Dans l’écheveau de la frontière. Alignements et réalignements des attachements politiques dans la Roya (XIXe-XXIe siècles)
Maîtresse de conférences HDR en science politique

(Université Côte d’Azur - ERMES)

Qu’est-ce qu’une frontière ? La littérature en sciences sociales est riche d’usages, de plus en plus métaphoriques, de ce terme : frontières entre groupes sociaux, racialisés, etc. Certains appellent même de leurs vœux des « critical border studies » débarrassées d’une « épistémologie territoriale omniprésente1 ». Les travaux qui s’intéressent aux frontières nationales et débattent de leurs évolutions contemporaines (leur retour, leur épaississement, leur mobilité, le fait qu’elles ne sont plus des lignes mais des lieux « frontiérisés », etc.2) ont en commun de se concentrer essentiellement sur une de leurs dimensions : le contrôle de la circulation des personnes. Ce prisme circulatoire est évidemment lié à l’actualité politique et à la crise de l’accueil des migrant∙es que connaît l’Union européenne depuis le milieu des années 2010. Cette crise a contribué à réorienter les travaux académiques qui depuis les années 1990 s’attachaient plutôt à la fluidité des circulations à travers les frontières, aux réseaux commerciaux informels et aux familles transnationales3.

La vallée de la Roya, traversée par l’extrême sud de la frontière alpine entre l’Italie et la France, est bien concernée par cette crise de l’accueil. La ville située à son embouchure, Ventimiglia (Vintimille), est devenue, au même titre que Calais ou Lampedusa quoique plus tardivement, l’un de ces lieux qui symbolisent les pratiques, en grande partie illégales, qui restreignent la liberté de circulation au sein de l’Union européenne de certaines catégories d’étranger·es4. L’installation d’un check-point sur la route de montagne qui relie la moyenne vallée de la Roya au reste de la France en 2015 ne manque pas de réinterroger la consistance contemporaine de cette frontière.

Carte 1. Situation de la vallée de la Roya

Carte 1. Situation de la vallée de la Roya.

Mais le contrôle de la circulation des personnes n’est que l’un des fils qui composent l’écheveau frontalier. Le propre d’une frontière est justement de regrouper sur une même ligne toute une série de limites qui concernent bien d’autres dimensions que celle du contrôle de la circulation humaine. Si le filtrage de la mobilité des personnes se déroule désormais ailleurs que sur la ligne-frontière (dans des gares, des aéroports, des centres de rétention…), ce n’est pas nécessairement le cas des autres dimensions de la souveraineté. Mon travail tire profit du « cas » de la vallée de la Roya pour rendre visible cet écheveau et ses évolutions, pour saisir l’ensemble des éléments qui composent une frontière étatique5.

La frontière comme faisceau de limites, comme écheveau de lignes

Il s’agit d’entrer dans l’épaisseur de la frontière6, dans une double dimension : verticale, au sens où il s’agit de déplier les différentes lignes aujourd’hui (presque) parfaitement superposées à tel point que leur pluralité devient invisible « vue du ciel » ; horizontale, en suivant le processus au cours duquel les limites de différents ordres d’activités (échanges commerciaux, usages linguistiques, etc.) viennent s’aligner sur la frontière étatique. Cette analyse de la frontière comme écheveau s’appuie sur une double mise en perspective, historique et spatiale.

« Sans interstice et sans chevauchement »

Si on le situe dans l’espace et dans le temps, cet alignement de limites est propre aux États-nations7. Historiquement, c’est dans le courant du XVIIIe siècle que cet alignement est instauré en France. Jusque-là, un même lieu dépendait de différentes autorités selon la sphère d’activité concernée (diocèses, droits seigneuriaux et féodaux, bailliages et sénéchaussées pour la justice royale, gouverneurs des circonscriptions militaires, généralités avec les intendants…). Pierre Rosanvallon fait commencer l’alignement à la Révolution française et à l’instauration du département comme découpage unique en 17908. D’autres historiens en retracent les effets progressifs : Léonard Dauphant parle ainsi de « faisceau de limites9 » pour décrire la solidification progressive de la frontière de la Meuse au XVIe siècle. Daniel Nordman retrace le processus historique qui fait exister la frontière en tant que ligne, quand les limites de différents ordres d’activités se rejoignent et s’alignent. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, « les droits hétérogènes et superposés, les liaisons complexes et contradictoires entre les lieux laissent la place à des unités physiquement homogènes, juxtaposées, qui recomposent sans interstice, sans chevauchement, l’ensemble des confins et du royaume tout entier10 ».

Une « souveraineté feuilletée »

La coexistence de différents régimes de souveraineté est au cœur de l’analyse des empires que proposent Jane Burbank et Frederick Cooper11. Pour eux, c’est précisément la caractéristique essentielle des formations impériales de parvenir à gouverner de manière différenciée, sans volonté de faire se superposer un peuple, un territoire et un pouvoir politique unique. La notion de « souveraineté feuilletée » (overlapping, layered sovereignty) désigne ces pratiques institutionnelles et politiques qui incluent dans l’Empire tout en articulant et en hiérarchisant des unités politiques en son sein. Là encore, dans le cas de la France et de l’Italie métropolitaines – les auteurs font remarquer que les États coloniaux présentent cette même coexistence de régimes juridiques et politiques différenciés au sein d’une même unité politique, ce n’est pas parce que les différents niveaux de feuilletage qui composent une souveraineté étatique ont été alignés sur le même périmètre qu’ils cessent d’exister.

