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Deux discours sur l’injustice de l’esclavage en Amérique espagnole (dernier tiers du XVIIe siècle)

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Introduction

Des auteurs comme Rolando Mellafe1, William Phillips2, José Rodrigues3 ou Enriqueta Vila4 ont souligné le lien entre l’histoire de l’esclavage indigène et celle de l’esclavage africain en Amérique. Ils ont ainsi considéré que le déclin démographique de la population indigène et la politique de protection envers cette dernière adoptée par les Couronnes espagnole puis portugaise, ont eu des répercussions sur l’essor de la traite des esclaves africains destinés à satisfaire la demande de main d’œuvre dans les colonies ibériques du « Nouveau Monde ».

D’une manière ou d’une autre, on rencontre ici l’idée que le déclin de l’esclavage indigène a coïncidé avec l’apogée de l’esclavage africain, et que les Couronnes ibériques se sont attelées à résoudre le problème indigène en ignorant la question des Africains et de leurs descendants réduis en esclavage5. En somme, on aurait tenté de sauver les uns en sacrifiant les autres.

Cet article maintient le lien traditionnel entre l’esclavage indigène et l’esclavage africain, mais les considère comme des phénomènes qui se sont développés de manière parallèle. Pour ce faire, nous étudions deux traités contre l’injustice de l’esclavage auquel étaient soumis les indigènes, les Africains et les afro-descendants dans l’Amérique espagnole de la fin du XVIIe siècle. Nous soulignons également les limites de la politique abolitionniste de l’esclavage menée par la Couronne espagnole dans les frontières de l’empire espagnol en Amérique et aux Philipines, où l’esclavage des indigènes s’est maintenu malgré la législation promulguée pour leur protection.

Ces traités sont le Manifiesto apologético de los daños de la esclavitud en el reino de Chile [Manifeste apologétique des souffrances de l’esclavage au royaume du Chili] du jésuite Diego de Rosales écrit en 1670 et la Resolución sobre la libertad de los negros y sus originarios, en estado de paganos y ahora ya cristianos [Traité sur la liberté des Noirs africains et de leurs descendants, païens et christianisés] du capucin Francisco José de Jaca, achevé en 1681. Le premier s’interroge sur l’esclavage auquel sont réduits les indigènes du sud du Chili, et à le considérer comme la cause principale de la guerre sans fin en Arauco. Le second avait pour but de dénoncer les mauvais traitements infligés aux Africains et aux Afro-descendants par leurs maîtres dans les régions de Caracas, Carthagène des Indes et La Havane, tout en dénonçant l’injustice des titres que l’on faisait valoir pour légitimer la réduction en esclavage des « Noirs » tant en Afrique qu’en Amérique.

Les dénonciations de Rosales et de Jaca avaient pour idée centrale qu’il ne fallait pas réduire en esclavage les chrétiens, fils de l’Église, qui grâce au baptême étaient devenus des membres de la communauté chrétienne au même titre que les colons espagnols. En considérant cette extension de la communauté chrétienne, du fait de l’intégration au troupeau de Dieu de la plupart des indigènes, des Africains et des Afro-descendants, ces religieux combattirent les esclavagistes et les arguments dont ceux-ci usaient pour légitimer leurs pratiques.

Toutefois, il faut retenir que ni Rosales ni Jaca n’ont critiqué l’institution de l’esclavage en tant que telle, tout en remettant en question la justice des arguments sur lesquels s’appuyait la pratique esclavagiste en Amérique espagnole. À cet égard, tous deux acceptèrent que, par droit des gens, on pouvait réduire en esclavage les personnes capturées lors d’une guerre juste6 (iure belli), tout en excluant de ce groupe les chrétiens et les innocents. C’est la raison pour laquelle nous considérons plus pertinent de parler de traités sur l’injustice de l’esclavage, plutôt que de traités anti-esclavagistes.

I

L’esclavage est une pratique récurrente dans l’histoire de l’humanité. Il fut admis dans l’Ancien et le Nouveau Testament, par la philosophie grecque, par le droit romain, par le droit des gens et par les Saints-Pères de l’Église chrétienne primitive7. Au temps de l’empire romain, l’esclavage a pris une dimension encore jamais atteinte, au moyen de la constitution de grandes propriétés cultivées par une main d’œuvre esclave, avec l’existence d’un marché qui exigeait que l’artisanat soit produit par les esclaves. En ce qui concerne la législation, l’objectif premier du droit romain était de garantir le droit de propriété du maître, en délimitant cependant son pouvoir sur l’esclave pour atteindre la meilleure efficacité et assurer la paix sociale. Ce point est important, car « les lois et les coutumes de Rome se reflétèrent ensuite dans la définition légale de l’esclavage (…) de l’Europe occidentale moderne8».

Au milieu du XVe siècle, les Portugais devinrent les principaux acteurs du commerce esclavagiste en arrivant sur la côte africaine et en contrôlant ses routes maritimes, déplaçant ainsi l'axe de la traite des esclaves de la mer Méditerranée vers l'océan Atlantique. À partir des années 1440, les premiers esclaves noirs commencèrent à embarquer depuis la côte africaine atlantique vers l’Europe, où la demande d’esclaves allait croissant. L’arrivée des Portugais sur la côte africaine occidentale transforma l’histoire de l’esclavage africain. La traite s’intensifia, la source d’approvisionnement en esclaves changea, ainsi que les travaux pour lesquels ils étaient employés. Les Portugais établirent leurs comptoirs sur la côte africaine, cédèrent l’organisation de la traite à des trafiquants, généralisèrent le système des asientos9 et construisirent des navires ayant une capacité suffisante pour transporter les humains réduits en esclavage10.

Par exemple, le Corpus iuris civilis, un recueil de droit romain réalisé sur ordre de l’empereur byzantin Justinien (527-565), fut le texte juridique dont s’inspira le roi Alphonse X de Castille (1252-1284) pour ses Siete Partidas11. Dans ces Partidas, les hommes étaient séparés entre libres et serfs. Au sujet de ces derniers, il était stipulé que la servitude était une constitution introduite par le droit des gens, en contrevenant à la nature. En ce sens, on indiquait que la « servitude est une posture et un établissement qu’ont anciennement pris les gens, par lesquels les hommes qui étaient libres se faisaient serfs et se soumettaient à la seigneurie d’un autre, contre le sens naturel12».

Bien que l’esclavage fût toujours considéré « contraire à la raison naturelle », la législation espagnole a consigné trois motifs pour lesquels on pouvait asservir quelqu’un, soit : par une capture durant la guerre contre les ennemis de la foi, en étant issu d’une mère esclave et par la vente qu’une personne pouvait effectuer d’elle-même. De plus, on stipulait la possibilité qu’un père, dans un besoin extrême, vende son enfant, avec le droit de le récupérer ensuite en le rachetant. Les Partidas, à l’image de la législation romaine, considéraient que le serf ne pouvait pas être trop châtié, qu’on ne devait pas le faire souffrir de la faim ni le tuer. En effet, le traitement d’un maître envers son esclave devait s’apparenter à celui d’un père envers son fils. Si le serf recevait de mauvais traitements de la part de son maître, il pouvait porter plainte devant un juge et solliciter sa vente. De plus, il avait la possibilité de s’affranchir lui-même en rachetant sa liberté à son maître13.

