Europe écologie-Les Verts, Pantin, 2016.
Les états de « conscience » (ou, mieux, d'aperception) de pratiques et de représentations socialement censurées, comme le sont les rétributions d'une activité officiellement bénévole, sont difficiles à observer et à décrire. L'appropriation de telles rétributions s'opère souvent en pratique, en dehors de toute explicitation réflexive. Elle se donne à voir, par exemple, dans les jubilations des retrouvailles à l'occasion des réunions, l'atmosphère joyeuse des repas qui les prolongent, l'agencement minutieux d'un ordre hiérarchique dans diverses circonstances, les valorisations des accès aux estrades, les oppositions entre la salle et la tribune ou les effervescences au moment des nominations à des postes de responsabilité. Ces rétributions ne sont pas seulement appréciées et, dans certains cas, enviées et convoitées. Elles sont confusément, partiellement, mais minimalement, « perçues », ou mieux aperçues.
D'un côté, certains militants ne voient pas et ne veulent pas voir que leurs investissements donnent lieu à des « récompenses » et, encore moins que leurs investissements sont soutenus par des « récompenses ». L'appropriation des rétributions pourrait alors être décrite comme « inconsciente ». Toutefois, dans certaines circonstances, par exemple dans le cours de confidences en « privé » ou d'un entretien, lorsqu'ils se remémorent des moments privilégiés de leur parcours, ou bien leurs déceptions et leurs frustrations, des militants font allusion à des mécanismes de rétribution. L'accent est alors mis sur l'interférence des considérations personnelles dans l'engagement, sur des épisodes de luttes pour la conquête des positions de pouvoir interne, sur les promotions, les performances des uns et des autres, les satisfactions retirées de certains « faits d'arme » ou les bonheurs de l'action en groupe. Qu'elle soit gourmande ou chargée de ressentiment, l'évocation de souvenirs militants fournit des éléments d'objectivation de l'importance accordée en pratique aux composantes rétributives du militantisme, souvent de manière allusive, ironique, en passant, avec gêne, à demi mots et en multipliant les sous-entendus et les silences. L'hypothèse de mécanismes de rétribution « inconscients » est donc aussi inadéquate que la présupposition d'une quête délibérée de profits divers sous couvert d'engagement bénévole.
Même si ces deux rapports opposés au militantisme existent et peuvent être observés, on peut se demander si les plus fréquents ne se situent pas dans un entre deux plus ou moins dominé par le refoulement ou l'explicitation. Dans beaucoup de cas, les rétributions du militantisme sont à la fois censurées, refoulées et déniées, mais aussi confusément aperçues et partiellement explicitées dans certaines circonstances. Elles sont à la fois présentes et absentes dans les subjectivations des militants. Les mêmes personnes peuvent trahir en pratique et dans des récits l'importance qu'elles attachent à certaines gratifications et les traiter comme secondaires ou dérisoires quand elles sont confrontées à des explicitations. Certains peuvent se braquer devant l'analyse à caractère sociologique et consacrer une attention minutieuse au dévoilement polémique des intérêts à l'engagement.
Mieux que l'analogie de « l'inconscient », c'est donc peut-être celle de la scotomisation, comme glissements alternatifs de tableaux perceptifs opposés, qui peut rendre compte de la succession de phases de dénégation et d'explicitation. Les défenses se relâchent dans certaines situations, par exemple dans les moments d'exaltation ou d'emportement ou, à l'inverse, de retour sur soi et de confidence entre proches. Elles se réarment dès que des éléments de contexte ou une objectivation trop dérangeante incitent à revenir à plus d'orthodoxie. Pour rendre compte de telles dualités, on peut s'appuyer sur la distinction proposée par Frederik G. Bailey entre les « règles pragmatiques » privilégiées par les « équipes contractuelles », qu'il faut suivre pour être efficace, même si elles sont répréhensibles, et les « règles normatives », en honneur au sein des « équipes morales », qui commandent de faire ce qui est bien et admis par tous. On peut ainsi penser que les représentations et les comptes rendus des militants sont indissociablement et inextricablement « pragmatiques » et « normatifs », en proportions variables selon les organisations, les individus, les moments d'une carrière et les contextes historiques. Ce sont les circonstances de l'activation qui conduisent à mettre l'accent sur l'une ou l'autre composante. Les aspects normatifs semblent l'emporter dans les situations où il faut affirmer ou restaurer les représentations officielles, notamment sur les scènes publiques et dans les moments « forts » de la vie du collectif, alors que les aspects pragmatiques seraient davantage présents en « privé », dans les moments d'abandon, de bilan, de confidence, de dénigrement ou de découragement.
