« Tout est affaire de changement de conscience », « il faut opérer une révolution intérieure », « la massivité ne change rien, il faut commencer par soi »…
Pour qui est familier de l’univers des spiritualités contemporaines, rien de surprenant dans ces mots, tant ils sont fréquents chez celles et ceux qui s’engagent dans des trajectoires de quête spirituelle en tous genres1. Pourtant, ces propos émanent de différents activistes environnementaux et de formateur·ices cubains en permaculture, parmi lesquels certain·es semblent se trouver très à distance de toute dynamique spirituelle ou religieuse2. Si de tels extraits suggèrent combien certaines démarches présentent une affinité dans le développement d’un rapport particulier à soi et au collectif dans ces univers, ils illustrent aussi le possible lien à l’œuvre entre agroécologie – permaculture en l’occurrence – et une sensibilité écospirituelle. Loin de se réduire à de simples éléments de langage, ce lien entre écologie, religion et spiritualité peut être décelé à d’autres niveaux.
L’objectif de cet article est de mettre cet aspect en évidence en cartographiant les circuits, événements et organisations qui, à Cuba, rendent compte du développement de la permaculture – méthode de conception d’habitats humains durables associée à l’idée d’une « permanent agriculture ». Il vise notamment à éclairer le rôle insoupçonné que certains réseaux et institutions religieux et/ou spirituels ont joué et continuent de jouer dans ce domaine. Pour ce faire, il s’agit d’établir une brève histoire de la permaculture cubaine fondée sur le croisement de sources écrites3 et de données ethnographiques de première main : témoignages oraux, récits de vie, informations glanées durant un atelier de permaculture dont j’ai été stagiaire (mars 2022), rencontres aléatoires avec des protagonistes de ce processus, institutionnels ou non (premiers volontaires et collaborateurs informels d’ONG étrangères, travailleuses de la FANJ, paysans de la région occidentale, etc.). Une courte présentation des trajectoires biographiques d’actuels sympathisants et praticien·nes complètera ce regard diachronique ; ces trajectoires permettent à leur tour de pointer d’autres modalités du lien entre permaculture et démarches spirituelles, récurrent bien au-delà de Cuba.
Permaculture et spiritualité : quelques balises
Imprégnée d’agroécologie sans pour autant s’y réduire, la permaculture peut être comprise, à l’instar de la biodynamie4, comme une « philosophie pratique ». Forgée durant les années 1970 par deux Australiens, Bill Mollison et David Holmgren5, elle ne peut se vivre de façon optimale que dans un environnement rural (« tant que nous vivons en ville, nous sommes une partie du problème » me rappelle l’un de ses fervents adeptes à La Havane). Mais elle peut aussi se décliner en milieu urbain ou périurbain, comme c’est le cas à Cuba ; élément lié au fait que 75% de la population est urbaine6.
La sociologue Laura Centemeri qui l’a étudiée en contextes européens définit avec pertinence la permaculture comme « une pratique réflexive d’évaluation et de (ré)organisation matérielle des milieux de vie, alimentée par la prise de conscience des interdépendances écologiques et sociales qui les façonnent7 ». Composante de la nébuleuse du « nouvel environnementalisme du quotidien » en Europe (termes de Schlosberg et Coles cités par Laura Centemeri), elle s’alimente ainsi d’une « nouvelle éthique politique du vivant8». Visant l’aménagement (design) de « systèmes (sistemas) » (permaculturels) – unités domestiques, communautaires ou associatives –, elle s’appuie sur un idéal d’autonomie et de durabilité : culture vivrières bio, habitat écologique, non-production de déchets (compostage, toilettes sèches, etc.), optimisation des ressources énergétiques naturelles (soleil, eau, vent, etc.). C’est alors l’ancrage dans un milieu, compris comme un espace géographique, historique et social spécifique, qui est privilégié.
Pour ce qui est de sa partie agricole (généralement la plus connue, avec celle des bioconstructions), elle engage un modèle non-productiviste qui promeut la biodiversité en s’appuyant sur l’observation de processus naturels (cinétiques, géométriques ou interactionnels, tel le fameux modèle dit « de la forêt nourricière »), ou sur certains motifs esthétiques et spirituels (le mandala par exemple9). Plus généralement, toutes les dimensions de la permaculture s’articulent autour de trois « principes éthiques » revendiqués comme tels : soin (cuidado en espagnol) de soi, soin de la terre, soin des autres.
Si on ne peut considérer la permaculture comme étant liée per se à certaines religions ou aux spiritualités contemporaines alternatives10, des convergences et des croisements récurrents méritent d’être signalés.
Après l’atelier de permaculture de mars 2022, un couple de participants procède avec d’autres stagiaires à des semailles dans leur ferme en périphérie de La Havane, selon les modèles typiques « du mandala » et du « tipi » (avril 2022).
Sur le plan historique, l’émergence de ce courant n’est pas sans lien avec la contre-culture californienne des années 197011, dont on sait qu’elle fut l’incubateur historique du New Age. Sans s’y référer, les fondateurs, qui s’inscrivent dans une mouvance australienne de « retour à la terre12 », ont d’abord eux-mêmes exprimé une tendance que certain·es qualifient précisément de « spirituelle », voire de « mystique » à Cuba. Mollison, le « père de la permaculture » – homme touche-à-tout ensuite devenu biologiste et enseignant en psychologie environnementale –, l’a notamment élaborée à partir de son appréhension (fantasmée ?) d’une certaine altérité aborigène, forgée lors de séjours dans le bush australien avec des groupes autochtones dont les pratiques de la nature et de l’environnement l’ont inspiré (c’est là une dimension que les formateur·ices en permaculture à Cuba relèvent auprès de leurs élèves). David Holmgren, « la mère de la permaculture » (selon l’expression humoristique de l’une de mes interlocutrices), est quant à lui souvent considéré comme l’ayant « spiritualisée » davantage, en prenant en compte certaines « traditions » et d’autres formes de spiritualité liées à une vision écologique – avec circonspection et sans prosélytisme toutefois13.
