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La marchandise la plus noble de Suède et l’alternative du Japon
Depuis 1600, le Portugal, comme toute la monarchie catholique, dépendait de plus en plus du cuivre suédois qui venait essentiellement de l’immense mine de Stora Kopparberg, à Falun, une entreprise tellement rentable qu’on l’appelait « les Indes suédoises ». Gustave-Adolphe et Axel Oxenstierna avaient parfaitement conscience de l’importance du cuivre pour l’économie suédoise et y voyaient une vraie bénédiction1. En 1630, Oxenstierna écrivait ainsi : « Le cuivre est la marchandise la plus noble que la couronne suédoise produit et dont elle peut se vanter, en outre une large partie de son bien-être en dépend2 ». De 1600 à 1650, les exportations suédoises de cuivre ont été multipliées par cinq, son unique concurrent sérieux étant le cuivre japonais importé en Europe par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, qui l’utilisait aussi pour négocier l’achat de poivre et de textiles en Inde3. Or ladite Compagnie, toujours aussi intéressée par le cuivre, n’a jamais trouvé de gisement fiable dans l’Atlantique, même si elle a caressé l’idée de s’emparer de la ville cubaine de Santiago et de la mine de cuivre voisine4. Le cuivre et le fer sont donc deux marchandises qui ont contribué à intégrer la Scandinavie au système d’échanges mondiaux que les Portugais et les Néerlandais avaient ébauché5.
Les empires européens avaient compris que, pour diverses raisons, le cuivre était un produit demandé dans de nombreuses régions du monde et que son commerce avait l’avantage d’être rentable et de servir leurs intérêts et leurs besoins. En Asie, les Portugais exploitaient du cuivre transporté du Japon jusqu’à la péninsule de Macao, où, à Goa et dans la célèbre fonderie d’artillerie de Manuel Tavares Bocarro, le métal était transformé en canons et en mortiers de bronze dont la qualité était célèbre dans toute l’Asie6. Par ailleurs, les Portugais, et plus tard les Néerlandais, comprirent que la Chine était également un marché pour le cuivre japonais, un commerce dont ils pouvaient tirer profit en jouant le rôle d’intermédiaires. En 1646, peu après l’expulsion des Portugais du Japon en 1639 sous le shogunat Tokugawa, le comptoir néerlandais de Deshima était la seule plate-forme européenne d’achat de cuivre japonais. À partir de là, jusqu’à 1680 environ, la Compagnie néerlandaise des Indes orientales utilisa une quantité considérable de cuivre japonais pour commercer le long de la côte de Coromandel, en Chine et en Asie du Sud-Est, mais elle en expédiait aussi autant à Amsterdam que cette ville en importait de Suède, ce que montre le graphique 1. Par ailleurs, il est probable qu’une partie de ce cuivre servait aussi aux échanges des Néerlandais avec le Portugal.
Figure 1. Le cuivre (rouge brun) suédois et le cuivre (brun noir) japonais importé à Amsterdam, volume et prix.
Pourcentage de cuivre provenant du Japon (ligne bleue) ; évolution des prix du cuivre suédois et japonais à la Bourse d'Amsterdam (le prix du cuivre suédois en 1624 est de 100 % à 64,55 fl. pour 100 livres hollandaises).
En parallèle, des métaux tels que le cuivre et le fer étaient devenus des produits essentiels à la traite d’esclaves d’Afrique de l’Ouest à laquelle participaient plusieurs pays européens. Des marchandises comme le tabac, les boissons alcoolisées, les armes à feu et les étoffes servaient aussi à cette traite ; inversement il faut compter avec la demande africaine de cuivre, que ce soit comme monnaie d’échange, comme symbole de rang et de pouvoir et comme objet de culte, ou alors pour fabriquer des ornements, et des alliages de bronze et de laiton dont on faisait des objets quotidiens et des armes. Au XVIIIe siècle, les barres de cuivre, appelées « barrettes de guinée », ainsi que « fer voyageur », étaient couramment utilisés comme objets d’échanges pour la traite des esclaves7. Plusieurs contrats et traités montrent que les acheteurs africains distinguaient parfaitement les différentes qualités du cuivre et avaient des exigences très précises quand ils négociaient.
Cuivre, sel et empire
L’embargo espagnol Habsbourg de 1635, ainsi que les précédents, avait compliqué, voire bouleversé, non seulement le transport de cuivre, mais les exportations de sel portugais, même si les principaux transporteurs étaient encore des navires néerlandais naviguant sous d’autres pavillons ou avec de fausses autorisations. Ces embargos faisaient partie de la guerre économique imposée par Philippe IV et Olivares, qui desservait les intérêts de son voisin. Cela dit, depuis qu’il avait fait sécession, le Portugal espérait reprendre ses échanges commerciaux et ses exportations, mais il avait surtout besoin d’armes et de matériel de construction navale pour asseoir sa nouvelle dynastie, ce qui montre l’ampleur de la chaîne de fabrication du cuivre et ses nombreuses connexions avec diverses activités économiques8. Si le Portugal espérait ouvrir une route qui lui permettrait de transférer directement le cuivre de ses colonies africaines et américaines dans le cadre de son économie sucrière, il dépendait toujours des gisements européens, notamment de ceux des pays de la Baltique. Le cuivre était donc toujours lié à l’approvisionnement en bois, en poix et en matériel de construction navale, à la fabrication d’armements suédois et néerlandais, aux industries de construction navale des Pays-Bas, à la traite d’esclaves transatlantique et aux marais salants du Portugal9. Notons qu’il y avait une forme d’équivalence entre le besoin et les rêves de cuivre de la monarchie ibérique catholique qui entendait poursuivre sa mission évangélique, et ceux de la Suède luthérienne pour qui ses mines de cuivre et d’argent étaient un cadeau de Dieu l’autorisant à défendre sa foi10.
Nous avons malheureusement peu de documents sur le transport du cuivre au Brésil. Ce métal ne semble pas avoir été une marchandise essentielle des navires portugais allant au Brésil après 1648 ; les registres de transport et de taxes ne signalent pas non plus d’importantes quantités de cuivre11. Cela dit, çà et là, il est fait mention de transport de cuivre, comme dans le contrat de la traversée du Santa Clara e Almas, en 1650, qui appartenait à la fois à un capitaine (mestre) portugais originaire de Vila do Conde et à un marchand flamand résidant à Porto. Le contrat stipulait que le navire voguerait de Porto à l’Angola avec une cargaison de cuivre, puis poursuivrait jusqu’à Bahia ou Rio de Janeiro avant de rentrer à Viana do Castelo12. Il est possible, ce que sous-entendaient les gouverneurs d’Angola et du Benguela, que la couronne ait autorisé le transport de ce produit convoité parce qu’il servirait à lester les négriers, ce qui flattait les transporteurs. À l’époque, personne n’aurait été surpris, sachant qu’en Asie la Compagnie néerlandaise des Indes orientales transportait souvent du cuivre dont le poids servait de lest13.
Mis à part le sel, le Portugal avait peu de ressources pour financer les conflits liés à sa sécession et à la défense de son empire contre les Hollandais. Il lui restait le bois de teinture et le sucre de sa colonie brésilienne. Les revenus que la couronne tirait du commerce des épices et du poivre de l’océan Indien avaient souffert des incursions et de la concurrence des Néerlandais et des Anglais ; ils avaient même brusquement diminué dans les années 1630 puisqu’à cette époque, la totalité de produits venus d’Inde avaient un poids inférieur à 10 000 tonnes. En 1640, il était clair que l’Inde, ainsi que son réseau de ports et de routes commerciales, n’était plus une source de revenu sûre pour le Portugal ; le complexe Atlantique Sud qui comprenait l’Afrique de l’Ouest et la Brésil avait pris le relais dans l’économie impériale portugaise.
Plusieurs observateurs modernes ont relativisé le poids économique des territoires d’outre-mer dans l’économie portugaise, en particulier s’agissant du financement de la Restauration de la monarchie de Bragance. Mais de nombreuses preuves montrent que Jean IV, ses successeurs et nombre de leurs contemporains n’avaient aucun doute sur la valeur de ces possessions, ni sur l’importance économique croissante de l’Atlantique Sud pour garantir l’indépendance du Portugal14. C’est d’ailleurs un thème que l’on retrouve dans de nombreuses propositions de résolution (alvitrios) et de conseils soumis à la couronne et au gouvernement15. En 1641, lors des négociations visant à obtenir une trêve avec les Provinces-Unies, toujours propriétaire du Pernambouc, on entendait souvent dire que « sans [la totalité du] Brésil, [Jean IV] ne serait pas roi. » À la même époque, les conseillers de Maurits de Nassau, gouverneur du Brésil hollandais, estimaient que sans le Brésil et l’Angola, Jean IV ne pourrait conserver son trône16. En 1644, l’ambassadeur portugais à La Haye rapportait que les Hollandais pensaient que la zone qu’ils contrôlaient au Brésil valait plus que la totalité du Portugal17. Jean IV avait lui-même calculé que si le Portugal perdait ses colonies, il ne pourrait pas rester indépendant, avouant à un émissaire du cardinal Mazarin que les Indes était « un colosse qui ne rapporte rien » et qu’à part les âmes catholiques qui risqueraient de s’égarer, il préférerait l’abandonner sans y perdre son honneur. En revanche il appelait le Brésil sa « vache à lait » à cause des bénéfices considérables que cette colonie lui apportait, outre ceux qu’il tirait du royaume d’Angola, des comptoirs africains, des îles des Açores et du Cap-Vert, de telle sorte, disait-il, qu’il n’échangerait sa situation contre celle d’aucun prince d’Europe18. » Last but not least, le Brésil a longtemps servi de débouché illégal pour l’argent du Potosí qui transitait clandestinement par Buenos Aires, et après 1640, personne ne souhaitait faire autrement. Malheureusement, pour Jean IV et ses conseillers, la dévaluation des pièces frappées au Potosí de 1640 à 1670 changea la donne dans la mesure où de nombreux marchands ne les acceptaient plus19.
