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« La race italienne est d’origine aryenne – nous devons la défendre contre le croisement avec quelque autre race que ce soit ».
« Le principali razze umane [Les principales races humaines] », in
T. Catalan et S. Dukic, 2006, L’educazione spezzata. Scuole ebraiche a Trieste e
Fiume durante le leggi razziali (1938-1943), Trieste, La Mongolfiera, p. 56.
1. Une histoire des usages juridiques de la race
L’étude historique des usages de la notion de race1 dans les systèmes juridiques européens du XXe siècles a connu un très long et assourdissant silence, de nombreuses résistances, de profondes incertitudes et de multiples revirements. Les législations racistes des années 1930-1940, frappant les Juifs et promulguées par la plupart des pays européens2, sont assurément à l’origine du malaise des historiens, et surtout des historiens du droit. Pour des raisons multiples, qui tiennent sans doute en large partie à la profonde implication de figures éminentes du monde du droit dans la conception et dans l’application des mesures de discrimination raciale, l’historiographie juridique européenne n’est parvenue que dans les deux dernières décennies à inverser le sens de la route, en produisant un nombre considérable de travaux qui ont fait sortir de l’ombre les imbrications profondes entre la race et le droit dans les régimes totalitaires de la première moitié du XXe siècle3.
Loin de se borner aux systèmes juridiques des totalitarismes, ayant poursuivi un programme politique précis visant à l’exclusion délibérée et affichée de certaines strates de la population nationale, l’usage du mot race dans le droit européen est très répandu et hétérogène. Les sources juridiques nous dévoilent une variabilité extrême de ses occurrences. Entre les dernières décennies du XIXe siècle et la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans la plupart des cas, le mot race s’accompagne d’une spécification qui évoque le plus souvent une origine – un pays ou une aire géographique donnée. Les juristes parlent ainsi de races italienne, française, allemande, européenne, asiatique, africaine. Dans d’autres circonstances, la spécification peut renvoyer à une appartenance religieuse. Il est dès lors courant de retrouver dans les écrits des spécialistes du droit des formulations telles que race juive ou race musulmane. La spécification peut, en outre, rappeler l’apparence physique, surtout par l’évocation de la couleur de la peau. Les références à la race jaune, blanche, noire et métisse ponctuent régulièrement les écrits juridiques, surtout lorsqu’ils concernent la colonisation européenne en Afrique et en Asie. Le mot race peut également se retrouver seul. Dans ce dernier cas, particulièrement répandu dans la littérature juridique soutenant les politiques eugénistes de l’entre-deux-guerres, il désigne le plus souvent l’espèce humaine prise en compte dans son ensemble et érigée en bien juridiquement protégé.
Les usages de la notion de race dans les discours et dans les pratiques juridiques méritent d’être questionnés sous un nouveau jour, en élargissant la perspective et en établissant des corrélations entre les contextes hétérogènes – colonialisme, eugénisme, totalitarismes au premier chef – dans lesquels la race devient un concept opérationnel pour les juristes du XXe siècle. Dans cette perspective, il apparaît indispensable de réinterroger la fonction de l’histoire juridique et ses apports aux réflexions des sciences sociales autour des utilisations contemporaines de la notion de race.
Qu’est-ce que l’histoire du droit peut apporter à l’étude de la mobilisation de cette notion dans nos sociétés ? L’analyse des discours et des pratiques juridiques peut-elle aider à détecter plus rapidement, à interpréter et, éventuellement, à mettre des bornes aux processus contemporains de racialisation aboutissant à des assignations identitaires, susceptibles d’alimenter la discrimination au sein de l’espace européen4 ?
Afin de proposer des hypothèses de réponse, cette contribution s’arrête sur les usages du mot race dans le cadre juridique européen de la première moitié du XXe siècle, en focalisant l’attention sur les systèmes juridiques français et italien. Pour ce faire, nous nous penchons sur trois contextes précis : la promulgation de la législation italienne de 1938 frappant les Juifs ; le droit colonial, français et italien, relatif à la définition du statut des métis ; les pratiques eugénistes qui se développent dans le contexte démocratique français de l’entre-deux-guerres et qui visent à l’adoption de mesures familialistes et natalistes.
D’un point de vue méthodologique, il nous paraît pertinent de prendre en compte exclusivement les cas dans lesquels les sources juridiques de l’époque considérée – en l’occurrence les textes de lois, les études de doctrine, la jurisprudence et les sources administratives – utilisent de manière explicite le mot race. Ce choix devrait permettre de comprendre ce que ce mot veut signifier dans le discours spécifique du droit, sous un double profil. D’une part il devrait aider à saisir dans quelle acception la race est tour à tour prise en compte par les juristes. D’autre part, il devrait permettre d’analyser comment cette notion est traduite par le discours technique du droit. Quelles armes déploient les spécialistes du droit pour faire fonctionner cette notion, en l’intégrant dans les systèmes juridiques ? Le fait de restreindre l’attention aux usages explicites de la race permet de mieux détecter et d’isoler les opérations juridiques qui s’accompagnent de son introduction, afin de déterminer ce qui se passe quand la race devient une catégorie opérationnelle du discours et des pratiques juridiques et de saisir les caractères saillants des processus de racialisation en droit.
Il est essentiel d’insister préalablement sur le statut tout à fait particulier et spécifique du discours du droit. Dans sa riche réflexion sur les effets produits par la technique juridique et par les opérations du droit dans le façonnage de la réalité sociale, Yan Thomas – historien du droit romain et fin penseur – insiste sur le rôle créateur du discours juridique : « De toutes les instance discursives », dit-il, « [le droit] reste la seule à produire le monde qu’elle désigne. D’où l’étrangeté d’un tel discours ; sur un registre tour à tour moliéresque et métaphysique, on y voit progressivement disséquer des mots dont on finit par croire qu’ils sont des choses »5. Le discours du droit joue un rôle central, voire primordial, dans la création, dans la stabilisation, dans la fixation et dans le fonctionnement des catégories raciales. La race acquiert une nouvelle consistance ainsi qu’une fonction spécifique dans la réglementation des rapports juridiques et dans la distribution de la jouissance des droits individuels. En devenant un objet du droit, cette notion devient d’autant plus visible et productrice d’effets au sein des sociétés européennes du XXe siècle6.
2. Au carrefour des savoirs. L’entrée de la notion de race dans le discours du droit
Le droit européen de l’ère postnapoléonienne, axé sur l’idée de sujet unique de droit, se conçoit dans la théorie comme étant insensible et complétement étanche aux différences individuelles. Suivant cette conception, la norme juridique se veut par définition abstraite, universelle et impersonnelle7. La notion de race se situe donc en principe en dehors du droit.
Comment et par quel cheminement la race peut-elle trouver sa place dans le discours du droit ? Que devient cette notion dans les discours et dans les pratiques juridiques ? Quels sont les cadres théoriques ou scientifiques de référence pour les juristes et pour le législateur lorsqu’ils en font un concept juridique ?
La race, cet objet auquel les juristes ont affaire, ce mot avec lequel ils jouent, est une notion qui est parallèlement forgée et définie au sein d’autres secteurs disciplinaires. Dès la deuxième moitié du XIXe siècle, l’anthropologie, la biologie, la médecine, la psychiatrie, la psychologie, au premier chef, s’attèlent à lui donner un contenu, sans pour autant jamais parvenir à la définir de manière claire et univoque8. Les spécialistes du droit puisent à leur gré dans ces différents domaines du savoir lorsqu’il s’agit d’utiliser la race dans la réglementation des rapports juridiques. Il en découle que les juristes et le législateur manient un objet doublement inconsistant et constamment en devenir. La race est censée être un fait et exister dans la réalité, mais sa définition demeure fluctuante et ne prend consistance qu’au croisement du droit avec d’autres branches des sciences et des savoirs.
Dans l’Italie fasciste de la fin des années 1930, le décret du 17 novembre 1938, marquant le début de la politique raciale fasciste et intitulé Mesures pour la protection de la race italienne, érige en catégories juridiques la « race italienne », la « race aryenne », la « race juive » et les « autres races non-aryennes »9. L’introduction de telles formulations dans des textes législatifs est soigneusement préparée aux cours des mois qui précèdent leur promulgation. La nuit du 6 au 7 octobre 1938, le Grand conseil du fascisme se réunit afin de discuter de l’« actualité urgente des questions raciales ». La rencontre se termine avec la publication du texte célèbre de la Déclaration sur la race qui affirme l’existence d’une « pure race italienne »10.
La manière par laquelle le Grand conseil du fascisme d’abord et le législateur ensuite parviennent à concevoir et à utiliser la formulation de la race italienne est d’un très grand intérêt. La politique raciale italienne est constamment accompagnée, voire inspirée, par le travail de la Direction générale pour la démographie et pour la race (Demorazza), créée auprès du ministère de l’Intérieur durant l’été de 1938. Une note de la Demorazza, adressée au Grand conseil du fascisme, aide à saisir l’acception selon laquelle la catégorie de la race italienne entre dans la langue du droit, ainsi que les doctrines et les théories qui lui servent de fondement11. L’usage de cette formulation renvoie à une homogénéité de caractères à la fois biologiques, anthropologiques, esthétiques et culturels, spécifiques à la population habitant la péninsule. Dans les mots de la Demorazza, en effet, « l’ensemble des gens habitant l’Italie constitue un complexe racial aux caractères communs et uniques »12. L’usage de la catégorie de race italienne prend ses racines dans les travaux de l’anthropologie de l’époque qui soutiennent la persistance inaltérée d’une composante ethnique italienne depuis au moins l’époque romaine. Ces théories plaident pour une spécificité de la race italienne, non seulement par rapport à la race juive, mais aussi par rapport à la race aryenne et aux autres races non aryennes. La note de la Demorazza fait référence explicite aux théories de l’anthropologue Sergio Sergi, directeur de la Rivista di antropologia et spécialiste de craniologie, dont les études démontrent « la persistance inaltérée de la race [italienne] depuis des siècles »13. Ses découvertes relatent l’idée que la composante ethnique italienne aurait résisté à toutes les migrations et se serait même renforcée lors des mélanges. Suivant cet auteur, le sang italien aurait la force de prévaloir et de s’imposer lors des mélanges, en neutralisant le sang étranger. Dans la même perspective, la note de la Demorazza fait mention des études de l’archéologue Roberto Paribeni, démontrant que les influences d’autres populations n’ont jamais altéré les caractères fondamentaux de la race italique. Les découvertes en Sicile de squelettes de la période du néolithique par l’archéologue Paolo Orsi permettent, quant à elles, de soutenir que la structure osseuse des Italiens est restée inaltérée depuis des siècles, confirmant ainsi les théories de Sergi.
