Politique de la traduction. Comment les États façonnent les transferts culturels 
Directrice de recherche / Directrice d'études

(CNRS/EHESS - CESSP-CSE)

Introduction

La sociologie de la traduction se heurte au fait que la production, la circulation et la réception des traductions ne constituent pas un « champ » au sens de Pierre Bourdieu1. Plutôt que de former un « champ de la traduction » qui serait comparable au champ politique, littéraire ou économique, les pratiques de traduction se situent à l’intersection d’autres champs. Définie suivant la position qu'elle occupe au sein de ces espaces, une traduction relève du champ religieux, du champ politique, du champ littéraire, du champ académique, etc. Quelle que soit la pluralité des pratiques et des contextes, il est possible de fonder une approche plus générale de la traduction en se concentrant sur la traduction de livres dans le champ éditorial. Car non seulement celui-ci est un champ relativement autonome et compétitif au sens de Bourdieu, mais les traductions relient chaque champ national aux champs éditoriaux d’autres espaces (supra)nationaux et au champ mondial de l’édition2. Nous nous éloignerons donc de la tendance à la spécialisation qui insiste sur certains aspects de la traduction car on ne peut comprendre les champs éditoriaux qu’en prenant en compte divers facteurs, notamment ceux que l’on classe sous les catégories économique, politique et culturelle3.

La formule « politique de la traduction » a beau être couramment utilisée, les travaux consacrés à la traduction s’attardent peu sur les facteurs politiques, mis à part les travaux consacrés aux régimes autoritaires (voir infra). L’expression fait rarement, voire jamais, l'objet d'une entrée ou d'un chapitre dans les ouvrages de référence4. En outre, on ne précise guère ce que désigne cette « politique de la traduction5 ». La formule est employée pour faire référence aux politiques de traduction, à des questions stratégiques, comme le genre et le post-colonialisme6 et aux différentes façons dont les politiques étatiques influent sur la pratique de la traduction. C’est sur ce dernier point que nous nous pencherons dans les lignes qui suivent. Les États jouent un rôle essentiel dans la régulation des flux de traduction et l’évolution des pratiques de traduction, non seulement parce qu’ils réglementent le champ de l'édition, mais, plus spécifiquement, parce qu’ils encouragent ou découragent la traduction en accordant des subventions et différentes aides, ou en imposant des restrictions et une censure. Les avantages dont bénéficient les intermédiaires culturels et les rôles que ceux-ci jouent dans les processus de traduction et de transfert dépendent donc en bonne partie des politiques étatiques. Par ailleurs, les agent·es de ces politiques exercent à leur tour une fonction d’intermédiation, ce que nous montrerons aussi dans ces lignes.

Ces actions participant des politiques de valorisation et de promotion de la culture nationale, elles impliquent des stratégies d’importation et d’exportation. Un État qui subventionne la traduction d’ouvrages étrangers dans la langue de son pays vise en général un objectif éducatif et scientifique, autrement dit, il vise à ne pas rater la course au « développement » : c’est ce qui se passe aujourd’hui dans les pays arabes7. Un usage semblable s’observe dans le cas des États qui proposent des aides à la traduction pour maintenir un niveau de qualité que le marché national ne pourrait garantir seul (comme en France et aux Pays-Bas). Les politiques d’exportation culturelle, elles, sont un outil classique de la diplomatie culturelle et une forme de soft power. Les puissances dominantes y voient un moyen de renforcer leur hégémonie ou leur influence ; les pays dominés, un moyen d’obtenir une certaine visibilité culturelle sur la scène internationale. 

Dans les pays où le champ économique dépend du champ politique et les institutions contrôlent la production, comme les pays fascistes et communistes, la production et la circulation des biens symboliques est d’emblée investie d’une valeur idéologique8. Cependant, ces politiques ne sont pas propres aux régimes autoritaires. Pendant la Guerre froide, par exemple, les institutions gouvernementales et les fondations privées américaines subventionnaient la traduction d’auteur·ices qui défendaient le libéralisme et la démocratie pour lutter contre le communisme. Le Congrès pour la liberté de la culture était financé par la CIA et intervenait dans plus de trente pays9. En 1952, le Département d’État américain a encouragé la création d’une structure privée, à but non lucratif, baptisée Franklin Publications, chargée de promouvoir la traduction d’ouvrages américains dans divers pays et diverses langues du tiers-monde, notamment au Moyen-Orient. Au milieu des années 1980, le Bureau du livre de l’ambassade américaine au Caire a inauguré un programme de traduction ouvertement politique qui comprenait une sélection de titres, programme qui fonctionne encore aujourd’hui10. Dans ces trois cas de figure, les facteurs politiques et culturels sont indissociables. Les facteurs économiques peuvent aussi servir à justifier l’intervention de l’État. En France, par exemple, l’aide à la traduction d’ouvrages français est justifiée en tant qu’instrument au service du rayonnement de la culture française dans le monde et de la « diplomatie d’influence », mais aussi comme un moyen de soutenir l’industrie française du livre 11.

Quant aux pays périphériques et semi-périphériques, l’existence et la visibilité mêmes de leur littérature sur la scène internationale dépend de ces politiques. Exporter sa culture peut être un moyen stratégique d’affirmer son identité nationale – le cas israélien qu’on va développer est exemplaire – et de contribuer à définir les frontières d’une littérature nationale qui se déplacent avec le temps. Sous ce rapport, la politique culturelle à l’étranger répond aussi à des objectifs politiques. Pour un pays comme les Pays-Bas, le but est de garantir la qualité de la production littéraire et de promouvoir la culture nationale à l’étranger. Nous nous concentrerons ici sur les politiques d’exportation culturelle de ces deux pays, les Pays-Bas et Israël, au prisme de l’aide aux traductions. Nous tâcherons de montrer que ces politiques ont été particulièrement efficaces pour les traductions du néerlandais et de l’hébreu, et qu’on ne peut pas se limiter aux facteurs culturels et économiques pour l’expliquer. Ce faisant, nous expliquerons qu’on ne peut non plus dissocier artificiellement la logique politique de la logique culturelle ni de la logique économique. Les politiques en question s’appliquant à des biens symboliques, et pas seulement à des biens matériels, elles ne peuvent ignorer la logique propre au champ éditorial, autrement dit sa double nature, économique et culturelle. Ce champ est un espace social structuré par la tension entre une logique commerciale et court-termiste de plus en plus forte et une logique proprement littéraire ou intellectuelle.

Le cas de l’Institut pour la traduction de la littérature hébraïque est révélateur : la politique initiale fondée sur les circuits de diffusion mis en place par l’État a été abandonnée pour être remplacée par une agence qui fonctionne comme les agences littéraires privées et qui, de fait, est en concurrence avec elles. L’exemple est symptomatique de la tendance des politiques culturelles officielles à s’ajuster aux industries culturelles dans les pays où domine l’économie de marché12.

Les traductions du néerlandais et du flamand

Les traductions du néerlandais et du flamand ont longtemps été presque inexistantes13. Il y a encore peu, les seuls écrivains des « Bas Pays » à être connus étaient ceux qui faisaient partie de la République des lettres moderne et écrivaient en latin, pas en néerlandais14. Ils comptaient de grands savants (Érasme, Spinoza, Grotius), un poète très reconnu à son époque, Janus Secundus (1511-1536), ou encore le dramaturge Georgius Macropedius (1487-1558). Les traductions du néerlandais étaient exceptionnelles et leur nombre n’a augmenté que très lentement aux XIXe et XXe siècles. Non seulement ces traductions se comptaient sur les doigts de la main, mais rares sont les auteurs néerlandais à avoir leur place dans le canon littéraire mondial. Aucun prix Nobel n’a jamais été attribué à un écrivain néerlandais ni flamand. Dans WorldCat, une base de données qui recense les catalogues d’environ 70 000 bibliothèques dans le monde, seuls quatre ouvrages d’auteurs nés ou résidant aux Pays-Bas figurent parmi les cent titres que l’on retrouve presque partout. Deux de ces ouvrages ont été écrits en latin (Érasme, Thomas à Kempis), un en anglais (Corrie ten Boom) et un seul en néerlandais : Le Journal d’Anne Frank, jeune réfugiée née à Francfort et morte en déportation.