Si de tels glissements de registres sont possibles, c'est aussi parce que les rétributions sont produites dans la logique des finalités de l'action collective. C'est en s'investissant dans une cause que les militants retirent des satisfactions de leur engagement. L'adhésion à la cause n'est donc pas un élément indépendant et distinct des intérêts militants qui serait invoqué pour les justifier ou les occulter, mais une composante le plus souvent intrinsèquement attachée à tout ce qui donne du prix au militantisme. Ce sont les finalités officielles de l'action collective, telles qu'elles sont perçues par chaque participant, qui donnent du sens et de la valeur aux rétributions. Corrélativement, un peu de tiédeur dans l'adhésion à une cause affecte rapidement la saveur des satisfactions que l'on éprouve en agissant pour elle.
Action anti paradis fiscaux, collectif Faucheurs de chaises.
Les effets de la carrière militante
L'entrée en militantisme est le résultat d'une rencontre entre des dispositions à l'engagement et des propriétés de situations qui favorisent l'activation de ces dispositions en raison des hasards des rencontres, de la disponibilité des nouvelles recrues, des efforts déployés pour les attirer, de l'attractivité de la cause, et des bénéfices liés à l'adhésion que le nouvel adhérent découvre dans le processus même de son engagement. Ces bénéfices peuvent résulter de réactions positives de l'entourage, de la possibilité de donner satisfaction aux sollicitations de proches significatifs, de la considération manifestée par le groupe des pairs auquel on souhaite s'agréger, de l'affirmation de soi dans un nouvel univers, ou encore de la découverte des joies et menus plaisirs des nouvelles activités.
L'entrée dans l'univers militant n'est pas toujours, ou n'est pas seulement, gouvernée par l'adhésion à une cause collective et le souci d'œuvrer en sa faveur. Outre des dispositions à investir dans une activité militante déterminée23, l'adhésion suppose une disponibilité qui est souvent la conséquence d'évolutions ou d'incidents biographiques indépendants. Les militants eux-mêmes suggèrent, au détour d'une phrase, comment des déceptions ou des insatisfactions familiales, sentimentales, scolaires, professionnelles, militantes, ou encore un déménagement, un divorce, la retraite, des problèmes de santé, ou l'isolement, les ont incités à rejoindre une organisation collective. L'adhésion est un investissement dans un nouvel univers souvent corrélatif d'un désinvestissement d'une sphère de vie concurrente. Ce désinvestissement peut être individuel et s'inscrire dans des trajectoires idiosyncrasiques, ou résulter de transformations plus générales et prendre un aspect davantage collectif quand l'insatisfaction est partagée par une classe d'individus, comme, par le passé, les reconversions militantes de malaises ressentis par de nombreux enseignants, ou l'entrée dans le mouvement social d'ouvriers confrontés aux contradictions engendrées par leur ascension sociale24.