Commentaires sur les questions relatives à la race. Rome, Archives centrales
de l’État italien, Ministère de l’Intérieur, Direction Générale de la Démographie
et des questions raciales, Affaires générales, b.1, fasc. 1, sous-fascicule 1.
Les expériences coloniales européennes dévoilent un mécanisme semblable dans la manière dont la race se glisse dans le discours du droit. Les questions juridiques soulevées par la définition du statut des personnes issues d’unions mixtes entre les Européens et les indigènes sont particulièrement éclairantes à cet égard. Dans les deux premières décennies du XXe siècle, la question métisse s’impose à l’attention de la plupart des pays européens ayant bâti un empire colonial. L’Institut colonial international de Bruxelles se réunit à deux reprises pour discuter, dans une perspective comparative et pluridisciplinaire, du statut légal à accorder aux métis14. Une fois écartée l’idée d’introduire un troisième statut à mi-chemin entre le citoyen et le sujet, les problèmes les plus délicats sont posés par la définition du statut légal des personnes nées de parents inconnus. Ces personnes peuvent en effet descendre d’un couple d’origine européenne, d’un couple d’indigènes ou d’un couple mixte d’Européen et d’indigène. Au vu de ces différentes possibilités, ces personnes doivent-elles être considérées comme des sujets (indigènes) ou comme des citoyens ?
Situées dans ce contexte européen, les expériences française et italienne – sur lesquelles cette étude se focalise – aident à saisir les caractères spécifiques de la rencontre entre la race et le droit15. Dans le cas français comme dans le cas italien, pour éviter que de purs indigènes n’accèdent de manière facile et immédiate à la qualité de citoyens par le droit du sol, se met en place une procédure judiciaire centrée essentiellement sur la preuve du métissage. Pour accéder à la citoyenneté (française ou italienne), le métis sans filiation légalement établie doit pouvoir prouver qu’il a au moins un parent d’origine européenne. Cette solution prend appui sur la conviction que la race et le métissage sont des faits – naturels, sociaux ou physiologiques – pouvant faire l’objet d’une preuve lors de la procédure judiciaire16. À partir de la première décennie du XXe siècle, le recours aux enquêtes et aux expertises ethniques s’impose de plus en plus dans le cadre des procédures judiciaires d’accession à la citoyenneté de la part des métis non reconnus. Par ces moyens, les juges prennent en compte et apprécient les différents éléments susceptibles de donner des informations sur l’origine, européenne ou indigène, du demandeur.
La race entre dans la procédure judiciaire et dans le discours du droit colonial essentiellement avec le contenu que les études anthropologiques de l’époque lui donnent. Les recherches de la Société d’anthropologie de Paris sur les races et, surtout, sur le métissage représentent une référence fondamentale et récurrente pour les spécialistes français, mais aussi italiens, du droit colonial, penchés sur la question métisse. Les travaux de Cesare Lombroso et de Silva Telles font également partie des références les plus citées17.
Les dispositions relatives à la condition légale de métis en situation coloniale et, de manière encore plus flagrante, les législations raciales européennes des années 1930-40, sont définies par les acteurs de l’époque, à des titres différents, comme relevant d’un droit spécial et/ou exceptionnel18. Inspirées du principe de la personnalité de la loi, ces législations suspendent le droit commun, axé sur l’idée du sujet unique, et introduisent une différence dans la jouissance des droits, fondée essentiellement sur la prise en compte des différences de race. La spécialité est par ailleurs la condition nécessaire qui légitime l’existence du droit colonial19.
Dans les sources juridiques, le mot race se retrouve également, en dehors de tout régime d’exception et de spécialité, dans le cadre des démocraties européennes de la période de l’entre-deux-guerres, lorsqu’il s’agit de penser et d’accompagner l’introduction de mesures législatives inspirées des courants eugénistes et visant à la sauvegarde de la santé et de l’intégrité de la population. Un certain nombre de travaux historiographiques ont montré que le courant eugéniste a connu un certain succès et un fort retentissement dans les milieux scientifiques et politiques de certains pays qui, comme la France ou l’Italie, n’ont finalement pas connu la promulgation de mesures éclatantes, de la même envergure que celles adoptées par d’autres pays européens, tels que l’Angleterre, la Belgique, la Suède ou l’Allemagne20. À une période où, dans la rhétorique politique et médicale, la décroissance démographique est perçue comme un véritable fléau pour la France, certaines couches du savoir juridique se montrent extrêmement réceptives vis-à-vis des inquiétudes quant à l’amélioration, la protection et l’accroissement de la population21. Soutenant le courant eugéniste – en France étroitement lié à l’hygiénisme22 –, ces juristes prônent des interventions drastiques visant à limiter la recrudescence des « maladies sociales »23, à réprimer les vices, à favoriser les bonnes mœurs et, dans certains cas, à mettre des bornes à l’apport des populations étrangères en France. Déjà, au sein du discours juridique français de l’entre-deux-guerres, la race comme objectif est érigée en bien juridiquement protégé24.
Le droit de la famille, en particulier, se situe au cœur de ce dispositif et catalyse davantage l’attention des juristes. La protection de la race implique une attitude de plus en plus envahissante à l’égard de la vie privée, au point que la « souveraineté familiale risque de passer dans les mains de l’État »25. Des juristes de l’envergure de Paul Bureau, Emmanuel Gounot, Jacques Doublet et Georges Pernot figurent parmi les fondateurs et directeurs d’organisations privées de citoyens – ligues ou associations des familles – qui militent pour des politiques natalistes attentives à l’intégrité et à la santé de la famille26. Des travaux doctrinaux prennent position pour l’introduction d’un certificat médical préalable parmi les conditions nécessaires au mariage, afin de contrer la reproduction d’individus psycho-physiquement affaiblis, porteurs de maladies contagieuses ou héréditaires27. Alors que cette proposition ne trouve son aboutissement que sous le régime de Vichy28, le Code de la famille et de la natalité françaises, promulgué par le décret-loi du 29 juillet 1939, consacre à la « protection de la race » le troisième chapitre de son deuxième titre, relatif à la « protection de la famille »29. La répression de l’« outrage aux bons mœurs », à travers la pornographie ou l’incitation à la débauche, l’interdiction du « trafic des substances vénéneuse », classées comme stupéfiants, ainsi que la « lutte contre l’alcoolisme » font partie des remèdes pour contrer toute dégénérescence physique, psychique et morale. Le texte de ce décret-loi est notamment l’aboutissement des études et des discussions ayant eu lieu au sein du Haut Commissariat de la population, institué par le gouvernement Daladier en février 1939 et rattaché au Secrétariat général de la Présidence du Conseil. Il est notoire que des juristes siègent au sein du Comité : Philippe Serre, avocat parisien et docteur en droit ; Georges Pernot, avocat et docteur en droit à son tour ; Frédéric Roujou, maître de requête au Conseil d’État ; Jacques Doublet, auditeur au Conseil d’État, par ailleurs proche des thèses de Georges Mauco en matière de politique migratoire, secrétaire du Comité ; Pierre Racine, appelé de manière sporadique par Serre pour donner son avis juridique30. Représentant l’aboutissement ultime de la réflexion autour de la décroissance démographique sous la IIIe République, le Code de la famille est salué comme étant « un événement considérable » par certains éminents civilistes de l’époque qui, comme Paul Esmein, lui consacrent des études détaillées dans les pages des revues juridiques les plus réputées31.
Décret du 29 Juillet 1939, relatif à la famille et à la natalité française,
in Journal Officiel de la République Française, no 178, 30 juillet 1939, p. 9606-9626.
Les juristes et le législateur parlent ainsi couramment d’élimination des « facteurs de détérioration de la race »32, d’« effets néfastes des familles restreintes sur la race », de « qualités de la race »33, d’« intérêt de la race »34, de « valeur de la race », de « préservation de la race »35 et de « péril pour la race »36, mais aussi de « race française »37.
Au sein de ce contexte spécifique, la race du discours juridique se définit surtout dans l’échange avec le savoir médical, proche de l’eugénisme et de l’hygiénisme. Les travaux de la Société française d’eugénique, ainsi que les publication des Annales de médecine légale deviennent des références presque obligées pour les spécialistes du droit. Les travaux et les propositions du professeur Adolphe Pinard, ainsi que les travaux de médecins – tels que Georges Schreiber, Henry Cazalis et des professeurs de la faculté de médecine de Lyon38 – sont parmi les plus cités dans les écrits de droit. La race pour les juristes prend ici l’acception d’« espèce » et évoque surtout la santé, le facteur héréditaire, la reproduction, en misant sur la force, la vigueur et la solidité pour contrer toute forme de dégénérescence. Le rapport au Président de la République, précédant la publication du Code de la famille, utilise la formulation de « race saine »39. Le terme race renvoie ainsi à « un capital biologique ancestral qu’on appelle la santé »40.
Au sein d’un même écrit, le mot race est parfois suivi d’une spécification renvoyant à l’origine géographique ou aux traits physiques. Il n’est plus donc simplement question de la race humaine en tant qu’espèce, mais de la race française ou de la race blanche. La race renvoie ici au « génie français »41 qui doit être protégé aussi bien des atteintes multiples découlant de la décroissance démographique que de l’augmentation des flux migratoires. Lorsque la hantise du métissage se manifeste, les recherches relatives aux effets produits par les croisements des races sont convoquées par les juristes. On retrouve ainsi des références aux travaux de Georges Papillault et des membres de l’École d’anthropologie de Paris, ainsi qu’aux publications du docteur Edgar Bérillon soutenant la dégénérescence mentale des sang-mêlés issus d’un croisement de races antagonistes42.
