Le programme de recherche sur les procès historiques du terrorisme et l’équipe ProMeTe

« Avec tous ces procès des filières djihadistes et puis la longueur des futurs procès historiques… il n’y a que les chercheurs qui peuvent venir tous les jours ! » (Propos d’une journaliste de la presse judiciaire, mars 2019)

Qualifié « d’historique » car filmé et enregistré par les Archives nationales en vertu de la loi Badinter de 1985, le procès des attentats du 13 novembre a constitué officiellement le deuxième procès « historique du terrorisme » (septembre 2021-juin 2022) après celui des attentats de janvier 2015 et avant le troisième « procès historique des attentats de Nice de 2016 » qui s’est ouvert en septembre 2022. Afin d’interroger cette labellisation et ses effets, l’équipe ProMeTe travaille sur les enjeux d’un tel archivage, bien sûr au niveau des films et de leur production, mais aussi à l’échelle plus globale de la couverture médiatique et des récits des autres acteurs qui progressivement constitueront les « mémoires » de ces nombreux mois d’audience. Complétant notre travail ethnographique in situ entre observation et production de données (entretiens, questionnaires, photos, sons et recueil de documents tels que les témoignages écrits et notes des parties civiles), nous avons mis en place avec nos partenaires des Archives nationales, de l’Ina et de la Bibliothèque nationale de France, un dispositif de « moissonnage » du web. L’objectif est de pouvoir ainsi archiver la couverture médiatique du procès dans la presse écrite, à la télévision ou à la radio. Ce dispositif intègre également, depuis septembre 2020 et le procès des attentats de janvier 2015, un suivi et un archivage des live-tweets de l’audience ou des mots-dièse (#, hashtag) relatifs au procès (#13novembre, #procès13novembre, etc.). L’intérêt est de constituer un corpus d’archives des plus complet en intégrant les futures questions de recherche des chercheur.es.

Parallèlement à la restitution et à l’étude du rituel de l’audience et de ses évolutions permanentes, notre deuxième axe de recherche a pour objet de reconstituer et d’interroger le « récit du droit », lequel débute bien avant le procès à travers les législations et doctrines qui progressivement structurent la qualification du terrorisme et en font un objet judiciaire singulier, oscillant en permanence entre droit de la paix et droit de la guerre. Ce « récit du droit » se fabrique par la suite au cours des audiences pour finalement se voir inscrire dans les motivations de jugement. Ces enjeux juridiques nombreux, dans le cadre singulier du traitement de la violence terroriste, ouvrent la voie à des tensions fortes en particulier sur le respect des droits de la défense et des règles du procès équitable. Dans ce contexte, la question des accusés et de leurs lignes de défense doit également être intégrée afin d’étudier de manière interactionniste, en considérant donc les logiques du débat contradictoire, les éléments d’engagement et de l’action violente et la manière dont ils sont traités à l’audience.

Enfin, le troisième élément qui organise notre travail collectif concerne la place et le rôle des parties civiles et des victimes. Ces procès historiques font suite aux attentats de 2015 et de 2016 ayant particulièrement marqué la société́ française. Au sein du contentieux récent, ils comptent également parmi les premiers procès liés au terrorisme où les victimes seront présentes, nombreuses et au centre de la procédure. En examinant le rôle des parties civiles et des associations de victimes dans ces procès, cet axe se déploie dans deux perspectives complémentaires.

D’une part, il interroge ce que la présence de victimes fait à l’institution judiciaire. Que devient la justice quand elle touche un si grand nombre de personnes, c’est-à-dire autant de victimes directes et indirectes mais également potentiellement la société́ française entière ? Comment la présence des victimes travaille-t-elle les logiques du droit et de l’audience ? Des formes de justice restaurative – c’est-à-dire de dialogues entre les parties, et en particulier les victimes et les auteurs présumés de crimes – s’esquissent-elles durant ces rituels judiciaires ?

D’autre part, qu’est-ce que le procès fait aux victimes et à leurs représentants ? Comment devient-on partie civile dans un procès lié au terrorisme ? Qu’est-ce que les victimes attendent de ces audiences ? Que signifie pour une victime de témoigner dans ce cadre judiciaire spécifique ? Le procès contribue-t-il à infléchir leur rapport à ces événements, à la justice et au politique, durablement ou non ? Comment le groupe des victimes et le milieu des associations de victimes est-il modifié par un tel événement ? S’il s’agit d’un procès pour mémoire, de quelle mémoire s’agit-il, de qui et pour qui ?  Telles sont certaines des questions que nous souhaitons aborder.

File d'attente

File d’attente des journalistes devant les grilles d’entrée du Palais de justice, porte Harley. Entrée réservée aux accrédités du procès V13. Le 8 septembre 2021, Palais de Justice de l’île de la Cité

Équipe ProMeTe 

Ce dossier présente une recherche collective en train de se faire autour de trois procès liés au terrorisme – officiellement désignés comme « historiques » – ceux des attentats de janvier et de novembre 2015 (à Paris) ainsi que ceux du 14 juillet 2016 (à Nice). En s’appuyant sur des enquêtes en cours (mêlant observations in situ, entretiens, questionnaires, récolte et productions d’archives visuelles, sonores et textuelles), ce journal entend restituer dans une variété de formats des récits du procès et des mises en perspective de ce qui se joue dans et à l’extérieur de ces audiences.

Membres de l'équipe

Julie Alix (PU, droit privé et sciences criminelles, Université de Lille, CRDP)

 

Sylvain Antichan (MCf, science politique, Université de Rouen-Normandie, CUREJ)

 

Janna Behel (masterante, Université Paris 1)

 

Hélène Bellanger (Professeure agrégée, histoire, Sciences Po Paris, Centre d’histoire)

 

Martine Sin Blima-Barru (Responsable du département de l'administration des données, Archives nationales)

 

Emmanuel Cayre (doctorant, science politique, Université Paris-Nanterre, ISP)

 

Sarah Gensburger (DR, science politique, CNRS, Université Paris-Nanterre, ISP)

 

Romane Gorce (masterante, histoire de l’art, Université Paris 1)

 

Solveig Hennebert (doctorante, science politique, Université Lyon 2, Triangle)

 

Pauline Jarroux (post-doctorante, anthropologie, Université Paris-Nanterre, ISP)

 

Aurore Juvenelle (Archives nationales)

 

Chloé Lala-Guyard (doctorante, science politique, Sciences Po St-Germain)

 

Johanna Lauret (masterante, Université Paris 1)

 

Sandrine Lefranc (DR, science politique, CNRS, Sciences Po Paris, CEE)

 

Sylvie Lindeperg (PU, histoire de l’art, Université Paris 1)

 

Antoine Mégie (MCF, science politique, Université Rouen-Normandie, CUREJ)

 

Pascal Plas (PU, histoire, Université de Limoges, IiRCO)

 

Hélène Quiniou (doctorante, anthropologie, Columbia University, ICLS)

 

Benoit Peyrucq (dessinateur)

 

Virginie Sansico (post-doctorante, Cesdip)

 

Mathilde Sergent-Mirebault (doctorante, sociologie, Université Paris 1, Cetcopra)

 

Louis Solliec (masterant, droit, Université Paris 2)

 

Benoit Tudoux (IGR, CNRS, ISP)

 

Sharon, Weill (MCF, droit international, Université américaine de Paris, Ceri)

 

Anne Wyvekens (DR, droit, CNRS, Université Paris-Nanterre, ISP)