L'adhésion est le moment officiellement inaugural d'un itinéraire que l'on peut analyser comme une carrière25, c'est-à-dire comme une trajectoire résultant d'un ensemble d'interactions inscrit dans des structures et produisant une suite d'événements, d'expériences, de positions, et de points de vue. L'une des propriétés des carrières militantes est qu'elles génèrent souvent des changements de perspective26. Dans le cours de ces processus, on peut observer des affermissements ou des affaiblissements des raisons d'adhérer à la cause, le renforcement des certitudes ou des doutes, la découverte et la valorisation de certaines rétributions ou, à l'inverse, la perte d'appétence pour ce qui était antérieurement prisé comme des bonheurs de l'engagement. La manière dont les militants découvrent et viennent à apprécier les rétributions de leurs activités présente des analogies avec les apprentissages des sensations dans la carrière de fumeur de marijuana analysés par Howard Becker. C'est dans cette logique qu'il faut intégrer, et non opposer, à l'analyse des rétributions, la question des émotions, du don de soi et des identifications au mouvement collectif.
Les carrières militantes sont variables. Les dispositions, les disponibilités et l'enchaînement des circonstances conduisent certains à un engagement durable. Il peut s'accompagner d'un renforcement des raisons de croire et parfois aussi de l'apprentissage des principes doctrinaux et de la maîtrise de l'équipement cognitif de l'idéologie collective du mouvement27. Ces effets diffus d'éducation peuvent être confortés par des formations explicites mises en place à divers niveaux28. La contribution du militantisme à l'accumulation du capital culturel des militants est d'autant plus forte que ces derniers ont moins de ressources culturelles personnelles, notamment de capital scolaire. Des adhérents peu portés sur les questions politiques au moment de leur adhésion peuvent se politiser et acquérir des éléments plus ou moins développés de compétence politique cognitive et statutaire dans le cours de leur engagement29. C'est de cette manière que le mouvement ouvrier a pu dans le passé attirer et sélectionner des dirigeants issus des milieux populaires, à contre courant des processus habituels de recrutement du personnel politique.
Ministres communistes, 1981.
Dans d'autres profils de carrière, les séquences d'investissement, désinvestissement et parfois de réinvestissement, se succèdent au fil des inflexions d'intérêt et des reconversions dans les sphères de vie concurrentes. On observe alors des évolutions des raisons de croire, des interprétations de la cause et de l'importance accordée aux diverses gratifications de l'action militante aux divers moments des trajectoires.
Les changements de point de vue au fil des carrières montrent aussi que les rétributions du militantisme n'existent pas en soi, objectivement, mais que divers composantes des univers militants acquièrent des propriétés de rétribution dans la mesure où des militants investissent certaines d'entre elles et en retirent progressivement des satisfactions. Les mêmes traits de fonctionnement qui stimulent l'investissement militant de ceux qui sont pris par l'action collective peuvent laisser indifférents ceux qui restent à l'écart. Ceux qui sont pris à un moment de leur itinéraire peuvent se déprendre à d'autres moments. La valeur accordée aux rétributions et aux opportunités de rétributions dépend par exemple des contraintes et satisfactions des autres « sphères » de la vie personnelle. La valeur des bénéfices de convivialité et d'intégration associés au militantisme varie par exemple selon que l'on est professionnellement actif ou pas, célibataire ou chargé de famille. L'ampleur des contraintes professionnelles et l'idée même de contrainte professionnelle dépendent de la nature de l'activité professionnelle et de l'importance qu'on lui attache.
Les « coûts » de l'action collective
Car, comme les rétributions, les coûts de l'action militante ne présentent pas le caractère objectiviste que leur assignent ceux qui s'étonnent des « paradoxes de l'action collective ». Ce qui peut apparaître à des observateurs extérieurs ou à des militants sur le retrait comme des renoncements ou des risques, est méconnu, minimisé ou perçu comme une conséquence négative supportable, une nécessité ou un sacrifice de grande portée par les plus investis. De même, il faut des investissements vigoureux, garantis par de puissants mécanismes d'attachement, pour s'engager dans une action collective au « péril » (« objectif ») de sa vie, de l'équilibre de sa famille ou de sa réussite professionnelle.