Les bénéfices que Jean IV et ses successeurs espéraient tirer du Brésil dépendaient aussi de la conjoncture politique et économique. La perte du Pernambouc et des capitaineries voisines au profit des Hollandais (1630-1654) avait privé la couronne portugaise d’une partie des revenus du sucre, même si la part de la zone sous contrôle hollandais n’était que de 20 % environ s’agissant du sucre brésilien. Le commerce du sucre à Bahia était donc essentiel. En 1647, le jour où une expédition néerlandaise débarqua sur l’île d’Itaparica, menaçant de boucler le port de Salvador et de déstabiliser les exportations de sucre de Bahia, Jean IV, dont le trésor était vide, était donc prêt à écouter le père António Vieira, jésuite, qui lui conseillait de réunir de quoi bâtir une flotte destinée à expulser les envahisseurs en acceptant un prêt substantiel de prêteurs Nouveaux-Chrétiens qu’il avait même personnellement rencontrés20.
Le soulèvement contre la domination hollandaise donna lieu à de violents combats au Pernambouc et dans les capitaineries alentour (1645-54). Les incendies de champs de canne, les destructions de moulins à sucre et le bouleversement du commerce atlantique finirent par réduire les revenus de la couronne portugaise et de la Compagnie hollandaise des Indes occidentales. Le Portugal fut obligé de financer cette guerre en augmentant les taxes sur la production et le transport du sucre dans les régions qu’il contrôlait, alors qu’il avait besoin de capitaux pour relancer cette industrie. Par ailleurs, le prix du sucre étant avantageux dans les années 1630, il avait contribué au développement de la production sucrière dans les colonies anglaises et françaises de la Barbade, de la Martinique et d’autres îles des Caraïbes. Or ce sucre commença à arriver en Europe dans les années 1640, ce qui entraîna une diminution de la part du sucre brésilien sur les marchés européens. Cette baisse était aussi, en partie, la conséquence de mesures mercantilistes prises par la France et l’Angleterre entre 1651 et 1673, destinées à protéger les producteurs de sucre de leurs colonies respectives en excluant le sucre brésilien. Qui plus est, l’augmentation de la production de sucre dans l’Atlantique faisait baisser son prix. À Lisbonne, le prix chuta de plus de 30 % entre 1659 et la fin de la guerre avec l’Espagne en 1668, et il continua à baisser jusqu’en 1688 ; en revanche, l’augmentation simultanée de la demande de main-d’œuvre dans les nouvelles colonies des Caraïbes fit monter le prix des esclaves, un des principaux coûts pour les planteurs de sucre brésiliens. Ces changements ont donc profondément affecté l’économie impériale portugaise qui était devenue de plus en plus dépendante du sucre, du tabac et des peaux exportés de sa colonie brésilienne.
Jean IV avait raison de dire qu’à long terme, la production brésilienne serait essentielle à l’économie de son pays, mais à court terme, à cause des combats contre les Hollandais qui continuaient d’assaillir les navires portugais chargés de sucre, le seul moyen de préserver ce commerce était d’indemniser la république néerlandaise et sa Compagnie des Indes occidentales pour la perte de sa colonie brésilienne. Après de longues négociations et la menace d’un blocus néerlandais de Lisbonne, un traité de paix fut enfin signé en 1661, suivi par un traité complémentaire en 1669, exigeant que le Portugal paie une indemnité de 4 millions de cruzados dont une large partie correspondait au sel de Setúbal qui serait exempté de droits de douane21. Le sel était en effet un produit très recherché par les Néerlandais et faisait déjà l’objet d’un commerce officiel22. Notons que la stratégie qui consiste à payer à long terme en accordant un privilège sur une ressource existante ou en s’assurant des rentrées régulières a souvent été adoptée par la couronne portugaise pour financer sa politique et compenser la faiblesse de ses actifs23. Le fait est qu’à court terme, le sel de Setúbal a financé la protection et la conservation de l’empire atlantique portugais, même au prix de la perte de Ceylan et de plusieurs territoires en Asie, ainsi que de concessions aux intérêts hollandais24.
Poursuite du commerce et hiatus diplomatique
Quelle qu’ait été la récession économique du sucre portugais de la seconde moitié du XVIIe siècle, le cuivre a toujours été aussi important pour la politique impériale du Portugal. Dès l’acclamation de Jean IV en 1640 et la reprise des échanges avec des nations exclues jusqu’ici, Setúbal et Aveiro ont vu débarquer des navires suédois et hollandais qui venaient acheter le sel portugais jugé bien meilleur que les variétés françaises et biscayennes à cause de sa couleur blanche immaculée. Le commerce du sel a donc essaimé très vite, si bien que dans les années 1640, l’Espagne ne pouvait pas faire grand-chose pour perturber les échanges entre le Portugal et la Suède, ennemie de l’empire des Habsbourg, donc de la monarchie catholique. Il n’empêche, les requêtes suédoises visant à pouvoir commercer directement avec les colonies portugaises sont restées lettre morte car le Portugal tenait à avoir un contrôle exclusif sur ses échanges avec ses possessions.
Il fallut attendre 1648, date de la paix de Westphalie, pour que la situation change. En dépit des efforts déployés par Axel Oxenstierna pour que le Portugal participe aux négociations du traité, l’Espagne réussit à bloquer la participation de son voisin « rebelle », or la Suède, comme son alliée, la France, n’était pas prête à sacrifier les bénéfices de la paix au nom des intérêts de son ancien allié lusitanien, désormais moins utile25. Le souverain espagnol, Philippe IV et son principal ministre, le comte-duc d’Olivares, ont su en tirer parti, menant une brillante campagne politique et diplomatique à différents niveaux. La jeune Christine étant désormais reine de Suède, l’Espagne mit en avant ses origines gothiques tout en cherchant à améliorer ses relations avec celle qui, « par la grâce de Dieu, [était] destinée à être la reine des Suédois, des Goths et des Vandales26 ». Pendant les négociations du traité de Westphalie, Diego de Saavedra Fajardo, éminent diplomate et intellectuel espagnol, auteur de La Corona gótica, castellana y austriaca (1645) se lia au diplomate suédois Schering Rosenhane, une amitié qui reflète l’influence croissante de l’Espagne à la cour de Suède27. L’arrivée d’Antonio Pimentel del Prado à la cour de Suède en 1652 contribua également à consolider la présence espagnole, d’autant plus que celui-ci devint un conseiller personnel de la jeune reine. Sa correspondance montre que c’était un diplomate fin et efficace qui, dès son arrivée, usa de son influence pour, écrit-il, « contrer les négociations du roi rebelle du Portugal28 ». Voici ce qu’il écrivait à Philippe IV le 7 septembre 1652 à propos de sa stratégie visant à interférer dans les relations entre les Portugais et la reine et à convaincre celle-ci qu’elle avait avantage à se rapprocher de l’Espagne :
« Ce fut une bonne occasion de lui parler du Rebelle du Portugal et de lui expliquer que ses vassaux n’avaient pas besoin d’aller dans ce royaume pour y trouver du sel, ce qui les oblige à traiter avec les Portugais, puisque les côtes de Galice et de Viscaya sont plus proches et que l’on peut y obtenir la même quantité de sel, à moindre frais et en moins de temps qu’au Portugal29 ».
Pimentel avait compris qu’il se devait d’agir avec prudence. Le 2 novembre 1652, il avouait à Philippe IV que la reine était « d’une intelligence subtile, et très dévouée au bien-être de son État et de ses sujets pour qui elle n’épargnerait aucun effort, si bien que je crois qu’il faut procéder avec beaucoup de circonspection et de soin dans nos rapports avec elle, quel que soit le sujet30 ».
Plus l’influence espagnole augmentait, plus la cour d’Espagne semblait apprécier la reine Christine dont les « cadeaux » (prendas) suscitaient l’admiration. Nous avons le récit d’un ecclésiastique espagnol anonyme qui la juge « simpática », « énergique », « presque surnaturelle » et peu féminine – sa voix et ses gestes sont ceux d’un homme, dit-il en la comparant à « un roi idéal en jupes (faldas31) ». Ailleurs, il la qualifie de juste, courtoise, intellectuelle, puissante, maecenas des arts et stupor mundi, et ne lui trouve qu’un défaut : « son manque de vraie religion ». La souveraine était aussi appréciée par la rue et l’État dont les couloirs bruissaient de sa réputation d’« Espérance du Nord » (Esperanza del Norte), un titre aux accents millénaristes. Les « avisos » envoyés par Jerónimo Barrionuevo dans les années 1652-58 fourmillent d’anecdotes et de commentaires élogieux sur sa Majesté et son intelligence, de rumeurs sur sa bibliothèque qui contenaient, disait-on, 50 000 volumes, et son projet de se rendre à la cour d’Espagne, voire de se convertir pour devenir religieuse au couvent des Descalzas à Madrid32.
Portrait équestre de Christine, reine de Suède (1626-1689) par Sébastien Bourdon, musée du Prado.
L’Espagne comptait donc de plus en plus dans les choix de la reine, si bien que le Portugal, lui, vit son poids diminuer. Il est vrai qu’en 1651, Christine essaya encore d’obtenir le droit de négocier directement avec le Brésil et Goa et à développer ses échanges avec le Portugal, mais elle était plus déterminée à faire affaire avec l’Espagne33. En 1653, des partisans de Philippe IV, sans doute recrutés par Pimentel, ont même été jusqu’à envahir la résidence de l’ambassadeur du Portugal à Stockholm, apparemment en toute impunité. Jusqu’au jour où la Suède rompit brusquement ses relations avec le Portugal et renvoya son ambassadeur. Dix jours à peine avant d’abdiquer du trône suédois, la reine Christine écrivait ainsi :
« J’ordonne à Linde [un courtisan] de signifier en mon nom au résident du roi du Portugal, trop intrusif, que son service à cette cour est inutile puisque j’ai décidé de ne plus reconnaître le duc de Bragance comme roi du Portugal, ce titre n’appartenant qu’à Philippe IV, roi d’Espagne, et à ses successeurs ; que je considérerai toujours ce duc comme un usurpateur indigne […] ; que le prince, mon successeur, lui réservera un traitement identique au mien34 ».