« À la fois puissant et incohérent »

Avec ce double point d’appui, j’envisage donc la frontière comme un faisceau de limites, plus ou moins contraignantes, imposées ou mobilisées au sein de la pluralité des pratiques ordinaires qui font la vie sociale d’un territoire. La multiplicité des lignes qui composent une frontière continue à exister même quand elles sont superposées et que cette pluralité devient ainsi moins visible. Mon ethnographie historique de la Haute-Roya permet de saisir cet écheveau qui est en réalité présent partout : ici, d’abord, la consistance de la frontière est tardive (années 1920-1930) mais devient ensuite très dense immédiatement après, autour de son dernier déplacement en 1947, qui fait passer 2 villages et quelques vallées de l’Italie à la France, puis à nouveau depuis 2015 et la reprise de pratiques de contrôle de la circulation au sein de l’Union européenne qui s’étaient arrêtées en 1997.

Ce cas exceptionnel de frontière revendiquée, déplacée, ouverte puis refermée, révèle ainsi les différentes strates qui la composent et la multiplicité des agents qui sont impliqués dans l’entretien de ses différentes lignes et de leur superposition relative. Il montre que gouvernants et gouverné∙es n’agissent pas en permanence en fonction de l’écheveau complet mais, selon les moments, en fonction de l’un ou l’autre de ses fils. Ce cas extraordinaire fournit ainsi un point d’entrée dans les pratiques ordinaires qui composent ce paradoxe : « ce que nous appelons un État est à la fois un ensemble incohérent, multiforme de rapports de pouvoir et un instrument puissant de domination12 ».

Une frontière comme terrain pour saisir l’étatisme ordinaire

Travailler sur une frontière c’est travailler sur l’État et sur la présence de l’État, et plus largement des institutions politiques, dans nos vies. En effet, l’étude des processus par lesquels une frontière nationale prend de la consistance pour les populations qui la pratiquent montre qu’ils renvoient moins à l’intériorisation d’appartenances nationales et symboliques qu’à des rapports concrets aux institutions étatiques.

Appartenance nationale ou étatique ?

Depuis la fin des années 1990, des travaux désignent comme « nationalisme ordinaire », banal nationalism, une appartenance nationale qui serait aujourd’hui implicite et omniprésente, taken-for-granted13. Dans cette perspective, l’appartenance nationale devient particulièrement difficile à saisir empiriquement, sauf à la voir partout – du moins quand le nationalisme est « installé14 ». Des circonstances exceptionnelles, des temps de crises, ou bien les marges de la nation, ses frontières, agissent au contraire comme des « révélateurs ». Les frontières sont alors des lieux pour rendre visible le travail d’installation et de consolidation de la Nation et de l’État. Peter Sahlins étudie des villages d’une vallée pyrénéenne traversée par la frontière franco-espagnole aux XVIIe et XVIIIe siècles pour comprendre les rapports aux identités nationales qui s’y forment. Il soutient que ces dernières doivent moins à une diffusion par le centre qu’à des appropriations locales, d’abord instrumentales mais qui finissent par faire sens pour les habitant∙es15.

Si ma démarche est proche de l’ethnographie historique des communautés villageoises menée par Sahlins, quoique sur une période différente, mes résultats s’en éloignent : les populations de la vallée de la Roya maintiennent durablement un rapport très instrumental, et davantage à l’État qu’à la nation. L’idée que des circonstances exceptionnelles permettent de rendre visible le nationalisme ordinaire avait pourtant constitué le point de départ de mon intérêt pour l’épisode de déplacement de la frontière franco-italienne des Alpes du Sud en 1947. À première vue, dans les discours contemporains, ce moment semblait regorger de revendications nationalistes : c’est parce que les populations locales ont voulu devenir françaises, et l’ont manifesté par un vote, que la frontière a été déplacée. Assez rapidement cependant, je me suis rendu compte que, dans les archives et les entretiens, les habitant∙es de la zone mobilisaient très peu d’arguments nationalistes et renvoyaient plutôt à leurs activités socio-économiques. Le nationalisme n’est pas seulement un projet politique, une idéologie, mais aussi une catégorie de perception et d’action. C’est une croyance naturalisée selon laquelle « le monde est (et doit être) divisé en nations identifiables, que chaque personne doit appartenir à une nation, que la nationalité d’un individu influence la manière dont il pense et se comporte et implique également certains droits et devoirs16 ». Cette idée essentialisante selon laquelle la nationalité d’une personne correspond à des comportements est absente dans mon enquête.

Carte 2. Les frontières successives dans la vallée de la Roya

Carte 2. Les frontières successives dans la vallée de la Roya.

Dans la ville roumaine étudiée par Brubaker et al.17, même si la population est éloignée des discours politiques nationalistes, « Roumains » et « Hongrois » sont des catégories de la vie quotidienne. Dans les villages de montagne que j’étudie, la population ne se divise pas entre « Italien⸱nes » et « Françai⸱ses ». Les termes sont éventuellement utilisés pour parler des gouvernements et des institutions politiques, mais les conflits au sein de la population se formulent en termes de choix politique (« italianophiles » versus « francophiles », c’est-à-dire attachés aux institutions italiennes ou aux françaises) et non de substance. À aucun moment n’apparaît l’idée que les habitant∙es du même village, ou de la même vallée, sont différent⸳es entre eux. Il pourrait sembler évident que des populations qui partagent les mêmes conditions de vie et des liens de voisinage ne se considèrent pas comme différentes, mais d’autres circonstances sociales et historiques ont au contraire montré que cette distinction pouvait aller très loin. Le génocide des Tutsis au Rwanda a été commis par leurs voisins18.