Dans certains contextes, ce que des observateurs extérieurs seraient enclins à apprécier comme un « coût » est une source de satisfaction, attestant de l'authenticité d'un engagement, aux yeux des plus militants. Le sentiment de la sujétion, du renoncement, du risque, de la privation ou du sacrifice s'affaisse, et peut peut-être aller jusqu'à disparaître, pour ceux qui ne connaissent pas d'investissements concurrents à leur militantisme. Dans les états d'adhésion « fusionnelle » à une cause et à l'action collective en sa faveur, comme c'est sans doute le cas pour certains dans des périodes de forte mobilisation, l'engagement n'apporte que des satisfactions et ne supporte pas de coût.
Dans les conjonctures plus routinières, une des propriétés des rétributions est seulement d'inciter les militants à minimiser les coûts de leur engagement. Les composantes subjectivement négatives de l'expérience militante prennent à l'inverse davantage de relief quand les « mécanismes » de « récompense » s'affaiblissent, ou quand s'érode la valeur des rétributions. À la limite, le militantisme ne présente plus que des inconvénients, sujétions, risques, pertes de temps ou contraintes, quand les raisons d'investir disparaissent.
Nuit debout : de la mobilisation à sa routinisation/répression.
C'est sans doute à ce moment que le regard rétrospectif sur la carrière militante est le plus détaché des représentations normatives officielles, le moment où les rétributions s'explicitent, où les considérations pragmatiques l'emportent, où le parti pris de dénigrement peut conduire à des comptes rendus biaisés et réducteurs, ignorant les croyances et les satisfactions antérieurement retirées de l'engagement en faveur d'une cause alors tenue pour juste. C'est peut-être dans diverses configurations intermédiaires, lors du « tiédissement » des convictions et d'un désinvestissement naissant qu'une mise en regard minimale des coûts et des gratifications – ce qui ne veut pas dire un calcul coût/bénéfice explicite et systématique – se met en place. Quand la foi est moins intense et l'engagement moins « fusionnel » certains commencent à compter leur temps et à mesurer leur participation. L'engagement repose alors peut-être davantage sur les mécanismes de rétribution distincts des satisfactions retirées de la défense de la cause. Dans ces configurations, les notions de rétributions et de coût de l'engagement seraient en affinité avec des perceptions subjectives fugaces des militants et donc plus adéquates tant du point de vue de l'explication que de la compréhension. Ces notions se heurtent en revanche davantage au sens commun militant dans les phases les plus fusionnelles. Elles demeurent appropriées du point de vue de l'explication quand le corps d'hypothèses qui les mobilise incorpore une analyse des conditions de leur (in)adéquation pour la compréhension du sens vécu des militants.
Spécificités des organisations et potentialités de rétributions
Chaque organisation ou mouvement social se caractérise par un ou plusieurs « styles de fonctionnement », du fait de ses orientations idéologiques, des propriétés de ses membres (âge, niveau culturel, milieux sociaux, goûts et manières d'être), et de ses modes d'organisation et d'action. Ces modes de faire et d'être collectifs sont susceptibles d'être appropriés et investis par les membres et de fonctionner comme mécanismes de rétribution, mais aussi de sélection. La teneur des débats internes sera par exemple plus « intellectuelle » si une part significative des adhérents a suivi des études supérieures et si les orientations idéologiques et politiques sont davantage intellectualisées. L'orientation « théorique » des débats attirera ceux qui valorisent les échanges de vues sur les questions politiques du moment, mais éloignera d'autres adhérents qui trouveront les discussions oiseuses ou se sentiront dépassés. Les réunions organisées à « la bonne franquette » autour d'un apéritif seront volontiers suivies par ceux qui apprécient de passer un moment de détente avec des proches, mais susciteront les sarcasmes de ceux qui entendent privilégier les échanges politiques.