À Cuba, pour évoquer les liens entre permaculture et spiritualité, les praticien·nes se réfèrent volontiers à la « fleur de la permaculture », schématisation effectuée par Holmgren des différents aspects qu’elle recouvre : l’un de ses pétales renvoie précisément à la dimension « spirituelle » des individus, que chacun peut comprendre et investir à sa guise. Si ses tenants se revendiquent parfois d’une grande fraternité (« vous vous en rendrez compte en avançant, nous sommes comme une grande famille » assurait l’une de nos formatrices, habituée à circuler à l’international), ils insistent aussi sur le fait qu’il existe à cet égard « autant de permacultures que de permaculteurs et de permacultrices ». Cela dit, la formulation minimale de cette idée consiste à considérer que l’humanité ne peut être satisfaite par ses seuls besoins de subsistance et que ses aspirations spirituelles (vs. matérielles) doivent être prise en compte, y compris dans la fabrication (le design, diseño en espagnol) d’un « système permaculturel ». À Cuba, et plus généralement en Amérique latine, la notion de « buen vivir » associée à la permaculture fait également état de cette appréhension globale, que certain·es qualifient d’holistique, de l’individu et des groupes.
La « fleur de la permaculture » selon Holmgren, 2002 (reproduction extraite de Joseph C. B. Mays, Living As Our Ancestors Did : Yanesha responses to globalization in Tsachopen, Peru, Msc Ethnobotany Dissertation, University of Kent, 2019, p. 35 / - les surlignages sont ajoutés pour le propos de cet article).
(Pour une version simplifiée circulant aussi dans les réseaux hispanophones : https://permacultureprinciples.com/es/)
Les formes de ritualisation ou de re-ritualisation de la nature auxquelles peut donner lieu la démarche permacole, autant que la possible reconfiguration d’un rapport à soi passant par une spiritualisation du rapport à la nature et à l’environnement, suggèrent enfin des affinités avec certains rituels issus de phénomènes spirituels contemporains et accordant à l’idée de « Soi » une importance centrale14.
Qu’en est-il donc du développement à Cuba de cet « art de réhabiter » (Centemeri) envisagé dans ses autres liens, historiques et contemporains, au religieux et au spirituel ?
L’agriculture alternative : Cuba, années 1990-2000
Après la chute de l’URSS, Cuba a connu une crise importante (pénurie alimentaire, médicale, etc.) qui a conduit le pays à expérimenter de nouvelles méthodes dans des secteurs très variés, dont celui de la santé, favorisant ainsi l’introduction de techniques et de visions spirituelles de type New Age15. D’une façon similaire, le domaine de l’agriculture, qui fait face au manque d’engrais chimiques et de pétrole, est alors traversé d’innovations. Avant 1991 et la crise, le pays dépendait foncièrement de ses importations avec l’URSS (alimentation comprise) et la production agricole sur place, centrée sur la monoculture (notamment du sucre), était réservée à l’exportation vers l’Est16. Dans les années 1990, comme dans le secteur de la santé et en lien à des questions de « sécurité et de souveraineté alimentaire17», des méthodes d’agriculture alternative surgissent ou se consolident pour tenter de pallier localement les problèmes de production et d’approvisionnement. Ces méthodes se développent dans trois directions18 : l’agroécologie, l’agriculture urbaine et la permaculture, qui évoluent de manière parallèle, mais avec de nombreux ponts. Plusieurs travaux ont à ce jour traité du sujet, convergeant, à tort ou à raison, pour faire de Cuba le parangon d’une nouvelle Révolution verte (i.e. écologisée) avant l’heure19, et d’un modèle à suivre. Malgré des mentions20, très peu se penchent pourtant sur le cas de la permaculture, peu connue du grand public cubain (y compris parfois des environnementalistes locaux), mais qui émerge dans ce cadre commun dont j'esquisserai les grandes lignes.
Le développement agroécologique cubain a lieu sous l’impulsion concomitante, d’une part, de dispositifs d’État (État socialiste à parti unique) cherchant à stimuler le « développement local » (desarrollo local) et, d’autre part, comme en témoignent les parcours d’engagement des premiers volontaires en la matière, de programmes et d’initiatives de développement et d’aide internationale. À cette période, différents processus coïncident au niveau national, parmi lesquels une volonté de développer l’industrie locale au sein des services de la Planification d’État, et la naissance, au niveau du ministère de la Culture, des projets dits de « desarrollo integral de la capital » (qui trouvent aussi leur expression dans tout le pays dans ce qu’on appelle alors les « projets communautaires » [proyectos comunitarios], aujourd’hui devenus « Projets socioculturels », appellations qui correspondent à des statuts légaux complexes). Sur le plan agricole, l’Institut national des sciences agricoles s’engage dans des programmes de phytoamélioration comme le futur PIAL (programme d’innovation locale), tandis que le mouvement local et transnational Campesino a campesino prend de l’ampleur21. Le mouvement dit des organoponicos (une technique de culture urbaine spécifique) se renforce entre 1993-1995 (lancement d’une revue, etc.).
À l’orée des années 2000, à un moment qui coïncide avec un renouveau du mouvement de la permaculture à l’échelle mondiale22, celle-ci se développe alors sous une forme canonique, qui perdure de nos jours : celle de stages ou d’ateliers (talleres) adaptés à Cuba à partir de ceux que l’on trouve à l’international. Alors qu’ils sont très onéreux ailleurs, ils sont cependant entièrement subventionnés et gratuits (nourriture et, éventuellement, logement) dans ce pays. Ces ateliers consistent en des sessions de formation standardisées d’une à deux semaines et sont dispensés par des « instructeurs » agréés – facilitateurs ou facilitatrices – de la Fondation Antonio Núnez Jímenez (FANJ), l’ONG locale qui fait la promotion de la permaculture à Cuba. À leur issue, un « certificat » est décerné23. Aussi la plupart des permaculteur·ices de Cuba (approximativement 600 selon la FANJ24) et les paysan·nes qui l’utilisent aujourd’hui de manière hybride en la combinant à l’agroécologie et à d’autres techniques promues au sein du PIAL, sont ainsi passés à un moment ou à un autre par l’atelier de design (diseño) organisé par la FANJ25.