Sa lettre reprenait scrupuleusement les arguments que les juristes et les fidèles des Habsbourg faisaient valoir contre le duc de Bragance depuis 1640, tout en reflétant l’influence de Pimentel del Prado, l’ambassadeur espagnol35. Peu après, le représentant du Portugal, António da Silva e Sousa, et son entourage finirent par partir à Hambourg, puis à Amsterdam, mais la réaction portugaise fut mesurée et dépourvue de colère ou de panique. Quelques mois après l’abdication de la reine à Uppsala, le 6 juin 1654, suivie par sa conversion au catholicisme sous la protection de l’Espagne, Jean IV chercha à renouer avec le successeur de Christine. Il envoya une lettre à son cousin qui venait de lui succéder sur le trône sous le nom de Charles X, en lui promettant que « désormais les navires qui accosteront dans mes royaumes y seront reçus avec les égards qui leur ont toujours été réservés, et même plus, si tant est que cela soit possible36 ». Quant à António da Silva e Sousa, son représentant, il retourna à Stockholm et Jean IV fut sans ambiguïté : « Après la réputation, lui écrit-il, l’expérience montre que le commerce est l’atout le plus précieux que les relations amicales avec ce royaume peuvent représenter37. »
La reine Christine avait beau avoir averti que son successeur ignorerait les prétentions de Bragance à la couronne portugaise, la Suède avait besoin de faire des affaires avec l’Espagne et le Portugal, si bien qu’elle ne favorisa ni l’un ni l’autre38. Le nouveau roi suédois fit très vite savoir qu’il ne souhaitait pas rompre les relations avec le Portugal, et Christine ne chercha pas à aller contre sa volonté39. Les relations entre la reine et les Habsbourg espagnols étaient plus tendues depuis 1656, et une fois le Portugal et l’Espagne réconciliés (1668), Christine fit valoir des intérêts communs et des affinités avec les fidèles de Bragance, notamment leurs croyances millénaristes. Cela dit, comme elle n’était plus reine et prit résidence à Rome en 1655, à partir de cette date, son influence sur les relations entre la Suède et le Portugal n’allait guère plus loin. Les deux monarchies avaient beau continuer à traiter, les intérêts portugais étaient représentés par un simple consul, et il n’y a pas eu d’échange officiel d’émissaires entre les deux pays de 1659 à 1662, quel que soit ce qui les rapprochait, dont leur inimitié envers les Néerlandais. La Suède continuait à faire pression pour obtenir le droit de commercer avec le Brésil et São Tomé ; quant au Portugal, il négociait celui de continuer à acheter des navires de guerre et des armes suédoises, un hiatus qui a sans doute contribué à accroître la dépendance commerciale et diplomatique des Portugais vis-à-vis de l’Angleterre40.
Apparemment, la menace que la reine Christine faisait peser sur l’économie du Portugal en refusant de reconnaître la légitimité de son roi n’affecta pas l’approvisionnement portugais en cuivre dont la majeure partie était encore acheminée par les Néerlandais qui, à l’époque, étaient alliés au Portugal, du moins s’agissant de l’Europe. Alors même que la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales aurait pu essayer de limiter le transport de cuivre au Portugal et au Brésil portugais afin de freiner la production de sucre portugaise, le commerce du cuivre, ainsi qu’une grande partie de celui du sucre, est resté entre les mains de marchands privés, et non de la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales, si bien que ces échanges n’ont pas diminué. Qui plus est, même après le traité de Münster (1648) qui vit les provinces rebelles des Pays-Bas et l’Espagne conclure un accord de paix et recommencer à faire des affaires, le Portugal put compter sur les pays de la Baltique pour avoir des céréales, du matériel de construction navale, des armes et du cuivre, tous essentiels au maintien de son indépendance et celui de son empire41. Nous avons une preuve de l’arrivée ininterrompue de cuivre au Brésil portugais : les registres d’achats de la sucrerie jésuite Sergipe do Conde, à Bahia, qui montrent que le prix du cuivre est resté relativement stable pendant toute la première moitié du XVIIe siècle (entre 200 et 300 réaux la livre). L’augmentation épisodique du prix était apparemment due au monopole royal suédois qui jouait sur l’offre, plus qu’à des pénuries du produit. La baisse de prix de la récolte de sucre (safra) de 1655-56, conséquence de la rupture des relations de la reine Christine avec le Portugal, semble confirmer que le Portugal a toujours réussi à avoir accès à cette denrée essentielle.
Figure 2. Coût moyen du cuivre dans l’engheno Sergipe do Conde (Bahia) pour les années 1622-23 et 1655-56 (en réaux par livre).
Source: Documentos para a história do açúcar, 3 vols., Rio de Janeiro,1956, v.ii, Engenho Sergipe do Conde. Livro de Contas (1622-54); ANTT, Cartório dos Jesuítas, maço 17, n. 22 (1655-56).
Agents « nouveaux chrétiens » dans la Baltique
Si le Brésil a toujours réussi à avoir accès au cuivre, c’est qu’à partir de 1641 la stratégie de survie du Portugal comprenait un volet qui n’était autre que l’Europe du Nord. À cette date, la péninsule ibérique avait déjà accès à des ports tels que Lübeck, Glückstadt, Dantzig et Hambourg, le plus important des quatre42. De fait, Hambourg avait toujours été une plate-forme essentielle pour le Portugal, que ce soit avant ou pendant sa sécession : d’un côté le royaume lusitanien importait des céréales, des textiles, du cuivre hongrois, de l’autre il exportait des épices, du sucre et du sel, jusqu’à ce que cet équilibre change. Pendant la guerre de Trente Ans, le cuivre hongrois commença en effet à remplacer le cuivre suédois comme principale source d’approvisionnement. Dans les années 1630, les métaux bruts (cuivre et fer), les objets métalliques et l’armement ne représentaient que 10 % des exportations portugaises partant de Hambourg, alors qu’en 1647-48, ils en représentaient plus d’un tiers43. À lui seul, le sucre représentait presque 72 % des importations en provenance du Portugal arrivant à Hambourg à la même période44. Ces échanges passaient par des agents de chaque nation qui s’établissaient en tant que commerçants résidant dans un pays étranger où ils payaient des impôts et étaient soumis à des contraintes contractuelles qui limitaient leur liberté de mouvement. En revanche ils bénéficiaient de certains droits s’agissant de leur pratique religieuse et des affaires qu’ils y faisaient.
La ville de Hambourg, comme celle d’Amsterdam, abritait une importante communauté de « gens de la nation », autrement dit, de « Nouveaux-Chrétiens » ou de conversos, descendants de juifs convertis ayant quitté l’Espagne ou le Portugal à cause des expulsions et des persécutions de l’Inquisition45. Beaucoup de ces conversos s’étaient lancés dans le commerce international en exploitant leurs réseaux et leurs liens avec le monde ibérique46. Au sein de la monarchie catholique elle-même, le comte-duc d’Olivares avait veillé à améliorer les conditions de vie des conversos espagnols et fait appel à certains d’entre eux pour ses projets financiers, en dépit des objections des uns et des autres qui finirent par lui valoir la disgrâce. Quoi qu’il en soit, la majorité des communautés séfarades implantées hors de l’Espagne et du Portugal avaient compris que la sécession de ce dernier était une aubaine, sachant que la nouvelle monarchie portugaise avait besoin de capital et d’expertise commerciale et financière. Les communautés séfarades du sud de la France, de Hambourg, des villes baltes et d’Amsterdam envisageaient l’alliance des Pays-Bas et du Portugal contre leur ennemi commun, l’Espagne, comme une collaboration qui pourrait leur bénéficier, non seulement sur le plan financier, mais sur les plans social et religieux.
À long terme, leur espoir fut déçu, mais pendant plusieurs décennies, en particulier de 1641 à 1660, la couronne portugaise n’a pas hésité à faire des concessions financières et sociales à ces communautés pour obtenir leur soutien et bénéficier de leurs réseaux marchands47. C’est ce que prouvent deux choses : la création, au Portugal, de la Compagnie générale du Brésil en 1648, dont la charte fondatrice encourageait la participation des Nouveaux-Chrétiens en interdisant à l’Inquisition de saisir leurs investissements ; le choix de confier les négociations au jésuite António de Vieira, qui plaidait pour que les Nouveaux-Chrétiens soient réintégrés dans la société portugaise et que ceux qui étaient exilés reviennent, ainsi que leurs capitaux, au Portugal48.
Même si Jean IV avait absolument besoin du soutien de la noblesse portugaise et de l’Inquisition, opposées à ces choix, ni lui ni, plus tard, sa veuve, n’étaient entièrement contre l’idée de faire des concessions à ces communautés dont les réseaux étaient essentiels à la survie financière du Portugal. Ils étaient d’ailleurs encouragés par plusieurs diplomates importants, notamment le comte de Vidigueira, qui représentait la cour de Bragance à Paris et dont le traducteur, secrétaire officieux et confident, Manuel Fernandes Vila Real, était un jeune Nouveau-Chrétien exilé proche de la communauté portugaise de Rouen49. Autre exemple, dans une note envoyée à Jean IV, l’ambassadeur portugais en Hollande, Tristão de Mendonça Furtado, insistait sur les affinités que les Nouveaux-Chrétiens exilés, qu’il appelait la nação hebrea d’Amsterdam, ressentaient envers leur patria, et ce en dépit des persécutions de l’Inquisition. Cet attachement était sans doute d’autant plus fort qu’ils espéraient que l’alliance du Portugal et des Pays-Bas leur ouvre de nouvelles perspectives commerciales, voire, contribue à ce qu’ils soient mieux acceptés. La convergence entre les besoins de la monarchie de Bragance et les aspirations des Nouveaux-Chrétiens est aussi ce qui explique l’attribution inattendue de titres de noblesse ou de chevalier de l’Ordre du Christ, d’origine militaire, à environ 70 Nouveaux-Chrétiens au cours de la période 1641-70, y compris à certains qui étaient des juifs pratiquants vivant hors du Portugal50. Ces récompenses, dues à des services financiers et commerciaux, ont parfois été essentielles à la stratégie diplomatique du Portugal. Citons, par exemple, les décisions prises par Duarte Nunes da Costa, à Hambourg, et par son fils Jerónimo Nunes da Costa, à Amsterdam, qui avaient fourni des fonds directement à l’ambassadeur portugais et son personnel, ou par Diogo Lopes de Ulhoa, ancien planteur de sucre du Brésil, marchand à Anvers, fidalgo de la maison royale, membre de la communauté séfarade d’Amsterdam et conseiller influent des ambassadeurs portugais négociant avec les Pays-Bas51. Enfin, notons que pour compenser les arrangements avec les Nouveaux-Chrétiens, Jean IV n’a jamais renié ni aboli la dette portugaise contractée sous l’administration des Habsbourg, dont plus de 70 % étaient détenus par la noblesse portugaise et les institutions ecclésiastiques ; une stratégie qui lui permettait de minimiser leurs objections aux privilèges accordés aux Nouveaux-Chrétiens exilés, et de montrer que le gouvernement respectait ses obligations52.