En dépit de ce statut périphérique dans la République mondiale des lettres, le nombre des traductions du néerlandais a considérablement augmenté depuis la Seconde Guerre mondiale (voir graphique 1). La base de données de la Fondation néerlandaise des Lettres ne laisse pas de doutes : la traduction d’ouvrages de littérature générale (qui comprend essais, littérature jeunesse, bande dessinée et autres) en toutes langues a décuplé d’une moyenne de 30 titres par an dans les années 1940 à 600 en 2010. Cette croissance est particulièrement frappante dans les années 1990, juste après la création de l’agence publique chargée de la promotion de la littérature néerlandaise (voir ci-dessous). La crise financière de 2007-2009 provoque un léger déclin à partir de 2010 ; les critiques de la presse étrangère consacrées à la littérature néerlandaise indiquent aussi une tendance à la baisse du côté de la réception15.

Les données des bibliothèques royales de La Haye et de Bruxelles révèlent une courbe de croissance comparable, mais à un niveau plus élevé, pour l’après-guerre. Ces données ne se limitent pas aux ouvrages littéraires mais comprennent toutes les catégories, y compris la non-fiction qui va des ouvrages historiques et des biographies aux livres de jardinage et de cuisine. Là encore, les livres de littérature générale forment la catégorie la plus importante et oscillent entre un et deux tiers du nombre total de traductions. Toujours selon cette source, le nombre de livres traduits du néerlandais passe d’environ 300 titres par an autour de 1960 à près de 900 à la fin des années 199016.  Une fois de plus, la croissance est particulièrement forte dans les années 1990. Comme dans les deux cas, la croissance en chiffres absolus est plus forte que la croissance de la production de livres néerlandais au cours des mêmes années, on note également une croissance relative, et pas seulement une croissance en chiffres absolus 17.

graph 1

Graphique 1

Cette augmentation de nombre de traductions n’est pas due à un ajustement spontané de l'offre et de la demande, comme le supposent les modèles économiques standards. Les forces du marché ne sont pas un pur donné et ne dépendent pas exclusivement de paramètres économiques (coûts de production, pouvoir d’achat). L’offre et la demande sont des constructions sociales : elles dépendent de facteurs culturels et sont co-déterminées par les politiques d’organismes publics et privés. Or, après la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement néerlandais a décidé d’intervenir beaucoup plus systématiquement dans la politique d’exportation culturelle. D’une part, il a promu l’enseignement de la langue et de la littérature néerlandaises à l'étranger, de l’autre, il a financé et aidé les traductions. Le nombre de départements universitaires (vakgroepen) enseignant le néerlandais hors des Pays-Bas et de la Flandre est passé d’environ 35 dans l’immédiat après-guerre à 166 autour de 2010 ; le nombre de pays accueillant ces établissements a augmenté de 14 à 45 (tableau 1) et le nombre d’enseignant·es enregistrés a suivi une croissance comparable (voir tableau 2).

Ces enseignant·es et ces départements intégrés à des universités étrangères sont les têtes de pont de la culture néerlandaise à l’étranger. Qu’elle soit traduite ou en version originale, la littérature néerlandaise est désormais enseignée et cet enseignement est sanctionné par des diplômes universitaires. Les départements, aussi modestes soient-ils, sont également des espaces où les écrivain·es et les traducteur·ices sont régulièrement invité·es à donner des conférences et à participer à des salons littéraires. Enfin, ce réseau d’enseignement international a été la rampe de lancement de la première revue de langue étrangère consacrée à la littérature néerlandaise, le Journal of Dutch Literature (2010).

                                                                 Tableau 1

        Nombre de départements universitaires (vakgroepen) enseignant la langue et la littérature néerlandaises hors des Pays-Bas et de la Flandre (<1947-2010)

     Période

Nombre de départements

Nombre de pays

< 1947

35

14

1948 – 1957

52

17

1958 – 1967

79

20

1968 – 1977

115

25

1978 – 1987

144

28

1988 – 1997

191

38

1998 – 2007

170

44

2008 – 2010

166

45

Source : Recensement des pays fourni par l’Union de la langue néerlandaise (voir Johan Heilbron et Nicky van Es, « In de wereldrepubliek der letteren », in T. Bevers, B. Colenbrander, J. Heilbron, N. Wilterdink, Nederlandse kunst in de wereld. Literatuur, architectuur, beeldende kunst, 1980-2013, Nijmegen: Vantilt, 2015, p. 20-54.)

                                                                 Tableau 2

Nombre d’enseignant·es du néerlandais enregistré·es hors des Pays-Bas et de la Flandre et nombre de pays dans lesquels ils et elles travaillent (1964-2012)

    Années

Nombre moyen d’enseignant·es enregistré·es

Nombre moyen de pays

1964 – 1969

187

26

1970 – 1974

271

28

1975 – 1979

382

27

1980 – 1984

378

26

1985 – 1989

409

30

1990 – 1994

490

41

1995 – 1999

534

43

2000 – 2004

537

46

2005 – 2009

533

39

2012

456

41

Source : Association internationale des enseignants du néerlandais (voir Johan Heilbron et Nicky van Es, « In de wereldrepubliek der letteren », in T. Bevers, B. Colenbrander, J. Heilbron, N. Wilterdink, Nederlandse kunst in de wereld. Literatuur, architectuur, beeldende kunst, 1980-2013, Nijmegen: Vantilt, 2015, p. 20-54.)

Depuis 1954, une Fondation d’État encourage plus particulièrement les traductions pour accompagner ce développement international de l'enseignement. Cette fondation a été réorganisée et rebaptisée plusieurs fois, ses politiques ont aussi évolué, notamment depuis 1991, mais son principal objectif était et est toujours la promotion de la littérature néerlandaise à l’étranger. Comme elle publie des brochures et des bulletins d'information, c’est à la fois une source de renseignements régulière sur les livres néerlandais, un pont qui permet aux étrangers de contacter les éditeur·ices et les traducteur·ices néerlandais·es, et un organisme de financement. En 1979, pour le 25e anniversaire de la Fondation, le directeur a pourtant exprimé des réserves sur ce qui avait été réalisé. Le nombre de traductions avait beau augmenter, elles étaient publiées par des maisons d’édition très modestes et peu connues, et leur qualité était trop médiocre pour donner lieu à une vraie reconnaissance littéraire. Ces résultats décevants ont également suscité des critiques de la part des initiés. Dans un essai intitulé La Souffrance des écrivains traduits (1981), un des auteurs les plus connus de la fin du XXe, Willem Frederik Hermans (1921-1995), s’en prenait aux « faux espoirs » que la Fondation avait suscités18. En dépit des efforts déployés, aucun écrivain néerlandais n’avait réussi à se faire un nom hors des Pays-Bas et de la Flandre. 

C’est à cette époque, au début des années 1980, que la situation a commencé à changer. Plusieurs traductions ont attiré l’attention de critiques étrangers et emporté des prix de traduction. Citons, par exemple, la version française tardive du Pays d'origine de Edgar Du Perron (1980, v.o. 1935), signée Philippe Noble, et la traduction américaine des Rituels de Cees Nooteboom (1983, v.o. 1980), signée Adrienne Dixon. L’Attentat (v.o. 1982) de Harry Mulisch et Le Chagrin des Belges (v.o. 1983) de Hugo Claus ont aussi été traduits avec succès dans plusieurs langues. Puis en 1993, la Flandre et les Pays-Bas ont été les invités d’honneur de la Foire du livre de Francfort, la plus grande foire du livre du monde. Peu avant l’événement, L’Histoire suivante (1991) de Cees Nooteboom fut qualifié de récit d’envergure mondiale par Marcel Reich-Ranicki, l’un des grands critiques allemands qui avait une émission à la télévision. Harry Mulisch, dont La Découverte du ciel (1992) venait également de paraître, fut comparé à Goethe et Joyce par la presse allemande. Enfin, l’intérêt suscité par les 130 livres néerlandais et flamands parus en allemand à l’occasion de la Foire de 1993 ne s’est pas limité à l’Allemagne. La vague néerlandaise, dite niederländische Welle, s’est propagée à d’autres pays et de nombreuses traductions étrangères ont suivi. Aujourd’hui, la Foire de Francfort de 1993 est considérée comme l’année de la percée de la littérature néerlandaise sur la scène internationale19.

Encouragée par ce succès, la Fondation néerlandaise des lettres a poursuivi sa politique de promotion en faisant des Pays-Bas l’invité d’honneur des foires internationales de Barcelone (1995), Göteborg (1997), Londres (1999), Turin (2001), Paris (2003) et Berlin (2004), avant qu’ils ne le soient à nouveau à celle de Francfort en 2016. Des programmes plus circonscrits ont été également mis en place au Japon en 2001 et en 2011 à Pékin. Et deux ou trois « festivals » plus modestes sont organisés chaque année, dont les « Café Amsterdam » déclinés chaque année dans six pays.