Une organisation ou un mouvement attire et retient des individus disposés à accorder du prix à tout ou partie des opportunités de rétributions que son activité est susceptible de générer. Elle laisse indifférent ou éloigne ceux qui ont d'autres dispositions30. Il s'ensuit que l'emprise d'une organisation collective dépend de l'ajustement entre les dispositions et les attentes de ses membres d'une part, et sa structure d'offre de gratifications ou de potentialités de gratifications d'autre part. Dans le passé, les « partis ouvriers » ont ainsi réussi à attirer et à conserver dans leurs rangs des militants issus de milieux populaires et intellectuels du fait d'une palette assez large associée à diverses segmentations internes. Les possibilités de formation générale ouvertes par le réseau « d'écoles » du PCF à certains moments de son histoire ont favorisé l'attachement de militants conscients de leurs lacunes et soucieux de s'ouvrir à la culture légitime31. Dans le même sens, les possibilités d'ascension sociale ouverte par ce parti à certaines périodes ont satisfait les attentes en ce sens ou le ressentiment de déclassés de certains de ses permanents32. C'est donc aussi à travers l'analyse des rétributions différentielles ménagées en pratique par les logiques de fonctionnement que l'on peut éclairer les différences de composition qui distinguent les partis, les syndicats et les associations entre eux et les uns par rapport aux autres.
Bernard Pudal, « La beauté de la mort communiste », Revue française de science politique, n° 5-6, 2002, p. 545- 559.
La structure d'offre et d'opportunités de rétributions d'un mouvement est évolutive. Elle se transforme avec le cours de l'histoire, les changements des orientations, de l'organisation et de la composition internes, ou de la position relative de l'organisation dans les champs de concurrence dans lesquels elle se trouve située. Ainsi, la croissance et l'ascension d'un parti, combinées avec l'élargissement de sa représentativité, de sa notoriété, de son assise institutionnelle et de la reconnaissance médiatique, modifient le style de fonctionnement. Au fur et à mesure qu'il s'établit dans le champ politique, il offre des postes de valeur croissante. Il doit recruter, en même temps qu'il est en mesure d'attirer, des collaborateurs, des experts, des spécialistes et des personnalités titrées. Corrélativement, il éloigne ou marginalise les adhérents moins dotés en ressources personnelles33.
L'attractivité de la cause
La valeur attribuée aux rétributions dépend aussi de l'attractivité relative de la cause défendue. Les partis, syndicats et associations sectorielles sont en concurrence entre eux et aussi les uns avec les autres, sans oublier la concurrence entre les investissements militants et les autres investissements sociaux. La chute des effectifs des partis depuis plusieurs décennies est en lien avec l'affaiblissement des croyances dans la portée du politique dont il serait trop long de discuter ici les multiples facteurs34. Les pertes d'adhésion ont provoqué des transferts d'investissements des partis vers les « sphères » de la vie privée et parfois des reconversions du militantisme partisan vers certains secteurs du champ associatif.
L'économie (non monétaire et non marchande) des investissements et des profits qui fonde l'action collective s'affaisse quand l'adhésion à la cause tend à s'affaiblir35. Il faut croire un tant soit peu à la valeur et à la portée de la cause pour que les actions menées en sa faveur engendrent des satisfactions, par exemple pour que l'occupation de positions de pouvoir interne soit source de fierté. Telle qu'elle est définie par chaque participant, la cause donne sens à toutes les rétributions qui renforcent les dispositions à s'engager. L'investissement dans la cause constituée par l'action collective est bien une condition de possibilité des rétributions du militantisme.