Post du 28 mars 2022 au sein du groupe Facebook « Permaculture à Cuba »
(capture d’écran réalisée sans compte Facebook)
Circulations internationales et médiations religieuses
Sans trop détailler la chronologie des événements et la multitude des organisations locales concernées26, il convient ici d’indiquer la dimension d’abord trans- et internationale du développement de la permaculture à Cuba, également liée à son ancrage dans certains réseaux œcuméniques locaux et internationaux.
Comme ailleurs dans le monde, dès son apparition à Cuba, la permaculture se révèle dépendante de circulations globales. Son déploiement s’adosse à des réseaux tant régionaux qu’européens ou australiens. Comme ce fut le cas pour l’agriculture urbaine mais aussi, d’après mes données, pour les programmes d’éducation environnementale au long des années 2000, elle va très tôt dépendre de la coopération étrangère.
L’acte « fondateur » de la permaculture dans l’île remonte ainsi à 1993 et à la venue de permaculteur·ices dans le cadre de la « Southern Cross Brigad » d’Australie et de Nouvelle-Zélande27. Cet organisme a pour objectif la fraternité solidaire avec Cuba à travers des échanges forgés à l’occasion de circuits touristico-culturels et politiques, et cette visite marque les premiers échanges au sujet de la permaculture et son introduction à Cuba. Peu après, des promotrices australiennes s’investissent et apportent quelques financements destinés à encourager le développement des jardins urbains permacoles dans des quartiers pauvres de La Havane et y rémunèrent des volontaires locaux dont, au hasard de rencontres, j’ai pu connaître quelques « vétérans » (parmi lesquels un instructeur de yoga). Pendant les années 1990, et davantage dans les années 2000, la promotion locale de la permaculture va dès lors dépendre, d’une part, des systèmes de bourses ou d’appel à projets proposés par différentes agences internationales durablement engagées dans des coopérations sur place, d’autre part, d’échanges d’informations et de l’organisation d’événements liés à des réseaux d’échanges et de réflexion régionaux.
Dès le départ, l’interlocuteur privilégié – pour ne pas dire unique – de toutes ces institutions à l’échelle locale va être la FANJ déjà mentionnée, ou « Fundación Antonio Núnez Jiménez para la Naturaleza y el Hombre ». Il s’agit d’une ONG cubaine créée en 1994 qui s’occupe de questions environnementales : recherche, formation, programmes d’action, participation aux COP, etc.28. C’est par le biais de cet organisme dont le siège est à La Havane et qui dispose d’antennes et de partenariats dans les provinces du pays que sont organisées les formations ou talleres labellisés « permaculture », sous l'égide de sa section consacrée au « développement local durable ». C’est aussi en son sein que va être progressivement réappropriée, adaptée, « indigénisée » (au sens donné à ce terme par Appadurai29) la permaculture des fondateurs au fil des années 1990. En partie repensée par l’équipe des premiers permaculteur·ices de la FANJ, celle-ci se voit ainsi rebaptisée sur place « permacultura criolla » (permaculture créole), nom que reprend le manuel d’approximation pratique notamment offert lors des talleres30. D’autres ateliers internationaux qui regroupent certains pays latino-américains et caribéens et portent une réflexion générale sur la pratique de la permaculture « en contexte tropical » sont également créés après les années 2000.
Couverture de l’ouvrage collectif Permaculture créole (La Havane, Fundación Antonio Núnez Jiménez para la Naturaleza y el Hombre / Brot für die Welt / Red AGUILA, 2006).
En amont des tout premiers ateliers de permaculture animés par des collaborateurs étrangers, ce sont d’abord des formations en « facilitation d’ateliers (facilitación de talleres) », centrés sur l’acquisition de techniques d’instruction, qui se mettent en place – soit des « cours » par lesquels vont passer les futurs « facilitateur·rices » en permaculture de la FANJ. On y aborde les méthodes de la communication non violente, les règles à établir pour le bon fonctionnement d’un groupe, la disposition en cercle – autant de techniques qu’on retrouve habituellement dans tous types de cercles de paroles (y compris New Age). Point essentiel en termes de croisement entre écologie et religion : plusieurs des travailleur·ses du Conseil des Églises de Cuba (Consejo de Iglesias de Cuba-CIC) vont, eux aussi, passer dès le départ par ces ateliers d’apprentissage de la « facilitation ».
un deuxième élément est remarquable dans ce domaine, qui fait écho à des contextes nationaux voisins31. Il touche à l’implication chrétienne dans la promotion locale de ces pratiques envisagées comme des outils d’empowerment (capacitación/superación) des communautés paysannes ou désireuses de développer l’agriculture urbaine dans des quartiers populaires, en particulier pour ce qui est des institutions protestantes (élément jusqu’à présent minoré dans les écrits sur l’Amérique latine).
Dès 1995-1996, le Consejo de Iglesias (CIC), qui rassemble, depuis La Havane, une dizaine d’églises protestantes d’obédiences diverses (évangéliques, baptistes, pentecôtistes, etc.), déploie un projet interne de « développement durable » (desarrollo sostenible), qui va le conduire à devenir l’un des promoteurs actifs de la permaculture, en partenariat avec la FANJ et d’autres partenaires secondaires.
