Philosophie et histoire
  • Entretien avec Pierre Bouretz — Directeur d'études — EHESS (CéSor)
Jean-Frédéric Schaub — Directeur d'études — EHESS (MOAM)
Max Weber était-il aussi philosophe ? Pierre Bouretz montre que Max Weber défendait une vision désenchantée du monde, héritière du nihilisme. S'il n'y a plus de possibilité de se figurer un monde différent, comme le faisait Kant, il faut décrire le monde tel qu'il est : c'est la naissance des sciences sociales. À partir de là, comment se nourrir de la philosophie de l'histoire et de la philosophie du droit pour penser la question de la normativité ? Comment pratiquer une histoire qui traite des questions philosophiques, à la manière de Léo Strauss, à partir d'une connaissance intime de la philosophie ?
Résumé
Une vie, un parcours de recherche.
Interview published on 27-06-2018
Last modified on 25-10-2022
Langue originale : French Lire la version English
  • Biographie
  • Bibliographie de Pierre Bouretz
  • Bibliographie de l'entretien

Pierre Bouretz est un philosophe, Directeur d’études à l'École des hautes études en sciences sociales. Il pratique une histoire philosophique de la philosophie. Après une formation en philosophie à l'Université de Lille, il obtient un diplôme de l'Institut d’Études politiques de Paris en 1983. Il réalise sa thèse à l'IEP sous la direction de Jean Leca, qu'il soutient en 1994.

Celle-ci porte sur Max Weber, dont il fait une lecture philosophique en le replaçant dans son univers intellectuel contemporain marqué par la philosophie allemande.

Il se penche ensuite sur l'histoire du républicanisme français, qui se présente comme universel, fait contesté à la fois par le romantisme allemand, et par les Lumières anglo-saxonnes.

Ses réflexions sur Max Weber le conduiront à interroger la position wéberienne sous deux angles, celui de la philosophie du droit et celui de la philosophie de l'histoire. Il a travaillé sur la possibilité, selon lui fermée par Weber, de rouvrir un horizon de normativité, à la suite des travaux d'Habermas ou de Rawls. Il a dirigé un ouvrage collectif sur la question (La Force du droit).

Concernant la philosophie de l'histoire, il interroge cette disparition de l'horizon du futur au delà du monde tel qu'il est, à travers la pensée de philosophes qui ont vécu la sécularisation du monde juif en terre germanique, pour qui la pensée du judaisme, voire du messianisme, jouait un rôle important. Son livre intitulé Témoins du futur retrace les parcours d'Hermann Cohen, Emmanuel Lévinas, Ernst Bloch, Leo Strauss, Franz Rosenzweig, Gershom Scholem, Walter Benjamin, Martin Buber et Hans Jonas.

Il a réalisé et introduit la première édition intégrale en français du livre d'Hannah Arendt sur le totalitarisme (Quarto / Gallimard) et publié une analyse de ses carnets de travail (Qu'appelle-t-on philosopher ?). Ses recherches récentes portent sur l'histoire de la philosophie médiévale dans les mondes juifs et arabes, notamment sur Moïse Maïmonide, philosophe juif cordouan.

Lumières du Moyen Âge. Maïmonide philosophe, Paris, Gallimard, 2015.

« Avec et contre Léo Strauss : les Lumières médiévales entre ésotérisme et ‘philosophie populaire’ », in D. Cohen-Levinas (dir.), La Pensée juive, Paris, Collège des Bernardins, 2014, p. 35-52.

« Jeunesses berlinoises. Walter Benjamin et Gershom Scholem (1915-1923) », Europe, 91e année, n° 1008, avril 2013, p. 34-46.

D'un ton guerrier en philosophie. Habermas, Derrida & Co, Paris, Gallimard, 2010.

Les Lumières du messianisme, Paris, Hermann, 2008.

Qu’appelle-t-on philosopher ?, Paris, Gallimard, 2006.

Témoins du futur. Philosophie et messianisme, Paris, Gallimard, 2003.

La République et l’universel, Paris, Gallimard, 2000.

Les Promesses du monde. Philosophie de Max Weber, Paris, Gallimard, 1996.

(dir.), La Force du droit : panorama des débats contemporains, Éditions Esprit, 1991.

Hannah Arendt, Les Origines du totalitarisme et Eichmann à Jérusalem [1951 et 1963], Paris, Gallimard, 2002.

Louis Dumont, Homo aequalis II : l'idéologie allemande. France-Allemagne et retour, Paris, Gallimard, 1991.

Marcel Gauchet, Le Désenchantement du monde. Une histoire politique de la religion, Paris, Gallimard, 1985.

Jürgen Habermas, Écrits politiques : culture, droit, histoire, Paris, Cerf, 1990.

Immanuel Kant, Vers la paix perpétuelle : un projet philosophique [1795], Paris, Librairie Philosophique Vrin, 2007.

John Rawls, Théorie de la justice [1971], Paris, Le Seuil, 1987.

Max Weber, Œuvres Politiques (1895-1919), Paris, Albin Michel, 2004.