Outre les traductions littéraires, la Fondation subventionne aussi ce qu’on appelle la « non-fiction littéraire », ainsi que des genres plus commerciaux, dont les thrillers. Depuis 2004, l’accent est mis sur la poésie et les classiques néerlandais, et, plus récemment encore, sur les albums illustrés pour enfants et les romans graphiques, suivant une tendance du marché mondial. La Fondation exige un certain nombre de conditions pour accorder une aide à la traduction : la maison d’édition et le/la traducteur·ice proposé·e doivent inspirer un minimum de confiance. La Fondation a d’ailleurs un registre où figure la liste des traducteur·ices qu’elle-même a accrédité·es.

L’évolution de la politique de la Fondation depuis 1991, date à laquelle une nouvelle organisation a remplacé l'ancienne Fondation, s’explique en partie par le fait qu’elle n'est plus dirigée par des fonctionnaires ni par des diplomates, mais par des personnes recrutées dans le monde du livre. Anciens éditeurs ou critiques, ces nouveaux directeurs ont veillé à l’amélioration de la qualité des traductions et adopté des stratégies de promotion propres au monde de l’édition, qui ne faisaient pas partie de la diplomatie culturelle. En 1992, une résidence de traducteur·ices a été créée à Amsterdam : six traducteur·ices par mois peuvent y séjourner pour se familiariser avec le néerlandais tel qu’on le parle aujourd’hui. La Flandre a aussi ouvert deux résidences, à Louvain et à Anvers. Par ailleurs, plusieurs ouvrages de référence sur l’histoire de la littérature néerlandaise ont été coédités (en allemand, français, anglais, russe et italien) avec l’Union de la langue néerlandaise pour que les critiques et les universitaires puissent situer les écrivains contemporains dans l’histoire littéraire et le contexte culturel des Pays-Bas. Avant les grandes foires internationales et les salons du livre, la Fondation n’hésite pas à inviter les critiques et les éditeur·ices étranger·ères aux Pays-Bas pour qu’illes et fassent personnellement connaissance des écrivain·es, des éditeur·ices et des critiques. Ces initiatives – que l’ancienne directrice de la Fondation, Rudi Wester, a qualifiées de « pots de vin joliment maquillés » – permettent de réactiver et de prolonger les réseaux déjà existants et d’en créer de nouveaux (cette pratique n’est pas spécifique aux Pays-Bas, elle existe aussi en France par exemple).

salon 1
Salon 2

Image de droite : stand de la Fondation néerlandaise des lettres dans un salon du livre.

Image de gauche : les fondations néerlandaise et flamande lors de la Foire du livre de Leipzig.

Conséquence directe de la politique de financement et de l’engagement plus concret de la Fondation, le nombre de traductions bénéficiant d’une aide est passé d’une douzaine (1991) à plus de deux cents titres par an (2008) et compte essentiellement des ouvrages de littérature et des livres pour enfants (voir le tableau 3). Divers types d’activités ont permis d’accompagner et d’inscrire cette stratégie dans une infrastructure culturelle plus vaste et plus durable (voir le tableau 4). Les résidences de traduction sont de plus en plus demandées, les traducteur·ices viennent de pays de plus en plus variés, et la qualité des textes traduits est désormais une priorité. En outre, depuis 1995, l’Union de la Langue néerlandaise a mis en place des cursus d’enseignements pour les traducteur·ices du néerlandais. C’est ainsi qu’en 2001 a été créé le Centre d’expertise de traduction littéraire, avec la coopération des universités d’Utrecht et de Louvain.

                                                               Tableau 3

                     Nombre de traductions subventionnées par la Fondation néerlandaise des lettres (1991-2012)

Année

Traduction de livres

 

Demandes

Obtentions

1991

39

30

1992

54

49

1993

87

84

1994

100

95

1995

123

115

1996

118

112

1997

108

96

1998

132

119

1999

131

120

2000

145

137

2001

136

131

2002

149

144

2003

157

156

2004

168

164

2005

?

207

2006

185

182

2007

234

222

2008

214

201

Source : Rapports annuels du Fonds néerlandais pour la production et la traduction de la littérature 1991-2012 (voir Johan Heilbron et Nicky van Es, « In de wereldrepubliek der letteren », in T. Bevers, B. Colenbrander, J. Heilbron, N. Wilterdink, Nederlandse kunst in de wereld. Literatuur, architectuur, beeldende kunst, 1980-2013, Nijmegen: Vantilt, 2015, p. 20-54.)

                                                                   Tableau 4

                            Activités de la Fondation néerlandaise des lettres (1991-2012)

Années

Programmes d’écrivain·es

Résidences de traducteur·ices

Échantillons de traduction

 

 

Traducteurs

Nationalités

Reçus

Acceptés

Traducteurs accrédités

1991

-

-

-

-

-

-

1992

-

11

9

-

-

-

1993

19

12

9

-

-

-

1994

31

19

12

-

-

-

1995

36

16

12

-

-

-

1996

37

18

10

?

?

?

1997

39

26

13

80

37

?

1998

35

39

16

95

31

251

1999

37

38

22

84

33

275

2000

55

42

21

100

27

299

2001

43

38

20

122

40

336

2002

50

42

19

97

38

368

2003

48

36

20

115

35

388

2004

67

42

21

96

36

415

2005

68

39

21

106

?

456

2006

78

46

25

101

46

476

2007

93

45

22

96

32

508

2008

135

44

21

72

48

533

2009

?

?

?

?

?

?

2010

79

43

20

65

27

?

2011

74

46

25

40

17

?

2012

105

50

22

42

33

570

Source : Rapports annuels du Fonds néerlandais pour la production et la traduction de la littérature 1991-2012  (voir Johan Heilbron et Nicky van Es, « In de wereldrepubliek der letteren », in T. Bevers, B. Colenbrander, J. Heilbron, N. Wilterdink, Nederlandse kunst in de wereld. Literatuur, architectuur, beeldende kunst, 1980-2013, Nijmegen: Vantilt, 2015, p. 20-54.)

La politique de la Fondation ne se réduit pas au nombre de livres qui bénéficient d’une aide à la traduction. Les titres soutenus (au moins deux cents par an) ne représentent qu’une faible partie du nombre total de traductions. La Fondation a aussi un rôle moins visible, mais pas moins important, hors le financement. Elle complète et exploite tout l’arsenal qui accompagne la publication d’un livre en version originale. Elle commence par sélectionner les livres jugés prometteurs ou intéressants pour les éditeurs étrangers en publiant des présentations de ces titres et en demandant des échantillons de traduction. Puis elle nourrit le dossier en ajoutant la presse, les chiffres de vente et les prix attribués au livre. Enfin, elle contacte les éditeurs qu’elle estime potentiellement intéressés. Elle joue en fait, comme son homologue israélien (voir infra), un rôle de courtier ou d’intermédiaire entre les maisons d’éditions néerlandaises et étrangères. Outre la préparation de ces dossiers et ce travail d’intermédiaire, elle évalue la qualité des traductions et des traducteur·ices, elle contribue à ce que les premières soient revues et que les secondes puissent se perfectionner, et elle conseille les interlocuteur·ices étrange·ères sur le choix d’un ou d’une traducteur·ice. Enfin, elle fonctionne comme un organisme de financement puisqu’elle subventionne une part importante des coûts de traduction. Pour les genres moins commerciaux comme la poésie et les classiques néerlandais, il arrive qu’elle prenne en charge la totalité des coûts, c’est donc une institution publique qui prend de véritables risques. Cet engagement est particulièrement frappant quand il s’agit de traduire des auteur·ices inconnu·es, difficiles ou peu vendeur·ses, ou de publier dans des pays et des langues cibles relativement nouveaux.

Le processus qui consiste à sélectionner, conseiller, réviser et financer des traductions fait partie de l’infrastructure, également subventionnée par l’État, qui comprend les départements de néerlandais, les instituts culturels, et la participation aux foires et aux salons du livre. Certaines de ces initiatives se font en collaboration avec l’Union de la langue néerlandaise, responsable de l’enseignement du néerlandais à l’étranger. Parmi ces synergies, on note la publication d’ouvrages de référence sur l’histoire de la littérature néerlandaise et la poursuite du programme de résidences d’écrivains qui, depuis, 1992, essaime ailleurs qu’aux États-Unis et se concentre sur les villes qui ont un département d’enseignement de la langue et la littérature néerlandaises particulièrement vivant.