Les huit siècles de Reconquête de la péninsule ibérique par les royaumes chrétiens qui se formèrent à partir du VIIIe siècle eurent une importance décisive dans le développement de l’esclavage. Tout au long des conflits entre musulmans et chrétiens, l’incursion en territoire ennemi pour capturer et réduire en esclavage fut une constante. Les esclaves étaient habituels dans les royaumes de la Reconquête et dans le cadre du lent repeuplement chrétien comme à Valence ou à Majorque. La disparition du dernier royaume musulman de Grenade en 1492 donna lieu à un important épisode de réduction en esclavage de la population vaincue. Notamment, après la conquête de Malaga, les Rois Catholiques capturèrent tous les habitants musulmans et les répartirent comme esclaves14.

II

Lorsque les Espagnols commencèrent à coloniser le « Nouveau Monde », l’esclavage était une vieille institution et ses pratiques étaient « complètement enracinées dans l’esprit et dans la vie des gens de la péninsule, et admis par la loi15 ». En Amérique, c’est aussi la cruauté de la guerre de la « Reconquête » menée pendant des siècles contre les musulmans dans la péninsule ibérique qui s’est trouvée réactualisée. Ainsi, l’époque de la découverte et de la conquête fut marquée par les antécédents du conflit entre chrétiens et musulmans16.

Le pape Alexandre VI, dans la bulle Inter Caetera de 1493, souligna que les indigènes américains étaient des sujets des Rois Catholiques, raison pour laquelle ils devaient être évangélisés et méritaient le même traitement que les vassaux espagnols. Ce fut en vertu de cette égalité que les Rois Catholiques se virent forcés de rejeter l’esclavage des Indiens17. La Couronne espagnole dut affronter très tôt les contradictions qui émergeaient au cœur de l’expansion coloniale en Amérique. Ses monarques durent concilier la volonté de conquête attisée par la domination politique et l’extraction de ressources, avec le projet évangélisateur qui visait à la conversion des indigènes au christianisme, reconnaissant ainsi à ces derniers un certain nombre de droits, en tant que sujets que l’on devait par conséquent protéger18.

De ce fait, il fut nécessaire d’élaborer une politique en Amérique permettant de justifier les actes des colons en leur âme et conscience. Aucune puissance européenne n’avait consacré tant de temps et d’énergie à discuter de la justice et de la légitimité de ses actions, ainsi que de la nécessité de mettre un frein aux excès et aux abus de ses colons19.

En 1495, avec l’arrivée en Espagne du premier bateau d’esclaves venant des Indes, les Rois Catholiques s’inquiétèrent, pour leur conscience, du sort des indigènes qui avaient été réduits en esclavage. Ils prirent ainsi conseil auprès de leurs hommes de lettres, de leurs théologiens et de leurs canonistes. En 1503, ils ordonnèrent de ne pas réduire en esclavage les indigènes des îles et de la terre ferme, cependant ils n’interdirent pas leur réduction en esclavage en général, puisque celle-ci restait possible en cas de guerre contre les Espagnols ou contre les indigènes « de paix » ou « amis », ou encore dans le cas où ils auraient commis un délit « contre-nature ». En conséquence de quoi l’esclavage des indigènes « caribéens » et l’esclavage de ceux qui, après s’être soumis à la couronne, se rebellaient, restaient autorisés. En 1508, l’esclavage des indiens « inutiles », adjacents aux Antilles Majeures, fut permis, afin qu’ils pussent servir de main d’œuvre à Hispaniola, et trois ans plus tard, la même pratique fut autorisée à San Juan de Porto Rico. Toutes ces dispositions contribuèrent à l’extension de l’esclavage dans les Caraïbes, dans un contexte où il était nécessaire de remédier au manque de main d’œuvre qui découlait de la baisse démographique de la population native. Ainsi, malgré la déclaration sur la « liberté par nature » des indigènes durant les premiers temps de la colonisation de l’Amérique, l’esclavage indigène « avait pris de grandes proportions et s’étendait légalement aux Indiens en guerre, rebelles, caribéens et transportés depuis les îles inutiles20».

En 1512, la Junta21 de Burgos fut convoquée par le roi Ferdinand, du fait des protestations des frères dominicains d’Hispaniola, dans le but de réfléchir à la légitimité de la conquête et à l’usage des indigènes comme main d’œuvre. L’année suivante, les lois de Burgos furent promulguées, qui manifestaient la volonté de réduire la facilité avec laquelle on réduisait les Indiens en esclavage aux Antilles22.

Cette année-là, Juan López de Palacios Rubios présenta au roi Ferdinand son Tractatus insularum maris Oceani et de Indis in servitutem non redigendis, plus connu sous le titre de Requerimiento23. Dans ce traité, il est souligné que les Indiens sont des serfs par nature et qu’on peut leur faire la guerre s’ils ne reconnaissent pas la domination de l’Église et n’acceptent pas les prédicateurs, puisque la colonisation est considérée comme légitime et fondée sur la donation papale d’Alexandre VI. Avec ce support légal, l’esclavage des Indiens s’étendit à toutes les régions de la conquête en Amérique24.

Par contraste, en 1530, le roi Charles I25interdit radicalement l’esclavage des Indiens, même des captifs d’une « guerre juste ». Cependant, quatre ans plus tard, cette disposition fut rectifiée et l’esclavage fut autorisé en cas de guerre juste et de sauvetage26. En 1542, l’interdiction générale instaurée en 1530 fut rétablie et intégrée aux nouvelles lois promulguées en novembre27.

L’Église catholique s’est aussi impliquée dans le débat sur l’esclavage des indigènes. Paul III, dans sa brève Pastorale officium, destinée à l’archevêque de Tolède en 1537, interdit l’esclavage aux Indes pour quelque personne que ce soit, sous peine d’excommunication de l’esclavagiste. La même année, il expédia la bulle Veritas ipsa, connue aussi comme Sublimis deus ou Excelsus Deus, dans laquelle il souligne que les indigènes sont doués de raison, qu’il s’agit de véritables êtres humains, libres, capables de recevoir la foi, et que, par conséquent, il ne faut pas les réduire en esclavage28.

Malgré les progrès de la politique de protection des indigènes durant le règne de Charles Ier, en 1569, pendant le règne de Philippe II, on concéda à nouveau la permission aux habitants des îles de Barlovento de faire la guerre aux indigènes caribéens et de réduire en esclavage ceux qui étaient capturés. L’année suivante, la même mesure fut prise pour les habitants de l’île de Mindanao aux Philippines. Enfin, en 1608, sous le règne de Philippe III, l’esclavage fut autorisé concernant les indigènes des provinces rebelles du royaume du Chili29.

Quant à la situation au royaume du Chili, un développement reliant les modalités de la guerre et les caractéristiques sociales se produisit. Ainsi, les XVIe et XVIIe siècles dans cette colonie furent marqués par la violence de la guerre d’Arauco et, à la faveur de ce conflit, par la réduction en esclavage des indigènes. Dès 1570, la documentation produite par l’administration coloniale chilienne rendit compte de la réduction en esclavage et de la traite des indigènes, dans un contexte de manque de main d’œuvre dans les régions agricoles du centre du royaume et des besoins de travail croissants à Lima. De ce fait, l’ordonnance royale de 1608 qui autorisait l’esclavage des indigènes capturés durant la guerre ne faisait que consacrer légalement une pratique déjà répandue et bien ancrée30.