Des rêves de cuivres aux attentes millénaristes
Le cuivre, l’armement, le bois et la poix suédois acheminés par des navires néerlandais retournant en Hollande, à Hambourg et d’autres ports du Nord, chargés de sel portugais et de sucre brésilien, le tout suivant des accords conclus entre protestants, catholiques et juifs : ce tableau illustre à la fois la réalité et de la complexité du commerce international, le peu d’intérêt accordé à l’origine des pavillons et la religion des uns et des autres, et l’importance des réseaux séfarades dans le commerce de l’époque53. C’est dans ce contexte qu’il faut envisager les apparentes contradictions entre la diplomatie, la politique religieuse, les ambitions commerciales et les croyances millénaristes de la reine Christine, celles de la Suède et celles des deux monarchies ibériques. Quelle que soit la résistance farouche de l’Inquisition, de certaines franges de la noblesse, et celle de la population en général, les souverains espagnols et portugais ont cherché à s’assurer le soutien et les services de leur communauté séfarade, exilée ou non, à l’époque de la rébellion Bragance et de la guerre de « restauration » portugaise qui a suivi (1641-68)54. Chaque couronne avait en effet des courtiers qui représentait ses propres intérêts, en général commerciaux, mais aussi politiques, en Europe du Nord. L’Espagne habsbourgeoise dépendait de conversos comme Manuel de Belmonte, qui vivait à Amsterdam où il était considéré comme juif, ou Manuel López Pereira qui quitta Amsterdam pour revenir à Madrid où il était considéré comme catholique, devenant un confident d’Olivares et un conseiller influent pour la politique de l’Espagne vis-à-vis des Flandres et des provinces rebelles des Pays-Bas à qui l’Espagne fit la guerre55. Nous pourrions aussi citer le cas de Jacob Rosales, également connu sous le nom de Manuel Bocarro Francés, Nouveau-Chrétien et médecin portugais, auteur d’un poème millénariste pro-Bragance, qui finit par s’installer à Hambourg où il fut agent commercial pour l’Espagne des Habsbourg, y compris après 164056. Il n’était pas le seul. Après avoir abdiqué, Christine de Suède résida à Anvers, chez Garcia de Illian, un entrepreneur converso qu’elle avait rencontré par l’intermédiaire de Pimentel. Par ailleurs, elle a longtemps dépendu du soutien financier de Diego Teixeira, un Nouveau-Chrétien portugais fortuné, ancien chargé des relations hispano-suédoises à Anvers qui se convertit au judaïsme et fini par devenir une figure de proue de la communauté juive de Hambourg. Manifestement sa conversion ne gênait pas Christine qui séjourna plusieurs fois chez lui à Hambourg, y compris alors que les relations de Diego Teixeira avec l’Espagne s’étaient détériorées57. Jean IV a aussi œuvré pour être appuyé par les communautés séfarades d’Europe du Nord puisqu’il avait des diplomates qui lui rappelaient régulièrement les avantages financiers et commerciaux et les renseignements que celles-ci pouvaient lui fournir. Le meilleur exemple est sans doute la famille Nunes da Costa (alias Curiel) qui a servi la couronne pendant tout le XVIIe siècle, dont certains membres ont été récompensés par des titres d’ordres religieux et militaires, et des pensions royales, et ce en dépit de leurs croyances ou de leurs antécédents religieux58. Au fond, ces relations sont à l’image du dilemme auquel étaient confrontés les rois d’Espagne et du Portugal qui d’un côté avaient besoin des réseaux commerciaux, de l’expertise financière et des ressources des conversos, de l’autre, besoin du soutien de la noblesse et de l’Inquisition qui s’y opposaient59. En réalité, cette contradiction est moins surprenante qu’elle en a l’air. Avant la rébellion portugaise de 1640 et la fin de la guerre de Trente Ans en 1648, les marchands séfarades du sud de la France, d’Amsterdam, de Hambourg et de plusieurs villes de la Baltique servaient déjà d’intermédiaires assurant le commerce clandestin entre les Pays-Bas et la péninsule ibérique. La souplesse de la monarchie ibérique de l’époque correspondait à la tolérance de la majeure partie de l’Europe occidentale qui accueillait plus volontiers les communautés juives, ce que prouve la réadmission de Juifs dans diverses villes d’Allemagne et en Angleterre quelques années plus tard, en 1656. Cela dit, cette ouverture d’esprit finira par s’estomper dans les années 1690 ; par ailleurs, elle était surtout liée à des considérations commerciales et financières, mais elle devait aussi aux croyances millénaristes chrétiennes profondément ancrées, qui impliquaient souvent la présence des Juifs, si ce n’est leur conversion60. Même si de nombreux Chrétiens luttaient contre ce millénarisme, celui-ci pouvait en effet être interprété et mis au service d’objectifs différents. Un exemple : le rabbin séfarade d’Amsterdam, Manassé ben Israël, dont le traité millénariste, L’Espérance d’Israël, commença à circuler en Angleterre en 1650, et dont les démarches auprès de la Suède et de l’Angleterre pour que des Juifs s’y installent en rappelaient les avantages concrets, n’était pas insensible aux attentes millénaristes chrétiennes, peu importe qu’il ne souscrive pas à l’idée que les Juifs se convertissent61.
Portrait de Samuel Manassé ben Israel (1604-1657), eau-forte de Rembrandt.
De son côté, la Suède avait aussi envisagé d’accueillir des Juifs alors même que le Conseil d’État du gouvernement d’Oxenstierna n’avait pas réussi à identifier assez d’avantages économiques pour contrer les objections du clergé luthérien. La reine Christine affichait depuis longtemps un réel philosémitisme : elle apprenait l’hébreu, elle avait un médecin juif, elle traitait avec des banquiers conversos anversois et elle était profondément sensible aux croyances et aux attentes messianiques et millénaristes, ce que montre sa correspondance avec Manassé ben Israël et avec le théologien français, Isaac La Peyrère62. Ses échanges avec ce dernier étaient particulièrement importants puisqu’il était l’auteur de Du Rappel des Juifs (1643), un texte qui comprenait une forme d’« eschatologie marrane » pour qui la présence des Juifs et leur éventuelle conversion étaient essentielles au rêve millénariste. L’ouvrage faisait partie de l’immense bibliothèque de Christine qui était aussi sensible à l’argument de La Peyrère affirmant qu’un messie politique royal précéderait, et ouvrirait la voie à, l’arrivée du messie spirituel63.
Après son abdication et sa conversion au catholicisme en 1654, Christine s’installa en effet à Rome et établit une cour où elle commença à s’imaginer dans le rôle de « messie politique » et d’« Agiatrix de la paix » préparant l’avènement du nouveau millénaire64 ». Mais pour ce faire, elle avait besoin d’une couronne. Elle profitait de l’atmosphère prophétique et millénariste qui touchait toutes les religions et les confessions ; son médecin personnel et son conseiller financier étaient même devenus disciples de Sabbataï Tsevi, considéré par de nombreuses communautés juives comme le messie, de telle sorte que son catholicisme pesait peu par rapport à cette eschatologie. Après tout, elle était la fille de Gustave-Adolphe qui se faisait fort d’être le « Lion de minuit » prêt à défaire la papauté et l’Aigle du Saint-Empire romain germanique pour apporter une paix éternelle, conformément à la prophétie de Paracelse65. Mais elle n’était plus reine, et la période fut marquée par plusieurs éclipses solaires, sans compter la comète de 1652 qui donna lieu à une quantité de traités millénaristes, si bien que les espoirs des luthériens se sont reportés sur son successeur, Charles-Gustave. Pour le Portugal, ce fut l’occasion d’aller dans le sens de ce nouveau monarque qui souhaitait renouer avec le régime de Bragance, avec qui Christine avait rompu. En 1655, à Stockholm, par exemple, Antonio de Silva e Souza, représentant du Portugal en Suède, publia Ivizio o Vaticinio Politico al Noble Reyno de Svecia, un ouvrage écrit en espagnol qui flattait le nouveau roi, qualifié de valiente caudillo (chef courageux). L’auteur, juriste de formation et fidèle partisan du régime de Bragance, rappelait les responsabilités juridiques d’un roi vis-à-vis de ses sujets et l’aptitude du nouveau roi suédois à les assumer. Il s’adressait à un public relativement large à qui il expliquait que les rois espagnols n’avaient pas su rendre justice au Portugal, ce qui justifiait que l’on prenne parti pour les Bragance – non sans rappeler les intérêts communs de la Suède et du Portugal66.
La joute du carrousel, célébration de Christin de Suède au palais Barberini à Rome, le 28 février 1656.