Conclusions théoriques et normatives
L'existence de rétributions du militantisme est une hypothèse sociologique. Elle fournit des instruments de rupture avec les explications spontanées, souvent naïves et intéressées, des activités militantes. Elle est une composante centrale d'un ensemble de propositions théoriques permettant de rendre compte des investissements militants dans une action collective. Ces hypothèses ne cherchent nullement à rabaisser ou à dénigrer les engagements collectifs. Elles permettent au contraire de mieux comprendre les conditions qui les rendent possibles et celles qui contribuent à leur affaissement. On peut bien sûr s'interroger sur les effets de désenchantement que pourrait générer la diffusion de ces hypothèses au-delà des cercles académiques. Ce serait toutefois leur accorder beaucoup de poids que de penser qu'elles ont contribué au reflux de l'engagement collectif dont les causes sont multiples et largement extérieures aux travaux des sciences sociales. Dans la mesure où « l'enchantement » subsiste, les militants savent d'ailleurs trouver et mobiliser des ressources de dénégation. Si certains – sans doute peu nombreux – ont été ébranlés par les analyses « réalistes » des sciences sociales, c'est sans doute moins en raison d'un effet de dévoilement intrinsèque, que du fait d'intérêts au dévoilement associés à des processus de désinvestissement. D'un point de vue normatif, on peut se demander en quoi une pratique enchantée mais « aveugle » aux conditions de son enchantement serait préférable à des investissements plus lucides. On peut même soutenir qu'en matière de militantisme, la lucidité et « l'authenticité » pourrait se compléter.
La sociologie des rétributions du militantisme est une contribution à l'analyse sociologique de l'autonomie relative du politique. Les partis sont des entreprises d'intérêts. Ils prennent en charge les intérêts sociaux « externes », par exemple ceux de leurs électeurs, – qui sont aussi ceux de leurs adhérents – comme par surcroît, dans la logique et les limites de leurs intérêts propres. Les militants sont partie-prenante de ces entreprises d'intérêts. La prise en compte des rétributions du militantisme est, en ce sens, une généralisation de la théorie du politique d'inspiration wébérienne. Les militants contribuent aux activités des partis, comme par surcroît, dans la logique et les limites de leurs rétributions.
Ces mécanismes de rétributions contribuent également aux divers ancrages sociaux des partis. Du fait des types de gratifications qu'ils sont en mesure de générer, les partis attirent et s'attachent des femmes et des hommes issus de milieux déterminés. Ils contribuent par là-même à consolider leurs relations avec ces milieux36. Ainsi, par le passé, grâce à divers « mécanismes » de rétributions, les partis ouvriers ont été en mesure de recruter et de former des militants issus de milieux populaires. Ils ont favorisé leur promotion et ont réussi à diversifier l'origine des élites politiques et à endiguer minimalement la « loi » sociologique qui veut que les gouvernants soient issus des milieux sociaux dominants. Pour un ensemble complexe de raisons, ces mécanismes de rétributions se sont considérablement affaissés. Dans le même temps, le militantisme ouvrier s'est tari et les liens entre ces partis et leurs anciennes bases sociales se sont distendus. Analyser les rétributions du militantisme, ce n'est donc pas dénigrer l'engagement bénévole, mais plutôt démonter les merveilles d'une ingénierie politique spontanée, dont les potentialités ont été quelque peu perdues et mériteraient d'être restaurées.
Notes
1
Daniel Gaxie, Les Professionnels de la politique, Paris, PUF, 1973.
2
Notamment Karl Marx, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, Paris, Ed. Sociales, 1963 et Les Luttes de classes en France 1848-1850, Paris, Ed. Sociales, 1967.
3
Seymour M.Lipset, Stein Rokkan, Party Systems and Voter Alignments : Cross National [international] Perspectives, New York, The Free Press, 1967 ; Cleavage Structures, Party Systems, and voter Alignments : An Introduction, in Seymour M.Lipset, Stein Rokkan, Party Systems and Voter Alignments : Cross National [international] Perspectives, New York, The Free Press, 1967, p. 1-64.
4
Joseph Schumpeter, Capitalisme, socialisme et démocratie, Paris, Payot, 1967, p. 385.
5
Max Weber, Le Savant et le politique, Paris, Plon, 1959.