L’antécédent de l’ordonnance de 1608 fut un soulèvement général indigène qui débuta en 1598, coûta la vie au gouverneur Martín García Oñez de Loyola, et fit perdre au royaume toutes les villes coloniales fondées par les Espagnols au sud du fleuve Biobío. En conséquence, les créoles espagnols du royaume du Chili convoquèrent une assemblée d’urgence dans la cathédrale de Santiago, où ils se mirent d’accord pour envisager qu’avec l’autorisation de l’esclavage indigène, les « insurgés » se rendraient plus vite, la guerre d’Arauco prendrait fin, et on attirerait plus de gens vers une province qui avait besoin de renfort pour appuyer la colonisation. C’est en cette circonstance que Melchor Calderón conçut son Tratado sobre la importancia y utilidad de dar por esclavos a los indios rebelados de Chile [Traité sur l’importance et l’utilité de rendre esclaves les Indiens rebelles du Chili], en 1599, dans lequel l’auteur mentionne les cas dans lesquels l’esclavage avait été autorisé, citant l’exemple des Morisques de Grenade, des Chichimèques du Nord du Mexique et des Chiriguanos du Vice-royaume du Pérou. Calderón a également soutenu que les indigènes qui avaient d’abord accepté la paix puis s’étaient soulevés, faisaient obstacle au salut des convertis, à la prédication envers les infidèles, enfin à la libre circulation et au libre commerce sur leurs terres31.

Nous l’avons vu, le soulèvement général indigène de la fin du XVIe siècle et du début du XVIIe eut des répercussions sur la recrudescence des pratiques esclavagistes et favorisa la recherche d’une justification doctrinale qui viendrait les légitimer. En ce sens, il est important de relever l’unanimité de la société colonisatrice (militaires, encomenderos32, religieux et fonctionnaires) par rapport à la question de l’esclavage. Par la suite, la traite fut légalisée et utilisée comme mécanisme de financement de l’armée royale, à l’initiative du gouverneur Alonso de Ribera (1601-1605)33.

En 1607, tenant compte des avis émanant du royaume du Chili, et avançant des arguments similaires à ceux de Calderón, le Conseil des Indes recommanda à Philippe III que les indigènes des provinces « rebelles » soient réduits en esclavage. Philippe III prit acte de ces recommandations, mais légitima cette disposition par un argument divergeant, en stipulant que l’esclavage des indigènes était autorisé comme châtiment de crimes commis contre l’Église. Par une ordonnance royale34 du 25 mai 1608, l’esclavage fut autorisé dans toutes les provinces où les indigènes étaient rebelles, à l’exception des mineurs jusqu’à dix ans et demi pour les hommes et neuf ans et demi pour les femmes. Cela fut publié au Royaume du Chili en 1610 par un arrêté du gouverneur intérimaire Luis Merlo de la Fuente (1610-161135).

Néanmoins, par une ordonnance royale de novembre 1610, Philippe III décrétait la guerre défensive contre les indigènes du Royaume du Chili, et suspendait la validité de l’ordonnance de 1608. Les négociations menées à bien à la Cour par le jésuite Luis de Valdivia favorisèrent cette décision. Cependant, en avril 1625, il fut ordonné au vice-roi du Pérou, le marquis de Guadalajara, de reprendre la guerre offensive au Chili, et que les indigènes capturés fussent réduits en esclavage sans restrictions. Cette initiative jésuite de développement d’une stratégie différente de colonisation en territoire indigène avait néanmoins permis un intermède de plus d’une décennie de politique esclavagiste, du moins sur le plan légal36.

En 1641, le gouverneur Francisco López de Zúñiga, marquis de Baides, (1639-1646) conclut un accord de paix avec une partie des indigènes rebelles de la frontière du Chili, à Quilín, résultant de la mise en œuvre d’une politique diplomatique de dialogue et d’élaboration d’accords avec les leaders indigènes, ce qui fut poursuivi par ses successeurs jusqu’en 1655. Cette année-là, les relations pacifiques furent perturbées par un soulèvement général indigène s’étendant d’Arauco à Chillan. Toutefois, il faut relever qu’en 1651, l’Audience Royale du Chili émit un acte qui interdisait l’esclavage illégal d’ « usage37», une modalité qui permettait aux parents de vendre leurs enfants avec la possibilité que ces derniers s’émancipent à l’âge adulte. Cette initiative fut soutenue par le gouverneur Acuña y Cabrera et en 1656, cet usage fut interdit par une ordonnance royale38.

En août 1664, le roi Philippe IV ordonna qu’on ne réduise en aucun cas en esclavage les indigènes de la frontière du Chili. Cette disposition fut appuyée, une décennie plus tard, par le Conseil des Indes, lequel, se référant aux arguments défendus par Diego de Rosales, décréta à nouveau que ces indigènes ne pouvaient pas être réduits en esclavage. Avec l’ordonnance royale du 20 décembre 1674, la reine Marie-Anne d’Autriche, exerçant alors les fonctions de gouverneur, réitérait l’abolition de l’esclavage et ordonnait la libération de tous ceux qui restaient prisonniers. Cette disposition fut réitérée deux ans plus tard, et étendue à toute la juridiction de l’Audience du Chili. Malgré ces dispositions antérieures, le gouverneur du Chili Juan Henríquez (1670-1682) créa le statut de « dépôt » pour que les indigènes libérés juridiquement restent auprès de leurs maîtres. Cette décision juridique fut ratifiée par les ordonnances royales de 1686 et 1688 et resta en vigueur jusqu’à 170339.

Andrés Reséndez, dans un travail récent, a souligné que la réduction en esclavage des indigènes était une pratique fréquente et renforcée aux frontières de l’Empire espagnol, comme dans le nord du Mexique, dans les plaines de l’Orénoque, aux Philippines, à Tucuman ou au Paraguay. Et même si, à la fin du XVIIe siècle, la couronne avait émis des dispositions visant à supprimer l’esclavage des natifs de ces frontières, le non-respect de ces lois rend compte des limites du pouvoir des monarques et des régents. En ce sens, dans certains territoires de l’Empire espagnol, comme à la frontière du Chili ou aux îles Philippines, les administrateurs coloniaux, en lien avec « les gouverneurs et les autorités religieuses furent les premiers à s’opposer à cette libération40».

C’est dans ce contexte que se situe le Manifiesto apologético de los daños de la esclavitud en el reino de Chile [Manifeste apologétique des souffrances de l’esclavage au Royaume du Chili] de Diego de Rosales. Rosales est né à Madrid en 1603. Issu d’une famille d’artisans, son inclination pour les lettres le mena à intégrer l’Universidad Complutense de Alcalá de Henares, où il reçu le grade de « bachelier » en 1621. L’année suivante, il rejoignait la Compagnie de Jésus et en 1624 il prononçait ses premiers vœux. En mai 1628, il se trouvait à Cádix avec des compagnons de l’ordre, le comte de Chinchón, nouveau vice-roi du Pérou, et Francisco Lazo de la Vega, nouveau gouverneur du Chili. En décembre, il arriva à Lima, où il poursuivit ses études de théologie et d’où il sollicita d’être envoyé au Chili. Il arriva dans cette province en 1630 et termina ses études de théologie à Santiago. Pendant le gouvernement de Lazo de la Vega (1629-1639), il n’eut de cesse de parcourir les territoires adjacents à Arauco, Paicaví et Lavapié, pénétrant ainsi jusqu’à La Imperial, Villarrica, Toltén et Valdivia en territoire indigène indépendant41.

