Le gouvernement de la biodiversité européenne. Expertise, contractualisation et infrastructure de financement

Le cas de Natura 2000 en France (1988-2016)

Cette thèse porte sur la principale politique européenne de protection de la biodiversité, le réseau de sites « Natura 2000 »1. Celle-ci a pour objectif de préserver des espèces et habitats d’intérêt communautaire, grâce à une gestion locale concertée fondée sur la contractualisation.

Nous nous intéressons à la construction et à la persistance de cette forme de gouvernement de la biodiversité. A l’échelle européenne puis à l’échelle locale – celle des sites – ce gouvernement de la nature mobilise une multitude d’instruments : d’identification des enjeux écologiques, de techniques d’intervention sur le milieu naturel, mais aussi et surtout des instruments de gestion, des outils juridiques, des procédures financières. C’est de cet assemblage de dispositifs matériels dont rend compte cette thèse. Cette approche par le bas, attentive aux instruments, aux représentations qu’ils portent et aux normes qu’ils contribuent à créer, permet d’abord de mettre au jour la façon dont se recomposent des rapports à la nature.

L’exemple d’une politique qui émerge au début des années 1990 permet également de donner à voir sur le temps long, les opérations de construction de cette infrastructure bureaucratique : ses stratifications successives, ses instruments, les relations qu’elle occasionne au sein de l’administration et avec les gouvernés, mais aussi les enjeux de fragilisation et de maintenance qu’elle doit affronter pour perdurer dans le temps. Nous montrons d’une part l’étendue de l’investissement induit par une politique publique de la nature – en termes de métriques, d’instruments, d’emplois, de déplacements des modes de travail, de périmètre de l’État – et d’autre part de la faiblesse de ces investissements sans cesse fragilisés, parfois par la production de ces mêmes investissements.

Notre enquête matérielle combine une approche socio-historique et une enquête locale, aux côtés des gestionnaires des sites Natura 2000. Nous proposons à partir de l’ensemble des archives des institutions européenne (n=450) une analyse inédite de la genèse de Natura 2000.

L’enquête s’appuie également une immersion de 5 mois dans un parc naturel régional en France. Assistant les chargés de mission Natura 2000, nous avons suivi le travail quotidien de ces gestionnaires. Nous avons réalisé des entretiens (n=38), assisté à des réunions (n=29), collecté plusieurs centaines de documents de travail et de littérature grise. Le croisement de ces méthodes d’enquête contribue à l’étude des transformations de l’action publique – ses outils, ses guichets, ses infrastructures de financements. Elle met en évidence les adhérences d’une action publique en faveur de la biodiversité, souvent marginalisée.

      Quelques chiffres 

 

  • 18,40% du territoire européen classé Natura 2000.
  • 12,9% du territoire français (terrestre). En région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, les sites Natura 2000 recouvrent 30% du territoire.
  • 233 habitats, 1563 espèces animales, 966 espèces végétales, 617 espèces d’oiseaux concernés par les directives.
  • 52% des espèces européennes sont menacées.
  • 2213 contrats (hors agricoles) Natura 2000 signés entre 2007 et 2013 en France.
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Ce travail a été réalisé dans le cadre du laboratoire d’excellence Tepsis, portant la référence ANR-11-LABX-0067 et a bénéficié d’une aide au titre du Programme Investissements d’Avenir.

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