En attendant, les ambitions millénaristes de Christine n’avaient pas changé. Son objectif politique visant à ce qu’elle soit vice-reine des Flandres ou de Naples avec le soutien de l’Espagne avait fait l’objet de discussions avec Pimentel, qui l’y a sans doute encouragée, mais en 1656, son étoile, et son utilité pour l’Espagne, commença à pâlir. À Rome, elle n’hésitait pas à intervenir dans la politique du Vatican et commença à courtiser l’ambassadeur de France. Toujours en 1656, son séjour à Paris où elle fut chaleureusement accueillie par le cardinal Mazarin avec qui elle envisagea l’éventualité d’assumer la couronne de Naples ou de Sicile avec l’appui de la France, prouve qu’elle avait entièrement revu ses alliances, ce qui lui coûta le soutien de l’Espagne67. Le dramaturge Calderón de la Barca rédigea un auto sacramental qui mettait en scène sa conversion au catholicisme, mais Philippe IV refusa qu’il soit représenté car, dit-il, « les affaires de cette dame ne sont plus dans le même état qu’au début68 ». Ses ambitions se sont finalement heurtées à la dure réalité politique, et en 1659, quand l’Espagne et la France ont signé la paix des Pyrénées, elle n’avait plus grand-chose à offrir ni à l’une ni à l’autre. Au fond, elle était devenue politiquement obsolète, mais son statut d’icône de la réforme catholique lui assurait toujours les faveurs de la papauté. La petite cour et le salon qu’elle avait créés à Rome étaient devenus un centre intellectuel et spirituel qui lui donnaient l’occasion de rencontrer des personnalités et des idées qui répondaient à ses intérêts et ses aspirations mystiques. Dans les années 1670, influencée par les jésuites espagnols et portugais qui l’avaient encouragée à se convertir au catholicisme, et rejointe à Rome par son ancien ambassadeur au Portugal, Lars Skytte, désormais franciscain et bientôt son confesseur, Christine était de plus en plus attirée par les personnes qui partageaient ces croyances millénaristes69. Elle ne pouvait trouver mieux que le jésuite portugais, Antonio Vieira, qui luttait contre l’Inquisition portugaise et plaidait pour la réintégration des Nouveaux-Chrétiens, rejoignant ainsi sa tolérance à elle. Qui plus est, les écrits d’Antonio Vieira associaient une vieille tradition prophétique providentielle portugaise à un messianisme national lié au rôle que Jean IV pourrait jouer dans la création d’un « cinquième empire », et au destin du Portugal appelé à réunifier la chrétienté, une mission qui séduisait l’ancienne reine70. À Rome, Antonio Vieira prêchait souvent au nom de Christine à qui il dédia un sermon, mais en 1674, puis en 1679, il refusa de devenir son prédicateur attitré, alors que ses supérieurs l’y encourageaient71. Il préféra repartir au Brésil. Leur foi et leurs croyances millénaristes communes n’avaient pas suffi à le retenir. Non seulement l’espoir de Christine s’imaginant dans le rôle de souveraine providentielle favorable au rêve millénariste fut déçu, mais en Europe, ces croyances commençaient à s’étioler alors qu’un nouveau siècle s’annonçait. Pendant ce temps-là, le commerce entre le Portugal, la Suède et les États baltes qui échangeaient du sel, du vin et des produits coloniaux de l’Atlantique contre des céréales, des métaux, du bois et du matériel de construction navale, était en plein essor72. Le cuivre était toujours aussi essentiel pour l’armement. Les dernières batailles de la guerre d’indépendance du Portugal vis-à-vis de l’Espagne (Ameixial, 1663 ; Montes Claros, 1665) finirent par aboutir à la paix en 1668. Mais le Portugal répondait sans coup férir à la demande croissante de la Suède en sucre, une denrée dont le prix fut relativement stable entre 1624 et 1694, malgré quelques fluctuations, alors que l’indice général des prix en Suède augmentait73. Le Brésil est donc resté une source toujours aussi importante. Il est vrai qu’en 1700, des courtiers français ont négocié avec les raffineurs suédois pour qu’ils abandonnent le sucre brésilien à la faveur de celui des colonies françaises des Caraïbes, si bien que dans les années 1730, le Brésil portugais n’était plus la principale source d’importation de sucre en Suède74. Il n’empêche, le commerce entre le Portugal et la Suède s’est beaucoup développé au XVIIIe siècle75 alors que le contexte diplomatique et commercial avait changé et que l’alliance politique entre ces pays ne jouait plus le même rôle qu’au milieu du XVIIe siècle.
Conclusion
L’histoire détaillée des tactiques diplomatiques, politiques et militaires déployées pendant trente ans au cœur du XVIIe siècle par des puissances impériales européennes de second rang ou en déclin pourrait sembler mineure par rapport à une histoire globale de ce même XVIIe siècle. Mais l’histoire du démantèlement du premier empire mondial et celle des relations politiques et commerciales complexes qui l’ont accompagné remettent en question plusieurs hypothèses sur les débuts du capitalisme et le rôle qu’y ont joué les échanges coloniaux, ainsi que l’analyse des chaînes de produits à l’échelle mondiale76. En l’occurrence, le lien entre d’un côté, le cuivre japonais et suédois, les céréales, la poix et le bois de la Baltique, et, de l’autre, le sel portugais, le sucre brésilien, les épices sud-asiatiques et les esclaves africains montre qu’il est difficile de séparer les chaînes de produits « de luxe » de celles des denrées de base ou des produits utilitaires. Le fait que le Portugal avait besoin de cuivre et œuvra pour y arriver montre que des marchandises aussi ordinaires que le sel et le cuivre et des produits exotiques comme le sucre et les épices étaient interdépendants, si bien qu’il est peu logique de les étudier séparément. Cette dépendance remet aussi en question l’idée que l’essor des produits « de luxe » – épices, soie, tabac ou sucre – serait la clé de la croissance de la demande et le principal moteur de l’expansion mercantile parce qu’ils auraient diminué la mainmise de l’État sur les achats à grande échelle. Par ailleurs, s’agissant des pays qui nous intéressent, l’idée que les colonies étaient toujours les fournisseurs de matières premières de l’Europe se voit renversée puisque l’Afrique et l’Inde, deux continents où les Européens étaient souvent face à des acheteurs bien informés et très sélectifs qui refusaient qu’on leur « balance » de la pacotille, ont importé du cuivre et des métaux à base de cuivre d’Europe centrale, puis de Suède. La valeur attribuée au cuivre n’était pas la même en Afrique et en Europe puisqu’elle dépendait de critères culturels, sociaux et esthétiques, c’est pourquoi l’analyse de la chaîne des produits de base ne saurait se limiter à la dimension économique de l’offre et de la demande ni à celle de la production et du marché. Les besoins et les choix de chacun correspondaient à des données d’ordre culturel, politique, diplomatique, fiscal, monétaire et militaire, et ils influaient largement sur la façon dont ces paramètres spécifiques s’articulaient. Enfin, outre les relations entre la Suède, l’Espagne et le Portugal, le rôle des Pays-Bas et de l’Angleterre, que ceux-ci soient transporteurs, courtiers, contrebandiers, rivaux, opposants politiques ou alliés, ne peut être exclu de l’histoire des relations mercantiles et des échanges de produits entre les pays baltes et les monarchies ibériques et leurs empires.
L’auteur souhaite remercier pour leur aide et leurs suggestions généreuses Cátia Antunes, Fernando Bouza Álvarez, Pedro Cardim, Enrique Corredera Nilsson, Thiago Krause, Catarina Madeira-Santos, Jason Moore, Arie Pappot, Geoffrey Parker, Edgar Pereira, Amelia Polónia, Klas Rönnbäck, José Manuel Santos Pérez, Daniel Strum, Sanjay Subrahmanyam, John Thornton, Francesca Trivellato, Carl Wennerlind, David Wheat, Ângela Barreto Xavier et Bartolomé Yun Casalilla.
Abréviations
ACA: Archivo de Condes de Alba (Madrid)
AHU: Arquivo Histórico Ultramarino (Lisbonne)
ANTT: Arquivo Nacional da Torre do Tombo (Lisbonne)
BL: British Library (Londres)
BNL: Biblioteca Nacional (Lisbonne)
BNM: Biblioteca Nacional (Madrid)
Notes
1
Erik MacDonald Thomson, « Chancellor Oxenstierna, Cardinal Richelieu, and Commerce : The problems and possibilities of governance in early-seventeenth century France and Sweden », thèse de doctorat, Université Johns-Hopkins, 2004, p. 36-37. À propos du contrôle de la couronne suédoise sur la mine, voir aussi Lawrence Paul Stryker, « The Swedish Monarchy and the Copper Trade : The Copper Company. The Deposit System and the Problems of Free Trade, 1600-1640, » thèse de doctorat, Université de Virginie, 2012, p. 61-107.
2
Lawrence Stryker, The Swedish Monarchy and the Copper Trade. The Copper Company, the Deposit System, and the Amsterdam Market, 1600-1640, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2024, p. 380. L’ambassadeur anglais en Suède, John Robinson, dans son An Account of Sweden, Londres, Tim Goodwin, 1694, p. 13-14, estime la valeur de la production de Falun à 200 000 £, 25% revenant à la couronne, qui touchait aussi 25% du cuivre exporté.
3
Michael Roberts, The Swedish Imperial Experience 1560-1718, Cambridge, Cambridge University Press, 1979, p. 49 ; Ryuto Shimada, The Intra-Asian Trade in Japanese Copper by the Dutch East India Company during the Eighteenth Century, Leyde, Brill, 2006 ; Kristof Glamann, « The Dutch East India Company’s trade in Japanese Copper. 1645-1736 », Scandinavian Economic History Review, vol. 1, no. 1, 2011, p. 41-79, souligne que les Hollandais, qui étaient les principaux vecteurs du commerce du cuivre suédois et avaient aussi investi dans son exploitation, utilisaient une grande partie du cuivre acquis au Japon pour le commerce des épices en Inde, comme les Portugais au XVIe siècle. Voir aussi, Manuel Nunes Dias, O capitalismo monárquico português, 2 vols., Coimbra, Universidade de Coimbra, 1963, II, p. 321-354 et 383-400.
4
En 1629, la Compagnie ordonna à Cornelis Jol de s’emparer de la ville. L’idée est revenue à d’autres occasions, sans jamais aboutir. Dans les Caraïbes, plusieurs navires espagnols chargés de cuivre ont aussi été saisis par des corsaires hollandais. Voir Cornelis C. H. Goslinga, The Dutch in the Caribbean and on the Wild Coast, Gainesville, University of Florida Press, 1971, p. 208, 232-236 et 348.
5
Kristine Bruland et Keith Smith, « The Global Context of the Scandinavian Copper Industry », in Kristine Bruland et Kristen Ranestad (dir.), Skandinavisk kobber: Lokale forhold og globale sammenhenger i det lange 1700-tallet, Oslo, Cappelen Damm Akademisk/NOASP, 2020, p. 210-219.
6
Charles R. Boxer, The Great Ship from Amacon. Annals of Macao and the Old Japan Trade, 1555-1640, Lisbonne, Centro de Estudois Históricos Ultramarinos, 1963, p. 8 et 18-20. Kristof Glamann, « The Dutch East India Company’s trade in Japanese Copper. 1645-1736 », Scandinavian Economic History Review, vol. 1, no. 1, 2011, p. 41-79, propose un compte-rendu détaillé des achats et des ventes néerlandaises au XVIIe.
7
Eugenia W. Herbert, « Aspects of the Use of Copper in Pre-colonial West Africa », Journal of African History, vol. 14, no. 2, 1973, p. 173-194 ; Cris Evans et Göran Rydén, « “Voyage Iron” : An Atlantic Slave Trade Currency, its European Origins, and West African Impact », Past and Present, vol. 239, no. 1, 2018, p. 41-70.
8
Magnus Morner, Episodios de la historia de las relaciones hispano-suecas, Madrid, Fundación Berndt Wistedt, 1996, p. 27.
9
Cátia Antunes, « The Commercial Relationship between Amsterdam and the Portuguese Salt-Exporting Ports : Aveiro and Sétubal, 1580-1712 », Journal of Early Modern History, vol. 12, no. 1, 2008, p. 25-53.