Dans le cas des métis non reconnus et de la législation antijuive italienne, tout comme dans le cadre des mesures hygiénistes de l’entre-deux-guerres, la notion de race se définit ainsi au carrefour du droit et d’autres disciplines. La race entre dans le discours juridique avec une acception et une valeur qui sont partiellement empruntées à d’autres savoirs auxquels les juristes de l’époque accordent – ou feignent d'accorder – une certaine fiabilité et un fondement scientifique solide.
3. Choix politiques et fluctuations du mot race dans le langage juridique
Qu’il s’agisse des politiques coloniale et raciale ou, encore, des mesures natalistes de l’entre-deux-guerres, lorsque le mot race entre dans le système juridique, la définition de son contenu varie en fonction d’un choix délibéré. L’introduction de la race dans le discours du droit s’accompagne de la sélection, jamais anodine, de théories, de doctrines et d’études externes au savoir juridique et aux lieux de sa production. Les juristes et le législateur en privilégient certaines au détriment d’autres. Autrement dit, en utilisant le mot race, ils manient une coquille quasi-vide qu’ils remplissent de contenus variables, suivant des objectifs qui changent au gré des intérêts politiques, économiques ou des différents acteurs impliqués.
Dans le cas de la législation fasciste frappant les Juifs, le législateur centre son discours autour des spécificités de la race italienne ainsi que de la prééminence du sang italien dans tous les cas de croisement. Cette affirmation – qui est le fruit d’une sélection ciblée de certaines théories de l’époque – lui permet de se démarquer de la politique raciale allemande et d’insister sur la complète autonomie du gouvernement italien dans la décision d’adopter une législation frappant les Juifs. Ce choix a en effet un impact direct sur la définition d’une « personne appartenant à la race juive », adoptée par le décret du 17 novembre 1938.
L’article 8 de ce décret définit comme étant de race juive la personne née de deux parents eux-mêmes appartenant à la race juive. À la différence du cinquième paragraphe des lois de Nuremberg43, afin de déterminer l’appartenance raciale, le texte italien prend en compte les ascendants de premier degré plutôt que les grands-parents, en établissant qu’est de « race juive » celui qui « est nés de deux parents de race juive, même s’il appartient à une religion différente »44. Le grand écart entre les définitions législatives italienne et allemande concerne essentiellement les personnes issues d’unions mixtes entre les citoyens italiens et les citoyens italiens de race juive. Alors que la législation allemande introduit une troisième catégorie, en l’occurrence celle de jüdische Mischlinge, le décret italien évite tout recours à des catégories intermédiaires. Aucune option n’existe dans le cadre du droit antisémite italien entre l’appartenance à la race italienne et l’appartenance à la race juive. L’article 8 établit en effet que les personnes issues de mariages mixtes sont considérées comme étant de race juive sous certaines conditions exclusivement45. La définition législative trouve son fondement et son assise théorique dans les acquis scientifiques sur le caractère spécifique du sang italien et sur sa capacité à prévaloir sur les sangs allogènes, en l’emportant dans tout croisement racial. Après s’être livrée à une étude soignée des définitions législatives allemandes, la Demorazza finit par écarter l’hypothèse du juif métis, en prenant explicitement appui sur la « supériorité raciale du sang italien »46.
Commentaires sur les questions relatives à la race. Rome, Archives centrales
de l’État italien, Ministère de l’Intérieur, Direction Générale de la Démographie
et des questions raciales, Affaires générales, b.1, fasc. 1,
sous-fascicule 1. Note manuscrite.
Les débats autour de la réglementation du statut des métis non reconnus dans l’outre-mer européen permettent de parvenir à peu près aux mêmes considérations. Les décrets promulgués à partir de 1928 pour certains territoires des empires ultramarins français et italien prévoient que les personnes nées de parents dont l’un ou les deux demeurent inconnus peuvent accéder à la citoyenneté si elles parviennent à prouver qu’au moins l’un des deux parents est de race européenne ou de souche européenne ou, encore, de race blanche. La formulation choisie varie suivant les textes législatifs relatifs à chaque territoire47.
Le contenu de la notion de race est ici tiré essentiellement des travaux des anthropologues, des psychologues et des ethnologues de l’époque qui, en plaidant pour la non-dégénérescence des métis humains, accordent à l’éducation et au milieu un rôle primordial dans la détermination du caractère. Les juristes choisissent les études – ou sélectionnent les parties des études – qui insistent sur la variabilité extrême des traits, du tempérament et de la personnalité des métis, ainsi que celles qui permettent de cibler concrètement dans la pratique les caractères propres aux différentes races humaines et de détecter ainsi la présence de métissage. La référence à ce courant de recherches sur le métissage permet aux spécialistes du droit colonial, ainsi qu’au législateur, de soutenir que le métis, étant capable de s’assimiler assez aisément, peut trouver sa place dans le milieu européen. Du point de vue du droit, il en découle l’absence d’une catégorie à mi-chemin entre les indigènes et les Européens qui serait aussi inutile que néfaste à la politique coloniale. La décision de faire des métis non reconnus des citoyens français ou italiens repose donc sur des bases scientifiques et sur une conception de la race issue essentiellement d’un courant précis de l’anthropologie de l’époque.
De surcroît, le poids que l’éducation est susceptible d’exercer sur la capacité des métis à trouver leur place dans la société occidentale pousse le législateur et les spécialistes du droit à mettre en place une procédure judiciaire spéciale pour leur faciliter l’accès à la citoyenneté. Visant à détecter l’origine raciale du demandeur par le biais d’enquêtes et d’expertises, cette procédure judiciaire se façonne d’abord par voie jurisprudentielle, aussi bien dans le cas français que dans le cas italien. Les recherches de terrain des anthropologues offrent aux juges les bases techniques pour détecter le mélange de races et pour s’assurer ainsi, avec un certain degré de certitude, que le demandeur a au moins un parent de race européenne.
Enfant métis. Yaoundé (Cameroun). 1919/1939. Tirage argentique collé sur carton.
Agence économique de la France d’Outre-mer, Archives d’Outre-mer
d’Aix en Provence (FR ANOM 30Fi167/34).
Les théories qui affirment la dégénérescence psycho-physique et morale des individus issus d’unions mixtes ne font pour autant pas défaut dans le panorama scientifique des trois premières décennies du XXe siècle. Elles sont par ailleurs bien connues par les juristes. En France, les travaux de Bérillon sur les dangers moraux et psychiques découlant du métissage sont par exemple mentionnés, aussi bien par certains spécialistes du droit colonial que par des partisans des mesures natalistes et familialistes visant à la protection de la race48. Bien qu’évoquées par une frange de la doctrine juridique dans le but d’interdire toute union mixte, de contrer la naissance d’individus issus de races différentes ou, encore, de mettre des bornes aux politiques migratoires, ces théories sont délibérément mises à l’écart dans la réglementation de la condition légale des métis outre-mer.
Le cas du droit colonial italien relatif au statut légal des métis non reconnus offre un exemple particulièrement frappant du lien étroit qui existe entre le choix du contenu à accorder à la notion de race, les résultats à atteindre du point de vue de la technique juridique et les objectifs politiques poursuivis. En 1936, après la conquête de l’Ethiopie et la fondation de l’empire de l’Afrique Orientale Italienne (AOI)49, le gouvernement fasciste fait demi-tour à propos de la réglementation de la condition juridique des métis dépourvus d’un lien de filiation légalement établi. S’acheminant vers le racisme d’État, le législateur fasciste décide de classer les métis italo-africains non reconnus par leur parent italien parmi les sujets, en leur ôtant toute possibilité d’accéder aux droits de citoyen. Le nouveau décret d’organisation judiciaire et administrative des territoires composant l’AOI ne prévoit plus pour ces personnes la possibilité d’accéder à la citoyenneté italienne, désormais réservée au seuls descendant de deux parents supposés être tous les deux de « race blanche »50. À partir de ce moment, les spécialistes du droit colonial penchés sur la question métisse se montrent enclins à mobiliser les études qui insistent plutôt sur les effets néfastes du mélange des races et qui mettent donc l’accent sur le caractère dégénéré des individus issus de mélanges. Parmi ces références il est ainsi donné de retrouver le psychiatre Leone Franzi qui est l’un des dix signataires du manifeste Le fascisme et le problème de la race, rédigé en 1938 et affirmant le caractère scientifique du concept de race51.
4. La race dans le droit : un renvoi à la dimension corporelle
Dans le discours du droit, la référence à la race suscite une autre considération cruciale. Les cas analysés permettent de voir que le recours à cette notion est le symptôme d’une attention accrue de la part des juristes à l’égard de la dimension corporelle de l’individu que les civilistes postnapoléoniens s’étaient soigneusement efforcés de garder en dehors du droit52. La santé, le sang, la couleur de la peau, les traits, l’état d’esprit, la mentalité, les vêtements sont autant d’éléments qui retiennent l’attention des juristes et du législateur et qui leur permettent de caractériser racialement des populations ou des groupes sociaux. Considéré dans une acception large – qui prend en compte à la fois les dimensions symbolique, culturelle, biologique et psychologique – et dans ses manifestations multiples, le corps apparaît, de manière implicite ou explicite, comme étant le centre d’imputation des opérations juridiques de racialisation.
Affiche : La syphilis maladie héréditaire assassine la race. Femmes combattez la !
Auteur non identifié. Éditeur : Tolmer Imp., Paris. 1920.
Bibliothèque nationale de France.
Dans les lois antijuives des années 1930-1940, la dimension corporelle se retrouve en amont de la préparation des décrets frappant les Juifs. Les documents de la Demorazza se réfèrent aux caractères physiques et psychiques des Italiens. La race italienne se distingue par l’« harmonie esthétique des traits », le « tempérament guerrier », l’« esprit d’initiative », la « versatilité », l’« attitude aux raisonnements abstrait et concret », la « sensibilité artistique »53.