Sur le plan international, l’organisation Brot für die Welt / Bread for the World (Allemagne), qui travaille avec Cuba depuis 1993 et n’est autre qu’une agence de développement et de soutien qui émane d’Églises protestantes allemandes, devient un partenaire privilégié pour une série d’initiatives agroécologiques et pour la FANJ. Vers 1998-2000, cette ONG lance un programme continental d’agriculture durable et de souveraineté alimentaire qui stimule différentes initiatives et financements. Dans ce contexte, un autre centre chrétien actif dans l’est du pays, Lavastida (Santiago), assume un rôle important — au moins jusqu’au déclenchement de la pandémie de Covid, la réunification monétaire de 2021 et l’inflation galopante qui sévit depuis — en proposant par exemple des hébergements abordables pour les formations dispensées par la FANJ. De manière surprenante, cette connexion religieuse ne nous tient pas éloignés du contexte des spiritualités alternatives, puisqu’au rang des groupes associés au CIC, on trouve aussi l’« Association d’Auto-réalisation Yoga de Cuba »…
Au niveau idéologique, il faut bien reconnaître qu’il existe des affinités incontestables entre les principes élémentaires de la permaculture fondés sur l’éthique du care, la morale chrétienne32 mais aussi l’idéologie New Age en particulier du fait des trois principes élémentaires de la permaculture : cuidado de la tierra, de sí y de los demás a través de la (re)distribución – soin de la terre, de soi-même et des autres par la (re)distribution. Dans un autre registre religieux ou cultuel, un groupe de permaculture implanté dans le quartier havanais (historiquement afro-cubain et dit « marginal ») de Pogolotti, a également développé ses activités en rapport avec des leaders religieux issus de l’Abakuá, un culte initiatique masculin centré sur l’honneur et l’entraide et présent dans les quartiers populaires33.
Dans la seconde moitié des années 1990, d’autres projets se constituent en partenariat avec l’Australie et le Pérou, par le biais notamment de la « Red Latinoamericana de Investigaciones en Agricultura Urbana » (AGUILA), mais aussi en lien avec « Alternatives Canada », ce qui permet au petit groupe de facilitateur·ices de la FANJ de voyager régulièrement.
Pendant les années 2000, la permaculture continue d’exister et de se développer grâce à des événements-clefs : les « Convergences internationales de Permaculture » qui s’instituent sous la forme de Congrès (Brésil, Afrique de l’Ouest, Jordanie, etc.34). Des délégué·es de la FANJ, qui consolident ainsi leur place de principaux médiateurs et traducteurs de la permaculture à Cuba, y participent (seuls quelques paysans permaculteur·rices, triés sur le volet, seront quant à eux conviés à voyager dans ce cadre – ce qui engendre quelquefois des critiques de la FANJ et de la permaculture qu’elle promeut comme une pratique d’élite, bénéficiant parfois plutôt à ses « théoricien·nes »).
L’événement le plus marquant de cette période est néanmoins la 11e Convergence de permaculture qui se tient à Cuba en 2013, dans la province de Sancti Spíritus, en présence d’une centaine de praticien·nes et sympathisant.es locaux. Son organisation revient à la FANJ. David Holmgren, le cofondateur historique de la permaculture, y est invité, répondant présent malgré l’absence de financement disponible. Dans la foulée, il anime en personne un taller de diseño sur l’île, auquel participent plusieurs permaculteur·ices cubains et quatre membres de la Fondation, dont les deux responsables actuelles du département de « développement local » (qui assurent aussi la facilitation des ateliers).
L’année 2013 et les suivantes sont donc un moment faste : la FANJ publie déja depuis quelques annéesune revue de fabrication artisanale, Se puede, dont les numéros circulent en kiosque. Quatre Convergences nationales se succèdent et contribuent à forger une équipe de facilitateur·ices représenté dans toutes les provinces (à l’exception d’Holguín et Las Tunas). Des liens existent par ailleurs entre l'institution et certains organismes de recherche étrangers : par exemple l’université de Göteborg où, sous la direction de l’archéologue Christian Isendahl, se déploie un projet dont l’enjeu est de penser le futur environnemental et les composantes de l’agriculture urbaine à partir de l’apport des anciens Mayas.
Couverture de « On peut vivre en Ecopolis », mini-revue distribuée par la FANJ.
Pour ce qui est des collaborations récentes de la FANJ, le travail de promotion se poursuit dans un certain œcuménisme (FANJ / Consejo de Iglesias / Centro Bautista / Lavastida / Coopératives ANAP secondairement) alors que d’autres programmes de promotion de l’agroécologie continuent. La pandémie de Covid a suscité à son tour son lot de projets de collaborations, notamment par le biais d’une association mexicaine, invitant à un projet de transversalisation de l’agroécologie et de la permaculture entre Cuba, le Guatemala et le Mexique. Les échanges se déploient donc dans une logique non seulement Nord-Sud, mais également Sud-Sud, avec des partenaires pour lesquels la permaculture consiste en partie à « revenir à des pratiques vivrières et d’habitat indigènes autochtones », c’est-à-dire à une autre forme de permaculture considérée comme « indigénisée » par ces communautés.
En dernière instance, ces programmes s’inscrivent enfin dans des tentatives de lutte contre les inégalités de genre et dans le domaine de la santé. Dans les années 1990, les essais de « médecine verte » et les jardins de plantes médicinales (toujours très en vogue actuellement) ont pu croiser les mêmes circuits (avant de la rejoindre, une des deux responsables actuelles du programme de permaculture à la FANJ était psychothérapeute dans un Centro de Salud Mental y Medicina Tradicional).
Les caractéristiques des personnes qui s’intéressent à la permaculture et qui, recrutées de manière proactive par le réseau de la FANJ, vont fréquenter ces talleres, sont aujourd’hui très variées, tout comme leurs motivations respectives. S’il semble que des paysans ou des personnes ayant une trajectoire familiale les liant déjà au monde de l’agriculture bénéficient toujours amplement de ces formations, celles-ci attirent aussi ces derniers temps de jeunes urbains sensibles aux questions d’écologie et de développement durable. Parmi eux, plusieurs sont engagés dans des pratiques spirituelles alternatives, comme ce fut le cas lors de la formation à laquelle j’ai pris part en 2022, au sortir des plus dures périodes d’un confinement de quasiment 2 ans à Cuba. Pour pointer cet autre lien entre permaculture et formes de religiosité contemporaines, j’aborderai quelques exemples.