10
Oskar Garstein, Rome and the Counter-Reformation in Scandinavia. The age of Gustavus Adolphus and Queen Christina of Sweden, 1622-56, Leyde, Brill, 1992. Sur le rôle central du cuivre dans l’économie suédoise sous Gustave-Adolphe, voir Erik MacDnald Thomson, Chancellor Oxenstierna, Cardinal Richelieu, and Commerce, Baltimore, Johns Hopkins University, 2005, p. 160-240.
11
Les actes notariés d’Amsterdam consignant les transactions effectuées par la communauté juive avant 1639 n’ont que des références éparses aux expéditions de cuivre. Ces documents ont été publiés dans les Studia Rosenthaliana entre 1967 et 1986.
12
Arquivo Distrital do Porto, cartórios notariais. PO 1, 3è série, livre 185, f. 13v. et 144.
13
Kristof Glamann, « The Dutch East India Company’s trade in Japanese Copper. 1645-1736 », Scandinavian Economic History Review, vol. 1, no. 1, 2011, p. 56.
14
Le rôle des colonies et du commerce colonial dans la croissance économique des empires d’Europe occidentale fait l’objet de débats depuis longtemps, même si le balancier tend aujourd’hui à le confirmer. Voir Robert Allen, « Progress and poverty in Early Modern Europe », Economic History Review, vol. 57, 2003, p. 403-443. En ce qui concerne le Portugal, une fois le commerce colonial orienté vers les plantations d’esclaves, puis, après 1700, vers l’extraction de minerais, la contribution des colonies a augmenté le « revenu réel historique » d’environ 20 % en 1800. Notons que les évaluations antérieures de la valeur des revenus coloniaux ne tenaient pas compte des contributions fiscales revenant à l’État, ni du fait que l’accès aux produits coloniaux ou au commerce colonial attirait les capitaux et les créanciers, ou comptaient quand il s’agissait de négocier des traités avec l’Angleterre, la Suède, la France et la Hollande. Voir Leonor Freire Costa, Nuno Palma et Jaime Reis, « The Great Escape ? The contribution of the empire to Portugal’s economic growth, 1500-1800 », European Review of Economic History, vol. 19, no. 1, 2014, p. 1-22. Voir aussi Anil Mukerjee, « Financing the Empire in the South Atlantic ; The Fiscal Administration of Colonial Brazil, 1609-1703 », thèse de doctorat, University of California, Santa Barbara, 2009. Pour une analyse divergente, Rafael Valladares, « MARTÍNEZ SHAW, Carlos y MARTÍNEZ TORRES, José Antonio (directores): España y Portugal en el mundo (1581-1668), Madrid, Ediciones Polifemo, 2014, 484 págs. ISBN: 978-84-96813-94-6 », Hispania, vol. 76, no. 254, 2016, p. 889-893.
15
Vinicius Dantas, « Los arbitristas y la América portuguesa (1590-1640) », Anuario de estudios americanos, vol. 71, no. 1, 2014, p. 145-170; Graça Almeida Borges, « ¿Un imperio ibérico integrado? El arbitrismo y el imperio ultramarino portugués (1580-1640) », Obradoiro de historia moderna, vol. 23, 2014, p. 71-102.
16
Evaldo Cabral de Mello, O negócio do Brasil. Portugal, os países baixos, e o nordeste, 1641-1669, Rio de Janeiro, Topbooks, 1998, p. 39 et 44.
17
Sousa Coutinho au roi (6 avril 1644), Edgar Prestage et Pedro de Azevedo (dir.), Correspondência diplomática de Francisco de Souza Coutinho, 3 vols., Coimbra, Université de Coimbra, 1920, 1, p. 127-129.
18
Edgar Prestage et Pedro de Azevedo (dir.), Correspondência diplomática de Francisco de Souza Coutinho, 3 vols., Coimbra, Université de Coimbra, 1920, 1, p. 45. Son entretien avec le chevalier de Jant se trouve dans Visconde de Santarém, Quadro elementar das relações políticas e diplomáticas de Portugal, 18 vols., Lisbonne, 1842-76, IV, p. 148-151. Pour des commentaires comparables sur l’importance du commerce colonial, voir Rodrigo Ricupero, « O exclusive metropolitano no Brasil e os tratados diplomáticos de Portugal com a Inglaterra (1642-1661) », Revista de História, vol. 176, 2017, p. 16-20.
19
Kris Lane, « The Hangover. Global Consequences of the Great Potosí Mint Fraud, c. 1650-1675 », in Rossana Barragán et Paula Zagalsk (dir.), Potosí in the Age of Global Silver, Leyde, Brill, sous presse, p. 388-424.
20
Charles R. Boxer, Salvador Correa de Sá and the Struggle for Brazil and Angola, 1602-1686, Londres, Athlone Press, 1952, p. 244-245.
21
Evaldo Cabral de Mello, O negócio do Brasil. Portugal, os países baixos, e o nordeste, 1641-1669, Rio de Janeiro, Topbooks, 1998, p. 249-253. Cátia Antunes, Lisboa e Amsterdão. 1640-1705. Um caso de globalização na história moderna, Lisbonne, Livros Horizonte, 2009.
22
Cátia Antunes, Lisboa e Amsterdão. 1640-1705. Um caso de globalização na história moderna, Lisbonne, Livros Horizonte, 2009, p. 68-69, souligne qu’entre 1659 et 1668, 843 navires hollandais ont transporté quelque 460 000 moios de sel de Setúbal. Voir aussi Jonathan Israel, Dutch Primacy in World Trade, 1585-1740, Oxford, Claredon Press, 1989, p. 235-236.
23
Leonor Freire Costa, « Poder patriarchal, dívida pública e o Brasil, », article non publié ; Leonor Freire Costa et Susana M. Miranda, « Restoring credibility. How Portugal financed its political independence (1640-1682) », 40è Encontro APHES, en ligne, 2021.
24
Cátia Antunes, « Dutch-Portuguese Diplomatic Encounters, 1640-1703 ; Exchanges, Sovereignty and “World Peace” », Journal of Early Modern History, vol. 23, 2019, p. 458-474.
25
Evaldo Cabral de Mello, O negócio do Brasil. Portugal, os países baixos, e o nordeste, 1641-1669, Rio de Janeiro, Topbooks, 1998, p. 95 ; Pedro Cardim, « “Portuguese Rebels” at Munster. The Diplomatic Self-Fashioning in mid-17th century European Politics », Historische Zeitschrift, vol. 16, 1998, p. 300-305.
26
Enrique Johan Corredera Nilsson, Todos somos godos. Las relaciones hispano-suecas desde 1640 hasta la paz de Oliva, Madrid, Editorial Complutense, 2009, explore plusieurs aspects de cette relation. L’auteur rappelle que la noblesse suédoise avait un point de vue divergent sur l’Espagne, monarchie catholique hostile, liée aux Habsbourg autrichiens, mais peuple gothique frère. Voir Enrique J. Corredera Nilson, « Conceiving and perceiving the other: The Swedish elite’s image of the Hispanic monarchy during the first half of the 17th century », in Enrique García Hernán et Ryzard Skoron (dir.), From Ireland to Poland. Northern Europe and Spain in the Early Modern World, Valencia, Albatros ediciones, 2015, p. 289-304.
27
Charte écrite de la ville de Stalhan (20 juin 1654), Biblioteca Nacional de Madrid [BNM], 2387, fs. 149-150. Rosenhane, en 1646, avait écrit à Christine pour rappeler l’héritage gothique commun aux deux pays. Envoyé suédois en France, après la paix de Westphalie, il avait discuté officieusement avec Saavedra Fajardo d’un éventuel mariage de la reine Christine en Espagne. Voir Erik MacDonald Thomson, « Le travail du diplomate et la diffusion des idées politiques à l’époque moderne : la Fronde vue par le résident suédois Schering Rosenhane (1648-1649) », Histoire, économie & société, vol. 29, no. 1, 2010, p. 13-23.
28
Pimentel à Philippe IV (2 novembre 1652), Nils Berencreutz, Don Antonio Pimentel despecher från drotting Christinas hov 1652-1656, Stockholm, Kungl, Boktryckeriet P. A. Nordstet & Söner, 1961, p. 30-31.
29
Pimentel à Philippe IV (Stockholm, 7 septembre1652), Nils Berencreutz, Don Antonio Pimentel despecher från drotting Christinas hov 1652-1656, Stockholm, Kungl, Boktryckeriet P. A. Nordstet & Söner, 1961, p. 17.
30
« De subtil ingenio y muy aplicada al beneficio de su Estado y vasallos por cuyo bien no perdonara qualquier diligencia y assi creo que se deve caminar con gran circumspeción y cuidado en todo lo que se trata con ella … » Pimentel à Philippe IV (2 novembre1652), Nils Berencreutz, Don Antonio Pimentel despecher från drotting Christinas hov 1652-1656, Stockholm, Kungl, Boktryckeriet P. A. Nordstet & Söner, 1961, p. 31.
31
« Relación curiosa de la persona, vida, y costumbres de la reyna de Suecia », BNM, ms. 2384, fls.183-9. Texte rédigé le 10 octobre 1653, avant l’abdication de la reine Christine.
32
A. Paz y Mélia (dir.) Avisos de D. Jerónimo de Barrionuevo (1654-58), 4 vol., Madrid, M. Tello, 1892. Ces commentaires sur les événements et les nouvelles sont tirés de la correspondance de Barrionuevo. Les femmes sont souvent mentionnées, mais généralement dans un contexte négatif. Voir Deborah Compte, « Damning Female Portraits: The “Avisos” of Jeronimo de Barrionuevo (1654-58) », Hispania, vol. 95, no. 2, 1958, p. 201-210. Voir aussi « Relación del viaje de la Serenissima reyna Christina de Suecia desde el día que salió de Bruselas hasta el que salió de Insbruck », (1655), BNM 2384, fs. 163-182.
33
Erik MacDonald Thomson, « Chancellor Oxenstierna, Cardinal Richelieu, and Commerce », Baltimore, Johns Hopkins University, 2005, p. 525.
34
BNM, 2384, f. 189.