Il appuya la politique de paix menée par le gouverneur marquis de Baides et il participa au parlement rassemblé à Quilín en janvier 1641. Après cela, ce gouverneur lui confia la pacification des Pehuenches. En 1647, il accompagna le gouverneur Martín de Mujica (1646-1649) dans la ratification du parlement initié par son prédécesseur, qui s’acheva au même endroit en février. L’année suivante, on lui confia la fondation de la mission de Boroa qui devait se construire tout près du fort homonyme, récemment édifié.  En été 1653-1654, on lui confia à nouveau des missions de pacification, cette fois dans une région adjacente de la lagune de Nahuel Huapi. Au début de l’année 1655, éclata l’une des rébellions générales qui causerait le plus de dégâts au Royaume du Chili. Au cours de celle-ci, Rosales fut prisonnier pendant un an environ, et à la fin du conflit, il fut désigné recteur du Collège jésuite de Concepción. En 1659, il fut nommé vice-provincial de la vice-province jésuite du Chili, c’est-à-dire prélat supérieur de l’ordre dans le royaume. En septembre 1667, la Couronne renouvela l’ordre de mettre en œuvre l’ordonnance de 1662 qui stipulait de réunir une assemblée pour aborder la question de l’esclavage dans le Royaume. Après quelques années de délai, l’assemblée fut convoquée par le gouverneur Juan Henríquez et se déroula en deux sessions, l’une en 1671 et l’autre en 1672. Ce fut à cette occasion que Rosales présenta son Manifeste apologétique des souffrances de l’esclavage au Chili42.

Rosales considérait que les indigènes étaient libres par nature, liberté que Dieu avait concédé à toute la création, et à tous les êtres humains. En ce qui concernait les chrétiens, il soulignait qu’il ne pouvait pas y avoir de droit à l’esclavage en cas de guerre juste et que l’on pouvait seulement faire prisonniers les vaincus, en visant une rançon pour leur libération. Ainsi, il affirmait que les colons hispano-créoles avaient « l’obligation d’arrêter les mauvais traitements et de rendre leur liberté aux esclaves qu’ils ont vendus au bénéfice de leurs propriétés43 ».

Le jésuite fit remarquer que l’ordonnance de 1608 était une disposition de droit royal et non pas de droit des gens (accordées aux peuples étrangers), raison pour laquelle les enfants des indigènes réduits en esclavage ne pouvaient pas hériter de leur condition, c’est-à-dire que l’argument que le statut d’un enfant découle de celui de sa mère (partus sequitur ventrem) ne pouvait pas leur être appliqué. Il se préoccupa également de différencier le cas des indigènes rebelles du Chili avec celui des musulmans de la péninsule ibérique. Les premiers, même s’ils pouvaient être de mauvais chrétiens, étaient néanmoins chrétiens, et leur méchanceté n’égalait pas celle des hérétiques musulmans, puisqu’elle résultait plus de leur ignorance que de leur obstination. En ce sens, il affirma qu’ils ne pouvaient pas « être esclaves comme les Morisques, car contre ces derniers on procéda suite à une sentence et on leur fit la guerre pour les réduire en tant qu’ennemis de la foi et apostats, alors que la guerre contre les indigènes avait pour objectif leur bien et leur pacification44. »

Il remit d’ailleurs en question l’argument esclavagiste, bien installé depuis le temps du soulèvement de Curulaba au royaume du Chili, qui avançait qu’avec l’autorisation de l’esclavage indigène, la guerre de l’Arauco prendrait plus rapidement fin. Ce qu’il se passait en réalité était tout l’inverse, puisque le conflit belliqueux fut alimenté et perpétué par la réduction en esclavage des indigènes. C’est la raison pour laquelle Rosales considérait que ce serait seulement en mettant fin à l’esclavage des Indiens que l’on pourrait arrêter la guerre.

Le soulèvement indigène de 1655, d’après Rosales, fut juste, et eut lieu en réponse aux vols, meurtres et agressions perpétrés par les colons espagnols, qui firent la guerre aux indigènes alors que ceux-ci étaient paisibles. Cette rébellion, qui éclata sous le gouvernement de Acuña y Cabrera, fut menée par les indigènes amis de San Cristóbal, Arauco et Talcamavida, non pas contre le roi et l’Église, mais en opposition avec les mauvais ministres du roi. De plus, après le soulèvement, les indigènes se montrèrent réceptifs à tel point que quatre ans plus tard, ils conclurent un accord de paix avec les hispano-créoles. Par là-même, Rosales soulignait que l’ordonnance de 1608 était caduque, puisque la paix était concédée aux chefs indigènes.

Il critiqua également le gouverneur Acuña y Cabrera pour avoir décrété qu’on pouvait réduire en esclavage les indigènes capturés durant la guerre, disposition qui fut ratifiée par les gouverneurs qui lui succédèrent. Parmi eux, Rosales désigna les gouverneurs Francisco de Meneses (1664-1667) et Diego de Ávila (1668-1670) comme ceux qui se laissèrent le plus emporter par le goût des « pièces45» et qui profitèrent d’une « ancienne ordonnance de l’esclavage (…) en la prolongeant pour l’appliquer aux Indiens de ce dernier soulèvement46 ».

Pour ce natif de Madrid, c’était la convoitise d’esclaves qui faisait s’éterniser la guerre, empêchant ainsi la distinction entre indigènes « amis » et « rebelles ». Les enfants d’indigènes chrétiens et les métisses souffraient également de la capture et de la traite esclavagiste. Concernant ces faits, Rosales se rapprocha des propositions du capucin Jaca et souligna que « celui qui naît de chrétiens jouit du privilège des chrétiens et ne peut être esclave47. »

Pour finir, il insista sur le fait qu’il fallait exécuter les ordonnances royales déjà émises par la Couronne au sujet de l’interdiction de réduire en esclavage les indigènes : en particulier les ordonnances de 1656, 1663 et 1664 qui interdisaient l’esclavage à l’« usage ».

III

Au temps du règne d’Alphonse V du Portugal, Henri le Navigateur pénétra la côte occidentale de l’Afrique et l’inclut dans le commerce avec l’Europe. Les archipels de Madère, du Cap-Vert et de Sao-Tomé devinrent des dépôts d’Africains réduits en esclavage et vendus ensuite en Europe. En 1454, le pape Nicolas V expédia la bulle Romanus Pontifex, dans laquelle il autorisait l’esclavage des personnes conquises et capturées par les Portugais en Afrique48.

Le lien entre l’esclavage et la plantation avait déjà été institué précédemment à la conquête de l’Amérique par les Couronnes ibériques. Il avait pour antécédent l’expérience colonialiste de l’Espagne aux Canaries, et du Portugal dans les Açores, Madère, le Cap Vert et Sao-Tomé au cours du XVe siècle. Dans ces archipels, les esclaves africains furent utilisés pour travailler dans les plantations, principalement sucrières. Avec l’intégration de la côte occidentale de l’Afrique aux réseaux de l’empire commercial portugais et l’autorisation promulguée par le pape de réduire les Africains en esclavage, ces derniers devinrent les esclaves les moins chers du marché49.

Le déclin démographique de la population indigène en Amérique fut catastrophique dans certaines régions, comme aux Antilles. Les colons espagnols durent affronter le problème du manque de main-d’œuvre, auquel s’ajoutaient les mesures de protection des indigènes qui commencèrent à être appliquées à la suite des décisions de la Couronne. De ce fait, les colons espagnols demandèrent des esclaves africains pour travailler dans le Nouveau Monde, arguant du fait que cela allégerait la pression sur la population indigène, tout en augmentant la productivité50.

