Cette thèse vise à aborder le monde moral de la police en focalisant l’analyse sur le quotidien d’une station de police militaire qui opère dans une favela à Rio de Janeiro, Brésil. La pluralité des enjeux moraux du travail policier est rendue visible par l’étude des formes de violence que la police utilise, les constants (dés)ordres qu’elle génère ainsi que par les différentes tensions entre police et communauté. La démarche méthodologique de cette recherche est d’abord constituée d’une ethnographie auprès d’une station de police militaire, mais, prend en compte, dans un même temps, la profondeur historique du sujet. Cette station de police est rattachée à l’Unité de Police Pacificatrice (Unidade de Polícia Pacificadora), une section de la police militaire qui vise à « récupérer les territoires perdus au narcotrafic ». Celui-ci prédomine dans des centaines de favelas de la ville. Guidé par les principes de proximité, ce modèle de « pacification » vise à maintenir l’ordre social et moral établi par la police. Cette section de la police aspire, en dépit des accusations de corruption et d’abus de pouvoir qui la visent ainsi qu’un trafic de drogue toujours actif, à reformuler le travail policier, notamment dans les communautés historiquement « oubliés » par l’État. Aussi des transformations à la fois opérationnelles, politiques, historiques et institutionnelles encadrent-elles le quotidien des policiers.
Une ruelle d’une communauté décorée avec le motif de la Coupe du Monde 2014.
La relation entre la police militaire et les habitants est désormais marquée à la fois par des actions répressives (lutte contre les stupéfiants, trafic lourdement armé et réoccupation territoriale) et des actions humanitaires (cours, fêtes, mariages, et d’autres formes d’aide sociale). Ainsi, l’analyse des circonstances locales permet de mettre au jour des tensions, des contradictions et des démarches ambivalentes entre les discours universalistes (des droits humains, par exemple) qui peuvent être tenus au sein de l’institution policière (avec une formation qui vise à réduire les attitudes violentes parmi les policiers) et la société (ONGs, médias, etc.) qui exige une police moins létale, mais paradoxalement une lutte de plus en plus virulente contre l’insécurité et le narcotrafic. L’analyse du contexte local place notamment la moralité comme élément central d’analyse de cette thèse. Les circonstances locales à Rio de Janeiro situent la police comme une institution privilégiée pour étudier les formes de domination raciale et de classe au Brésil, toujours encadrés dans des logiques à la fois postcoloniales et post-dictatoriales. Une recherche au sein de la police dévoile aussi les enjeux moraux ainsi que les formes de gouvernement des populations les plus précaires dans les pays latino-américains1.
An ethnographic method:
Fieldwork included a year’s ethnography (2014-2015) as well as supplementary visits to the terrain. Aside from these observations, formal and informal interviews held with soldiers, high-ranking members of the military police, civil police, local activists, members of the local community, public service agents (health, social services, etc.) ad-hoc observations at a Delegacia (police civile). Additional documentation was collected at local and federal libraries, as well as observations at the National Congress of Deputies in Brasilia on the subject of the police institution and particularly, on the use of moral discourse in issues of public security. Finally, access to the Library of Congress made possible a historical review thanks to newspaper archives.
Notes
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Ce travail a été réalisé dans le cadre du laboratoire d’excellence Tepsis, portant la référence ANR-11-LABX-0067 et a bénéficié d’une aide au titre du Programme Investissements d’Avenir.