L’enquête m’a ainsi amenée à sortir d’une vision officielle et à rebours de cet épisode de modification frontalière, dans laquelle le nationalisme est premier, pour inverser l’ordre du raisonnement et d’abord comprendre les caractéristiques socio-économiques de ces populations montagnardes, appréhender ensuite les effets de ces caractéristiques sur les rapports politiques et, à partir d’eux, éclairer les mobilisations autour de l’appartenance nationale des villages. Cela permet aussi de comprendre pourquoi la distinction avec les « Italien⸱nes » n’est pas essentielle : ce qui compte, c’est de pouvoir continuer à circuler entre la Haute-Roya et le littoral français – Nice, Cannes, Monte-Carlo.

Déplacer la frontière pour maintenir la mobilité

Ces villages de montagnes se caractérisent par des activités agricoles et pastorales mobiles, adaptées à la faible proportion de terres cultivables : l’élevage, la cueillette, les coupes de bois et les cultures se déplacent en fonction des saisons. Plus encore, une bonne partie des paysan⸱nes de cette haute-vallée se rend sur le littoral voisin pour y travailler pendant l’hiver. Cette mobilité saisonnière est typique des villages de montagne et n’est pas spécifique à la Roya. Ce qui l’est, c’est qu’au lieu de suivre le fleuve Roya jusqu’à Vintimille, ces flux migratoires se dirigent plutôt vers Nice, à l’Ouest. Deux raisons l’expliquent : d’abord, le morcellement politique ancien et quasi-continu de la vallée, qui a donné forme aux routes du sel successives qui l’ont traversée. Ces dernières, qui relient Nice à Turin, toutes deux appartenant aux États de Savoie, ont en commun d’éviter la basse vallée qui appartient jusqu’à la fin du XVIIIe à la République de Gênes. Ensuite, le développement du tourisme d’hiver sur la Côte d’Azur dans la seconde moitié du XIXe a accentué ce phénomène en multipliant les emplois de service (dans les hôtels, les restaurants ou à domicile) disponibles précisément durant la période d’inactivité des montagnard⸱es. Même si le Comté de Nice est cédé par le Piémont-Sardaigne (ex. États de Savoie) à la France en 1860, le franchissement d’une frontière nationale a peu d’impact sur ces migrations, du moins jusqu’aux années 1920-1930 avec les politiques de restriction de la circulation du régime fasciste mais aussi du gouvernement français.

Á la sortie de la Deuxième Guerre mondiale, les personnes qui se mobilisent les premières pour déplacer la frontière au-delà de la Haute-Roya sont des originaires de la vallée, employés de l’hôtellerie de luxe ou commerçants sur la Côte d’Azur. Ce sont des transnationaux qui se mobilisent pour cesser de l’être : ils souhaitent pouvoir, tout en travaillant sur la côte, revenir régulièrement au village, y posséder des biens, y être élus, etc. Et l’écho qu’ils rencontrent au sein de la population royasque, locale comme émigrée, tient à l’ampleur de ces phénomènes de mobilité plus ou moins temporaire. Cette revendication finit par aboutir par un jeu d’échelle assez vertigineux : elle est reprise par des notables niçois, qui la transmettent aux gaullistes. De Gaulle en fait le principal symbole de sa position victorieuse sur l’Italie, à tel point que cette revendication territoriale minime constitue, du printemps 1945 au printemps 1946, un point de blocage des relations diplomatiques franco-italiennes et de la Conférence de paix avec l’Italie, de même que sur le terrain, la menace de voir des troupes alliées attaquer les françaises pour les obliger à cesser leur occupation de la zone se fait tout à fait sérieuse.

Saisir la consistance de la souveraineté étatique

Ma démarche est, en un sens, proche de celle de Daniel Nordman qui fait le choix d’analyser la frontière au XVIIIe siècle sans avoir recours à l’idée de nation, mais d’étudier à travers elle les « liens entre l’État, qui fixe des frontières, et l’espace qui est la matière dans laquelle elles s’impriment19 ». Si ces travaux ont constitué un point d’appui précieux, D. Nordman s’intéresse aux mobilisations des habitant∙es seulement dans la mesure où elles concernent le tracé frontalier en lui-même. Le mien le fait également, en particulier pour comprendre cette mobilisation qui aboutit au déplacement de la frontière en 1947, mais prend en compte plus largement les habitant∙es, les pratiques et les institutions locales qui composent le territoire que traverse la frontière. Autrement dit, j’étudie l’écheveau frontalier à deux niveaux de focale : le premier se situe au niveau du tracé frontalier lui-même pour déplier les lignes qui y sont superposées, le second, plus large, prend en compte les effets que cet alignement produit sur des ordres d’activités divers, aux périmètres variables.