Par conséquent, en 1513, la traite des Africains réduits en esclavage fut amorcée au moyen d’un système de patentes. Ce système consistait en l’octroi par la Couronne espagnole de licences à des particuliers pour prendre des esclaves venus d’Afrique et les emmener aux Indes moyennant paiement. Cinq ans après, Charles Quint octroya les premières licences de monopole, à l’attention des sollicitations qui provenaient des Antilles pour l’envoi d’esclaves « noirs », en raison du déclin démographique de la population indigène. Ce système généra rapidement des problèmes, car les licences étaient revendues par leurs titulaires, ce qui faisait monter le prix des esclaves. À partir de 1532, l’octroi de licences cessa et l’organisation de la traite resta sous la supervision de la Casa de Contratación51 et du Consulat de Séville jusqu’en 1589. Durant cette période, les concessions pour l’introduction d’esclaves se multiplièrent considérablement52.

En 1580, les Couronnes du Portugal et de l’Espagne s’unirent et cela jusqu’en 1640. Dans ce contexte, durant la décennie 1590, le système de l’« asiento » monopoliste fut introduit, au moyen duquel la Couronne espagnole signait un contrat avec un particulier ou une entité privée, qui lui autorisait la traite depuis l’Afrique jusqu’à Carthagène des Indes, port depuis lequel on les distribuait dans les autres régions de l’empire espagnol. Avec le système des « asientos », la traite esclavagiste fut remise aux Portugais, qui répondirent à la demande de main-d’œuvre hispano-américaine. Ainsi, le commerce d’esclaves connut une ascension extraordinaire, qui coïncida avec le déclin démographique de la population indigène américaine53.

Enriqueta Vila a souligné l’influence décisive dans la création du système d’« asientos » des « nombreuses demandes des propriétaires terriens, des éleveurs et des propriétaires de mines, soutenus par la plupart des fonctionnaires publics, qui réclamaient des esclaves », demandes qui convergeaient avec « la politique protectionniste de la Couronne espagnole envers l’Indien54. »

Les principales régions d’Amérique espagnole qui absorbèrent des esclaves africains furent les régions tropicales et sub-tropicales, c’est-à-dire : les Antilles, le Mexique, Lima, le Vénézuéla et la Colombie. Les esclaves y étaient distribués depuis les ports de Carthagène (Colombie), de Veracruz et de Buenos Aires. Après la décennie 1650, la demande fut circonscrite principalement à la région caribéenne et au territoire américain sous juridiction portugaise55. Notamment au XVIIe siècle, la région de Caracas utilisa un plus grand nombre d’esclaves africains pour alimenter la force de travail dans l’industrie du cacao, qui connut un essor considérable entre les décennies 1630 et 164056.

C’est dans ce contexte qu’a été écrit Resolución sobre la libertad de los negros y sus originarios, en estado de paganos y ahora ya cristianos [Traité sur la liberté des Noirs africains et de leurs descendants, païens ou christianisés] de Francisco José de Jaca. Nous savons qu’il est né en 1645 à Jaca et qu’en janvier 1655, il est entré chez les capucins au couvent de Tarazona, où il réalisa son noviciat. En 1673, le ministre général des capucins lui donna la permission de prêcher. Quatre ans plus tard, le commissaire général des missions capucines élargit ses prérogatives afin qu’il effectuât ses travaux apostoliques au sein de la mission des Llanos de Caracas, lieu où les capucins possédaient un hospice et où il arriva fin 167857.

Dès son arrivée à Caracas, il adopta une posture de défense des défavorisés et des opprimés. En ce sens, en décembre 1678, il écrivit au roi en lui rendant compte des abus qui étaient commis envers les indigènes des « encomiendas » de la région, dont il observait qu’ils étaient détenus et traités comme des esclaves. C’est la raison pour laquelle il mit en avant le juste droit de liberté de ces derniers, en tant que vassaux et sujets du roi58.

Jaca avait été envoyé à la mission du Darién, mais il ne put pas y mener à bien sa mission apostolique, car le territoire qui était sous sa juridiction connaissait l’agitation tant du fait de la révolte des indigènes, que de la présence de colons français. En 1681, il fut autorisé à quitter la mission, sans explication concernant cette disposition. En juin, il était à Carthagène, d’où il écrivit au roi pour lui rendre compte des mauvais traitements qu’enduraient les esclaves africains et afro-descendants. Le mois suivant, il arrivait à La Havane, d’où il écrivit à nouveau, cette fois au Conseil des Indes, dans le but de dénoncer les injustices commises contre les Noirs, et demanda qu’on y remédiât59.

Ce fut dans cette ville qu’il écrivit son Traité sur la liberté des Noirs africains et de leurs descendants, païens et christianisés en août 1681. Dans ce traité, il souligne que la liberté a été concédée à l’homme par Dieu et qu’elle est une partie fondamentale de la nature humaine. Jaca considérait l’esclavage comme une institution autorisée par le droit des gens et croyait qu’il était légitime lorsqu’il était fondé sur une guerre juste. C’est le seul principe toléré en vertu duquel l’homme pouvait perdre sa liberté. De même, il fut très clair en exposant que l’esclavage fondé sur de mauvais principes ne pouvait être valable et encore moins permis.

Concernant l’esclavage des Africains et des Afro-descendants, Jaca considérait catégoriquement impossible qu’ils « puissent être soumis à une telle servitude, puisqu’ils devaient intervenir sur les terres, royaumes et provinces dans de justes guerres ». Mais s’il restait encore des doutes à ce propos, il affirmait que l’esclavage ne pouvait trouver de légitimité « concernant les Noirs africains et leurs descendants, précisément parce qu’ils étaient chrétiens et enfants de la Sainte Église60. »

Ainsi, pour Jaca, le baptême libérait et convertissait l’Africain et l’Afro-descendant en un chrétien égal à tout autre. Ce fut l’argument principal avec lequel il chercha à critiquer les esclavagistes et avec lequel il leva les doutes sur la justice des titres qui avaient permis leur capture en Afrique. Dans le même sens, il fit un usage particulier de l’argument qui affirme que le statut d'un enfant découle de celui de sa mère (partus ventrem sequitur), pour préciser le fait que même les « Noirs » qui n’étaient pas baptisés, et qui n’avaient pas connaissance de la doctrine chrétienne, du fait d’être fils de parents chrétiens, détenaient leurs « privilèges » et ne pouvaient être réduits en esclavage61.

Si l’objet principal du texte de Jaca était de mettre en évidence l’injustice de l’esclavage auquel étaient réduits les Africains et les Afro-descendants, il prit le temps aussi de préciser qu’en Amérique, on menait à bien de « tyranniques exécutions, envers les Noirs comme envers ceux nommés Indiens, étant considérés les uns et les autres comme la lie de la terre ». Ceci a eu pour conséquence, d’après lui, que de nombreuses âmes aient renoncé à « recevoir la sainte foi catholique (…) voyant et connaissant les mauvais exemples, les crimes et les iniquités que subissaient les Noirs et les Indiens62. »

Le capucin critiqua également les religieux qui possédaient des esclaves et souligna que « la cupidité aveugle les cœurs des plus parcimonieux et aux plus hautes prérogatives ». En Amérique, beaucoup n’avaient de prêtres que le nom et n’agissaient pas comme tels, qui prétendaient justifier leurs vices par des titres et des arguments illégitimes63.