L’action que mènent les organismes financés par l’État, tels que l’Union de la langue néerlandaise et la Fondation pour la littérature néerlandaise, explique en grande partie l’augmentation du nombre de traductions du néerlandais après la guerre. Dans un second temps, notamment depuis 1990, cette infrastructure s’est éloignée du ministère des Affaires étrangères pour se mettre au diapason du monde de la culture, autrement dit, des éditeur·ices, des critiques et des différents acteur·ices de l’édition. Paradoxalement, le succès relatif de la politique néerlandaise de traduction est sans doute dû au fait que l’intervention croissante de l’État a fini par être déléguée à une agence plus indépendante, qui n’est pas directement politique. Depuis le début des années 1990, cette agence recrute des personnes issues de l’édition plutôt que des diplomates ou des fonctionnaires. La politique de traduction est donc plus en phase avec la logique du champ éditorial et elle reflète moins les priorités géopolitiques du gouvernement, même si celles-ci n’ont pas disparu. Elle vise essentiellement le pôle de production restreinte, où le capital symbolique prime sur les bénéfices commerciaux20.

De la construction de l’identité nationale à la logique de marché : L’Institute for the translation of Hebrew Literature

Le cas de l’Institute for the translation of Hebrew Literature (ITHL), fondé en 1962 pour représenter et promouvoir la « littérature hébraïque » (sifrout ivrit) à l’étranger et actif à ce jour, présente un exemple d’évolution de la politique d’exportation culturelle initialement développée sous un régime d’économie dirigée  – le socialisme étatique –, dans une phase de construction de l’identité nationale d’un jeune État, vers un modèle plus compatible avec l’économie de marché, introduite en Israël à la fin des années 1970.

Suivant le modèle de la création culturelle des identités nationales21, la mise en place de cet Institut avait pour objectif de constituer la littérature écrite en hébreu comme une littérature nationale à part entière sur la scène internationale, où la circulation des œuvres est largement conditionnée par leur identification avec une culture nationale, à tout le moins au pôle de production restreinte du champ éditorial22.

L’Institut circonscrit aussi la définition de cette littérature nationale aux écrivains israéliens juifs écrivant en hébreu, tenant à l’écart, comme c’est le cas dans beaucoup de pays, les minorités linguistiques (écrivains en langue anglaise, française, arabe), et surtout les écrivains palestiniens israéliens, qui s’expriment en arabe, à quelques exceptions près. Cette définition renvoie aux rapports complexes entre langue et littérature nationale d’un côté, entre littérature et identité culturelle et religieuse de l’autre. Si ses initiateurs affirment la continuité de la « littérature hébraïque » depuis l’Ancien Testament (évoquant entre autres l’âge d’or de la poésie en hébreu dans l’Espagne du IXe au XIIe siècle), la littérature hébraïque moderne est née à la fin du XIXe siècle, dans le cadre du processus de laïcisation des communautés juives en diaspora et du projet sioniste qui passait notamment par la rénovation de l’hébreu. Dans les premières décennies du XXe siècle, son centre s’est déplacé en Palestine. L’avènement d’un État juif en Palestine en 1948 soulève la question du rapport entre cette littérature en hébreu et la culture ou la littérature « juive », dont elle formait jusque-là un sous-ensemble, et à laquelle elle est encore souvent associée, notamment sur les rayons des libraires, qui la rangent près de la littérature traduite du yiddish23.

Nés dans l’entre-deux-guerres en Palestine ou immigrés très jeunes, formés pour la plupart dans les mouvements de jeunesse sionistes-socialistes, les romanciers de la génération dite du Palmach (Guerre d’Indépendance) affirment la rupture avec la tradition juive en décrivant la geste héroïque de la guerre de libération du mandat britannique et de la construction du pays, ou encore l’expérience collectiviste du kibboutz, selon des procédés plus proches du réalisme socialiste que du spiritualisme de leur prédécesseurs. La génération suivante, dit de la Medinah (l’État), rompt avec cet élan nationaliste en important des modèles européens ou latino-américains modernistes (existentialisme, réalisme magique) pour décrire les réalités du pays en construction, avec une focalisation sur les tensions entre individu et société, mais rares sont, parmi les auteurs les plus établis, ceux qui se réfèrent à la tradition juive diasporique. L’ITHL va promouvoir cette image d’une littérature nationale autonomisée à l’international, tout en affirmant sa suprématie au sein de la catégorie floue et hétérogène de « littérature juive », comme aboutissement des aspirations nationales et réalisation de l’identité nationale (à travers la langue notamment). En effet, au moment de la création de cet institut, la politique d’exportation de la culture israélienne reposait sur un ensemble de moyens de diffusion, revues, éditions, en différentes langues, mis en place par des instances internationales officielles ayant leur siège central en Israël telles que l’Organisation sioniste mondiale, l’Agence juive qui en est le bras exécutif, ou le département de l’Éducation et de la culture en Diaspora, qui prenait en charge les traductions d’ouvrages pour la jeunesse. Or, on peut faire l’hypothèse que la création de l’ITHL vise à autonomiser ce circuit d’exportation pour promouvoir cette littérature nationale en tant que telle auprès des communautés juives. Significatif de cet objectif est son rattachement au ministère des Affaires étrangères en même temps qu’au ministère de la Culture. Son autre objectif, plus directement politique celui-là, mais officieux, est d’améliorer l’image d’Israël à l’international.

La reconnaissance internationale de la littérature en hébreu comme une littérature nationale à part entière n’advient cependant que dans les années 1970. Le prix Nobel de littérature décerné à Shmuel Yosef Agnon et à Nelly Sachs en 1966 consacre le premier, auteur d’une œuvre en hébreu, « for his profoundly characteristic narrative art with motifs from the life of the Jewish people » et la seconde « for her outstanding lyrical and dramatic writing, which interprets Israel’s destiny with touching strength ». Comme on l’a montré ailleurs24, l’intérêt pour cette littérature se fait jour à la suite du prix accordé à Agnon et de la guerre des Six Jours. Quelques écrivains de la génération de l’État accèdent à la reconnaissance à l’étranger, en particulier Amos Oz, A. B. Yehoshua, Yoram Kaniuk et David Shahar – ce dernier surtout en France, où il est publié par le prestigieux éditeur Gallimard, alors que les premiers, qui ont des agent littéraire privé, sont traduits aussi aux États-Unis. L’étude de réception que nous avons réalisée pour le cas français montre que la littérature en hébreu se voit reconnaître à cette époque le statut de littérature nationale dans la critique littéraire. L’ITHL n’est pas intervenu dans ce transfert, à notre connaissance, se cantonnant encore sans doute au circuit d’exportation.

Cette politique va changer après l’arrivée d’une nouvelle directrice, Nilli Cohen, en 1976, et des transformations de la société israélienne après l’élection de 1977 qui porte pour la première fois au pouvoir le parti de droite, Likud, emmené par Menahem Begin, entraînant une dérégulation rapide et une entrée accélérée dans l’économie de marché. Dans la seconde moitié des années 1980, l’ITHL va connaître une double évolution : d’une part, il doit s’ajuster à la libéralisation rapide du marché de l’édition en Israël, puis à l’apparition d’agent·es littéraires privé·es qui lui font concurrence dans la promotion des auteur·es israélien·nes à l’étranger ; d’autre part, il se voit contraint d’élargir le périmètre de la « littérature hébraïque » aux écrivain·es arabes israélien·nes écrivant en hébreu.

La libéralisation du marché, la réduction des budgets publics et la concurrence avec des agences privées contraint l’ITHL à redéfinir les moyens de réaliser ses missions. S’il dépend du ministère des Affaires étrangères et du ministère de la Culture, ceux-ci ne le financent chacun que pour un tiers, et il est amené à fonctionner en même temps comme une agence littéraire, tirant le dernier tiers de ses revenus d’un pourcentage sur les cessions. Du fait de sa spécialisation et de la reconnaissance croissante de la littérature israélienne sur la scène internationale à partir des années 1980, il parvient à s’autonomiser de ses institutions de tutelle : la visée éducative auprès des communautés juives et l’objectif politique d’amélioration de l’image d’Israël se voient du même coup minorés au profit de la promotion de cette littérature nationale à l’étranger en vue de son propre rayonnement.

Ainsi, à la différence de l’Organisation sioniste mondiale, qui visait les communautés juives en Diaspora, l’Institut essaie avant tout de susciter l’intérêt du grand public pour cette littérature, et ce d’autant qu’une bonne partie de la communauté juive ne semble pas se passionner pour des œuvres qui ne lui renvoient pas l’image idéalisée d’Israël qu’elle préfère conserver. Le succès de la littérature hébraïque dans des pays où la communauté juive est presque inexistante comme l’Allemagne, l’Italie et les Pays-Bas confirme a contrario cette analyse, comme nous l’a expliqué en entretien la directrice de l’Institut, Nilli Cohen25. La conquête de nouveaux marchés était devenue un de ses objectifs explicites, et à l’époque de l’entretien, en 2001, elle se prévalait d’avoir vendu une cinquantaine de titres en Chine.