Il ne s’agit pas seulement de regarder la mobilisation permanente, quotidienne mais invisible du « travail d’État » qui maintient la frontière comme « ligne de démarcation et non lieu d’interaction et de jonction20 », mais d’y ajouter le travail d’État sur les populations pour affirmer leur appartenance étatique et nationale. La souveraineté porte en effet autant sur une population que sur un territoire. Ce cas d’étude sert précisément à explorer la consistance concrète de la souveraineté de l’État. De quoi est-elle faite ? Quelles sont les multiples pratiques qui se combinent pour la rendre palpable localement ? Bien plus que d’imaginaires ou de symboles, cette souveraineté est faite de multiples négociations entre les institutions des deux États voisins, mais aussi entre ces institutions et leurs gouverné∙es. Plutôt que le nationalisme ordinaire, c’est alors l’étatisme ordinaire qui peut être mis au jour. Les anthropologues Veena Das et Deborah Poole suggèrent que les « formes d’illisibilité, d’appartenances partielles, de désordre qui semblent caractériser les marges de l’État » en sont en réalité une condition nécessaire, et que ces « frontières contestées, fragmentés, faiblement souveraines » sont moins une exception qu’un site d’investigation utile pour échapper à « l’apparente naturalité de la territorialité de l’État » qui prévaut ailleurs21.

Cette situation frontalière place les gouverné∙es en situation d’expérimenter, et peut-être de comparer, deux traitements étatiques. Elle permet d’explorer de façon originale ce qui change quand on change d’État, temporairement (en passant la frontière) ou durablement (lorsque celle-ci est déplacée), et, par conséquent, ce qui compose une appartenance étatique. La situation dans la Haute-Roya en 1947 est expérimentale de ce point de vue : ces villages et leurs habitant∙es changent d’État sans que rien d’autre ne change, les villages sont toujours au même endroit, les habitant∙es sont les mêmes… Autrement dit, contrairement aux migrant∙es, ils et elles sont dans une situation de resocialisation étatique « pure ».

Une ethnographie historique

Au-delà de cette histoire exceptionnelle qui caractérise la Roya, se concentrer sur un cas unique permet de déployer une perspective à la fois approfondie et de longue durée. Entrer dans l’épaisseur de la frontière, c’est en repérer, au fil du temps, l’ensemble des lignes qui en composent l’écheveau : de la validité des timbres-poste à la possibilité de faire paître ses brebis, de l’usage d’un patois au prix du litre de vin, ou, plus récemment, de l’obligation du masque FFP2 à l’opérateur de téléphonie mobile.

Le recours à l’histoire permet, de plus, de dénaturaliser ce qu’est une frontière et de rappeler que les limites des États ont longtemps été anodines pour les circulations humaines. La vallée de la Roya offre ainsi un terrain pour historiciser le « transnationalisme ». En effet, pour que l’on puisse parler de circulations transnationales, il faut qu’existent des nations. L’histoire de cette vallée permet de saisir à quel moment des migrations régionales non contrôlées par les institutions politiques deviennent transnationales quand les États commencent à s’en saisir. Elle permet enfin de s’affranchir du nationalisme méthodologique qu’il y a à qualifier différemment ces logiques migratoires selon qu’elles franchissent ou non une frontière. En l’occurrence, pour ces populations frontalières, de 1860 à 1947, les migrations sont à la fois régionales (Nice est à moins de 80 km) et transnationales. La différence ne tient pas aux pratiques en elles-mêmes mais au traitement étatique dont elles sont l’objet.

Ma perspective historique repose essentiellement sur des archives publiques italiennes et françaises. S’il n’est pas possible avec ces sources de centrer l’attention sur les gouverné∙es, ce n’est pas non plus une enquête centrée sur l’État. Plutôt, j’adopte une position d’enquête qui cherche à se placer entre les citoyen∙nes « ordinaires » et les institutions politiques. Les intermédiaires, celles et ceux qui se mobilisent et tentent de donner un sens à des questions qui n’en ont guère a priori pour des citoyen∙nes ordinaires, occupent ainsi une place importante : représentants locaux de l’État, au sein des préfectures notamment, associations, conseils municipaux… Les villageois∙es ordinaires sont saisis via ces intermédiaires qui prétendent parler en leur nom ou par le biais des rapports de police (renseignements généraux et carabinieri) qui présentent bien sûr un regard situé. Quelques archives orales et les entretiens menés en 2013 et 2014 permettent néanmoins de compléter ce regard sur les populations frontalières.

J’ai un accès comparable aux archives nationales des deux pays, mais assez déséquilibré en termes de sources locales, les Françaises étant mieux conservées. Pour autant, et c’est l’un des enseignements de la consultation de ces archives, peu d’informations relatives à la vie quotidienne des villages disputés restent cantonnées au niveau local. Les services concernés des deux ministères des Affaires étrangères sont informés des problèmes de ravitaillement ou de « l’agitation politique » qui se déroulent dans la haute-vallée de la Roya de façon régulière. Entrer dans les archives publiques par le haut et par le bas permet ainsi de retracer les circuits de diffusion de l’information et les lignes hiérarchiques, fournissant l’occasion d’une « observation historique du travail administratif22 ». Ainsi, il est possible de mettre en œuvre une démarche ethnographique à partir de documents d’archives, dans la mesure où l’on prend pour objet les relations d’interdépendance entre les différents acteurs qui produisent les archives et où l’on porte un regard réflexif sur les effets d’optique produits par ces matériaux23.