Durant son séjour à La Havane, Jaca fit la connaissance de frère Épiphane de Moirans, capucin missionnaire à Cayenne, avec qui il se lia d’amitié et ensemble, ils œuvrèrent  pour la défense des Noirs. Ils s’illustrèrent par des prédications dans lesquelles ils critiquaient les esclavagistes et ils se refusèrent à absoudre ces maîtres qui leur demandaient la confession et possédaient des esclaves. En décembre 1681, Francisco Soto Longo, vicaire général de La Havane, devant la pression exercée par les maîtres d’esclaves, excommunia Jaca et Moirans, leur niant la possibilité de prêcher et de confesser. Les capucins furent emprisonnés en janvier 1682 puis embarqués vers l’Espagne. En septembre, les missionnaires se retrouvèrent à Cadix, retenus dans le couvent des capucins de la ville, d’où ils écrivirent au cardinal Millini de la congrégation pour l’évangélisation des peuples (Propaganda Fide), et au nonce d’Espagne. En novembre, la congrégation aborda leur cas et le nonce demanda à ce qu’on les transférât à Madrid. Début 1683, ils furent déplacés, Jaca dans un couvent de Valladolid et Moirans dans un autre à Ségovie. Finalement, en mars 1685, Jaca se trouvait à Rome pour présenter sa défense, où il fut absout des charges qui pesaient contre lui64.

Conclusion

Malgré les restrictions imposées par la Couronne espagnole, l’esclavage indigène au Royaume du Chili se poursuivit durant tout le XVIIe siècle. Cette situation ne fut pas un cas isolé dans les colonies de l’empire espagnol, puisque dans des régions comme le nord du Mexique, les plaines de l’Orénoque, le Grand Chaco ou les îles Philippines, les natifs étaient réduits en esclavage avec persistance, avec ou sans autorisation royale.

Nous considérons qu’après cette analyse, il n’est plus pertinent d’affirmer que le déclin de l’esclavage indigène a favorisé la montée de l’esclavage des Africains et des afro-descendants, mais plutôt que la première a poursuivi son développement parallèlement à la seconde, malgré la politique protectionniste de la monarchie envers les indigènes.

Comme nous l’avons vu, dans les traités du jésuite Rosales et du capucin Jaca, l’idée qu’on ne pouvait pas réduire en esclavage les chrétiens, enfants de l’Église, était fondamentale. C’est à partir de l’extension de la communauté chrétienne, du fait de l’intégration de la majorité des indigènes, des Africains et des Afro-descendants à la population chrétienne, que ces religieux combattirent les esclavagistes et les arguments avec lesquels ils cherchaient à légitimer leurs pratiques.

Pour finir, il faut signaler que ni Rosales ni Jaca ne critiquèrent l’institution de l’esclavage en tant que telle, mais qu’ils remirent en question la justice de son application aux indigènes et aux Noirs, c’est-à-dire, la légitimité des arguments avec lesquels se maintenait la pratique esclavagiste en Amérique espagnole. En ce sens, tous deux acceptèrent que, du fait du droit des gens, il était possible de réduire en esclavage ceux qui étaient faits prisonniers par une guerre « juste » (iure belli), en exceptant toutefois de ce groupe les chrétiens et les innocents. C’est la raison pour laquelle nous préférons utiliser l’expression de traités sur l’injustice de l’esclavage, plutôt que de traités anti-esclavagistes.

    Unfold notes and references
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    1

    Rolando Mellafe, La introducción de la esclavitud negra en Chile. Tráfico y rutas, Santiago du Chili, Universidad de Chile, 1959 et La esclavitud en Hispanoamérica, Buenos Aires, Editorial Universitaria de Buenos Aires, 1968.

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    2

    William Phillips, La esclavitud desde la época romana hasta los inicios del comercio transatlántico, Madrid, Siglo XXI, 1989.

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    3

    José Honorio Rodrigues, Brasil e África : outro horizonte, Rio de Janeiro, Editora Civilização Brasileira, 1961.

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    4

    Enriqueta Vila, Hispanoamérica y el comercio de esclavos, Séville, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 1977 et « La evangelización del esclavo negro y su integración en el mundo americano », in Berta Ares Queija et Alessandro Stella (dir.), Negros, mulatos, zambaigos : derroteros africanos en los mundos ibéricos, Séville, Escuela de Estudios Hispanoamericanos, 2000, p.189-206.

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    5

    Nous observons cette différence entre l’espagnol et le français en ce qui concerne les notions d’esclave et de personne réduite en esclavage. En espagnol, nous avons la possibilité de former à partir du suffixe verbal -ado, le terme esclavizado, c’est-à-dire qui a été mis en esclavage (processus terminé). La nuance entre esclavo (esclave) et esclavizado (réduit en esclavage) n’est pas qu’une simple nuance, elle implique toute une réflexion épistémologique concernant la vision que l’historiographie et les sciences humaines occidentales ont développé quant aux populations africaines mises en esclavage et déportées aux « Amériques ». (NdT)

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    6

    Ce concept remonte à l’empire romain. Dans les colonies espagnoles, les guerres entreprises par des monarques chrétiens contre les membres d’autres confessions religieuses étaient considérées comme « justes ». (NdT)

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    7

    William Phillips, La esclavitud desde la época romana hasta los inicios del comercio transatlántico, Madrid, Siglo XXI, 1989 et Jesús María García, « Carlos V y la abolición de la esclavitud de los indios. Causas, evolución y circunstancias », Revista de Indias, Vol. LX, N°218, 2000, p.57-84.

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    8

    Herbert S. Klein, La esclavitud africana en América Latina y el Caribe, Madrid, Alianza Editorial, 1986 et El tráfico atlántico de esclavos, Lima, Instituto de Estudios Peruanos, 2011.

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    9

    Un « asiento » est un genre de convention qui avait court sous la monarchie espagnole. Il conférait à des acteurs privés le droit d’exercer un monopole de l’État, notamment le commerce des esclaves en provenance d’Afrique. (NdT)

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    10

    Enriqueta Vila, Hispanoamérica y el comercio de esclavos, Séville, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 1977 ; Herbert S. Klein, La esclavitud africana en América Latina y el Caribe, Madrid, Alianza Editorial, 1986 ; Hugh Thomas, La trata de esclavos. Historia del tráfico de seres humanos de 1440 a 1870, Barcelona, Planeta, 1998.

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    11

    « Sept Parties » en espagnol, corpus législatif élaboré en Castille sous le règne d’Alphonse X le Sage entre 1256 et 1265, visant à uniformiser le droit dans le royaume. (NdT)

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    12

    Silvio Zavala, Servidumbre natural y libertad cristiana según los tratadistas españoles de los siglos XVI y XVII, Buenos Aires, Publicaciones del Instituto de Investigaciones Históricas, 1944 et José Andrés-Gallego, La esclavitud en la América española, Madrid, Ediciones Encuentro, 2005.

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    13

    Walter, « Esclavitud y libertad de los indios de Chile, 1608-1696 », Historia, 1981, n°16, p. 5-65 ; José Andrés-Gallego, La esclavitud en la América española, Madrid, Ediciones Encuentro, 2005 et José Antonio Piqueras, La esclavitud en las Españas. Un lazo transatlántico, Madrid, Catarata, 2017.

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    14

    Richard Konetzke, « La esclavitud de los indios como elemento en la estructuración social de Hispanoamérica », in Estudios de historia social de España, Tomo I, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 1949, p.442-479 ; Rolando Mellafe, La esclavitud en Hispanoamérica, Buenos Aires, Editorial Universitaria de Buenos Aires, 1968 ; Anthony Pagden, La caída del hombre natural. El indio americano y los orígenes de la etnología comparativa, Madrid, Alianza Editorial, 1988.

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    15

    Richard Konetzke, « La esclavitud de los indios como elemento en la estructuración social de Hispanoamérica », in Estudios de historia social de España, Tomo I, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 1949.

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    16

    Silvio Zavala, Servidumbre natural y libertad cristiana según los tratadistas españoles de los siglos XVI y XVII, Buenos Aires, Publicaciones del Instituto de Investigaciones Históricas et Las instituciones jurídicas en la conquista de América, Mexico D.F., Editorial Purrúa, 1971[1935].