35
Curieusement, Carlos Roma du Bocage, Subsidios para o estudo das relações exteriors de Portugal em seguida a Restauração, Lisbonne, Academia das Sciencias, 1916, p. 132, explique qu’après le traité signé en 1641, le Portugal et la Suède sont restées proches alliées jusqu’à l’époque où lui-même écrivait, au XXe, ignorant de fait l’expulsion de la reine Christine de l’ambassade portugaise en 1653.
36
Lettre à Antonio de Silva e Souza (24 septembre 1654), « Os navios que de aqui em diante vierem a meus Reynos acharão nelles o bom tratamento que siempre experimentarão e ainda melhor si melhor puder ser », BNL (Biblioteca Nacional Lisboa), correspondance de António Silva e Sousa, 1653-58. Fonds Alcobaça 2e série, codex 1477. 88.
37
Jean IV à Silva e Souza (26 octobre 1655), BNL (Biblioteca Nacional Lisboa), correspondance de António Silva e Sousa, 1653-58. Fonds Alcobaça 2e série, codex 1477. 88. Une partie de la correspondance de Silva e Souza a été publiée dans Um diplomata português da restauração, Lisbonne, Biblioteca Nacional, 1940.
38
L’échec de Christine, dû à sa politique fiscale et à une inflation de titres honorifiques qui entraîna une concentration de terres confiées à une noblesse en plein essor, est très bien analysé dans Michael Roberts, « Queen Christina and the General Crisis of the Seventeenth Century », Past and Present, vol. 22, 1962, p. 36-59, mais Geoffrey Parker, Global Crisis. War, Climate Change and Catastrophe in the Seventeenth century, New Haven, Yale University Press, 2013, p. 231-235, met aussi l’accent sur les conditions climatiques qui ont donné lieu à des récoltes catastrophiques en 1650 et 1652 dans toute la Scandinavie.
39
À vrai dire, elle a très vite reconnu avoir agi trop vite et commis une erreur. Voir Karl Mellander et Edgar Prestage, The Diplomatic and Commercial Relations of Sweden and Portugal from 1641-1670, Watford, Voss & Michael, 1926, p. 96-98. Eric MacDonald Thomson, dans Chancellor Oxenstierna, Cardinal Richelieu, and Commerce (Baltimore, Johns Hopkins University, 2005, p. 185 et 220), rappelle que la demande espagnole de cuivre a contribué à maintenir son prix, ce qui fut essentiel pour l’économie suédoise.
40
Eric MacDonald Thomson, Chancellor Oxenstierna, Cardinal Richelieu, and Commerce, Baltimore, Johns Hopkins University, 2005, p. 117-120. Après 1670, les échanges commerciaux entre la Suède et le Portugal ont continué, mais les deux pays avaient moins d’intérêts politiques communs et il a fallu attendre la fin du XVIIIe pour qu’ils aient des représentations ambassadoriales. Rafael Valladares (La rebelión de Portugal 1640-1680, Valladolid, Junta de Castilla y León, 1998) apporte la meilleure analyse qui soit des relations complexes entre le Portugal et l’Angleterre qui ont fini par l’alliance Stuart-Bragance actée par le mariage de Charles II et Catherine de Bragance en 1662. Voir aussi L. M. E. Shaw, Trade, Inquisition and the English Nation in Portugal, Manchester, Carcanet Press, 1989.
41
Cátia Antunes, Susana Münch Miranda et João Paulo Salvado, « The Resources of Others : Dutch Exploitation of European Expansion and Empires », Tijdschrift voor Gesschiedenis, vol. 131, no. 3, 2018, p. 501-519, souligne le rôle des entreprises, des individus, des réseaux et des États non « nationaux » dans la création des premiers empires modernes. Les relations des Pays-Bas avec le Portugal et la Suède semblent corroborer cette thèse, mais les changements historiques de la politique entre les États et les intérêts souvent contradictoires des projets impériaux et privés sont tels qu’il est difficile de savoir comment et quand exactement cette action « non nationale » a vraiment joué.
42
Thomas Weller, « Entre dos aguas: La Hansa y sus relaciones con la Monarquía Hispánica y las Provincias Unidas en las primeras décadas del siglo XVII », in Bernardo J. García García, Manuel Herrero Sánchez et Alain Hugon (dir.), El arte de la prudencia: La tregua de los doce años en la Europa de los pacificadores, Madrid, Fundación Carlos de Amberes, 2012, p. 179-200 ; Thomas Weller, « From the Baltic Sea to the Iberian Peninsula. Danzig (Gadańsk), the Hanseatic League and the Spanish Monarchy in the late Sixteenth and Seventeenth Centuries », in Enrique García Hernán et Ryzard Skowron (dir.), From Ireland to Poland. Northern Europe and Spain in the Early Modern World, Valencia, Albatros ediciones, 2015, p. 155-182.
43
Yuta Kikuchi, « Trade through Lübeck Instead of the Sound – Route Choice in Early Modern Hamburg’s Baltic Trade », in Jan Willem Veluwenkamp et Werner Scheltjens (dir.), Early Modern Shipping and Trade, Leyde, Brill, 2022, p. 95-112, rappelle que les marchands de Hambourg dépendaient jusque-là de la Hongrie pour le cuivre, mais au XVIIe la balance penchait en faveur du cuivre suédois.
44
Jorun Poettering, Migrating Merchants. Trade, Nation and Religion in Seventeenth-Century Hamburg and Portugal, Berlin, Walter de Gruyter, 2018, p. 16-27.
45
Hugo Martins, Os judeus portugueses de Hamburgo. A história de uma comunidade mercantile no século XVII, Florence, Firenze University Press, 2021, p. 35-62. Voir aussi le travail pionnier de Hermann Kellenbenz, Sephardim an der unteren Elbe: ihre wirtschaftliche und politische bedeutung vom ende des 16. Bis zum beginn des 18. Jahrhunderts, Wiesbaden, F. Steiner, 1958.
46
Pour leur importance dans le commerce de sucre brésilien. Voir Daniel Strum, The Sugar Trade. Brazil, Portugal and the Netherlands. 1595-1630, Stanford, Stanford University Press, 2013 ; Christopher Ebert, Between Empires ; Brazilian Sugar in the Early Atlantic Economy, 1550-1630, Leyde, Brill, 2008 ; Yda Schreuder, Amsterdam’s Sephardic Merchants and the Atlantic Sugar Trade in the Seventeenth Century, Londres, Palgrave Macmillan, 2019.
47
Jonathan Israel, « Dutch Sephardi Jewry, Millenarian Politics, and the Struggle for Brazil (1640-1654) », in David S. Katz et Jonathan I. Israel (dir.), Sceptics, Millenarians and Jews, Leyde, Brill, 1990, p. 76-97, montre que la révolte des colons portugais au Brésil hollandais, après 1645, a considérablement modifié l’attitude pro-Bragance des communautés séfarades exilées. Voir aussi Claude B. Stuczynski, « Ex-converso Sephardi New Jews as Agents, Victims and Thinkers of Empire : Isaac Cardoso once again », in Avriel Bar-Levav, Claude B. Stuczynski et Michael Heyd (dir.), Paths to Modernity. A Tribute to Yosef Kaplan, Jérusalem, Zalman Shazar Center, 2018, p. 209-232 ; Daviken Studnicki-Gizbert, A Nation on the Ocean Sea, Oxford, Oxford University Press, 2007.
48
Virginia Rau, « O padre António Vieira e a fragata Fortuna », Studia, vol. II, 1958, p. 91-102, se penche sur les négociations de Vieira avec Jerónimo Nunes da Costa et son père, Duarte Nunes da Costa, qui ont financé la construction en Hollande d’un navire de guerre destiné au Portugal.
49
Carsten Wilke, « Manuel Fernandes Vila Real at the Portuguese Embassy in Paris, 1644-1649 : New Documents and Insights », Journal of Levantine Studies, vol. 6, 2016, p. 153-177 ; Henry Méchoulan, « Manuel Fernandes Vila Real, un marrane en politique », Nova Renascença, vol. 67, no. 71, 1998, p. 305-316.
50
Fernanda Olival, As ordens militares e o estado modern. Honra, mercê e venalidade em Portugal (1641-1789), Lisbonne, Estar Editora, 2001, p. 283-297.
51
Daniel M. Swetschinski, « The Portuguese Jewish Merchants of Seventeenth-Century Amsterdam : A Social Profile », thèse de doctorat, Brandeis University, 1979, vol. II, p. 211-243 ; Cátia Antunes, « Dutch-Portuguese Diplomatic Encounters, 1640-1703 ; Exchanges, Sovereignty and “World Peace” », Journal of Early Modern History, vol. 23, 2019, p. 466-467. Sur la communauté sépharade des Flandres, voir Florbela Veiga Frade, As comunidades sefarditas e a nação portuguesa de Antuépia (séculos XVI -XVII), Lisbonne, Edições Colibri, 2021. Son texte ne tient pas compte des Nouveaux-Chrétiens d’Anvers ni de la question de leur allégeance après 1640.
52
Leonor Freire Costa, « Reputational Recovery Under Political Instability : Public Debt, Portugal, 1641-1683 », Journal of Economic History (sous presse).
53
Andrew R. Little, « The Dutch entrepreneurial networks and Sweden in the Age of Greatness », in Hanno Brand (dir.), Trade. Diplomacy and Cultural Exchange, Hilversum, Verloren, 2005, p. 58-74 ; Sune Dalgård, « Hamburg-Iberian Trade, 1590-1625 », Scandinavian Economic History Review, vol. 9, no. 2, 1961, p. 195-204 ; Torsten dos Santos Arnold, « Hermann Kellenbenz and the German-Portuguese Economic Relationships during the Sixteenth Century », in Thomas Horst, Marília dos Santos Lopes et Henrique Leitão (dir.), Renaissance Craftsmen and Humanistic Scholars : European Circulation of Knowledge between Portugal and Germany, Frankfurt am Main, Peter Lang, 2017, p. 91-102.
54
Ils n’étaient pas les seuls en pratique. Le cardinal Richelieu dépendait d’Alfonso López, un converso ou morisco espagnol, pour avoir des informations sur les affaires intérieures de l’Espagne et du Portugal. Voir I. S. Révah, Le Cardinal de Richelieu et la Restauration du Portugal, Lisbonne, Institut français du Portugal, 1950.
55
Jonathan I. Israel, « Manuel López Pereira of Amsterdam, Antwerp, and Madrid : Jew, New Christian and Advisor to the Conde-Duque de Olivares », in Empires and Entrepots. The Dutch, the Spanish Monarchy, and the Jews, 1585-1713, Londres, Hambledon Press, 1990, p. 247-264.