Les analyses de la période contemporaine reposent pour l’essentiel sur une enquête ethnographique menée entre 2012 et 2014 dans la haute-vallée de la Roya, avec deux séjours sur place à l’hiver 2013 et au printemps 201424, et de nombreux aller-retours depuis Nice. Au cours de cette période, j’ai observé les différentes mobilisations qui se déroulaient dans la vallée, en particulier autour du schéma intercommunal adopté en 2012, de la défense de la ligne de train et des élections municipales de 2014, ainsi que des moments festifs et plus ordinaires comme les marchés. J’ai mené une cinquantaine d’entretiens avec des acteur∙rices associatif∙ves, des candidat∙es et des élu∙es de ces communes. Après la fin de l’enquête à proprement parler, des contacts se sont maintenus avec certain⸱es enquêté⸱es, dans la vallée et à Nice, et je suis revenue ponctuellement, par exemple en juillet 2020 pour une présentation de mon travail au Festival « Passeurs d’humanité ». Ces relations maintenues, ainsi que la consultation de la presse locale, me permettent de saisir la situation dans la Roya jusqu’aux lendemains du passage de la tempête d’octobre 2020.

Dans le halo de la frontière. Un traitement étatique spécifique

Les travaux s’inscrivant dans les border studies posent la question des effets spécifiques de la frontière, donc des écarts entre des territoires séparés par une ligne frontalière, et certains cherchent à les mesurer. J’ajoute à cette démarche l’exploration des spécificités d’un territoire frontalier par rapport aux territoires voisins, situés dans le même pays mais pas à sa frontière. Un même État ne traite en effet pas de façon uniforme l’ensemble de son territoire dans la mesure où il effectue un travail additionnel à ses frontières. C’est là un autre axe transversal de mon travail : montrer le traitement institutionnel parfois spécifique réservé à cette zone frontalière et ses effets sur le territoire et la population.

Concevoir une frontière comme un alignement de limites permet aussi de comprendre ce traitement institutionnel spécifique : c’est un effet de l’alignement que de réduire l’ampleur possible d’une activité, et de diminuer parfois au sens littéral l’espace qui lui est disponible. L’exemple des routes et des voies de communication dans la Roya permet de l’illustrer de façon claire. Il permet aussi de revenir sur l’idée de « frontière naturelle » particulièrement ancrée en montagne où le relief peut sembler s’imposer aux activités humaines. J’ai déjà évoqué l’histoire des multiples routes du sel qui ont traversé la vallée du XIIIe au XVIIIe siècle. Ces axes de circulation sont modelés conjointement par des données naturelles et politiques : ils empruntent préférentiellement, d’une part, les cols les plus accessibles et, d’autre part, le passage par des territoires appartenant aux États de Savoie dont le périmètre s’accroît pour inclure progressivement Briga à la fin du XIVe siècle puis Tenda à la fin du XVIe. Ces voies de communication sont ainsi modelées inséparablement par le relief et les alliances politiques, et produisent en retour des effets sur les activités socio-économiques des zones traversées, en particulier sur l’activité des muletiers qui ont le monopole de la circulation sur ces différentes voies jusqu’à la mise en service en 1784 de la « route royale », entièrement carrossable, qui donne son nom à la vallée.

Carte 3. Réseau routier à la frontière des Alpes franco-italiennes

Carte 3. Réseau routier à la frontière des Alpes franco-italiennes.

Cette route qui suit le fleuve est restée jusqu’à aujourd’hui l’axe structurant de la vallée de la Roya, avec sa forme en Y inversé créée par l’addition d’un tronçon reliant directement la moyenne-vallée à la Côte d’Azur par Menton. Dans une thèse consacrée à la mesure des « effets de frontière », Sandra Pérez souligne la grande différence entre les réseaux de transport aux frontières franco-italienne des Alpes et franco-espagnole des Pyrénées25. Sur toute la zone franco-italienne étudiée, le point de passage principal est le Col de Tende, le Col de Larche constituant un point de passage secondaire tandis que la frontière franco-espagnole compte 14 points de passage. La géographe oppose ainsi un réseau de transport fonctionnant selon une logique de « drainage », où seuls quelques axes traversent la frontière, au réseau franco-espagnol correspondant à une logique « d’irrigation » avec de nombreux passages. Le premier est davantage polarisant autour de la ligne frontière, et favorise moins la circulation transfrontalière que le second. Mais on ne peut se limiter à constater qu’ils produisent des effets sur la circulation frontalière, sans voir que leur forme même est déjà le résultat d’un effet de frontière. Á la frontière franco-italienne de la Roya, la forme prise par ces réseaux de transports frontaliers est le résultat de l’alignement des activités sur la ligne frontière.

Etanchéisation de la frontière et déformation des routes depuis 1947

Dans la Roya, les effets du relief et des choix politiques continuent à se cumuler pour faire de la Haute-Vallée un « couloir ». Sur le versant Ouest, les options sont limitées par le relief et les sommets les plus élevés du massif : le mont Clapier à plus de 3 000 m, le Bego à plus de 2 800 m, la Cime du diable à plus de 2 600 – c’est sur cette dernière qu’était alignée la frontière avant 1947, laissant ces hauts sommets du côté italien. Ces deux facteurs se sont cumulés pour favoriser le développement de routes vers l’Est avant 1947. Après 1947, les logiques nationales freinent le développement de ces routes vers l’Est, désormais transfrontalières, tandis que le relief empêche d’en construire de nouvelles à l’intérieur des frontières françaises. Cette logique est particulièrement sensible pour la commune de la Brigue qui devient une impasse à la fin d’une route secondaire, alors que son territoire avant 1947 s’étendait bien plus à l’est au-delà de la frontière actuelle et que de nombreux passages piétons et muletiers y existaient – dont la route du sel au XVe siècle.