Les bénéfices économiques que peuvent en tirer les éditeurs israéliens comptent en effet aussi. En témoigne l’évolution des moyens et des méthodes de réalisation de cette mission, marquée par l’abandon de son activité éditoriale propre (édition de revue et projets d’anthologies) au profit d’un travail d’agent littéraire. Dans la première moitié des années 1980, l’ITHL affichait encore le souci de promouvoir les genres mineurs qui ont peu de chance d’être traduits par ailleurs, comme le théâtre ou la poésie, en éditant lui-même, en revue ou en anthologies, ces traductions. Or cette activité éditoriale a fait place à la représentation des auteur·es et des livres sélectionnés pour figurer dans son catalogue en vue de la cession de droits auprès des éditeurs étrangers, activité d’intermédiaire proche de celle d’agent littéraire donc, à laquelle s’ajoute la subvention partielle accordée à nombre de ces traductions, à l’instar de la Fondation néerlandaise, ces deux instances ayant évolué en prenant modèle l’une sur l’autre. L’édition d’un catalogue d’ouvrages en vue de la cession de leurs droits de traduction est le signe de l’alignement de l’ITHL sur les normes établies par les professionnels du marché mondial de la traduction que sont les agents littéraires. S’il participe à l’organisation d’événements officiels comme les foires et salon, l’ITHL se concentre sur l’aide à la traduction. À la différence de la Fondation néerlandaise, il ne propose pas d’atelier de formation de traducteur·ices ni d’événements propres.

Une augmentation substantielle de crédits du ministère des Affaires étrangères à la fin des années 1980 avait permis à l’Institut de développer son activité et de se professionnaliser. Concernant la France par exemple, la rencontre avec Hubert Nyssen, lors d’un voyage de ce dernier en Israël dans la seconde moitié des années 1980, fut décisive : conquis par le livre de Yaacov Shabtaï Pour inventaire, dont la directrice de l’Institut Nilli Cohen lui avait fait lire un extrait en français, il décida de le faire traduire, puis de créer un domaine de « Lettres hébraïques », qu’Emmanuel Moses, un des traducteurs de Shabtaï, a dirigé de 1990 à 1997, et que l’Institut a largement soutenu par des aides à la traduction (la collection est désormais dirigée par Rosette Azoulay et Rosie Pinhas-Delpuech).

Pour comprendre la rapide transformation de l’ITHL en agence littéraire étatique, il faut cependant aussi tenir compte de la conjoncture politique de la première Intifada, qui lie les deux facteurs de changement évoqués. C’est en effet en 1988 que l’écrivain palestinien israélien Anton Shammas réalise un coup de force en publiant un roman, Arabesques, écrit dans un hébreu poétique qui lui vaut les louanges unanimes de la critique littéraire la plus exigeante26. Inclus au catalogue de l’ITHL, qui élargit ainsi la définition de la « littérature hébraïque », il fut traduit dans sept langues. La même année, avait paru en traduction en hébreu un deuxième titre de l’écrivain palestinien israélien Emile Habibi (Soraya, fille de l’Ogre en français), qui lui valut en 1992 le très prestigieux Prix Israël de littérature, accordé pour la première fois à un écrivain de langue arabe, confirmant l’inclusion des écrivains palestiniens israéliens dans le périmètre officiel de la littérature nationale à la veille des accords d’Oslo.

Cette redéfinition résulte de la politisation du champ intellectuel israélien depuis la guerre du Liban, qui a remis en cause le quasi-consensus de la communauté juive israélienne autour de l’idéologie sioniste, puis la première Intifada. Or, si jusqu’à la fin des années 1970, la littérature israélienne produite par des auteur·es de la majorité juive avait, à quelques rares exceptions près (comme L’Amant d’A.B. Yehoshua), ignoré la communauté palestinienne (on compte très peu de personnages fictionnels qui en sont issus), elle fait irruption dans la production littéraire en hébreu à la fois à travers les traductions d’écrivain·es palestinien·nes israélien·nes, et sous la plume d’écrivains juifs comme Amos Oz, auteur d’un reportage intitulé Voix d’Israël (1983) qui laisse la parole à des Israéliens et des Palestiniens de différentes tendances politiques au lendemain de la Guerre du Liban, ou comme David Grossman qui campe le point de vue d’un vieux Palestinien (parmi ceux de trois autres personnes) dans son premier roman, Le Sourire de l’agneau, publié en 1983.

En pleine Intifada, Grossman publie, à la demande du journal Koteret Rachit, un reportage sur les territoires occupés qui paraît en volume sous le titre Le Vent jaune et se vend à 50 000 exemplaires en Israël. Il est aussitôt traduit dans différentes langues et permet de faire connaître en même temps le jeune écrivain qui vient de publier son roman majeur Voir ci-dessous : amour (1986), dont la traduction sort en français au Seuil, en anglais chez Farrar Strauss and Giroux, et dans d’autres langues, peu après Le Vent jaune. Or ce n’est pas l’ITHL qui a représenté Grossman auprès des éditeurs étrangers mais une agente privée, Deborah Harris. Ancienne éditrice émigrée des États-Unis en Israël en 1979, elle s’est reconvertie dans le métier d’agente littéraire. À la différence de l’Institut, Deborah Harris n’est pas spécialisée dans la littérature de fiction, elle représente des essais et des œuvres de fiction de l’étranger en Israël et d’Israël à l’étranger, et les droits de traduction et d’adaptation d’écrivain·es israélien·nes en langues étrangères. Outre des essais qui ont bénéficié d’un large écho comme Le Septième Million de Tom Seguev, son catalogue compte une douzaine d’écrivain·es, dont certaines, comme David Grossman et l’écrivaine de polars Batya Gour, ont acquis une notoriété mondiale. Elle comptait aussi, au début des années 2000, un auteur palestinien, Raja Shehadeh, qu’elle avait eu beaucoup de mal à trouver, comme elle l’a expliqué en entretien, ses confrères ayant décliné l’offre27.

À la différence de Nilli Cohen, qui représente officiellement la « littérature hébraïque », Deborah Harris représente des auteur·ices qu’elle choisit en fonction de leur « originalité » et de leur « niveau international », et qui doivent se distinguer les un·es des autres soit par leur domaine ou genre (par exemple, le roman historique), soit par leur style. Au discours impersonnel et institutionnel de la directrice de l’Institut de traduction, qui nous a reçue à son bureau, Deborah Harris, qui nous a accueillie dans sa maison à Jérusalem, oppose un langage subjectif, insistant sur son goût, les « coups de cœurs », les relations personnelles avec les auteur·ices comme avec les directeur·ices de collection. Elle affirme ne pouvoir travailler qu’avec des personnes qu’elle aime, qualifiant ce travail d’« intime ». Elle doit sentir que le « courant passe ». Expression d’une subjectivité assumée et revendiquée, son catalogue est le gage de sa « réputation ». On voit donc ici tout ce qui oppose les agences littéraires étatiques aux agent·es littéraires privé·es.

Cependant, la logique de marché contraint les premières, du fait de la concurrence objective pour la représentation des auteur·ices les plus en vue, à s’aligner sur les normes professionnelles imposées par les secondes, comme on l’a déjà suggéré. Ainsi Nilli Cohen édite désormais un catalogue, se rend à la foire de Francfort, à la foire de Jérusalem, et dans d’autres lieux de rencontre stratégiques, développe des relations avec les éditeur·ices qu’elle rencontre lors de voyages dans les pays concernés, leur propose des titres du catalogue correspondant le mieux à leur ligne éditoriale, activités d’intermédiation typiques des agences littéraires privées. Elle initie également des rencontres avec l’auteure dans les différents pays en partenariat avec l’Ambassade d’Israël, qui peut aider à financer la venue d’auteurs pour la sortie d’un livre.

Son objectif étant que la « littérature hébraïque » soit représentée en tant que telle à l’étranger, il peut cependant se trouver en décalage avec la logique éditoriale, laquelle ne s’intéresse pas nécessairement à la littérature d’un pays en tant que telle, mais à un livre ou à une auteure. Ainsi, son projet de créer une collection de « littérature hébraïque » en poche qui rassemblerait les meilleurs titres parus en français s’est heurté chez nombre d’éditeurs à la crainte d’une « ghettoïsation », selon leur expression.