Il en va de même pour le discours et les mesures juridiques d’inspiration nataliste et familialiste de l’entre-deux-guerres qui font du corps sain, dans le plein exercice de ses fonctions biologiques, leur pivot. Les « maladies sociales », les « maladies familiales », les « maladies constitutionnelles », les « maladie vénériennes », les « maladies infectieuses » les « maladies nerveuses et mentales » sont la hantise récurrente qui sous-tend ces discours ainsi que les débats et études précédant l’adoption du Code de la Famille de 1939.
Affiche : Hérédité : c’est le sixième et lui aussi va mourir. On m’avait pourtant prévenue
de ne pas épouser un buveur. Auteur : Jaques/ Ligue Nationale contre l’alcoolisme.
Impression : Auxerre, Impr. : L’Universelle. Ville de Paris/Bibliothèque Marguerite Durand.
Le renvoi à la dimension corporelle apparaît plus éclatant, puisque visible, dans le cas de la réglementation de la condition légale des métis non reconnus, dans les espaces ultramarins français et italiens – et, d’une manière plus généralisée, européens54 – où des « fragments » du corps des postulants deviennent partie intégrante de la procédure judiciaire. En permettant de contourner les règles ordinaires établies et consolidées en la matière – en l’occurrence les règles de la filiation –, les signes corporels sont utilisés pour faire la preuve du métissage (ou, suivant les différentes formulations utilisées dans les sources de l’époque, la « preuve de la race »), essentiellement par les moyens de l’enquête et de l’expertise55. Les traits physiques, la couleur de la peau, les vêtements, la manière d’entretenir la maison, la façon de parler le français, l’éducation deviennent un préalable à la définition d’un statut légal.
Dans l’empire colonial français, l’attention aux éléments corporels est déjà présente dans certaines affaires judiciaires qui datent de la fin du XIXe siècle et qui touchent de manière indirecte aux questions de la citoyenneté. Les « habitudes de vie »56, « le type, la langue, les mœurs, le costume et la religion »57 sont susceptibles de fournir au juge des renseignements utiles sur l’origine des individus, mais prévaut le principe suivant lequel les « règles de l’ethnologie doivent fléchir devant les règles étroites de droit »58. Entre la fin du XIXe siècle et la première décennie du XXe, les juges en poste outre-mer perçoivent le corps racialisé comme un référent susceptible d’aider à définir le statut des personnes nées de parents inconnus, sans pour autant l’utiliser au sein de la procédure judiciaire. En parvenant à une interprétation combinée des articles 1 et 17 du décret du 7 février 1897, appliquant outre-mer la loi sur la nationalité de 188959, les juges considèrent plutôt qu’il faut classer parmi les indigènes les personnes dont la filiation n’est pas légalement établie.
Dans les territoires italiens en Afrique, le Code civil pour l’Erythrée, publié en 1909, dans son article 7, règlemente le cas des personnes nées de parents inconnus, en mentionnant de manière explicite les « caractères physiques » et d’« autres indices » comme étant des éléments aptes à aider à trancher du statut des métis. Jamais entrée en vigueur en raison d’un défaut formel60, cette disposition inspire les pratiques administratives et judiciaires dans les colonies françaises en Afrique. Néanmoins une partie de la jurisprudence penche pour l’application stricte de la loi sur la citoyenneté du 13 juin 191261 qui prévoit que les indigènes doivent être régis par le droit spécial qui les concerne. De ce fait, les personnes dépourvues de tout lien de filiation légalement établi se voient classer dans cette dernière catégorie.
À partir des années 1920, le corps racialement connoté trouve sa place dans les affaires judiciaires d’accession à la citoyenneté des métis non reconnus. L’arrêt du 11 décembre 1928 du Tribunal de première instance de Majunga62 fournit un exemple exhaustif des différentes étapes du déroulement de la nouvelle procédure, ainsi que des moyens de preuve convoqués pour intégrer les signes corporels au discours du droit. Appelé à se prononcer sur la possibilité d’admettre Gabriel Antoine Samat – qui se dit né d’un père inconnu d’origine européenne – à la jouissance de la citoyenneté française, le Tribunal saisi prononce un premier jugement d’avant-dire droit qui ordonne la comparution du demandeur devant les juges, afin qu’ils puissent en apprécier les traits physiques et sa manière de s’exprimer en français. En même temps le tribunal confie à un médecin la tâche de procéder à une expertise ethnique et demande au Ministère public de mener une enquête, dans le but de voir si la personne a l’éducation, la mentalité et le mode de vie du Français. Sur la base des résultats de l’expertise et de l’enquête, Gabriel-Antoine Samat est admis à la jouissance des droits de citoyen et inscrit aux registres de l’état-civil français.
Des fortes similitudes existent entre les espaces ultramarins français et italien dans la mise en place d’une procédure axée autour du corps racialisé. Cependant, le moment de l’expertise anthropologique semble occuper une place centrale dans les décisions des tribunaux italiens installés en Afrique. En 1932, le Tribunal de l’Erythrée se prononce sur l’accession à la citoyenneté italienne de Gavino Mameli, un enfant âgé de sept ans, né de l’union entre une femme indigène connue, Adanese Garemascal, avec un homme supposé être « de race européenne ». En suivant une « pratique commune » dans les années 1930, à l’appui du certificat médical et de l’« inspection directe », le juge mobilise essentiellement des donnés physiques pour affirmer que Gavino Mameli a « toutes les caractéristiques du métis », en le classant parmi les citoyens italiens63.
Le poids qui est tour à tour accordé aux différents signes corporels, permettant de saisir l’origine du demandeur, varie en effet, suivant les différents territoires d’un même empire, ainsi que les différentes juridictions installées dans un même territoire. D’une manière générale, il est néanmoins possible de remarquer que dans le cadre de l’empire colonial français, les éléments retenus par les juges sont plus hétérogènes et renvoient à l’image d’un corps racialisé qui se situe entre le physique, le biologique et le culturel, alors que l’assignation à la catégorie de citoyen italien semble se faire surtout sur la base des traits et de la couleur du demandeur. Les références au « mode de vie », à la « mentalité » et à l’« éducation », utilisée surtout dans les décisions de justice des tribunaux français installés outre-mer, renvoient concrètement aux traits de caractère et aux attitudes intellectuelles, à la langue, au « costume », aux « façons de toutes sortes », aux lois, aux « consommations » (aliments, condiments, vêtements, bâtiments), avec la conviction que ces éléments, saisis par voie d’enquête, sont des indicateurs racialement connotés de l’appartenance à la communauté indigène ou européenne64.
Pour cerner de manière encore plus précise le contenu et la signification de formulations telles que « mode de vie », « vie à l’européenne », « vie à la mode indigène », « mentalité » ou « éducation », il faut porter également le regard sur les procédures administratives d’accession à la citoyenneté française de la part des populations autochtones de certains territoires de l’empire. À partir de la fin du XIXe siècle, en effet, une série de décrets introduit la possibilité que les indigènes puissent jouir du statut de Français, entamant une procédure proche de celle, pratiquée en métropole, de naturalisation par décret, et dont l’enquête représente un moment aussi central que crucial pour la prise de la décision65. Le contenu des enquêtes est souvent défini de manière détaillée, par une circulaire des gouverneurs généraux. Dans le cas de Madagascar, par exemple, le décret du 3 mars 1909 est par la suite intégré dans une circulaire du gouverneur Augagneur précisant aux chefs de province et aux administrateurs de cercle les éléments précis à saisir lors des enquêtes66. Les rapports d’enquête permettent ainsi de voir que, pour les administrateurs de l’époque, la vie à l’européenne se concrétise à la fois par la façon d’aménager et d’entretenir la maison, par le style alimentaire, par la façon de s’habiller et par la maîtrise de la langue française. L’éducation, dispensée dans un établissement indigène ou européen, a une forte incidence sur ces éléments et est par conséquent susceptible de les modifier de manière permanente. La mentalité, ou état d’esprit, désigne plutôt la façon de penser, les qualités intellectuelles des demandeurs et leur manière de concevoir le monde67. Or, les enquêtes menées par les Procureurs de la République dans le cadre de la procédure judiciaire d’accession à la citoyenneté française pour des métis non reconnus s’apparentent fortement à des enquêtes administratives. Et pour cause. La perméabilité des frontières entre l’administration et la juridiction, ainsi que les conflits de pouvoir, sont fréquents dans le fonctionnement des institutions en situation coloniale68. Les difficultés liées au maintien de la répartition des compétences facilitent les transferts de techniques, de catégories, de procédures spécifiques et d’éléments de preuve du cadre administratif au cadre judiciaire.
Repas d’enfants métis. Tananarive (Madagascar). 1904. Papier baryté
collé sur carton. Agence économique de la France d’Outre-mer,
Archives d’Outre-mer d’Aix en Provence (FR ANOM 44PA224/36).
Des similitudes se retrouvent dans le cas de la colonisation italienne en Afrique orientale où les éléments qui retiennent l’attention du juge et du législateur dans la définition de la condition légale des personnes nées de parents inconnus se situent dans un rapport étroit avec les pratiques administratives. Dès le début du XXe siècle, les administrateurs utilisent abondamment les références à la couleur de la peau et aux traits physiques lorsqu’il s’agit de catégoriser les populations locales et de réglementer la position administrative des personnes susceptibles d’être issues d’unions mixtes entre les indigènes et les Européens69. C’est en large partie grâce à cette absence d’étanchéité entre l’administration et la juridiction que le corps, racialement connoté, entre dans les pratiques judiciaires sur l’appartenance citoyenne.
À partir de 1928, l’accès à la citoyenneté française est réglementé par voie législative, par une série de décrets définissant le Statut des métis non reconnus dans les territoires de l’empire colonial français. Une solution similaire est également adoptée dans les territoires de l’AOI en 193370. Dans les deux cas, le législateur valide a posteriori la procédure judiciaire, centrée sur les enquêtes et sur les expertises ethniques, qui s’est mise en place par voie jurisprudentielle et qui fait du corps racialisé son pivot.