Pourtant, comme pour les stations de ski, et parfois en lien avec elles, les projets de routes et de tunnels traversant les Alpes dans la haute-Roya et dans les Alpes-Maritimes ont été nombreux depuis 1947. Le Conseil général est décisionnaire concernant la construction de nouvelles routes (et de stations de ski) dans la Roya depuis cette date26. Dans les années 1990, un projet de tunnel qui relierait la Brigue à Realdo, son ancien hameau situé à l’Est de la frontière, est étudié par la Région Liguria afin de développer le tourisme et notamment la station de ski voisine (Monesi) construite à la fin des années 1960. La commune de Triora évoque également la « possibilité d’intensifier les rapports et les échanges culturels dans un lieu – la Terre Brigasque – qui a su maintenir son unité ethno-linguo-économique, nonobstant la subdivision en trois régions et en deux états différents27 ». Dans cette commune, mais aussi au niveau de la Province de San Remo, s’est en effet développée une association de sauvegarde de l’identité comme de la langue brigasque, les langues minoritaires faisant l’objet d’une reconnaissance institutionnelle plus importante en Italie qu’en France. Mais ce projet n’aboutit pas, tout comme la « route de l’amitié » qui avait été projetée dans les années 1960 sur un itinéraire approchant, et qui est restée, côté français, à l’état de piste peu praticable. Toute une série de renoncements comparables aboutissent à la situation que constate Sandra Pérez à la fin des années 1990, une étanchéité de la frontière à l’Est de la Roya. La carte suivante, publiée par une association d’histoire locale à la même période, est également révélatrice : très précise sur les tracés des routes et du train, et sur les sentiers orientés vers la France, cette carte est en revanche « vide » à l’Est, ignorant les sentiers et les pistes de ce côté.

Carte des réseaux de transports dans la Roya

Carte des réseaux de transports dans la Roya.

Source : Charles Botton et Michel Braun, Le Col de Tende: De la route du sel à la route de l’Europe, Breil-sur-Roya, Editions du Cabri, 1991.

Un alignement frontalier fragilisé par la tempête Alex de 2020

Un important « épisode méditerranéen » dans la vallée de la Roya cristallise à nouveau les effets de la structure spécifique de ses voies de communication : l’étanchéisation de l’est de la vallée est à la fois lourde de conséquences pour les secours et les réparations, et facile à faire éclater dans l’urgence. Sa transgression ponctuelle entraîne immédiatement des mesures pratiques et politiques pour la réaffirmer.

Quand la tempête Alex frappe la vallée de la Roya, Tende et la Brigue sont les dernières communes à être secourues et avant même cela à retrouver des canaux de communication téléphoniques ou radios. Pendant la tempête, dans la nuit du 2 octobre 2020, et pendant près de 48 h ensuite, elles sont coupées du monde. Environ 30 km de route et pratiquement tous les ponts de la vallée sont détruits. Les autorités françaises annoncent l’ouverture une voie d’urgence « avant Noël » (soit deux mois et demi plus tard), et une remise en état de la route dans un délai de deux à trois ans. En effet, les travaux de rétablissement de la route dans la vallée de la Roya sont présentés comme plus complexes que dans les autres vallées du département car il n’existe pas d’accès secondaires à la route entre Breil et le Col de Tende. La route de la basse-vallée de la Roya, italienne, est réouverte à la circulation le 5 octobre. De même, la route qui relie la moyenne-vallée à la France, par le Col de Brouis, a été rétablie presqu’immédiatement. Mais au Nord de cette zone, soulignent les services techniques de la ville de Menton et de l’intercommunalité qui regroupe la ville et la Roya, « on ne peut envisager de rétablissement provisoire de certaines voies ou d’itinéraires secondaires […]. Car la configuration étroite de la Roya nécessite une reconstruction progressive de toutes les routes28 ». De même, la directrice des routes et des infrastructures du Département explique-t-elle que la « difficulté dans la Roya » tient au fait qu’il « n’y a qu’un seul point d’entrée […]. Si on fait un chantier en bas, il sera difficile d’en avoir un autre derrière. On ne peut pas empiler les engins…29 ». La grande majorité de la partie française de la vallée, au-delà de Breil, semble naturellement et irrémédiablement étanche, à l’Ouest comme à l’Est.