Par ailleurs, si le statut d’institut subventionné lui donne des moyens dont ne dispose par une agence littéraire privée, l’expansion de l’activité de l’ITHL et ses résultats dépendent des crédits qu’il peut obtenir de ses ministères de tutelle, qui ne se montrent pas toujours aussi généreux qu’à la fin des années 1980 et qui déjà, au début des années 2000, pressaient sa directrice d’accroître la part de revenus propres de l’Institut. D’autant que le budget alloué par le gouvernement israélien aux institutions culturelles a été réduit de manière assez significative depuis la fin des années 1990, cette tendance s’étant accentuée sous le long mandat de Netanyahou. L’ITHL a donc vu ses crédits diminuer comme peau de chagrín.

Toujours est-il que la période dite de la mondialisation a vu l’essor des traductions d’ouvrages de « littérature hébraïque » dans le monde, l’Allemagne et la France étant les premiers pays à marquer un intérêt accru, suivis par les États-Unis, les Pays-Bas et l’Italie (voir graphique 2). À partir du début des années 1990, suivant là aussi une tendance du marché mondial de la traduction, l’Institut a étendu ses domaines de compétence à la littérature pour la jeunesse, qui a joué une part non négligeable dans l’augmentation des traductions de l’hébreu dans toutes les langues : le nombre de titres pour la jeunesse traduit de l’hébreu s’est en effet multiplié par dix, passant de 8 en 1984-1985 à 80 en 1998-1999. Ayant atteint le chiffre 48 dès le début des années 1990, ils représentaient au début des années 2000 un quart de l’ensemble des traductions de l’hébreu28.

Il n’est pas aisé, comme dans le cas des Pays-Bas, de mesurer l’impact exact du rôle de l’Institut parmi les facteurs ayant favorisé cet essor. Parmi ces facteurs, il faut compter avant tout la conjoncture de la globalisation et l’intensification des traductions dans le monde. Cependant, celle-ci n’a pas profité de la même façon à toutes les littératures des « petits » pays29. Dans le cas d’Israël, la conjoncture politique qui a placé cet État au premier rang de l’actualité dans le monde, a constitué un facteur favorable à la traduction de sa littérature, dont certain·es auteur·ices faisaient figure d’intellectuel·les engagé·es luttant contre le sort fait par leur gouvernement aux Palestiniens, puis de précurseurs aux accords d’Oslo.

Significativement, c’est une agente littéraire privée et non l’ITHL qui a promu cette figure à travers David Grossman. Il faut compter aussi, pour la France à tout le moins, avec l’investissement depuis le début des années 1970 d’un groupe d’importateur·ices plus ou moins spécialisées (traducteur·ices, directeur·ices de collection, éditeur·ices) qui a augmenté et s’est diversifié30. Il est cependant indéniable que l’Institut – cité par la plupart des éditeur·ices français·es rencontré·es comme un agent reconnu – a eu un impact sur la traduction par ses actions incitatives, le travail auprès des éditeur·ices et les aides proposées. En 2000, l’Institut représentait 181 auteur·ices. L’année précédente, il avait cédé les droits de 87 titres (dont 15 anthologies), pour la traduction en seize langues31. Il est devenu un modèle pour ses équivalents dans d’autres pays, en Scandinavie notamment3.

En 2008, Israël était le pays invité d’honneur au salon du livre de Paris et de Turin. Cette invitation a provoqué un scandale : les unions d’écrivains de plusieurs pays arabes ont appelé au boycott, malgré l’inclusion in extremis dans la délégation d’un écrivain palestinien israélien écrivant en hébreu, Sayed Kashua, représenté par l’ITHL depuis son premier livre Les Arabes dansent aussi, paru en 2002. En effet, malgré la relative autonomisation de la politique de l’ITHL des enjeux politiques, elle reste prise dans les relations interétatiques officielles et les luttes idéologiques : de même que le gouvernement israélien instrumentalise la culture pour améliorer l’image d’Israël dans le monde – une stratégie dénoncée par le poète israélien Aharon Shabtaï qui dit dans un entretien : « Ce salon du livre, ainsi d’ailleurs que toute autre sorte de manifestation où l’État d’Israël est invité, n’est pas un moyen de promouvoir la paix au Moyen-Orient, ni un moyen d’apporter la justice aux Palestiniens. Il s’agit uniquement de propagande, visant à donner à Israël une image de pays libéral et démocratique32 » –, de même celles et ceux qui appellent au boycott dénient à la culture toute autonomie par rapport à ces enjeux.

graph 2

Graphique 2 

Nombre de titres de littérature traduits de l’hébreu par an et par langue (1985-2000)

Conclusion

Les deux cas étudiés ici présentent des convergences et des divergences, qui permettent de réfléchir à l’éventail des possibles. Il s’agit dans les deux cas d’une instance chargée de représenter et promouvoir la littérature nationale à l’étranger, qui évolue vers le rôle d’intermédiaire, voire d’agent littéraire auprès des éditeurs, et d’organisme de subvention des projets de traduction, signe de l’importance croissante des éditeurs et des agents littéraires sur le marché mondial de la traduction, dans le contexte de la globalisation et de la concentration éditoriale33. La présence à la foire de Francfort d’agences étatiques représentant les littératures de leur pays (c’est le cas pour la France et les pays scandinaves par exemple) témoigne cependant de la persistance du rôle des États-nations, dont l’action de représentation assure le maintien des littératures en langues périphériques sur ce marché34 . Ces représentants étatiques font donc partie intégrante des institutions qui fabriquent la littérature mondiale35.

Les identités nationales demeurent en effet un mode de catégorisation et d’identification efficient au pôle de production restreinte du champ littéraire36, contrairement au pôle de grande production où l’appartenance nationale est généralement gommée. Sous ce rapport, les deux cas illustrent les tensions entre différents modes de construction identitaires. Dans les deux, les frontières nationales ne recoupent pas les frontières linguistiques.

Se pose ainsi la question de la définition du périmètre de l’action étatique : est-ce la langue ou l’appartenance nationale ? Et sur quel critère se définit cette dernière ? Cette définition est susceptible d’évoluer dans le temps, comme le montre le cas de la « littérature hébraïque » qui est passée d’une définition à la fois linguistique et religieuse (identifiant l’appartenance nationale sur cette base plutôt que sur celle de la citoyenneté israélienne) à une définition incluant les écrivain·es palestinien·nes israélien·nes écrivant en hébreu, la langue demeurant le cadrage privilégié. Cette évolution est l’aboutissement logique de l’autonomisation de l’ITHL par rapport aux instances des organisations sionistes et de ce qui rattachait cette littérature à un ensemble vaguement défini depuis l’après-guerre comme « littérature juive ». Elle témoigne d’un processus de normalisation de l’État d’Israël qui reste cependant ambigu à l’égard des citoyen·ne arabes israélien·nes, par le maintien de l’identité juive comme fondement de la définition dominante de la nation.

Dans le cas néerlandais, langue et identité nationale ne se recoupent pas non plus. Centrée sur la langue, la foire du livre de Francfort a invité conjointement les Pays-Bas et la Flandre en 1993 et à nouveau en 2016. Depuis la création de ces agences publiques de traduction, les relations entre les instituts flamands et néerlandais ont oscillé entre collaboration étroite et séparation. Établie aux Pays-Bas en 1954, la Fondation de Flandre a été intégrée en 1964 à la Fondation pour la traduction des œuvres littéraires néerlandaises, au sein de laquelle elle est restée active jusqu’en 1990. Afin d’éviter les conflits sur la répartition des coûts et des bénéfices, des fondations distinctes pour les Pays-Bas et la Flandre ont été mises en place respectivement en 1991 et en 1999. D’autres instituts, comme l’Union linguistique néerlandaise-flamande, sont demeurés sous gestion commune. Malgré la séparation organisationnelle, les actions sont coordonnées et concernent invariablement la « littérature néerlandaise » supranationale, qui est présentée comme étant localisée et produite dans les « Bas Pays » plutôt que dans ses composantes distinctes, les Pays-Bas et la Flandre.

Une telle évolution n’est pas limitée à ces deux pays. Le cas français est révélateur à cet égard.  En 1993, la politique du livre du ministère de la Culture s’est redéfinie pour inclure toutes les littératures de langue française37. Financée en partie par le gouvernement français, la French Publishers Agency, qui représente les éditeurs français aux États-Unis, ne se préoccupe pas de la nationalité des auteur·ices qu’elle représente. Ainsi, la notion de « littérature française » signifie de plus en plus toute la littérature en français, comme en témoigne le choix de la France de promouvoir la langue française en tant qu’invitée d’honneur de la foire de Francfort 201738. À condition, cependant, qu’elle soit publiée par un éditeur français. Ce critère implicite reflète la place prise par la justification économique des politiques culturelles depuis les années 1990. Si l’élargissement de la notion de « littérature française » comme celle de « Dutch literature » et de « Hebrew literature », correspond au processus de dénationalisation impulsé dans le cadre de la globalisation, il montre aussi le rôle désormais prépondérant des éditeurs dans la définition des échanges littéraires internationaux et leur capacité à réorienter l’action publique à leur profit.