6
Max Weber, Économie et société, Paris, Plon, 1971, p. 55. Pour Weber, une « entreprise » est un type particulier d'activité sociale. Lorsqu'il évoque les entreprises politiques ou hiérocratiques, il ne raisonne pas par analogie, et encore moins par la mobilisation de « métaphores » économiques. Comme les entreprises politiques ou hiérocratiques, les entreprises économiques sont, dans sa construction théorique, des formes particulières d'activités continues en finalité, qui constituent elles-mêmes une classe particulière d'activité sociale.
7
Max Weber, Le Savant et le politique, Paris, Plon, 1959, p. 149.
8
Jacques Ion, La Fin des militants ?, Paris, Les éditions de l'Atelier, 1997 ; Rémi Lefebvre, « Le militantisme socialiste n'est plus ce qu'il n'a jamais été. Modèle de l'engagement distancié et transformations du militantisme au parti socialiste », Politix, vol. 2, n° 102, 2013, p. 7-33 ; Isabelle Lacroix, « ‘C'est du vingt-quatre heures sur vingt-quatre’. Les ressorts de l'engagement dans la cause basque en France », Politix, vol. 2, n° 102, 2013, p. 35-61.
10
Pierre Bourdieu, Raisons pratiques. Sur la théorie de l'action, Paris, Seuil, 1994, p. 164.
11
Max Weber, Le Savant et le politique, Paris, Plon, 1959, p. 124.
11
Max Weber, Le Savant et le politique, Paris, Plon, 1959, p. 156.
12
Mancur Olson, The Logic of Collective Action. Public Goods and the Theory of Groups [1965], Cambridge, Massachusetts, Harvard University Press, 1974.
13
Daniel Gaxie, « Économie des partis et rétributions du militantisme », Revue française de science politique, vol. 27, n° 1, février 1977, p. 123- 154.
14
Annie Collovald, « Pour une sociologie des carrières morales et des dévouements militants », in A. Collovald (dir.), L'Humanitaire ou le management des dévouements. Enquête sur un militantisme de « solidarité internationale » en faveur du Tiers-Monde, Rennes, PUR, 2002, p. 177-229.
15
Voir en ce sens les exemples analysés par Cécile Péchu, « Les générations militantes à Droit au logement », Revue française de science politique, vol. 51, n° 1-2, 2001, p. 73-103.
16
Comme des médecins qui s'engagent dans des causes humanitaires analysées par Johanna Siméant, « Entrer, rester en humanitaire. Des fondateurs de Médecins sans frontières aux membres actuels des ONG médicales françaises », Revue française de science politique, vol. 51, n° 1-2, 2001, p. 47-72.
17
Alessandro Pizzorno, « Sur la rationalité du choix démocratique », in P. Birnbaum, J. Leca (dir.), Sur l'individualisme, Paris, Presses FNSP, 1986, p. 352.
18
Philippe Braud, L'Émotion en politique, Paris, Presses de Sciences Po, 1996 ; Christophe Traïni, Émotions… Mobilisation, Paris, Presses de Sciences Po, 2009.
19
Philippe Corcuff, « Les usages utilitaristes de la sociologie de Pierre Bourdieu dans la science politique française », Revue suisse de science politique, vol. 8, n° 2, 2002, p. 133-143.
20
Daniel Gaxie, « Rétributions du militantisme et paradoxes de l'action collective », Revue suisse de science politique, vol. 11, n° 1, 2005, p. 157-188.
21
Martin Baloge, Les Critiques de l'institution partisane des militants socialistes, Paris, Université de Paris 1, Mémoire pour le Master recherche en Science politique, 2010.
22
Frederik G. Bailey, Les Règles du jeu politique, Paris, P.U.F, [1969] 1971, p. 58.