Or, dans l’urgence, on redécouvre ces pistes qui n’ont jamais vraiment été transformées en route, ces tunnels à demi-creusés… Dès le 7 octobre, l’autorisation est demandée à la préfecture de la province italienne d’Imperia de faire circuler des véhicules du Génie militaire français sur la « route des crêtes » – en réalité une piste très dégradée et fermée à la circulation – qui fournit l’accès à la haute-vallée de la Roya par l’Est. Le journal italien qui l’annonce ne manque de souligner « l’ironie de l’histoire, Briga et Tenda sont les deux villages symbole des territoires qui en 1947 passèrent à la France […]. Mais la machine de l’urgence, toute concentrée sur le présent, n’est bien sûr pas mue par la nostalgie, mais par la conscience qu’entre cousins (ici beaucoup portent le même nom) il est naturel de s’aider30 ». Le 9 octobre, le préfet chargé de la reconstruction indique qu’on « a réouvert avec les Italiens la route-piste de l’amitié qui va de la Brigue à Realdo […] tant qu’il n’y a pas de chutes de neige. C’est l’oxygène des habitants de la vallée qui l’empruntent pour aller en Italie31 ». Le même jour, les forestiers sapeurs de Tende ouvrent un accès à la vallée par le Nord, en dégageant une piste qui relie Tende à Limone Piemonte en contournant le Col de Tende par un vallon à l’Ouest, uniquement destinée aux bergers, aux 4x4 et aux quads32. Ces pistes desservent donc la haute vallée depuis l’Italie, au Nord et à l’Est, bien avant la route départementale qui n’est rétablie, sous la forme de piste avec des passages à gué, empruntable en convois trois fois par jour, que le 23 novembre jusqu’à Saint-Dalmas et la Brigue, et à Noël jusqu’à Tende33 – jusqu’alors les villages ne communiquaient que par hélicoptère avec Breil. Sans le détailler à nouveau, la situation est comparable avec la ligne de train : la circulation est d’abord rétablie de Nice à Breil, et au-delà, c’est par le Nord que Tende la Brigue et Saint Dalmas de Tende voient arriver des trains italiens, qui sont dans un premier temps le principal moyen de circuler entre ces villages.

Carte 4. Les réseaux de transports dans la Roya 1 semaine après la tempête

Carte 4. Les réseaux de transports dans la Roya une semaine après la tempête.

Carte 5. Les réseaux de transports dans la Roya trois semaines après la tempête

Carte 5. Les réseaux de transports dans la Roya trois semaines après la tempête.

La tempête Alex révèle à la fois la déformation des voies de circulation dans la Roya et le caractère toujours précaire de l’étanchéité ainsi créée. Par conséquent, la présence de l’État français doit elle aussi toujours être réaffirmée. Le maire de Tende l’explicite très clairement lorsqu’il répète à de nombreux médias – par exemple à BFMTV le 6 octobre – que pendant les 48 h lors desquelles le village était coupé du monde, « on s’est demandé si on faisait encore partie de la France ». Le travail d’État pour maintenir sa souveraineté jusqu’à l’extrême limite de son territoire devient alors plus visible. Il se marque par exemple dans la visite rapide d’Emmanuel Macron à Tende, le 8 octobre. C’est la première fois qu’un président de la République français se rend dans la Haute-Roya – de hauts responsables gaullistes étaient venus après le rattachement mais jamais le président lui-même. Á cette occasion, le même maire de Tende affirme que, bien qu’elle ait tardé à le faire, « je suis impressionné par la machine France quand elle se met en marche34 ». L’affirmation de la souveraineté française se marque aussi, de façon plus prosaïque, dans le fait que les vivres sont acheminés par hélicoptère depuis Breil dans la Haute-Roya, de même que les déchets sont évacués par hélicoptère par Véolia qui les gère pour l’intercommunalité de Menton, même après que la Haute-Vallée est desservie par le train depuis l’Italie.

Conclusion

L’histoire longue de la vallée de la Roya retrace l’alignement et le réalignement progressifs de l’écheveau frontalier qui s’y déploie et éclaire ses effets sur le territoire et les activités sociales traversées. L’alignement imposé des nombreuses pratiques directement dépendantes des institutions politiques produit des effets déformants, sur les flux de circulation par exemple. Cet alignement des limites institutionnelles produit de plus des effets indirects, sur la gestion du bassin versant, sur les mobilisations politiques, sur les pratiques linguistiques, sur le marché de l’emploi… Ensemble, ces limites de différents ordres se combinent de façon plus ou moins cohérente pour former un écheveau frontalier : c’est en portant l’attention sur cet écheveau de limites que l’on peut véritablement comprendre ses effets sur les pratiques et, ainsi, ce que fait une frontière au territoire qu’elle traverse et aux groupes sociaux qu’elle contient.

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1

Noel Parker et Nick Vaughan-Williams, « Lines in the Sand? Towards an Agenda for Critical Border Studies », Geopolitics, vol. 14, 2009, p. 582‑587.

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2

Cf. parmi de nombreux autres, Sabine Dullin et Étienne Forestier-Peyrat, Les frontières mondialisées, Paris, PUF, 2015 ; Paolo Cuttitta, « La “frontiérisation” de Lampedusa, comment se construit une frontière », L’Espace Politique, vol. 25, 2015 ; Anne-Laure Amilhat-Szary, Qu’est-ce qu’une frontière aujourd’hui ?, Paris, PUF, 2015 ; Michel Foucher, Le retour des frontières, Paris, CNRS éditions, 2016.

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3

Cf. là aussi parmi de nombreux autres Alain Tarrius, La mondialisation par le bas : les nouveaux nomades de l’économie souterraine, Paris, Balland, 2002 ; Geneviève Cortes et Laurent Faret, Les circulations transnationales. Lire les turbulences migratoires contemporaines, Paris, Armand Colin, 2009 ; Franck Mermier et Michel Peraldi, Mondes et places du marché en Méditerranée. Formes sociales et spatiales de l’échange, Paris, Karthala, 2010.