Cela vaut aussi pour la protection des entreprises nationales dans les petits pays périphériques des grandes aires culturelles, comme l’illustre le cas du Québec où, confrontés à la concurrence du grand groupe français Hachette, les éditeurs québécois avaient obtenu dès 1971 le vote d’une loi fixant la part maximale de capitaux étrangers qu’une entreprise peut posséder pour bénéficier de subventions étatiques. De même, la Belgique a, après une action intense de lobbying, obtenu que les éditeurs wallons participent à la foire de Francfort 2017 auprès de la France, sans que pour autant l’État belge soit officiellement invité. Côté français, l’agent littéraire Pierre Astier aurait proposé au directeur de la foire de transformer Francfort 2017 en événement de la langue française : « Dans ce cas la Suisse, la Belgique et beaucoup de pays d’Afrique pourraient aussi participer financièrement. Le marché s’organise par langue aujourd’hui, plus seulement par pays. Quand l’Allemagne participe à un salon, elle le fait souvent avec la Suisse et l’Autriche », a-t-il expliqué à la presse39. Ces exemples montrent comment les littératures nationales sont définies par une négociation entre les différentes acteur·ices du marché du livre, représentant·es étatiques, éditeur·ices, agent·es littéraires, directeur·ices de foires du livre, et bien évidemment les écrivain·es ielles-mêmes.

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1

Cet article est une version française légèrement remaniée de notre chapitre “Politics of translation : How states shape cultural transfers”, in Diana Roig-Sanz and Reine Meylaerts (dir.), Literary Translation and Cultural Mediators in "Peripheral"Cultures. Custom Officers or Smugglers ? London, Palgrave MacMillan, 2018, p. 183-210.  Johan Heilbron a rédigé sa partie (la première de cet article) alors qu’il était résident de l’Institute for Advanced Study de Princeton. Il remercie ici pour leur soutien Louise et John Steffens, membres du Friends Founders’ Circle, qui ont rendu possible son séjour au cours de l’année universitaire 2017-2018. Cette partie ainsi que l’introduction ont été traduites par Cécile Dutheil de La Rochère, et revues par les auteures.

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2

Pierre Bourdieu, « Une révolution conservatrice dans l’édition », Actes de la recherche en sciences sociales, n°126-127, 1999, p. 3-28 ; Johan Heilbron, « Towards a Sociology of Translation : Book Translations as a Cultural World System », European Journal of Social Theory, n°2, 1999, p. 429-444 ; Johan Heilbron, « Echanges culturels transnationaux et mondialisation », Regards sociologiques, n° 22, 2002, p. 141–154 ; Gisèle Sapiro ,« Translation and the Field of Publishing : A Commentary on Pierre Bourdieu’s “A Conservative Revolution in Publishing” From a Translation Perspective », Translation Studies, n°1, 2008, p. 154–167 ; Gisèle Sapiro (dir.), Les Contradictions de la globalisation éditoriale, Paris, Nouveau Monde, 2009.

Retour vers la note de texte 19282

3

Johan Heilbron et Gisèle Sapiro, « Translation: Economic and Sociological perspectives », in Victor Ginsburgh, Shlomo Weber (dir.), The Palgrave Handbook of Economics and Language, Basingstoke, UK, Palgrave-MacMillan, 2016, p. 373-402 ; Gisèle Sapiro,« Translation and identity: social trajectories of the translators of Hebrew literature in French », TTR, vol. 26, n.°2, 2016, p. 59-82 ; Pierre Bourdieu, Impérialismes. Circulation internationale des idées et luttes pour l’universel, Paris, Raisons d’agir, 2023.

Retour vers la note de texte 19283

4

Mona Baker et Gabriela Saldanha (dir.), Routledge Encyclopedia of Translation Studies, London/New York,  Routledge, 2008 ; Sandra Bermann et Catherine Porter (dir.), Companion to Translation Studies, Oxford/Malden, Wiley-Blackwell, 2014 ; Jeremy Munday (dir.), The Routledge Companion to Translation Studies, Oxon, Routledge, 2009.

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5

Reine Meylaerts, « Translation Policy », in Yves Gambier et Luc van Doorslaer (dir.), Handbook of Translation Studies, Amsterdam/Philadelphia, John Benjamins Publishing Company, Volume 2, 2011, p. 163–168. 

Retour vers la note de texte 19285

6

Chantal Gagnon, « Political translation », in Yves Gambier & Lucvan Doorslaer (dir.), Handbook of Translation Studies, vol. 1, 2010, p. 252-256 ; Gayatri Spivak, « The Politics of Translation », in Lawrence Venuti, The Translation Studies Reader, Londres/New York, Routledge, 1992, p. 397-416 ; Susan Gal, « Politics of Translation »Annual Review of Anthropology, vol. 44, 2015, p. 225-240 ; Emily Apter, Against World Literature: On the Politics of Untranslatability, Londres, Verso, 2014 ; Tiphaine Samoyault, Traduction et violence, Paris, Seuil, 2020.

Retour vers la note de texte 19286

7

Richard Jacquemond, « Translation Policies in the Arab World. Representations, Discourses, Realities », The Translator, n°15, 2009, p. 1-21.

Retour vers la note de texte 19287

8

Brian James Baer (dir.), Contexts, Subtexts and Pretexts. Literary Translation in Eastern Europe and Russia, Amsterdam/Philadelphia, John Benjamins, 2011 ; Francesca Billiani (dir.), Modes of Censorship and Translation, National Contexts and Diverse Media, Manchester, St Jerome, 2007; Maurice Friedberg, Literary Translation in Russia. A Cultural History, University Park, The Pennsylvania State University Press, 1997 ; Gabriel Thomson-Wohlgemuth, Translation under State Control. Books for Young People in the German Democratic Republic, London/New York, Routledge, 2009 ; Christoph Rundle, Publishing Translations in Fascist Italy, Oxford, Peter Lang, 2010 ; Ioana Popa, « Un transfert littéraire politisé: Circuits de traduction des littératures d'Europe de l'Est en France, 1947-1989 », Actes de la recherche en sciences sociales, n.°144, 2002, p. 55-69. https://doi.org/10.3917/arss.144.0055 ; Ioana Popa, Traduire sous contraintes. Littérature et communisme, Paris, CNRS Éditions, 2010 ; Ioana Popa, « Communism and Translation Studies » in Yves Gambier & Luc van Doorslaer (dir.), Handbook of Translation Studies, Amsterdam/Philadelphia, John Benjamins Publishing Company, vol. 4, 2013, p. 28–30 ; James St. André et Peng Hsiao-yen, China and Its Others Knowledge Transfer through Translation, 1829-2010,  Amsterdam, New York, Brill / Rodopi, 2012.

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9

Frances Stonor Saunders, Who Paid the Pied Piper ? The CIA and the Cultural Cold War, Londres, Granta Books, 1999.

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10

Richard Jacquemond, « Translation Policies in the Arab World. Representations, Discourses, Realities », The Translator, n°15, 2009, p. 1-21.

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11

Gisèle Sapiro, « Translation and Symbolic Capital in the Era of Globalization. French Literature in the United States », Cultural Sociology, vol. 9, n°3, 2015, p. 320-346.

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12

Gisèle Sapiro, « The Literary Field Between the State and the Market », Poetics. Journal of Empirical Research on Culture, the Media and the Arts, vol. 31, 2003, p. 441-461; Mauricio Bustamante, « Les politiques culturelles dans le monde. Comparaisons et circulations de modèles nationaux d’action culturelle dans les années 1980 », Actes de la recherche en sciences sociales, n.°206-207, 2015, p. 156-173.