Au sein des discours et des pratiques juridiques d’accession à la citoyenneté française et italienne, le corps du demandeur fournit des réponses, que les juges tiennent pour factuelles et par conséquent irréfutables, qui permettent de retracer son origine, de ne pas oublier le lien de sang avec un Européen, même en l’absence de tout lien de filiation juridiquement établi. La référence à des signes corporels, considérés comme étant spécifiques à des populations données, permet de penser l’appartenance à une communauté et/ou à un groupe donné – en l’occurrence la communauté des citoyens – sur la base de l’homogénéité physique, psychique, culturelle. Les différences individuelles, rendues toujours visibles par l’examen du corps, deviennent une condition préalable à la jouissance des droits et renvoient à une origine partagée des individus censés appartenir à une communauté régie par les mêmes règles de droit.
5. La monté en puissance du critère du jus sanguinis et l’affirmation du « principe généalogique »
Dans les systèmes juridiques européens du XXe siècle, l’introduction de la catégorie de la race s’accompagne d’un renforcement du principe du jus sanguinis. Transfigurée dans le langage du droit, la race se réduit à l’ascendance71. Le droit du sang devient ainsi le critère légal prioritaire pour définir l’appartenance à une communauté partageant les mêmes droits et les mêmes obligations.
Dans le cas des lois antijuives des années 1930-1940 – que cela soit dans le cadre de l’Italie fasciste, de l’Allemagne nazie ou des autres pays européens ayant adopté des mesures frappant les Juifs – les personnes définies comme étant de race juive sont les enfants ou les neveux de Juifs. Par ailleurs, les juristes italiens, proches du fascisme et penchés sur l’étude et le perfectionnement du droit raciste, n’hésitent pas à se lancer dans la théorisation du « principe généalogique du sang », en le situant dans une relation étroite avec le principe nobiliaire72. Certains spécialistes italiens du droit colonial arrivent à concevoir la mise en place d’une pyramide dans la jouissance des droits de citoyen qui se fonde essentiellement sur le critère du sang, en prenant en compte à la fois les populations habitant les territoires d’outre-mer et la péninsule italienne73.
Dans le cas de la définition du statut légal des métis, la référence à des éléments racialement connotés – d’ordre psychique, physique ou culturel – pallie l’absence d’une filiation légalement établie, essentiellement fondée sur le lien de sang, et permet de prouver autrement une attache, au moins présumée, avec une personne d’origine européenne74. La naissance sur le sol français ou italien, en l’occurrence le sol colonial, ne suffit guère à l’acquisition du statut de citoyen. C’est le jus sanguinis qui prime et qui s’impose.
Le mythe du sang s’empare de l’imaginaire des juristes de la première moitié du XXe siècle. Au sein des systèmes juridiques européens, le lien de sang acquiert une position de prééminence qui connaît un crescendo dans la période l’entre-deux-guerres et qui a un impact sur le droit public comme sur le droit privé. L’affirmation du principe du jus sanguinis dans le cadre de l’attribution de la citoyenneté aux métis n’est pas sans rapport avec un renforcement progressif de la dimension biologique dans la manière de concevoir et de règlementer le droit de la filiation. Contribuant à définir l’état de la personne dans le cadre du droit privé, le lien de filiation est en effet le premier indice pour déterminer l’appartenance nationale, en sorte que l’importance accordée à ce paramètre est un indicateur aussi crucial que précieux de la manière de concevoir le lien entre l’État et l’individu, à une époque donnée. L’articulation entre le droit de la filiation et le lien avec la cité demeure, quoique bien déguisé75.
Entre la fin du XIXe siècle et la fin de la Seconde Guerre mondiale, se dessine et se consolide progressivement, surtout dans la période de l’entre-deux-guerres, une nouvelle conception de la famille qui va de pair avec les politiques natalistes et d’assistance pivotant autour de la protection de la race76. La réglementation du droit de la filiation connaît des changements très lents et peu significatifs qui voient néanmoins l’aboutissement des débats révolutionnaires autour des droits des « bâtards »77, avec l’introduction de la possibilité de la recherche en paternité, en 1912 pour la France et en 1942 pour l’Italie, qui fraie le chemin vers une attention accrue à la dimension biologique du lien de filiation78.
Dans le cadre du droit français, en effet, l’introduction de la reconnaissance en paternité est presque concomitante de la découverte des groupes sanguins, en 1900, par Landsteiner. Au milieu des années 1930, un long débat doctrinal et jurisprudentiel s’enclenche autour de la possibilité d’introduire la preuve par groupes sanguins dans le cadre de la procédure prévue par l’article 340 du Code civil79. Le discours du droit devient dès lors de plus en plus sensible à la « vérité biologique » de la filiation qui serait inscrite dans la composition chimique du sang et détectable grâce à l’introduction d’une expertise au sein de la procédure80. Cette tendance jurisprudentielle finira par s’affirmer de manière définitive au seuil des années 1940.
Le lien imperceptible entre l’attention portée au sang, la montée en puissance du jus sanguinis et l’usage de la notion de race, émerge de manière plus claire dans les cas limites. Un jugement du Tribunal de première instance de Lomé est particulièrement parlant. À défaut de pouvoir recourir à l’examen de la composition chimique du sang, en raison de la défaillance des moyens techniques disponibles sur place, le demandeur mobilise les éléments propres à l’expertise ethnique, en l’occurrence la couleur de la peau81.
Ainsi, lorsque le droit s’approprie la notion de race, l’accessibilité à un ordre normatif devient fonction soit de l’origine, soit de caractères héréditaires que l’on considère comme étant propres et spécifiques à un groupe d’individus ou à une population donnée. À travers les recours à la race, le discours juridique opère un essentialisation du sujet du droit. Or, le degré de rigidité du principe du jus sanguinis peut varier, en fonction des objectifs (politiques, économiques, sociaux) attendus par les acteurs institutionnels agissant dans un contexte historique spécifique. Ce principe peut être ainsi tempéré par le recours à d’autres critères – tels que la religion ou l’éducation, comme le montrent les cas de la législation italienne relative aux Juifs issus d’unions mixtes et le cas des métis nés outre-mer de l’union entre un Européen et un indigène.
Le leggi razziali italiane [Les lois raciales italiennes], Roma,
Quaderni della Scuola di mistica fascista, n. 1, 1939.
Archives centrales de l’État italien à Rome.
Jusqu’à quel point les caractères héréditaires peuvent-ils être tenus pour indélébiles ? Il s’agit d’un débat qui ne laisse pas les juristes indifférents. Certains spécialistes du droit colonial, lorsqu’il est question de réfléchir à l’accession à la citoyenneté française ou italienne de la part des populations indigènes, montrent une certaine tendance à retenir que l’origine, la vraie, celle liée au sang, ne peut jamais s’effacer de manière radicale et définitive. Ainsi, s’interrogeant sur les effets de l’octroi des droits de citoyens aux Annamites, l’auteur d’une thèse en droit, soutenue au seuil des années 1930, observe :
« Certes, théoriquement, la collation des droits de citoyens étant une mesure d’assimilation, il est hors de doute que cette assimilation devrait être complète. Mais l’expérience montre, en fait […] que si quelques-uns des nouveaux citoyens vivent en tout et pour tout comme des Français, il en est d’autres, nombreux, qui restent de mœurs purement annamites. Ils pourront extérieurement imiter les Français. Dans leur caractère et leur façon de vivre, ils restent soumis aux règles ancestrales. Qui pourrait s’étonner de cette persistance ? Les décrets du Président de la République ne font pas des miracles »82.
6. Remarques conclusives
Une étude historique des rapports entre la notion de race et le droit, focalisée sur les spécificités et sur les moyens techniques propres au discours et aux pratiques juridiques, s’avère incontournable lorsqu’il s’agit d’interroger, sous un nouveau jour, les usages passés et les reviviscences actuelles des opérations de racialisation, dans le cadre des recherche en sciences humaines et sociales.
Les expériences juridiques de la race durant la première moitié du XXe siècle, que nous venons d’analyser, permettent en effet de saisir des dynamiques et d’ouvrir des pistes des réflexion qui risqueraient autrement de demeurer peu ou pas du tout visibles. D’un point de vue méthodologique, l’ouverture d’une telle perspective n’est possible qu’à la condition de focaliser l’attention sur des contextes apparemment éloignés, que cela soit du point de vue temporel, spatial ou de l’organisation institutionnelle. L’analyse des usages juridiques du concept de race ne peut guère se faire dans le clivage absolu entre les politiques hygiénistes, totalitaires et coloniales de différents pays européens, les frontières qui les séparent n’étant pas étanches. Les mouvements d’aller-retour et de circulation entre les différents espaces et les différents moments institutionnels doivent être pris en compte, les processus de racialisations se faisant à l’aide de catégories et d’opérations qui se forgent au carrefour des ordres juridiques colonial et métropolitain83.
L’histoire juridique des usages de la notion de race montre que le contenu et la signification que les juristes et le législateur lui attribuent se font dans une négociation permanente avec d’autres disciplines (l’anthropologie, la médecine, la psychiatrie, l’archéologie, dans les cas étudiés), le choix de ce contenu et de cette signification étant fonction des objectifs à atteindre. La mobilisation juridique de la race, en outre, ne se fait jamais sans une référence, implicite ou explicite, au corps, que cela soit par rapport à la santé psycho-physique, aux traits physiques, moraux et psychiques, ou culturels. Il émerge, enfin, qu’un processus de racialisation en droit se met en place à chaque fois que des différences individuelles (physiques, psychiques, culturelles), censées être et demeurer transmissibles, deviennent le référent essentiel et prioritaire pour concevoir l’accès à la jouissance des droits ou, de manière plus totalisante, l’appartenance à une communauté donnée, en produisant une primauté du principe du jus sanguinis.