Aspirations permacoles et réseaux écologico-spirituels
Le parcours le plus emblématique d’une forme de conjonction totale entre pratique de la permaculture et démarche spirituelle revisitée (et réciproquement) est celui d’Abel Durán, « chercheur spirituel », jardinier-paysagiste et yogi de La Havane, permaculteur depuis 10 ans, et qui est à l’origine de la création d’un espace écologico-spirituel rural. Aujourd’hui, cet espace fait office, d’un côté, de lieu de sensibilisation et de formation à la permaculture (Abel est devenu instructeur agréé par la FANJ et y organise notamment des ateliers de bioconstruction), de l’autre, de centre de visite spirituel pour certains Havanais, voire étrangers. Ceux-ci y découvrent de nouvelles expériences agricoles ritualisées lors de travaux au potager par exemple, qui mobilisent l’acquisition d’une forme de « conscience élargie du vivant » à l’œuvre dans d’autres agricultures alternatives35; apprendre à ne pas « maltraiter » certaines plantes, jardiner en musique et « en conscience », etc. Abel, formateur et permaculteur chevronné, y revendique une permaculture « holistique », qu’il définit comme orientée par des questions de « bien-être » et de « santé » (ce qui le distingue d’autres formateur·ices et praticien·nes). Sur place, on cultive ainsi un rapport et des expériences de type « épiphaniques » à la nature pouvant associer vie en montagne, méditation, sens particulier de l’esthétique, etc. Parce que j’ai exploré cette dimension en détails ailleurs36, je me contenterai de signaler que l’expérience d’Abel révèle la manière dont l’agroécologie et une pratique intégrale de la permaculture peuvent en venir à constituer une facette de la construction spirituelle de soi – cas également illustré par d’autres personnes ayant monté des fermes périurbaines à La Havane et qui cheminent au sein de spiritualités orientales et dans le yoga.
Préparation de matériel pour un futur atelier de bioconstruction dans un « système permacole » en cours de réalisation, Pinar del Río, Juin 2022.
Travail au potager à l’écoute de mantras dans le même lieu, Pinar del Río, Juin 2022.
D’autres sympathisants, apprentis plutôt que permaculteur·ices accomplis et dont les projets se trouvent à un moindre stade d’achèvement, présentent des trajectoires proches. Parmi les membres de l’atelier de 2022 à la FANJ (entre autres, une dentiste, une médecin, deux vidéastes-réalisateurs, une photographe, une juriste, une musicienne, un couple de paysans, etc.), certains étaient engagés dans la pratique de la méditation (de « pleine conscience » mais pas que), d’autres dans le kundalini yoga (notamment pratiqué dans « la nature ») ou différentes méthodes de sanación espiritual (« guérison »). Plusieurs participaient au taller car, pour ce qu’elles en percevaient, la permaculture semblait offrir la possibilité de donner un nouveau souffle à leur vie à travers une pratique éthiquement et spirituellement congruente avec le reste de leurs parcours ; elle apparaissait comme un levier potentiel de reconversion professionnelle dans l’agriculture, à la conjonction entre convictions éthico-sociales et spirituelles, mode de vie alternatif et opportunités économiques dans un contexte national difficile.
Session de kundalini yoga en plein air incluant plusieurs adeptes de la permaculture, Juin 2022, La Havane.
Dans ce groupe, plusieurs personnes songeaient ainsi à développer ou à réorganiser une activité de production agricole dans une propriété familiale délaissée (en campagne et en zones semi-urbaines). L’une d’elle était praticienne de kundalini yoga depuis des années et souhaitait allier développement personnel et mode de vie plus « naturel » (elle participait régulièrement à des méditations en plein air). Une autre était féministe, connaisseuse du droit foncier à Cuba, adepte de la méditation et enlaçait parfois des arbres pour « rééquilibrer ses énergies ». Un troisième, étudiant désireux de s’imposer dans sa famille, était plus ou moins sensible à des pratiques du même type (son oncle était bouddhiste). Sans se revendiquer stricto sensu de la permaculture aujourd’hui mais particulièrement fasciné par la bioconstruction et la fréquentation d’autres espaces permacoles, un autre de ces stagiaires en a intégré des apports dans son entreprise familiale de production d’encens et de cosmétiques artisanaux bio, vendus au sein de ce qui se constitue actuellement à Cuba comme une sorte de « marché néo-ésotérique37 » – ce jeune homme est aussi de ceux qui pratiquent la méditation et une méthode de guérison italienne dite IRECA popularisée pendant la Covid.
Indubitablement liés à la situation post-Covid (de l’aveu rétrospectif de l’un d’entre eux), certains de ces projets sont finalement restés à un état embryonnaire ou stationnaire (interrompus pour quelques-uns par un départ du pays l’année passée). Leur similarité est toutefois éloquente et on mentionnera pour finir le cas d’une autre participante, étrangère, et qui s’était initialement installée à Cuba du fait de la réputation internationale du pays en matière d’agroécologie, comme elle nous l’expliqua lors de l’atelier.
Cette permacultrice d’origine costaricaine, issue de la voie spirituelle du Camino Rojo38, s’est rapidement érigée elle-même en une promotrice active de la permaculture à La Havane. Elle en était familière avant d’arriver et avait par ailleurs enseigné dans une école alternative Waldorf, issue de l’anthroposophie. Elle s’est depuis lancée dans la réalisation d’un « système permaculturel » en province avec son partenaire cubain (temporairement abandonné du fait de son retour dans son pays natal). Promotrice sur place du lombricompostage, elle est aussi la fondatrice du réseau des « femmes lunaires à Cuba », que j’ai intégré grâce à elle, bien qu’il soit désormais périclitant. Ce collectif militait pour l’usage de la coupe menstruelle (à l’instar d’un autre groupe écoféministe de La Havane) et organisait des rituels de parole de type « féminin sacré » semblables à ceux que l’on peut observer ailleurs39. En juin 2022, à l’occasion du solstice d’été, cette permacultrice avait aussi élaboré un grand rituel écologique de « remerciement au cacao », pratique en pleine émergence transnationale, en partie liée au Camino Rojo. Nous y avions quasiment tou·tes participé en tant qu’ancien·nes membres du même atelier de permaculture. Autant d’événements, d’aspirations et de trajectoires qui, d’une part, soulignent l’investissement de la permaculture par de nouveaux publics à Cuba et, d’autre part, mettent en évidence les liens que ceux-ci établissent entre cheminement dans l’agroécologie et activités spirituelles, à même de s’englober mutuellement.