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4

Daniela Trucco, « Prendre en charge et mettre à l’écart. La ville, la frontière et le camp à Vintimille (2015-2017) », in François Dubet (dir.), Politiques des frontières, Paris, La Découverte, 2018, p. 145‑160 ; Daniela Trucco, « La (re)frontiérisation de la ville de Vintimille dans le contexte de la “crise des réfugiés” (2015-aujourd’hui) », in Actes du colloque Pridaes XI. L’intégration des étrangers et des migrants dans les États de Savoie depuis l’époque moderne, Nice, Serre, 2019, p. 329‑342 ; Livio Amigoni et al. (dir.), Debordering Europe: Migration and Control Across the Ventimiglia Region, New York, Palgrave Macmillan, 2021.

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5

Lucie Bargel, Dans l’écheveau de la frontière. Alignements et réalignements des attachements politiques dans la Roya (XIXe-XXIe siècles), Paris, Karthala, 2023.

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6

Sabine Dullin utilise cette expression pour souligner le fait que la frontière est moins une ligne qu’une zone. Sabine Dullin, La frontière épaisse. Aux origines des politiques soviétiques, 1920-1940, Paris, Éditions de l’EHESS, 2014.

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7

Michael Mann, The Sources of Social Power: Volume 1: A History of Power from the Beginning to AD 1760, Cambridge, Cambridge University Press, 1986.

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8

Pierre Rosanvallon, L’État en France de 1789 à nos jours, Paris, Seuil, 1993.

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9

Léonard Dauphant, « Le royaume des quatre rivières : l’exemple de la frontière de la Meuse de Philippe IV à François 1er », in Michel Catala (dir.), Frontières oubliées, frontières retrouvées : Marches et limites anciennes en France et en Europe, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016, p. 223.

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10

Daniel Nordman, Frontières de France : de l’espace au territoire, Paris, Gallimard, 1998, p. 511.

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11

Jane Burbank et Frederick Cooper, Empires : de la Chine ancienne à nos jours, Paris, Payot, 2011.

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12

Wendy Brown, « Finding the Man in the State », in States of Injury: Power and Freedom in Late Modernity, Princeton, Princeton University Press, 1995, p. 191.

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13

Michael Billig, Banal Nationalism, London, Sage, 1995 ; Michael Skey, National Belonging and Everyday Life. The Significance of Nationhood in an Uncertain World, New York, Palgrave Macmillan, 2011.

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14

Bart Bonikowski, « Nationalism in Settled Times », Annual Review of Sociology, vol. 42, n° 1, 2016, p. 427‑449.

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15

Peter Sahlins, Frontières et identités nationales : la France et l’Espagne dans les Pyrénées depuis le XVIIe siècle, Paris, Belin, 1996, p. 25.

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16

Michael Skey, National Belonging and Everyday Life, op. cit., p. 5.

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17

Rogers Brubaker et al., Nationalist Politics and Everyday Ethnicity in a Transylvanian Town, Princetion, Princeton University Press, 2008.

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18

Hélène Dumas, Le Génocide au village. Le massacre des Tutsi au Rwanda, Paris, Seuil, 2014.

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19

D. Nordman, Frontières de France, op. cit., p. 10.

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20

Didier Bigo, Riccardo Bocco et Jean-Luc Piermay, « Logiques de marquage : murs et disputes frontalières », Cultures & Conflits, vol. 73, 2009, p. 7‑13.

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21

Veena Das et Deborah Poole, Anthropology in the Margins: Comparative Ethnographies, Santa Fe, SAR Press, 2004, p. 6.

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22

François Buton, « L’observation historique du travail administratif », Genèses, vol. 72, 2008, p. 2‑3.

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23

Frédérique Matonti, « “Ne nous faites pas de cadeaux”. Une enquête sur des intellectuels communistes », Genèses, vol. 25, 1996, p. 114‑127.

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24

Rendus possibles, tout comme l’exploration de fonds d’archives à Paris, Rome et Turin, par une année de délégation CNRS au CESSP et le soutien du « fond de préfiguration » TEPSIS.

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25

Sandra Perez, Analyse spatiale des régions frontalières et des effets de frontière : application aux espaces frontaliers franco-espagnols du Pays-Basque et de la Catalogne, et à l’espace franco-italien des Alpes-du-Sud, Thèse de géographie, Université de Nice, 1999.

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26

Depuis 2008, il est également propriétaire de la principale route de la vallée que l’État français lui a transféré.

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27

Archives privées A Vastera, document du 20 juillet 1993.

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28

Nice Matin, « live » en ligne, 8 octobre 2020.

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29

« Une quinzaine de chantiers sur les routes de la Roya », Nice Matin, 25 octobre 2020.

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30

« Le ferrovie francesi chiedono aiuto a Roma. Un ponte di fuoristrada per rompere l’isolamento di Tenda [Les chemins de fer français demandent l’aide de Rome. Un pont de hors-piste pour rompre l’isolement de Tende] », Il secolo XIX, 7 octobre 2020.

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31

« Roya, Tinée, Vésubie : “aller vite, avant l’hiver” », Nice Matin, 9 octobre 2020.

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32

Nice Matin, « live » en ligne, 9 octobre 2020.

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33

« Le train se fait attendre », Nice Matin, 18 janvier 2021.

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34

Nice Matin, « live » en ligne, 8 octobre 2020.