L’histoire juridique des usages des catégories raciales permet de remarquer que tout renforcement du droit du sang dans le cadre des systèmes juridiques doit inciter à la plus haute vigilance, et cela, même en l’absence totale de références directes à la race ou à l’ethnie. L’histoire juridique de la race donne également des renseignements cruciaux sur les liens qui se tissent entre la sphère institutionnelle, les sciences et les savoirs dans un contexte historique défini. La signification que les juristes et le législateur attribuent au mot race varie suivant les époques, les intérêts politiques, économiques et sociaux. Les enjeux de la sélection institutionnelle des sciences et des savoirs méritent toujours d’être questionnés, sans négliger les effets que le discours du droit produit à son tour sur les sciences et sur les savoirs tour à tour concernés, pour ce qui tient à leur légitimation, à leur assise et à la validation de leur caractère scientifique.
Il s’agit d’autant de questions, de problématiques et de dynamiques qui sont bien loin d’avoir perdu leur actualité dans les discours et dans les pratiques juridiques européens du XXIe siècle84.
Notes
1
Nous prenons le parti de ne pas utiliser de guillemets pour le mot race, tiré des sources de l’époque. Il en va de même de pour les expressions utilisées pour désigner des populations et des individus sur la base de critères raciaux, soit indigène, Juifs, aryen, métis.
2
À peine une décennie plus tard, une législation frappant les Juifs fut publiée en Allemagne, en Autriche, en Pologne, en Italie, en Roumanie, en France. Sur le point, nous faisons référence à un grand classique en la matière : R. Hilberg, The distruction of Europeans Jews, New-York-London, Holmes and Meier Publischers, 1961.
3
Nous nous bornons à citer les principales références bibliographiques d’histoire du droit, les plus récentes, concernant les pays que nous étudierons dans cet article (Italie, France et Allemagne, en moindre partie) : E. De Cristofaro, Codice della persecuzione. I giuristi e il razzismo nei regimi nazista e fascista, Torino, Giappichelli, 2009 ; S. Falconieri, La legge della razza. Strategie e luoghi del discorso giuridico fascista, Bologna, Il Mulino, 2009 ; S. Gentile, Le leggi razziali. Scienza giuridica, norme, circolari, Milano, EduCatt, 2009 ; Id., La legalità del male. L’offensiva mussoliniana contro gli ebrei nella prospettiva storico-giuridica (1938-1945), Torino, Giappichelli, 2013 ; R. Staudinger, Rassenrecht und Rassenstaat : die natinalsozialistische Vision eines « biologischen totalen Staates », Wattens, Berenkamp, 1999 ; « Le droit antisémite de Vichy », Le genre humain, no 30-31, 1996.
4
D. Fassin (dir.), Les nouvelles frontières de la société française, Paris, La Découverte, 2010.
5
Y. Thomas, « Le droit entre les mots et les choses. Rhétorique et jurisprudence à Rome », Archives de philosophie du droit, 1986, pp. 93-114, ici p. 93.
6
Sur ce point, nous nous permettons de renvoyer à S. Falconieri, « Razzismo e antisemitismo. Percorsi della storiografia giuridica italiana », Studi storici, 1, 2014, p. 155-168.
7
Sur la prise en compte des différences individuelles dans le discours du droit, en particulier : G. Alpa, Status e capacità : la costruzione giuridica delle differenze individuali, Roma-Bari, Laterza, 1993 ; D. Lochak, Le droit et le paradoxe de l’universalité, Paris, PUR, 2010.
8
Sur le développement des études sur la race dans les sciences mentionnées, nous nous bornons à faire référence à : C. Blanckaert, De la race à l’évolution. Paul Broca et l’anthropologie française (1850-1900), Paris, L’Harmattan, 2009 ; C. Pogliano, L’ossessione della razza. Antropologia e genetica nel XX secolo, Pisa, Scuola Normale Superiore, 2005 ; C.-O. Doron, « Race et médecine : une vieille histoire », Médecine/Sciences, no 10, 2013, p. 918-922 ; G. Bechtel, Délires racistes et savants fous, Paris, Plon, 2002.
9
R.D.L. 17 novembre 1938, n. 1728, Provvedimenti per la Difesa della razza italiana, in Gazzetta ufficiale del Regno d’Italia, no 264, 19 novembre 1938, p. 4794-4799. Un premier décret, concernant exclusivement la présence des Juifs dans les écoles italiennes, avait déjà introduit la catégorie de « race juive » : R.D.L. 5 septembre 1938, Provvedimenti per la difesa della razza nella scuola fascista. Pour plus de précisions, voir S. Falconieri, La legge della razza. Strategie e luoghi del discorso giuridico italiano, Bologna, Il Mulino, 2009.
10
Dichiarazione sulla razza, in R. De Felice, Storia degli ebrei italiani sotto il fascismo, Torino, Einaudi, 1993, p. 567.
11
Archivio Centrale dello Stato di Roma (ACS), Ministero dell’Interno (MI), Direzione Generale per la Demografia e per la Razza (Demorazza), Affari generali, b. 1, fasc. 1, sfasc. 1, Commenti alle questioni sulla razza.
12
ACS, MI, DGDR, Affari Generali, b.1, fasc 1. sfasc. 1, Relazioni per il Gran Consiglio del Fascismo.
13
ACS, MI, DGDR, Affari Generali, b.1, fasc 1. sfasc. 1, Relazioni per il Gran Consiglio del Fascismo.
14
« Discussion de la question des métis et de l’attitude des gouvernements à leur égard », in Institut Colonial International. Compte-rendu de la session tenue à Brunswick les 20, 21 et 22 Avril 1911, Bruxelles, Bibliothèque coloniale internationale, 1911, p. 299-325 ; « La question des métis aux colonies », in Rapport préliminaires. Session de Bruxelles de 1923, Bruxelles, Institut Colonial International, 1923, p. 5-132.
15
Sur l’introduction de la « preuve de la race » et sur les métis, E. Saada, Les enfants de la colonie. Les métis de l’empire français entre sujétion et citoyenneté, Paris, La Découverte, 2007 ; V. Tisseau, Être métis en Imerina (Madagascar) aux XIXe-XXe siècles, Paris, Karthala, 2017 ; G. Barrera, « Patrilinearità, razza e identità: l’educazione degli italo-eritrei durante il colonialismo italiano », Quaderni storici, 1, 2002, p. 21-53 ; B. Sorgoni, Parole e corpi. Antropologia, discorso giuridico e politiche sessuali interrazziali nella colonia Eritrea (1890-1941), Napoli, Liguori, 1998. Pour les aspect juridiques, v. B. Durand, et E. Gasparini (dir.), Le juge et l’outre-mer, tome III : Médée ou les impératifs du choix, Lille, 2007 (articles de S. Baudens, F. Renucci et V. Fortier). Nous nous permettons de renvoyer également à nos travaux parus dans Clio@themis. Revue électronique d’histoire du droit : S. Falconieri, « Les juristes d’outre-mer entre orientalisme et anthropologie. “Étrangers assimilés aux indigènes” et “métis” dans le façonnage de l’ordre colonial (XIXe-XXe siècles) », no 4, 2011 [en ligne] ; « Le Penant et le Dareste face au statut juridique des enfants nés de parents inconnus. Une étude comparative (1891-1946) », no 12, 2017 [en ligne] ; « Droit colonial et anthropologie. Expertises ethniques, enquêtes et études raciales dans l’outre-mer français (Fin du XIXe siècle-1946), no 15, 2019 [en ligne].
16
Alors que certains juristes parlent de « faits naturels », d’autres considèrent qu’il s’agit plutôt de « faits sociologiques ». H. Solus, Note à l’arrêt de la Cour d’appel d’Indochine, 12 novembre 1926, Procureur général c. Victor dit Lisier dit Barbiaux, in Recueil Sirey, 1927, p. 129-131 ; H. Sambuc, « De la condition légale des enfants nés en Indochine de père français et de mère indigène », Recueil Dareste, 1914, p. 1-12 ; Ph. Gossard, Études sur le métissage principalement en A.O.F., Paris, Les Presses Modernes, 1934, p. 17 ss. ; intervention d’A. Girault à la « Discussion de la question des métis et de l’attitude des gouvernements à leur égard », in Institut Colonial International. Compte-rendu de la session tenue à Brunswick les 20, 21 et 22 Avril 1911, Bruxelles, Bibliothèque coloniale internationale, 1911, p. 299-325.
17
H. Sambuc, « Les métis franco-annamites en Indochine », Revue du Pacifique, no 4, 1931, p. 194-209 et no 5, 1931, p. 256-272. En particulier, parmi les travaux cités par les juristes de l’époque : V.-T. Holbé, « Métis en Cochinchine », Revue anthropologique, 24e année, 1914, p. 281-293 et « Métis de Cochinchine », Revue anthropologique, 26e année, 1916, p. 449-466 ; « Questionnaire de la Société d’anthropologie de Paris sur les métis » et « Réponses au questionnaire. Gouvernement général de l’Afrique Occidentale Française », Revue anthropologique, 22e année, 1912, p. 345-348 et p. 349-406 ; E. Cucinotta, « La prova della razza », Rivista delle colonie italiane, no 9, 1934, p. 743-751.
18
Sur une analyse de l’exceptionnalité, nous renvoyons en particulier à L. Nuzzo, « La colonia come eccezione. Un’ipotesi di transfert », Rechtsgeschichte, 8, 2006, p. 52-58 ; G. D’Amico, Quando l’eccezione diventa norma : la reintegrazione degli ebrei nell’Italia post-fascista, Torino, Bollati Boringhieri, 2006.
19
À titre d’exemple, pour le droit colonial : A. Girault, Principes de colonisation et de législation coloniale, Paris, R. Larose Editeur, 1895 ; J.-C. P. Rougier, Précis de législation et d’économie coloniale, Paris, L. Larose éditeur, 1895 ; P. Dislère, Traité de législation coloniale, Paris, Librairie administrative Paul Dupont, 1914 (1886), 2 tomes ; É. Antonelli, Manuel de législation coloniale, Paris, PUF, 1925 ; H. Solus, Traité de la condition des indigènes en droit privé. Colonies et pays de protectorat (non compris l’Afrique du Nord) et pays sous mandat, Paris, Sirey, 1927 ; L. Rolland et P. Lampué, Précis de législation coloniale (Colonies, Algérie, Protectorats, Pays sous mandat), Paris, Librairie Dalloz, 1931 1re édition, 1940 3e édition ; E. Cucinotta, Istituzioni di diritto coloniale italiano, Roma, Società anonima tipogrfica Castaldi, 1930 ; U. Borsi, Principî di diritto coloniale, Bologna, Cedam, 1938.