Autel réalisé pour la cérémonie de « remerciement au cacao », Juin 2022.
Conclusion
À l’issue de cette incursion dans l’univers des liens entre permaculture, religion et spiritualité, il faut provisoirement relever deux éléments qui, au-delà d’une vision de l’exceptionnalité cubaine en matière d’agroécologie, résonnent avec de nombreux contextes latino-américains ou européens.
Plusieurs travaux ont déjà souligné l’articulation protéiforme qui s’est opérée au cours des dernières décennies entre écologie et religion institutionnelle ou institutionnalisée à l’échelle mondiale. Plus récemment, ce constat d’une « conversion écologique » massive des églises a été reformulé et réinterrogé par plusieurs collègues40. Le regard historicisant sur Cuba met dès lors en scène une déclinaison précoce et jusqu’à présent peu connue de ce processus. Il montre par ailleurs que celui-ci se joue à la confluence entre une configuration locale, où les relais institutionnels qui ont stimulé la permaculture sont pour certains œcuméniques (et socialement engagés), et des circulations globales, favorisées par des ONG étrangères plus ou moins ouvertement confessionnelles qui organisent des transferts de savoirs et pratiques.
Pour autant, on ne peut considérer que la permaculture soit, à Cuba, religieuse et/ou spirituelle. Sur ce point, davantage lié à la variété des pratiques et des biographies individuelles, remarquons plutôt qu’une ou des « permacultures spirituelles » ou « holistiques », pour reprendre le terme d’Abel et d’autres, côtoient aujourd’hui d’autres approches sur le terrain. Certaines renvoient à une permaculture paysanne centrée avant tout sur des enjeux de subsistance et/ou sur des projets d’écotourisme. D’autres sont associées à un activisme écologique et politique parfois lié au développement urbain de ce que les politistes appellent « les mouvements de la société civile » (approches qui s’ancrent parfois dans un « perma-scientisme » agronomique selon un terme de Kevin Morel). Prise dans son ensemble, la situation recoupe alors celle que l’on observe ailleurs dans le domaine des agricultures alternatives et de l’écologie41 : la permaculture se constitue en un continuum relativement polarisé, divisé, d’un côté, entre une forte tendance à l’écologie politique, représentée notamment par certains membres de la FANJ et, de l’autre, une écologie spirituelle engageant des pratiques qui relèvent par ailleurs, comme suggéré précédemment, d’écoritualisations émergentes. Pour conclure, j’aimerais faire l’hypothèse que ces dernières seraient potentiellement distinctes d’une permaculture engageant précisément une reconfiguration spiritualisante du rapport à la nature et à l’environnement. J’aimerais en outre suggérer que bien qu’elles se situent aux opposés du continuum, ces deux tendances peuvent se mêler dans les trajectoires individuelles, ou par de simples effets de réseaux d’entraide et d’affinité, voire de parenté. Elles ne doivent donc pas être conçues comme relevant de sphères de pratiques isolées.
Notes
1
Une partie des données présentées ici a fait l'objet d'une publication préliminaire dans La Nouvelle Gazette Fortéenne. Je remercie les éditions de L'œil du Sphinx et Emmanuel Thibault pour leur autorisation de reproduire ces extraits. Je remercie également les personnes rencontrées à Cuba durant cette recherche, en particulier les co-participant·es de l’« atelier d’introduction à la permaculture » que j’ai suivi à La Havane ainsi que María Caridad Cruz pour le long entretien qu’elle m’a accordée et Abel Durán.
2
Dans ce texte, je distingue spirituel et religieux en réservant le second à l’univers des religions institutionnalisées (particulièrement chrétiennes).
3
Par exemple María Caridad Cruz, « Agricultura urbana en América Latina y el Caribe : Casos concretos desde la mirada del buen vivir », Revista Nueva Sociedad, 2016.
4
Nadia Breda, « Are Anthroposophists Environmentalists ? », Public Anthropologist, vol.°1, n° 2, 2019, p. 208-223.
5
Bill Mollison, David Holmgren, Permaculture 1: A perennial agriculture for human settlements, Trasworld Publishers, 1978.
6
Cf. María Caridad Cruz, « Agricultura urbana en América Latina y el Caribe : Casos concretos desde la mirada del buen vivir », Revista Nueva Sociedad, 2016, p. 17.
7
Laura Centemeri, La Permaculture ou l’art de réhabiter, Paris, Éditions Quae, 2019, p. 23.
8
Laura Centemeri, La Permaculture ou l’art de réhabiter, Paris, Éditions Quae, 2019, p. 23.
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Son fondateur Mollison convoquait en couverture de son ouvrage fondateur l’image du Serpent-Arc-en Ciel aborigène (Kevin Morel, « Les permaculteurs. Du rêve aborigène à l’ingénierie du jardin d’Éden », in Jean Foyer, Aurélie Choné, Valérie Boisvert (dir.), Les Esprits scientifiques. Savoirs et croyances dans les agricultures alternatives, Grenoble, UGA, 2022, p. 151-178, p. 156).
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Par ces termes, équivalents pour moi à celui de New Age entendu lato sensu, je désigne un univers de pratiques qui englobe techniques de développement personnel, nouveaux chamanismes et paganismes, thérapies dites alternatives ou holistiques (d’autres appellations sont synonymes telles celles de « ritualités contemporaines », « nouveaux mouvements religieux », « circuit néo-ésotérique », etc.).
11
Laura Centemeri, La Permaculture ou l’art de réhabiter, Paris, Éditions Quae, 2019.
12
Alexandra Crosby, Jacquie Lorber-Kasunic, Ilaria V. Accarigi, « Value the edge : permaculture as counterculture in Australia », M/C Journal, vol.°17, n°6, 2014 ; François Léger, Rafter S. Ferguson & Kevin Morel, « Aux origines de la permaculture », 2017.
13
Cf. Kevin Morel, « Les permaculteurs. Du rêve aborigène à l’ingénierie du jardin d’Éden », in Jean Foyer, Aurélie Choné, Valérie Boisvert (dir.), Les Esprits scientifiques. Savoirs et croyances dans les agricultures alternatives, Grenoble, UGA, 2022, p. 151-178 (p. 165-166).