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13

Par commodité, nous parlerons de « néerlandais » et de « littérature néerlandaise » pour dire « néerlandais et flamand » et « littératures néerlandaise et flamande ». Nous ne préciserons que pour établir des différences institutionnelles ou littéraires. La partie centrée sur les Pays-Bas est fondée sur une étude plus approfondie rédigée en néerlandais (Johan Heilbron, Nicky van Es, « In de wereldrepubliek der letteren. », in T. Bevers, B. Colenbrander, J. Heilbron, N. Wilterdink, Nederlandse kunst in de wereld. Literatuur, architectuur, beeldende kunst, 1980-2013, Nijmegen: Vantilt, 2015, p. 20-54.). Sur la Fondation flamande voir Jack Mc Martin, « A small, stateless nation in the world market for book translations: The politics and policies of the Flemish Literature Fund », ​ TTR: Traduction Terminologie Redaction, vol. 32, n.° 1, 2019, p. 145-175.

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14

Jan Pieter Guépin, Drietaligheid, Bois-le-Duc, Voltaire, 2003.

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15

Nico Wilterdink, « Breaching the Dyke: The International Reception of Contemporary Dutch Translated Literature », in E. Brems, O. Réthelyi, T. van Kalmthout (dir.), Doing Double Dutch. The International Circulation of Literature from the Low Countries. Leuven, Leuven University Press, 2017, p. 45-66.

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16

Les données fournies par cette double source ne vont pas au-delà de 1998, puisque c’est à cette date que la publication de la bibliographie des traductions du néerlandais a pris fin.

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17

 Pour  un bilant récent voir Jack Mc Martin, « Dutch Literature in Translation: A Global View », Dutch Crossing - Journal of Low Countries Studies, vol. 44, n.° 2, 2020, p. 145-164. doi: 10.1080/03096564.2020.1747006

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18

Willem Frederik Hermans, « Het lijden der vertaalde schrijvers », in W.F. Hermans, Klaas kwam niet, Amsterdam, De Bezige Bij, 1983, p. 105-116.

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19

Sur la réception mondiale de la littérature néerlandaise voir Johan Heilbron et Nicky van Es, « In de wereldrepubliek der letteren », in T. Bevers, B. Colenbrander, J. Heilbron, N. Wilterdink, Nederlandse kunst in de wereld. Literatuur, architectuur, beeldende kunst, 1980-2013, Nijmegen, Vantilt, 2015, p. 20-54 ; Johan Heilbron, « Obtaining World Fame From the Periphery » , Dutch Crossing, vol. 44, n°2, 2020, p. 136-144, http://dx.doi.org/10.1080/03096564.2020.1747284 ; Nico Wilterdink, « Breaching the Dyke: The International Reception of Contemporary Dutch Translated Literature », in E. Brems, O. Réthelyi, T. van Kalmthout (dir.), Doing Double Dutch. The International Circulation of Literature from the Low Countries. Louvain, Leuven University Press, 2017, p. 45-66.

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20

Nicky van Es et Johan Heilbron, « Fiction from the Periphery. How Dutch Writers Enter the Field of English-language Literature », Cultural Sociology, vol. 9, n°3, 2015, p. 296-319 ; Gisèle Sapiro, « Translation and the Field of Publishing. A Commentary on Pierre Bourdieu’s “A Conservative Revolution in Publishing" From a Translation Perspective », Translation Studies, n°1, 2008, p. 154-167 ;  Jack Mc Martin, « Transnational Pole Coherence and Dutch-to-German Literary Transfer. A Study of Book Translations Published in the Lead-Up to the Guest of Honourship at the 2016 Frankfurt Book Fair »Journal of Dutch Literature, vol. 7, n°2, 2016, p. 50-72. 

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21

Anne-Marie Thiesse, La Création des identités nationales : Europe XVIIe siècle-XXe siècle, Paris, Seuil, 1998.

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22

Pascale Casanova, La République mondiale des lettres, Paris, Seuil [1999], « Points » [2008] ; Gisèle Sapiro, « Translation and the Field of Publishing. A Commentary on Pierre Bourdieu’s “A Conservative Revolution in Publishing” From a Translation Perspective », Translation Studies, n°1, 2008, p. 154-167 ; Gisèle Sapiro, Qu’est-ce qu’un auteur mondial ? Le champ littéraire transnational, Paris, Gallimard/Seuil/Éditions de l’EHESS, « Hautes études », 2024.

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23

Gisèle Sapiro, « L’importation de la littérature hébraïque en France.  Entre communautarisme et universalisme », Actes de la recherche en sciences sociales, 144, 2002, p. 80-98. DOI : https://doi.org/10.3406/arss.2002.2810

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24

Gisèle Sapiro, « L’importation de la littérature hébraïque en France.  Entre communautarisme et universalisme », Actes de la recherche en sciences sociales, 144, 2002, p. 80-98. DOI : https://doi.org/10.3406/arss.2002.2810

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25

Entretien avec Nilli Cohen, réalisé par Gisèle Sapiro le 31 octobre 2001.

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26

Ce n’est pas le premier écrivains arabe israélien à écrire en hébreu, mais cette pratique était rare, voir Sadia Agsous, Derrière l’hébreu, l’arabe. Le roman palestinien en hébreu (1966-2017) Paris, Classiques Garnier, 2022.

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27

Entretien avec Deborah Harris, réalisé par Gisèle Sapiro le 29 octobre 2001.

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28

Source: « Number of Children’s Books in Translation. Number of Children’s Books Authors », document produit par l’ITHL et aimablement communiqué par Nilli Cohen.

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29

Gisèle Sapiro, « Translation and the Field of Publishing: A Commentary on Pierre Bourdieu’s “A Conservative Revolution in Publishing” From a Translation Perspective », Translation Studies, n°1, 2008, p. 154-167.

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30

Gisèle Sapiro, « L’importation de la littérature hébraïque en France.  Entre communautarisme et universalisme », Actes de la recherche en sciences sociales, n.°144, 2002, p. 80-98. DOI : https://doi.org/10.3406/arss.2002.2810

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31

Shiri Lev-Ari, « Neshika mebead le tsaif akhour », Ha’Aretz, 26 janvier 2000.

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32

Silvia Cattori, « Israël, "invité d’honneur" aux salons du livre de Paris et de Turin, doit être boycotté », entretien avec Aharon Shabtaï, Réseau Voltaire, 26 février 2008, en ligne: http://www.voltairenet.org/article155481.html.

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33

André Schiffrin, The Business of Books, New York, Verso, 2000 ; Gisèle Sapiro (dir.), Les Contradictions de la globalisation éditoriale, Paris, Nouveau Monde, 2009.

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34

sur la position qu’y occupent les langues périphériques, voir Johan Heilbron, « Towards a Sociology of Translation: Book Translations as a Cultural World System », European Journal of Social Theory, n°2, 1999, p. 429-444; Johan Heilbron et Gisèle Sapiro, « Towards a Sociology of Translation: Current Issues and Future Prospects », in M. Wolf et  A. Fukari (dir.), Constructing a Sociology of Translation, Amsterdam/Philadelphia, John Benjamins, 2007, p. 93-107. Sur la foire de Francfort comme espace reflétant les rapports de force entre pays et régions, voir Gustavo Sorà, « Francfort : la foire d’empoigne », Liber. Revue internationale des livres,1998, p. 2-3. Et pour un exemple de la position d’un pays périphérique, le Québec, dans cette foire, Hervé Serry et José Vincent, « Penser le rôle des foires internationales dans la mondialisation de l’édition. L’exemple des éditeurs québécois à la Buchmesse de Francfort », Le Mouvement social, n°243, 2013, p. 105-116.

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35

Stefan Helgesson et Peter Vermeulen (dir.), Institutions of World Literatur. Writing, Translation, Markets, Londores, Routledge, 2015 ; Gisèle Sapiro, Qu'est-ce qu'un auteur mondial? Le champ littéraire transnational, Paris, Gallimard, Seuil, Editions de l'EHESS, « Hautes études ».

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36

Gisèle Sapiro, « Translation and Symbolic Capital in the Era of Globalization: French Literature in the United States », Cultural Sociology, vol. 9, n°3, 2015, p. 320-346. Gisèle Sapiro, Qu'est-ce qu'un auteur mondial? Le champ littéraire transnational, Paris, Gallimard, Seuil, Editions de l'EHESS, « Hautes études ».

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37

Le décret n°93-397 redéfinissant les missions du CNL, qui devient Centre national du livre, remplace le terme « écrivains français » dans l’article de 2 de la loi du 11 octobre 1946 par « écrivains de langue française ».

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38

Voir l’annonce sur le site de l’Institut français, opérateur de l’action culturelle extérieure de la France. http://www.institutfrancais.com/fr/actualites/la-france-invitee-dhonneur-la-foire-du-livre-de-francfort-2017

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39

Odile Benyahia-Kouider et Grégoire Leménager,« Francfort 2017: Valls met fin à un incroyable feuilleton », BiblioObs, September 23, 2014, [Online].