20
A. Carol, Histoire de l’eugénisme en France. Les médecins et la procréation. XIXe-XXe siècles, Paris, Seuil, 1995 ; W.H. Schneider, Quality and Quantity. The Quest for Biological regeneration in Twentieth-Century France, Cambridge, CUP, 1990 ; J.-P. Gaudillière, Le syndrome nataliste: hérédité, médecine et eugénisme en France et en Grande-Bretagne, in J. Gayon et D. Jacobi (dir.), L’éternel retour de l’eugénisme, Paris, PUF, 2006, p. 177-199 ; F. Cassata, Molti, sani e forti. L’eugenetica in Italia, Torino, Bollati Borighieri, 2006.
21
Sur le discours médical français, en particulier, A. Carol, Histoire de l’eugénisme en France. Les médecins et la procréation. XIXe-XXe siècles, Paris, Seuil, 1995, p. 137.
22
J.-P. Gaudillière, Le syndrome nataliste : hérédité, médecine et eugénisme en France et en Grande-Bretagne, in J. Gayon et D. Jacobi (dir.), L’éternel retour de l’eugénisme, Paris, PUF, 2006.
23
M.-T. Nisot, La question eugénique dans les divers pays, Tome I : Aperçu historique. Grande-Bretagne – États-Unis – France, Bruxelles, Georges van Campenhout éditeur, 1927, p. 405.
24
P.-A. Taguieff, La couleur et le sang. Doctrines racistes à la française, Paris, Mille et une nuit, 1998.
25
M. Chauvière et V. Bussat, Famille et codification. Le périmètre du familial dans la production des normes, Paris, La Documentation Française, 2000.
26
Paul Bureau, fondateur, en 1916, de la ligue des fonctionnaires pères de familles nombreuses et de la revue Pour la vie ; Emmanuel Gounot, militant actif des associations familiales, vice-président et président de la ligue des familles nombreuse du Rhône. Jacques Doublet, membre du Haut comité de la population, et Georges Pernot font partie de l’Alliance pour l’accroissement de la population française. V. R. Lenoir, Généalogie de la morale familiale, Paris, Seuil, 2003 ; P.-A. Rosental, L’intelligence démographique. Sciences et politique des populations en France (1930-1960), Paris, Odile, Jacob, 2003 ; Les études sociales, no 141, 2005 : « Paul Bureau (1865-1923) et la science sociale », numéro thématique coordonné par F. Audren. Pour une biographie des juristes cités, voir P. Arabeyre, J.-L. Halpérin et J. Krynien (dir.), Dictionnaire historique des juristes français XIIe-XXe siècles, Paris, PUF, 2007 : F. Audren, « Bureau Paul », p. 148-149 ; J.-L. Halpérin, « Gounot Emmanuel », p. 379-380.
27
L. Biardeau, Le certificat prénuptial. Etude de Droit comparé et de législation, Thèse pour le Doctorat en Droit, présentée et soutenue le 21 novembre 1930, Paris 1930 ; M.-T. Nisot. La question eugénique dans les divers pays, Tome I : Aperçu historique. Grande-Bretagne – États-Unis – France, Bruxelles, Georges van Campenhout éditeur, 1927. Certains éminents juristes, de l’envergure de Marcel Planiol et de Georges Ripert, manifestent quelques perplexités à l’égard de l’introduction d’un certificat prénuptial : M. Planiol et G. Ripert, Traité pratique de droit civil français, Tome II : La famille, Paris, Librairie générale de droit & jurisprudence, 1926.
28
Ch. Capuano, Vichy et la famille. Réalités et faux-semblants d’une politique publique, Rennes, PUR, 2009.
29
Décret du 29 Juillet 1939, relatif à la famille et à la natalité française, in Journal Officiel de la République Française, no 178, 30 juillet 1939, p. 9606-9626. En particulier, articles 119 à 141.
30
P.-A. Rosental, L’intelligence démographique. Sciences et politique des populations en France (1930-1960), Paris, Odile, Jacob, 2003, p. 17-53.
31
P. Esmein, « Le code de la Famille », La Gazette du Palais, 1939, vol. 2, Doct., p. 11-16 et 18-21.
32
M.-T. Nisot, La question eugénique dans les divers pays, Tome I : Aperçu historique. Grande-Bretagne – États-Unis – France, Bruxelles, Georges van Campenhout éditeur, 1927, p. 412.
33
M.-T. Nisot, La question eugénique dans les divers pays, Tome I : Aperçu historique. Grande-Bretagne – États-Unis – France, Bruxelles, Georges van Campenhout éditeur, 1927, p. 410.
34
M.-T. Nisot, La question eugénique dans les divers pays, Tome I : Aperçu historique. Grande-Bretagne – États-Unis – France, Bruxelles, Georges van Campenhout éditeur, 1927, p. 418.
35
M.-T. Nisot, La question eugénique dans les divers pays, Tome I : Aperçu historique. Grande-Bretagne – États-Unis – France, Bruxelles, Georges van Campenhout éditeur, 1927, p. 405.
36
M.-T. Nisot, La question eugénique dans les divers pays, Tome I : Aperçu historique. Grande-Bretagne – États-Unis – France, Bruxelles, Georges van Campenhout éditeur, 1927, p. 415.
37
P. Esmein, « Le code de la Famille », La Gazette du Palais, 1939, vol. 2.
38
M.-T. Nisot, La question eugénique dans les divers pays, Tome I : Aperçu historique. Grande-Bretagne – États-Unis – France, Bruxelles, Georges van Campenhout éditeur, 1927et L. Biardeau, Le certificat prénuptial. Étude de Droit comparé et de législation, Thèse pour le Doctorat en Droit, présentée et soutenue le 21 novembre 1930. Sur le discours médical autour des mesures eugéniques, A. Carol, Histoire de l’eugénisme en France. Les médecins et la procréation. XIXe-XXe siècles, Paris, Seuil, 1995.
39
Rapport au Président de la République française, précédant le décret du 29 Juillet 1939, relatif à la famille et à la natalité française, in Journal Officiel de la République Française, no 178, 30 juillet 1939, p. 9609.
40
L. Biardeau, Le certificat prénuptial. Étude de Droit comparé et de législation, Thèse pour le Doctorat en Droit, présentée et soutenue le 21 novembre 1930, Paris, 1930, p. 268.
41
P. Esmein, « Le code de la Famille », La Gazette du Palais, vol. 2, 1939, p. 11.
42
À titre indicatif, E. Bérillon, « La question de la race en médecine mentale. Le métissage facteur de la dégénérescence héréditaire », Revue de psychothérapie et de psychologie appliquée, no 10, 1925, p. 129-130 ; Id., « Le problème psycho-biologique du métissage dans les races humaines », Revue de psychothérapie et de psychologie appliquée, no 6, 1926, p. 81-83.
43
Erste Verordnung zum Reichsbürgergesetz vom 14. November 1935, in « Reichsgesetzblatt », 14 novembre 1935, p. 1333-1334. §5 : « Jude ist, wer von mindestens drei der Rasse nach volljüdischen Grosseltern abstammt ».
44
Art. 8, lettre du RDL 1728/1938 : « È di razza ebraica colui che è nato da genitori entrambi di razza ebraica, anche se appartenga a religione diversa da quella ebraica ».
45
Les critères sont les suivants : appartenance à la religion juive, inscription aux communautés israélites, manifestations de judaïté. Art. 8, lettre d) du RDL 1728/’38 : « È considerato di razza ebraica colui che, pur essendo nato da genitori di nazionalità italiana, di cui uno solo di razza ebraica, appartenga alla religione ebraica, o sia, comunque iscritto ad una comunità israelitica, ovvero abbia fatto, in qualsiasi altro modo, manifestazioni di ebraismo ».
46
ACS, MI, DGDR, Aff. Gen., b. 1, fasc. 1, sfasc. 1, Commenti alle questioni sulla razza. En particulier, un document au titre Definizione di ebreo. Traité de manière détaillée dans S. Falconieri, La legge della razza. Strategie e luoghi del discorso giuridico italiano, Bologna, Il Mulino, 2009.
47
Pour la France, le premier décret est adopté pour le territoire de l’Indochine : Décret du 4 novembre 1928, Fixant en Indochine le statut des métis nés de parents inconnus. Suivent les décrets pour l’Afrique Occidentale Française (1930), le Madagascar (1931), la Nouvelle-Calédonie (1933), l’Afrique Equatoriale Française (1936), le Togo (1937) et le Cameroun (1944). Pour les territoires italiens d’outre-mer, les dispositions relatives aux « métis non reconnus » se retrouvent dans la loi 999 du 6 juillet 1933, Ordinamento organico per l’Eritrea e per la Somalia et dans le RDL 1019/1936, Ordinamento e amministrazione dell’Africa Orientale Italiana.
48
Quoique de manière différente, cités par H. Sambuc et par M.-T. Nisot.
49
N. Labanca, Una guerra per l’impero. Memorie della campagna di Etiopia 1935-36, Bologna, Il Mulino, 2005.
50
R.D.L. 1019 du 1er juin 1936, « Ordinamento e amministrazione dell’Africa Orientale Italiana », Gazzetta ufficiale del Regno d’Italia, 13 juin 1936, p. 1912-1917, art. 30. L’article réglementant l’accession des métis non reconnus à la citoyenneté italienne ayant disparu du décret de 1936, la doctrine et la jurisprudence considèrent que cette possibilité a désormais écartée par le législateur.
51
G. Israel, Il fascismo e la razza : la scienza italiana e le politiche razziali del regime, Bologna, Il Mulino, 2010.
52
J.-P. Baud, L’affaire de la main volée. Une histoire juridique du corps, Paris, Seuil, 1993.
53
ACS, MI, DGDR, Aff. Gen., b. 1, fasc. 1, sfasc. 2, Relazioni per il Gran consiglio del fascismo.