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Emma Gobin, « Agricultures alternatives et écoritualités émergentes » (à propos de J. Foyer et. al., Savoirs et croyances dans les agricultures alternatives, Grenoble, UGA, 2022), Ethnologie française, n° 53, 2023, p. 103-109 ; Emma Gobin, « Épiphanies en permaculture. Expériences spirituelles et ressorts de conversions à l’agroécologie (Cuba) », Cahiers d’Anthropologie sociale, n°22, 2024.
15
CIPS – Sonia Jiménez Berrios, Ana Celia Perera Et. Al., Algunas tendencias y manifestaciones del movimiento de la Nueva Era en Ciudad de la Habana, rapport de recherche, La Havane, Centro de investigaciones psicológicas y sociológicas, 2005 ; Lorraine Karnoouh, « Processus de recomposition religieuse à La Havane : la religion et le new age », in Kali Argyriadis, Stefania Capone (dir.), La religion des orisha. Un champ social transnational en pleine recomposition, Paris, Hermann, 2011, p. 211-239 ; Emma Gobin, « L’émergence du New Age dans la Cuba post-soviétique : changement social, médecines alternatives et circulations religieuses », Autrepart, n°74-75, 2015, p. 139-158.
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L’URSS absorbait 80 % des exportations et garantissait environ 65% des importations nationales. À sa disparition, le PIB cubain chute de 35% en 3 ans (Pablo Rodríguez Ruiz, Pablo, Los marginales de las Alturas del Mirador. Un estudio de caso. La Habana, Fundación Fernando Ortiz, 2011).
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Peter Rosset, Medea Benjamin, The greening of the revolution : Cuba’s experiment with organic agriculture, Melbourne, Ocean Press, 1994 ; Fernando Funes Aguilar, Luís Vázquez Moreno, Avances de la agroecologia en Cuba, La Habana, Estación Hatuey, 2016 ; María Caridad Cruz, « Agricultura urbana en América Latina y el Caribe : Casos concretos desde la mirada del buen vivir », Revista Nueva Sociedad, 2016.
18
María Caridad Cruz, « Agricultura urbana en América Latina y el Caribe : Casos concretos desde la mirada del buen vivir », Revista Nueva Sociedad, 2016.
19
Pour une discussion de ces aspects, cf. Marina Gold, « Urban Gardens: private property or the ultimate socialist experience? », in C. Riobó (dir.), Cuban intersections of literary and urban spaces, 2014, p. 25-48 ; Emma Gobin, « Épiphanies en permaculture. Expériences spirituelles et ressorts de conversions à l’agroécologie (Cuba) », Cahiers d’Anthropologie sociale, n°22, 2024. Sur le « mythe de l’agroécologie cubaine », voir Marie Aureille, « À la recherche de l’agroécologie cubaine », Blog Cora (Carnet ouvert de recherche sur l’agroécologie), 2018. À noter au passage l’obtention pour Cuba d’un prix Nobel alternatif en 1999 (Right Livelyhood Award, prix qu’avaient également obtenu Mollison et Holgrem dans les années 1970) et celle du « Green Nobel » (Golman Environment Prize, 2010), qui renforcent l’idée en partie erronée de cette exceptionnalité cubaine dans le domaine de l’agriculture durable au sein des réseaux de l’environnementalisme mondial. Pour une idée de la manière dont on en parle en Europe, voir par exemple https://www.lesagronautes.org/index.php/2019/05/15/organoponico-la-star-de-lagriculture-urbaine-a-cuba/
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Par exemple Marina Gold, « Urban Gardens: private property or the ultimate socialist experience ? », in Carlos Riobó (dir.), Cuban intersections of literary and urban spaces, 2014, p. 25-48.
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Eric Holt-Giménez, Campesino A Campesino: Voices from Latin America's farmer to farmer movement for sustainable Agriculture, Oakland, Food First Books, 2006; Peter Rosset, Braulio Machín Sosa B. et. Al. « The Campesino-to-Campesino agroecology movement of ANAP in Cuba : social process methodology in the construction of sustainable peasant agriculture and food sovereignty », The Journal of Peasant Studies, vol.° 38, n° 1, 2011, p. 161-191.
22
Laura Centemeri, La Permaculture ou l’art de réhabiter, Paris, Éditions Quae, 2019, p. 51-62.
23
À noter que ce format de transmission de type taller (et éventuellement certification) est tout aussi répandu à Cuba dans des pratiques très différentes, telles celle de la Wicca néopaïenne sur laquelle j’ai pu travailler à La Havane en 2013 ou encore du kundalini yoga dont les formations internationales en ligne ont été très suivies à Cuba après la pandémie de Covid et un accès facilité à Internet. Rappelant des modes de transmission communs à d’autres mouvement spirituels contemporains (cf. Véronique Altglass, « Exotisme religieux et bricolage », Archives de sciences sociales des religions, n°167, 2014, p. 315-332), cette similarité reste à creuser.
24
Communication personnelle (avril 2022) de M. C. Cruz (qui en évoquait cependant 1300 dans un article antérieur, María Caridad Cruz, « Agricultura urbana en América Latina y el Caribe : Casos concretos desde la mirada del buen vivir », Revista Nueva Sociedad, 2016, p. 17). Le groupe Facebook Permacultura en Cuba compte quant à lui 1600 membres en 2024.
25
À Cuba, où on ne trouve pas de manuels de permaculture de type do-it-yourself équivalents à ceux qui circulent en Europe (seuls existent ceux de la FANJ), la permaculture semble ainsi rarement source d’appropriations autodidactes.
26
Pour ce qui est des structures et programmes d’État, cf. María Caridad Cruz, « Agricultura urbana en América Latina y el Caribe : Casos concretos desde la mirada del buen vivir », Revista Nueva Sociedad, 2016, p. 18. María Caridad Cruz, Roberto Sánchez Medina, Carmen Cabrera (dir.), Permacultura criolla, La Havane, FANJ, 2006, p. 8-9.