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    17

    José Andrés-Gallego, La esclavitud en la América española, Madrid, Ediciones Encuentro, 2005.

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    18

    Silvio Zavala, Servidumbre natural y libertad cristiana según los tratadistas españoles de los siglos XVI y XVII, Buenos Aires, Publicaciones del Instituto de Investigaciones Históricas et Las instituciones jurídicas en la conquista de América, Mexico D.F., Editorial Purrúa, 1971[1935] ; Lewis Hanke, La lucha por la justicia en la conquista de América, Buenos Aires, Editorial Sudamericana, 1949.

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    19

    Lewis Hanke, La lucha por la justicia en la conquista de América, Buenos Aires, Editorial Sudamericana, 1949 et Anthony Pagden, La caída del hombre natural. El indio americano y los orígenes de la etnología comparativa, Madrid, Alianza Editorial, 1988.

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    20

    Richard Konetzke, « La esclavitud de los indios como elemento en la estructuración social de Hispanoamérica », in Estudios de historia social de España, Tomo I, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 1949.

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    21

    On nomme juntas un type d’organes informels du pouvoir apparu au cours du XVIe siècle en Espagne. (NdT)

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    22

    Richard Konetzke, « La esclavitud de los indios como elemento en la estructuración social de Hispanoamérica », in Estudios de historia social de España, Tomo I, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 1949 ; Walter Hanisch, « Esclavitud y libertad de los indios de Chile, 1608-1696 », Historia, N°16, 1981, p.5-65 ;  Anthony Pagden, La caída del hombre natural. El indio americano y los orígenes de la etnología comparativa, Madrid, Alianza Editorial, 1988.

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    23

    Le Requerimiento (« Injonction » ou « Sommation ») est un texte rédigé en 1513 par le juriste espagnol Juan Lopez de Palacios Rubios. Le Requerimiento est censé être lu aux Indigènes par les colons espagnols lors du premier contact, afin d'obtenir leur soumission immédiate. (NdT)

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    24

    Silvio Zavala, Servidumbre natural y libertad cristiana según los tratadistas españoles de los siglos XVI y XVII, Buenos Aires, Publicaciones del Instituto de Investigaciones Históricas et Las instituciones jurídicas en la conquista de América, Mexico D.F., Editorial Purrúa, 1971[1935].

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    25

    Il s’agit de Charles Quint, empereur du Saint-Empire Romain Germanique de 1520 a 1558. (NdT)

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    26

    Si la vie de l’indigène était en danger au sein de son peuple, on acceptait qu’il puisse être réduit en esclavage puisque l’on considérait qu’on lui sauvait la vie.

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    27

     Richard Konetzke, « La esclavitud de los indios como elemento en la estructuración social de Hispanoamérica », in Estudios de historia social de España, Tomo I, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 1949.

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    28

    Walter Hanisch, « Esclavitud y libertad de los indios de Chile, 1608-1696 », Historia, N°16, 1981, p.5-65 ; Jesús María García, « Carlos V y la abolición de la esclavitud de los indios. Causas, evolución y circunstancias », Revista de Indias, Vol. LX, N°218, 2000 ; José Andrés-Gallego, La esclavitud en la América española, Madrid, Ediciones Encuentro, 2005.

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    29

    Richard Konetzke, « La esclavitud de los indios como elemento en la estructuración social de Hispanoamérica », in Estudios de historia social de España, Tomo I, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 1949 ; Walter Hanisch, « Esclavitud y libertad de los indios de Chile, 1608-1696 », Historia, 1981, n°16, p.5-65 ; José Andrés-Gallego, La esclavitud en la América española, Madrid, Ediciones Encuentro, 2005.

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    30

    Álvaro Jara, Guerra y sociedad en Chile. La transformación de la guerra de Arauco y la esclavitud de los indios, Santiago de Chile, Editorial Universitaria, 1971.

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    31

    Álvaro Jara, Guerra y sociedad en Chile. La transformación de la guerra de Arauco y la esclavitud de los indios, Santiago de Chile, Editorial Universitaria, 1971.

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    32

    Un « encomendero » est le titulaire d’une « encomienda » : Dans les colonies espagnoles d'Amérique, la Couronne, à travers ses représentants, « confiait » (encomendar) un certain nombre d'Indiens à un colon espagnol (encomendero) en récompense de ses services : l'encomendero percevait, en or, en nature, ou en travail, le tribut dû à la Couronne par les Indiens, qu'il devait en contrepartie protéger, convertir au christianisme et « civiliser ». « Encomienda », in Encyclopaedia Universalis: https://www.universalis.fr/encyclopedie/encomienda/ (NdT)

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    33

     Álvaro Jara, Guerra y sociedad en Chile. La transformación de la guerra de Arauco y la esclavitud de los indios, Santiago de Chile, Editorial Universitaria, 1971.

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    34

    Une ordonnance royale espagnole est nommée « cédula ». (NdT)

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    35

    Walter Hanisch, « Esclavitud y libertad de los indios de Chile, 1608-1696 », Historia, N°16, 1981; Hugo Hanisch « La esclavitud de los indios en el reino de Chile. Sus fuentes jurídicas. Prácticas y tráfico esclavista », Revista Chilena de Historia del Derecho, n.°14, 1991, p. 91-125.

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    36

    Walter Hanisch, « Esclavitud y libertad de los indios de Chile, 1608-1696 », Historia, 1981, n.°16 ; Hugo Hanisch « La esclavitud de los indios en el reino de Chile. Sus fuentes jurídicas. Prácticas y tráfico esclavista », Revista Chilena de Historia del Derecho,1991, n°14.

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    37

    Forme d’esclavagisation dit « a la uzansa » que nous traduisons par « d’usage » : « l’historiographie spécialisée sur la société coloniale chilienne reconnait sous l’expression « esclavitud a la usanza » (esclavage, vente ou servitude « a la usanza »), une pratique d’aliénation des indigènes, à travers laquelle les « caciques » et les chefs de famille mapuches vendaient leurs enfants, leurs femmes, les orphelins et les parents aux soldats de l’armée royale en échange de rétributions mercantiles. » (Gustavo Velloso, « Esclavitud « a la usanza » : historicidad de una modalidad de enajenación humana (Chile, 1650-1656) », in Manuel Fernández et Rafael Pérez (dir.), Tratas atlánticas y esclavitudes en América, siglos XVI-XIX, Sevilla, Editorial Universidad de Sevilla, p. 271. (NdT)

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    38

    Walter Hanisch, « Esclavitud y libertad de los indios de Chile, 1608-1696 », Historia, 1981, n.°16 ; Hugo Hanisch « La esclavitud de los indios en el reino de Chile. Sus fuentes jurídicas. Prácticas y tráfico esclavista », Revista Chilena de Historia del Derecho, 1991, n.°14,  ; Gustavo Velloso, « Esclavitud « a la usanza » : historicidad de una modalidad de enajenación humana (Chile, 650-1656)”, in Manuel Fernández et Rafael Pérez (dir.), Tratas atlánticas y esclavitudes en América, siglos XVI-XIX, Sevilla, Editorial Universidad de Sevilla, p. 271-287.

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    39

    Richard Konetzke, « La esclavitud de los indios como elemento en la estructuración social de Hispanoamérica », in Estudios de historia social de España, Tomo I, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 1949.

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    40

    Andrés Reséndez, « La cruzada antiesclavista y las fronteras del imperio español, 1660-1690 », in J. Valenzuela (dir.), América en diásporas. Esclavitudes y migraciones forzadas en Chile y otras regiones americanas (siglo XVI-XIX), Santiago de Chile, RIL Editores-Instituto de Historia PUC, 2017, p. 295-318.

