Depuis plusieurs années, les questions de laïcité et de reconnaissance des minorités culturelles et religieuses sont au cœur des débats publics. Cette recherche entend montrer que ces controverses ne sont pas seulement théoriques, mais doivent être analysées en pratique, dans des configurations institutionnelles singulières. Il s’agit de penser le rôle des institutions et des représentations sociales dans la mise en pratique de l’action publique, en s’intéressant aux interactions et négociations permanentes entre acteurs aux positions inégales. À partir de l’institution hospitalière comme point d’observation, je compare les modes de gestion localisés de la diversité, notamment culturelle, religieuse et sociale, dans deux espaces ayant des traditions étatiques et politiques différentes, la France et le Québec. Cette recherche est ainsi basée sur une enquête par observations prolongées et par entretiens, menés tant auprès de professionnel.le.s (médecins, membres des équipes infirmières, intervenants sociaux…) que des usager.e.s. L’enquête de terrain s’est déroulée entre février 2015 et juin 2016 au sein de services d’endocrinologie et de médecine interne d’un centre hospitalo-universitaire francophone de Montréal et de deux centres hospitalo-universitaires situés en Ile-de-France.
Vue d’hôpital.
La France et le Québec se différencient profondément en matière de philosophie politique quant à la réponse à apporter à cet enjeu et en matière de législation. Comment, en pratique, les divers acteurs de l’hôpital public gèrent, ou non, les demandes, les conflits et les enjeux d’aménagement du service public envers des patients en raison de leurs pratiques, croyances, besoins, caractéristiques ? L’hôpital, lieu où prend place une organisation du travail, où interagissent plusieurs « groupes professionnels », eux-mêmes confrontés en permanence au monde des profanes, est structuré dans et par la négociation. Il s’agit de restituer les modalités de ces négociations, tout en étant attentif aux appropriations différenciées que les publics font des dispositifs d’aménagement, et à leur capacité d’orienter les pratiques des agents publics, en pensant ensemble les modes de gouvernement et les pratiques des gouvernés. Ma recherche entend répondre à deux types de questionnements : d’une part, elle interroge le rapport de l’État au religieux, à la diversité et aux minorités ; d’autre part, elle s’inscrit dans une réflexion plus large sur les modes de gouvernement, à travers la façon dont on gère les populations dans la négociation et la dérogation1.
Notes
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Ce travail a été réalisé dans le cadre du laboratoire d’excellence Tepsis, portant la référence ANR-11-LABX-0067 et a bénéficié d’une aide au titre du Programme Investissements d’Avenir.