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María Caridad Cruz, Roberto Sánchez Medina, Carmen Cabrera (dir.), Permacultura criolla, La Havane, FANJ, 2006.
28
Point intéressant bien que secondaire pour le propos, cet organisme s’occupe de la gestion du patrimoine documentaire et artistique de l’éminent révolutionnaire, ami intime de Fidel Castro, aventurier, chercheur et principal architecte de la réforme agraire menée dans les années 1960 que fut Antonio Núñez Jiménez. Sur le statut ambigu des ONG à Cuba, qui existent avec le parrainage de l’État et ont pour avantage de pouvoir capter des fonds internationaux, voir notamment Marina Gold, « Urban Gardens: private property or the ultimate socialist experience? », in Carlos Riobó (dir.), Cuban intersections of literary and urban spaces, 2014, p. 25-48. La FANJ est ainsi sous « tutelle » du ministère de la Culture et travaille avec d’autres institutions locales : ministère de l’Agriculture, représentations gouvernementales du pouvoir populaire, municipal et provincial, familles d’agriculteur·rices, par ailleurs membres des coopératives étatiques et liées aux instituts d’agronomie provinciaux, etc. (cf. aussi María Caridad Cruz, « Agricultura urbana en América Latina y el Caribe : Casos concretos desde la mirada del buen vivir », Revista Nueva Sociedad, 2016).
29
Arjun Appadurai, Modernity at large. The cultural dimensions of globalization, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1996.
30
María Caridad Cruz, Roberto Sánchez Medina, Carmen Cabrera (dir.), Permacultura criolla, La Habana, FANJ, 2006.
31
Voir par exemple Robyn T. Wilson, Permaculture in El Salvador: An Alternative to Neoliberal Development. PhD Dissertation, Northern Arizona University, 2007 ; Sébastien Carcelle, « Les secrets de Fatima : expérimentation, similitudes et énergie dans l’homéopathie rurale au Brésil », in Jean Foyer, Aurélie Choné, Valérie Boisvert (dir.), Les Esprits scientifiques. Savoirs et croyances dans les agricultures alternatives, Grenoble, UGA, 2022, p. 207-231 ; Kevin Morel, « Les permaculteurs. Du rêve aborigène à l’ingénierie du jardin d’Éden », in Jean Foyer, Aurélie Choné, Valérie Boisvert (dir.), Les Esprits scientifiques. Savoirs et croyances dans les agricultures alternatives, Grenoble, UGA, 2022, p. 151-178 ; Luis Martínez Andrade, Écologie et libération : critique de la modernité dans la théologie de la libération, Paris, Van Dieren Éditions, 2016.
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Voir aussi ce qu’en dit Laura Centemeri, La Permaculture ou l’art de réhabiter, Paris, Éditions Quae, 2019, p. 76-77 à propos d’autres formes de convergences ou de divergences en lien à l’Encyclique de 2015 du Pape François.
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Cela, à travers son organe le plus institutionnalisé, le Consejo Supremo Abakuá. À La Havane, on trouve par ailleurs plusieurs personnes, hommes et femmes, se présentant comme des « leaders communautaires afro-cubains » également engagés dans des projets de développement durable, d’éducation environnementale et/ou de sensibilisation aux questions de genre.
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Cf. aussi Laura Centemeri, La Permaculture ou l’art de réhabiter, Paris, Éditions Quae, 2019.
35
Bertrande Galfré, « Devenir biodynamiste : quand l’agriculture se fait rituel », Cahiers d’Anthropologie sociale, n° 22, 2024.
36
Emma Gobin, « Cartographier la permaculture cubaine : écologie, spiritualité et religion », Nouvelle gazette fortéenne, 2023, p.111-125 ; Emma Gobin, « Épiphanies en permaculture. Expériences spirituelles et ressorts de conversions à l’agroécologie (Cuba) », Cahiers d’Anthropologie sociale, n°22, 2024.
37
Terme issu d’autres contextes latino-américains. Cf. Renée de la Torre, Cristina Gutiérrez Zúñiga, « La lógica del mercado y la lógica de la creencia en la creación de mercancías simbólicas », Desacatos, vol. 18, 2005, p. 53-70.
38
Sur ce mouvement, voir par exemple Juan Scuro, Guillermo Giucci, Sebastian Torterola, « Camino Rojo from Mexico to Uruguay. Spiritual leaderships, trajectories and memory », International Journal of Latin American Religions, 2, 2018, p. 248–271.
39
Voir par exemple Jacqueline Andoche, « Spiritualité et géopolitique : de Starhawk aux cercles de femmes à l’heure d’internet », Femmes et géopolitique, n°245, 2019 ; Aleksandra Belova, Fabriquer la sororité éphémère : Cercles du féminin sacré à Paris et à Compiègne, Mémoire de M2 en anthropologie, Saint-Denis, Université Paris 8, 2021.
40
Irène Becci (dir.), Les éco-spiritualités contemporaines. Un changement culturel en Suisse, Lausanne, Seismo, 2023 ; Sébastien Carcelle, Jean Foyer (dir.) « Conversions. Agroécologies et spiritualités. Introduction », Cahiers d’anthropologie sociale, n° 22, 2024.
41
Jean Foyer, Aurélie Choné,Valérie Boisvert (dir.), Les Esprits scientifiques. Savoirs et croyances dans les agricultures alternatives, Grenoble, UGA, 2022, p. 151-178; Kevin Morel, « Les permaculteurs. Du rêve aborigène à l’ingénierie du jardin d’Éden », in Jean Foyer, Aurélie Choné, Valérie Boisvert (dir.), Les Esprits scientifiques. Savoirs et croyances dans les agricultures alternatives, Grenoble, UGA, 2022, p. 151-178 ; Emma Gobin, « Agricultures alternatives et écoritualités émergentes » (à propos de J. Foyer et. al., Savoirs et croyances dans les agricultures alternatives, Grenoble, UGA, 2022), Ethnologie française, 1-53, 2023, p. 103-109 ; Irène Becci (dir.), Les Eco-spiritualités contemporaines. Un changement culturel en Suisse, Lausanne, Seismo, 2023.