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    41

    Andrés Prieto, « Introducción. Notas para la historia de la esclavitud indígena en Chile », in Diego de Rosales, Manifiesto de los daños de la esclavitud en el reino de Chile, Santiago de Chile, Catalonia, 2013, p.13-95 ; Isabel Cruz, « Diego de Rosales », in Real Academia de la Historia (dir.), Diccionario Biográfico Español, consulté pour la dernière fois en décembre 2022, https://dbe.rah.es/biografias/5209/diego-de-rosales#:~:text=VI.,de%20San%20Miguel%20de%20Santiago

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    42

    Andrés Prieto, « Introducción. Notas para la historia de la esclavitud indígena en Chile », in Diego de Rosales, Manifiesto de los daños de la esclavitud en el reino de Chile, Santiago de Chile, Catalonia, 2013.

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    43

    Diego de Rosales, Manifiesto apologético de los daños de la esclavitud del reino de Chile, Santiago de Chile, Catalonia, 2013[1670], p.175.

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    44

    Diego de Rosales, Manifiesto apologético de los daños de la esclavitud del reino de Chile, Santiago de Chile, Catalonia, 2013[1670], p.157.

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    45

    Unité de compte du commerce d’esclaves. (NdT)

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    46

    Diego de Rosales, Manifiesto apologético de los daños de la esclavitud del reino de Chile, Santiago de Chile, Catalonia, 2013[1670], p.151.

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    47

    Diego de Rosales, Manifiesto apologético de los daños de la esclavitud del reino de Chile, Santiago de Chile, Catalonia, 2013[1670], p.159.

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    48

    Hugh Thomas, La trata de esclavos. Historia del tráfico de seres humanos de 1440 a 1870, Barcelona, Planeta, 1998. ; José Andrés-Gallego, La esclavitud en la América española, Madrid, Ediciones Encuentro, 2005 ; José Antonio Piqueras, La esclavitud en las Españas. Un lazo transatlántico, Madrid, Catarata, 2017.

    Retour vers la note de texte 19253

    49

     Rolando Mellafe, La esclavitud en Hispanoamérica, Buenos Aires, Editorial Universitaria de Buenos Aires, 1968 ; Herbert S. Klein, La esclavitud africana en América Latina y el Caribe, Madrid, Alianza Editorial, 1986 et El tráfico atlántico de esclavos, Lima, Instituto de Estudios Peruanos, 2011.

    Retour vers la note de texte 19254

    50

    Rolando  Mellafe, La esclavitud en Hispanoamérica, Buenos Aires, Editorial Universitaria de Buenos Aires, 1968 et La introducción de la esclavitud negra en Chile. Tráfico y rutas, Santiago du Chili, Universidad de Chile, 1959 ; Enriqueta Vila, Hispanoamérica y el comercio de esclavos, Séville, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 1977 ;  William Phillips, La esclavitud desde la época romana hasta los inicios del comercio transatlántico, Madrid, Siglo XXI, 1989.

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    51

    La Casa de Contratación est un organisme commercial espagnol, créé à Séville en 1503 par les Rois Catholiques, qui contrôlait et dirigeait le commerce avec l'Amérique, et percevait les impôts royaux sur les marchandises. (NdT)

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    52

    Rolando Mellafe, La esclavitud en Hispanoamérica, Buenos Aires, Editorial Universitaria de Buenos Aires, 1968 ; William Phillips, La esclavitud desde la época romana hasta los inicios del comercio transatlántico, Madrid, Siglo XXI, 1989 ; José Antonio Piqueras, La esclavitud en las Españas. Un lazo transatlántico, Madrid, Catarata, 2017.

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    53

    Rolando Mellafe, La esclavitud en Hispanoamérica, Buenos Aires, Editorial Universitaria de Buenos Aires, 1968 ; Enriqueta Vila, Hispanoamérica y el comercio de esclavos, Séville, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 1977 ; Herbert S. Klein, La esclavitud africana en América Latina y el Caribe, Madrid, Alianza Editorial, 1986 et El tráfico atlántico de esclavos, Lima, Instituto de Estudios Peruanos, 2011.

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    54

    Enriqueta Vila, Hispanoamérica y el comercio de esclavos, Séville, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 1977. 

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    55

    Rolando  Mellafe, La esclavitud en Hispanoamérica, Buenos Aires, Editorial Universitaria de Buenos Aires, 1968 ; Enriqueta Vila, Hispanoamérica y el comercio de esclavos, Séville, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 1977 ; Herbert S. Klein, La esclavitud africana en América Latina y el Caribe, Madrid, Alianza Editorial, 1986 et El tráfico atlántico de esclavos, Lima, Instituto de Estudios Peruanos, 2011.

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    56

    William Phillips, La esclavitud desde la época romana hasta los inicios del comercio transatlántico, Madrid, Siglo XXI, 1989.

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    57

    Miguel Pena, « Estudio preliminar » in Francisco José de Jaca, Resolución sobre la libertad de los negros y sus originarios, en estado de pagano y después ya cristiano, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 2002[1681], p.xxi-xcviii et « Francisco José de Jaca », in Real Academia de la Historia (dir.), Diccionario Biográfico Español, consulté pour la dernière fois en décembre 2022 https://dbe.rah.es/biografias/30049/francisco-jose-de-jaca

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    58

    Miguel Pena, « Un documento singular de fray Francisco José de Jaca, acerca de la esclavitud práctica de los indios ». Revista de Indias, Vol. LXI, 2001, n.°223, p.701-713.

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    59

    Miguel Pena, « Estudio preliminar » in Francisco José de Jaca, Resolución sobre la libertad de los negros y sus originarios, en estado de pagano y después ya cristiano, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 2002[1681], cit » et « Francisco José de Jaca », in Real Academia de la Historia (dir.), Diccionario Biográfico Español, consulté pour la dernière fois en décembre 2022 https://dbe.rah.es/biografias/30049/francisco-jose-de-jaca

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    60

    Francisco José de Jaca, Resolución sobre la libertad de los negros y sus originarios, en estado de paganos y después ya cristianos, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 2002[1681], p. 9, 19.

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    61

    Francisco José de Jaca, Resolución sobre la libertad de los negros y sus originarios, en estado de paganos y después ya cristianos, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 2002[1681], p.27.

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    62

    Francisco José de Jaca, Resolución sobre la libertad de los negros y sus originarios, en estado de paganos y después ya cristianos, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 2002[1681], p. 51.

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    63

    Francisco José de Jaca, Resolución sobre la libertad de los negros y sus originarios, en estado de paganos y después ya cristianos, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 2002[1681], p.26.

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    64

    Miguel Pena, « Un documento singular de fray Francisco José de Jaca, acerca de la esclavitud práctica de los indios », Revista de Indias, Vol. LXI, N°223, 2001, p.701-713 et « Francisco José de Jaca », in Real Academia de la Historia (dir.), Diccionario Biográfico Español, consulté pour la dernière fois en décembre 2022 https://dbe.rah.es/biografias/30049/francisco-jose-de-jaca

    Pour citer cette publication

    Carlos Leal Yasima, « Deux discours sur l’injustice de l’esclavage en Amérique espagnole (dernier tiers du XVIIe siècle) » Dans Jean-Frédéric, Schaub (dir.), « Race et histoire en Amérique latine », Politika, mis en ligne le 12/09/2024, consulté le 08/10/2024 ;

    URL : https://www.politika.io/index.php/en/node/1454