56
Francisco Moreno-Carvalho, « A Portuguese Jewish Agent of the Philips and a Sebastianist. The Strange Case of Rosales/Manuel Bocarro », in Luís Filipe Silvério Lima et Ana Paula Megiani (dir.), Visions. Prophecies, and Divinations, Leyde, Brill, 2016, p. 164-178. Voir aussi, Luís Felipe Silvério Lima, « Prophetical hopes, New World experiences and imperial expectations : Menasseh en Israel, Antônio Vieira, Fifth Monarchy Men, and the millenarian connections in the seventeenth century Atlantic », Anais de história de além mar, vol. 17, 2016, p. 359-410.
57
Susanna Åkerman, Queen Christina of Sweden and her Circle, Leyde, Brill, 1991, p. 188-189. Christina serait arrivée à Hambourg dans une calèche, accompagnée par Illán et Teixeira, et aurait déclaré dans un espagnol parfait pour que tout le monde l’entende : « Qui pourrait dire à la mère qui m’a portée qu’ils m’ont vue telle que je suis et en compagnie de deux Juifs », Barrionuevo, Avisos, I, 14 octobre 1654.
58
Jonathan I. Israel, « Duarte Nunes da Costa (Jacob Curiel) of Hamburg, Sephardi Nobleman and Communal Leader, 1585-1664 », in Empires and Entrepots. The Dutch, the Spanish Monarchy, and the Jews, 1585-1713, Londres, Hambledon Press, 1990, p. 333-354. Sur le fils de Duarte, voir Daniel M. Swetschinski, « The Portuguese Jewish Merchants of Seventeenth-Century Amsterdam. A Social Profile », thèse de doctorat, Brandeis University, 1979, vol. I, p. 211-243.
59
Les enjeux complexes du recours de l’Espagne et du Portugal aux services d’agents séfarades exilés sont parfaitement incarnés par Lopo Ramírez, d’Amsterdam, qui a servi les deux couronnes, parfois simultanément, tel un agent double. Voir Jonathan Israel, « Lopo Ramirez (David Curiel) and the Attempt to Establish a Sephardi Community in Antwerp in 1653-54 », Studia Rosenthaliana, vol. 28, no. 1, 1994, p. 99-119.
60
Johnathan I. Israel, European Jewry in the Age of Mercantilism, 1550-1750, Oxford, Oxford University Press, 1985, p. 256-257 ; Luís Felipe Silvério Lima, « Prophetical hopes, New World experiences and imperial expectations : Menasseh en Israel, Antônio Vieira, Fifth Monarchy Men, and the millenarian connections in the seventeenth century Atlantic », Anais de história de além mar, vol. 17, 2016, p. 365-372.
61
Le rabin Manassé ben Israël qui se qualifiait lui-même de « Portuguais ayant l’esprit batave », ainsi que plusieurs de ses soutiens, ont été réprimandés par le conseil de la synagogue d’Amsterdam pour leur prise de position en faveur de la cause Bragance, parti pris qui divisait la population séfarade de la ville, laquelle entretenait des relations avec l’Espagne et le Portugal. Voir Daniel M. Swetschinski, « The Portuguese Jewish Merchants of Seventeenth-Century Amsterdam : A Social Profile », thèse de doctorat, Brandeis University, 1979, vol. I, p. 203-211. Voir aussi David S. Katz, « Menasseh ben Israel’s Mission to Queen Christina of Sweden, 1631-1655 », Jewish Social Studies, vol. 45, no. 1, 1983, p. 57-72.
62
Susanna Åkerman, Queen Christina of Sweden and her Circle, Leyde, Brill, 1991, p. 178-213. Voir l’analyse des liens de Christine avec Manassé ben Israël dans Henry Méchoulan et Gérard Nahon (dir.), Menasseh Ben Israel : Hope of Israel. The English Translation of Moses Wall, 1652, Oxford, Oxford University Press, 1987, p. 41-42. L’appel au rabbin de Christine pour qu’il lui fournisse des livres prit fin à cause de l’abdication de la reine et du bon accueil dont le rabbin bénéficia en Angleterre où son projet de réadmission des Juifs fut largement approuvé. David S. Katz, « Menasseh ben Israel’s Mission to Queen Christina of Sweden, 1631-1655 », Jewish Social Studies, vol. 45, no. 1, 1983, p. 69-70.
63
Le fait que les rêves millénaristes puissent être manipulés pour ou contre un État par des minorités ou des factions politiques est analysé par Sanjay Subrahmanyam, « Du Tage au Gange au XVIe siècle : une conjoncture millénariste à l’échelle eurasiatique », Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 56, no. 1, 2001 ; voir aussi le débat qui a suivi avec Francisco Bethencourt, « Le millénarisme : idéologie de l’impérialisme eurasiatique », Annales, vol. 57, no. 1, 2002, p. 189-94 ; et la réponse de Subrahmanyam : « Ceci n’est pas un débat », Annales, vol. 57, no. 1, 2002, p. 195-201.
64
Susanna Åkerman, Queen Christina of Sweden and her Circle, Leyde, Brill, 1991, p. 196.
65
Carl Wennerland, « Atlantis Restored : Natural Knowledge and Political Economy in Early Modern Sweden », American Historical Review, vol. 127, no. 4, 1687. Sur les pamphlets millénaristes de la Guerre de Trente Ans, voir Carlos Gilly, « The “Midnight Lion”, the “Eagle” and the “Antichrist” : political, religious and chiliastic propaganda in the pamphlets, illustrated broadsheets and ballads of the Thirty Years War », Nederlands archief voor kerkgeschiedenis, vol. 80, no. 1, 2000, p. 46-77.
66
Pedro Cardim, « O embaixador seiscentista Segundo António de Silva e Sousa, autor de Instruicçam política de legados (Hamburgo, 1656) », in Zília Osório de Castro (dir.), Diplomatas e diplomacia. Retratos, cerimónias e práticas, Lisbonne, Livbros Horizonte, 2004, p. 178-9.
67
Les contacts de la reine Christine avec la France ont été dévoilés à l’Espagne par un des courtisans de la souveraine. Laquelle a finalement conclu un accord avec Mazarin. Voir le compte rendu détaillé de ces négociations dans Curt Weibull, Christina of Sweden, Stockholm, Svenska Bokförlaget, 1966, p. 174-80.
68
Barrionuevo, Avisos, II, 416. Le récit classique, et négatif, de la séparation de Christine de l’Espagne est Marqués de Villa-Urrutia, « La reina cristinia de Suecia y los españoles », Boletín de la Real Academia de la Historia, vol. 100, 1932, p. 411-422.
69
Notons que Skytte était devenu moine franciscain et que les Franciscains portugais étaient d’ardents tenants d’un millénarisme providentiel qui soulignait le rôle des rois de Bragance, « élus de droit divin » présidant au Portugal qui devait faire advenir un nouveau millénaire. Voir Ângela Barrto Xavier, « Looking through the Visão por Xpo a el rey Dom Affonso Henriques (1659) Franciscans in India and the legitimation of the Bragança monarchy », Culture and History Digital Journal, vol. 5, no. 2, 2016.
70
Susanna Åkerman, « Queen Christina of Sweden and Messianic Thought », in David S. Katz et Jonathan I. Israel (dir.), Sceptics, Millenarians and Jews, Leyde, Brill, 1990, p. 142-160 ; J. Lúcio de Azevedo, História de António Vieira, vol. II, Lisbonne, Clássica editora, 1992, p. 128-140 ; Luís Filipe Silvério Lima, « Dreams and Prophecies. The Fifth Empire of Father Antonio Vieira and Messianic Visions of the Bragança Dynasty in Seventeenth-Century Portugal and Brazil », in Anne Marie Plane et Leslie Tuttle (dir.), Dreams, Dreamers, and Visions, Philadelphie, U-Penn Press, 2013, p. 104-121. Voir aussi Pedro Cardim et Gaztano Sabatini (dir.), António Vieira, Roma e o universalismo das monarquias portuguesa e espanhola, Lisbonne, Centro de História de Além Mar, 2011.
71
En 1674, Vieira avait 65 ans et souffrait de plusieurs maladies ; il n’était guère attiré par l’idée de vivre à Rome qu’il comparait aux galères. Voir les détails fournis par João Lúcio de Azevedo, História de António Vieira, vol. II, Lisbonne, Livraria Clássica, 1931, p. 156-159.
72
En fait, le commerce portugais s’est beaucoup développé après 1670 et il a augmenté régulièrement de 1720 à 1800. Voir Ana Sofia Ribeiro et al., « Portugal and the Baltic Trade. A Overview, 1634-1800 », in Amélia Polónia et Cátia Antunes (dir.), Seaports in the First Global Age. Portuguese Agents, Networks and Interactions (1500-1800), Porto, CITCEM et U. Porto Press, 2016, p. 109-120.
73
Klas Rönnbäck, « The price of sugar in Sweden. Data, source & methods », Göteborg Papers in Economic History, vol. 10, 2007. En Suède, le sucre était toujours un luxe, et la consommation de sucre y fut bien moins importante qu’en Angleterre ou en Hollande jusqu’au milieu du XIXe siècle. Voir Klas Rönnbäck, « Transforming consumption in the European periphery-colonial commodities in Scandinavia during the early modern era », article présenté lors de la 12e conférence de l’association European Business History Association, Bergen, 2008.
74
Eric Schnakenbourg, « Sweden and the Atlantic. The Dynamism of Sweden’s Colonial Projects in the Eighteenth Century », in Magdalena Naum et Jonas M. Norden (dir.), Scandanavian Colonialism and the Rise of Modernity, New York, Springer, 2013, p. 233.
75
Leos Müller, Consuls, Corsairs, and Commerce. The Swedish Consular Service and Long-Distance Shipping, 1720-1815, Uppsala, Uppsala University Press, 2004, p. 94-105 ; Maria Cristina Moreira et al., « Early Modern Trade Flows Between Smaller States. The Portuguese-Swedish trade in the eighteenth Century as an example », Revue de l’OFCE, vol. 140, no. 4, 2015, p. 87-109.
76
Bartolomé Yun Casalilla, Os impérios ibéricos e a globalização da Europa, Lisbonne, Circulo dos Leitores, 2021 ; Serge Gruzinski, Les Quatre Parties du monde. Histoire d’une mondialisation, Paris, Éditions La Martinière, 2004.