54
La question métisse fait l’objet de discussion au niveau européen. Voir « Discussion de la question des métis et de l’attitude des gouvernements à leur égard », in Institut Colonial International. Compte-rendu de la session tenue à Brunswick les 20, 21 et 22 Avril 1911, Tome I : Discussions et rapports et Tome II : Rapports, Bruxelles, Bibliothèque coloniale internationale, 1911, p. 299-325 et p. 447-463. S. Falconieri, « Les juristes d’outre-mer entre orientalisme et anthropologie. “Étrangers assimilés aux indigènes” et “métis” dans le façonnage de l’ordre colonial (XIXe-XXe siècles) », Clio@thémis, no 4, 2011 [en ligne].
55
E. Saada, Les enfants de la colonie. Les métis de l’empire français entre sujétion et citoyenneté, Paris, La Découverte, 2007 ; V. Tisseau, Être métis en Imerina (Madagascar) aux XIXe-XXe siècles, Paris, Karthala, 2017 ; G. Barrera, « Patrilinearità, razza e identità », Quaderni storici, no 1, 2002. Sur l’utilisations des enquêtes et des expertises dans la procédure judiciaire, S. Falconieri, « Droit colonial et anthropologie. Expertises ethniques, enquêtes et études raciales dans l’outre-mer français (Fin du XIXe siècle-1946) », Clio@thémis, no 15, 2019 [en ligne].
56
Tribunal de 1re instance de Tamatave, 29 octobre 1894, Dame Mina Thonon c. Léon Superbie, in Recueil Penant, 1895, I, p. 121-126, 124.
57
Note à l’arrêt de la Cour d’appel de l’Indochine, 28 mai 1903, Procureur de la République de Saigon c. Jean Joseph, dit Larsalle, in Recueil Dareste, 1904, p. 41-45, ici p. 41. Pour une analyse plus détaillée de la question métisse dans le cadre de la jurisprudence française et des revues de droit, S. Falconieri, « Le Penant et le Dareste face au statut juridique des métis nés de parents inconnus. Une étude comparative (1891-1946) », Clio@thémis, no 12, 2017 [en ligne].
58
Tribunal de 1re instance de Tamatave, 29 octobre 1894, Dame Mina Thonon c. Léon Superbie, in Recueil Penant, 1895, I, p. 124.
59
Décret du 7 février 1897, Déterminant les conditions auxquelles les dispositions de la loi du 26 juin 1889, sur la nationalité, sont applicables aux colonies autres que la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion, in Recueil Sirey, 1897, p. 292-293. Dans son article 1, il établit que les personnes nées de parents inconnus dans les territoires d’outre-mer sont françaises. En même temps, dans son article 17, il dispose que « rien n’est changé à la condition des indigènes ». L’interprétation qui va se consolider est celle d’adopter une interprétation conjointe des deux articles.
60
En l’occurrence, la traduction du Code dans la langue locale, l’amharique, en empêche la promulgation.
61
Loi 555 du 13 juin 1912 sur la citoyenneté italienne.
62
Tribunal de 1re instance de Majunga, 11 décembre 1928, in Recueil Penant, vol. 38, 1929, pp. 243-246 et in Recueil Dareste, 1930, p. 115-120.
63
Tribunal de l’Erythrée, 25 août 1932, Adanese Garemascal, Rivista giuridica del Medio ed Estremo Oriente, no 1-2, 1937, p. 100-101.
64
R. Maunier, Répétitions écrites de législation coloniale, rédigées d’après le Cours et sous le contrôle de M. Maunier, 3e Année, Paris, Les Cours de droit, 1930-31, p. 195 ; du même auteur, voir aussi « L’action du “primitif” sur le “civilisé” », Revue de l’Institut de sociologie, Xe année, no 3, 1930, p. 1-20.
65
Pour l’Indochine, le premier décret remonte à 1881 et concerne la Cochinchine. Celui de 1887 concerne le Tonkin et, enfin, celui de 1913 tout le territoire de l’Indochine ; pour l’AOF, un décret de 1912 ; pour l’AEF, un décret de 1912.
66
Décret du 3 mars 1909, Fixant les conditions d’accession aux droits de citoyens français des indigènes de Madagascar et dépendances, Recueil Dareste, I, 1909, p. 227-229. ANOM, MAD, GGM, 6 (10) D 5, Circulaire confidentielle du 29 mai 1909 du GGM aux chefs de province et commandants de cercle.
67
ANOM, MAD, GGM, 6 (10) D 12 à 37, Dossiers d’accession à la citoyenneté française.
68
L. Maunière, « Deux conceptions de l’action judiciaire aux colonies. Magistrats et administrateurs en Afrique occidentale française (1887-1912) », Clio@themis, no 4, 2011 [en ligne]. Pour les fonds d’archives relatives au cas cité : ANOM, GGM, 6 (10) D 4.
69
Archivio Storico Diplomatico del Ministero degli Affari Esteri ASDMAE (Archives historiques et diplomatiques du Ministère des Affaires Étrangères), Fondo Eritrea, Busta 731, en particulier : état civil, citoyenneté, enfants pris en charge par la mission catholique française. ADSMAE, Fondo Eritrea, Busta 260 ; ASDMAE, Fondo Eritrea, Busta 853, Militaria, Meticci.
70
Legge 999 du 6 juillet 1933, « Ordinamento organico per l’Eritra e per la Somalia », Gazzetta uficiale del Regno d’Italia, 16 août 1933, p. 3674-3679.
71
Nous rejoignons dans ce sens, les considérations de J.-F. Schaub autour de la définition de la notion de race dans une perspective de longue durée. En particulier, voir Pour une histoire politique de la race, Paris, Seuil, 2015.
72
F. Guidi, « La nostra azione culturale razzista », Il diritto razzista, 2-3-4, 1940, p. 63-100 ; G. Omarini, « Le famiglie politiche del fascismo come campioni della razza. Per un’aristocrazia morale e psicobiologica della razza italiana », Il diritto razzista, 2-3-4, 1940, p. 58-62.
73
R. Sertoli Salis, « Introduzione » à Le leggi razziali italiane, Roma, Quaderni della Scuola di mistica fascista, 1939.
74
E. Saada, Les enfants de la colonie. Les métis de l’empire français entre sujétion et citoyenneté, Paris, La Découverte, 2007.
75
Y. Thomas, « Le droit d’origine à Rome. Contribution à l’étude de la citoyenneté », Revue critique de droit international privé, 84, 1995, p. 253-288.
76
Voir le paragraphe 2. J.-L. Halpérin, Jean-Louis, Histoire du droit privé français depuis 1804, Paris, PUF, 2001 ; Id., « Les fondements historiques des droits de la famille en Europe. La lente évolution vers l’égalité », in Informations sociales. Union européenne et droit de la famille, 129, 2006, p. 44-55 ; P. Ungari, Il diritto di famiglia in Italia dalle Costituzioni “giacobine” al Codice civile del 1942, Bologna, Il Mulino, 2002 (1972).
77
F. Bellivier et L. Boudouard, « Des droits pour les bâtards, l’enfant naturel dans les débats révolutionnaires », in I. Théry et Ch. Biet (dir.), La famille, la loi, l’État de la Révolution au Code civil, Paris, Imprimerie Nationale, 1989, p. 122-144.
78
En France, introduite par la loi du 16 novembre 1912 (modifiant l’art. 340 du Code civil), en Italie, prévue par l’art. 340 du Code civil. En Italie, malgré les débats de la fin du XIXe siècle, une ouverture à l’égard de la filiation naturelle ne date que de 1942, avec l’introduction par le Code civil de la déclaration judiciaire de paternité.
79
En particulier, Tribunal civil de la Seine, 12 novembre 1935, in Dalloz. Recueil périodique et critique de jurisprudence, de législation et de doctrine en matière civile, commerciale, criminelle, administrative et de droit public, Tome 2, Partie 2, 1936, p. 41-43 ; Tribunal civil de Nice (1re Chambre), 17 novembre 1937 et Tribunal civil de Marseille, 6 mai 1938, in Recueil Dalloz, Tome 1, 1938, p. 79 et p. 494-496 ; Cour d’appel de Rennes (1re Chambre), 31 mai 1939, Recueil Dalloz, 1939, p. 429-430 ; Cour d’appel d’Aix (1re Chambre), 13 juin 1939 et Tribunal civil de la Seine, 7 novembre 1938, La semaine juridique. Doctrine-jurisprudence-textes, Partie 2, 1939, p. 1215 ; P. Moureau, « L’hérédité des groupes sanguins et de ses applications médico-légales », Annales de médecine légale, 1936, p. 413-418 ; J. Brissaud, « L’examen du sang et la recherche de la paternité », Annales de médecine légale, 1938, p. 261-268.
80
Note de René Savatier à Tribunal civil de la Seine, 12 novembre 1935, in Dalloz. Recueil périodique et critique de jurisprudence, de législation et de doctrine en matière civile, commerciale, criminelle, administrative et de droit public, Tome 2, Partie 2, 1936, p. 41-43.
81
Tribunal de 1re instance de Lomé, 11 août 1937, Recueil Penant, Partie I, 1939, p. 174-177.
82
J. Mérimée, De l’accession des indochinois à la qualité de citoyens français, Thèse pour le doctorat, Toulouse, Imprimerie Andrau et Laporte, 1931, p. 160.
83
S. Falconieri, La legge della razza. Strategie e luoghi del discorso giuridico italiano, Bologna, Il Mulino, 2009 et Id., « Du “sujet” au “citoyen italien de race juive”. La circulation des catégories raciales dans le droit fasciste », La revue des droits de l’homme, no 19, 2021 [en ligne].
84
En particulier : G. Canselier G. et S. Desmoulin-Canselier (dir.), Les catégories ethno-raciales à l’ère des biotechnologies : droit, sciences et médecine face à la diversité humaine, Paris, Société de législation comparée, 2011 ; M. Cohen, « Judicial Divesity in France : The Unspoken and the Unspeakable », Law and Social Inquiry, no 4, 2018, p. 1542-1573.