23
En ce sens, Johanna Siméant montre comment le militantisme humanitaire séduit notamment ceux qui ont le goût du risque et de la vie communautaire en raison de divers facteurs, comme une socialisation catholique dans une famille nombreuse, la pratique du scoutisme et la fréquentation de diverses institutions totales. Voir Johanna Siméant, « Entrer, rester en humanitaire. Des fondateurs de Médecins sans frontières aux membres actuels des ONG médicales françaises », Revue française de science politique, vol. 51, n° 1-2, 2001, p. 47-72.
24
Bernard Pudal, Prendre parti. Pour une sociologie historique du PCF, Paris, Presses FNSP, 1989.
25
Howard S. Becker, Outsiders. Études de sociologie de la déviance [1963], Paris, Métailié,1985.
26
Olivier Fillieule, « Propositions pour une analyse processuelle de l'engagement individuel. Post scriptum », Revue française de science politique, vol. 51, n° 1-2, 2001, p. 199-215 et Olivier Fillieule (dir.), Le Désengagement militant, Paris, Belin, 2005.
27
Daniel Gaxie, Le Cens caché. Inégalités culturelles et ségrégation politique, Paris, Le Seuil, 1993.
28
Nathalie Ethuin, « De l'idéologisation de l'engagement communiste. Fragments d'une enquête sur les écoles du PCF (1970-1990) », Politix, vol. 16, n° 63, 2003, p. 145-168.
29
Daniel Gaxie, Le Cens caché. Inégalités culturelles et ségrégation politique, Paris, Le Seuil, [1978] 2002.
30
Cécile Péchu analyse des exemples intéressants de militants d'une association d'aide au logement des personnes en difficulté qui ont rejoint le secteur associatif après avoir quitté le parti socialiste. L'un d'eux explique le malaise multiforme qu'il ressentait au sein de ce parti. Il évoque son rapport au langage et ses difficultés d'élocution qui le tenaient à l'écart des affrontements internes, son peu de goût pour les luttes de pouvoir, et l'absence d'intérêt des membres de sa section pour les problèmes des immigrés qui lui tiennent à cœur et dont il voulait promouvoir la prise en charge politique. Cf. « Les générations militantes à Droit au logement », Revue française de science politique, vol. 51, n° 1-2, 2001, p. 82.
31
Nathalie Ethuin, « De l'idéologisation de l'engagement communiste. Fragments d'une enquête sur les écoles du PCF (1970-1990) », Politix, vol. 16, n° 63, 2003, p. 145-168.
32
Bernard Pudal, « Le désengagement de Gérard Belloin : de l'engagement communiste à l'auto-analyse », in O. Fillieulle (dir.), Le Désengagement militant, Paris, Berlin, 2005, p. 155-169.
33
Voir l'exemple du parti socialiste analysé par Rémi Lefebvre, Le Socialisme saisi par l'institution municipale (des années 1880 aux années 1980). Jeux d'échelles, Lille, Université de Lille 2, Thèse pour le doctorat en science politique, 2001.
34
Daniel Gaxie, « Les critiques profanes de la politique. Enchantements, désenchantements, ré-enchantements », in J-L. Briquet, P. Garraud (dir.), Juger la politique, Rennes, PUR, 2001, p. 17-240 ; « Sur l'humeur politique maussade des démocraties représentatives », in O. Mazzoleni (dir.), La Politica allo specchi. Istituzioni, partecipazione e formazione alla cittadinanza, Bellinzona, Giampiero Casagrande editore, 2003, p. 109-136 ; « Plus ça va, moins j'y crois à la politique. Adhésions et pertes d'adhésion cycliques au politique », in SPEL, Les Sens du vote. Une enquête sociologique (France 2011-2014), Rennes, PUR, 2016, p. 179-194.
35
C'est sans doute l'une des raisons qui ont favorisé les transformations des rapports à l'action collective et l'apparition d'engagements plus calculés, parfois ouvertement instrumentaux.
36
En ce sens, Frédéric Sawicki, Les Réseaux du Parti socialiste. Sociologie d'un milieu partisan, Paris, Belin, 1997.
Bibliographie
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