Antagonismes et conflits autour de Cesare Lombroso et de sa collection muséale
Cet article se propose d’analyser les usages politiques auxquels le musée d’anthropologie criminelle de Cesare Lombroso a été soumis sur une longue période, à savoir les presque cent cinquante ans qui se sont écoulés entre ses origines et les polémiques les plus récentes, consécutives à sa réouverture, à l’intérieur du Palais des instituts anatomiques de via Pietro Giuria (Turin), en novembre 20091.
Une collection controversée
Étroitement liée à la fortune versatile de son fondateur2, l’institution turinoise a une histoire complexe, marquée par de nombreux conflits qui prennent leur source pour une part dans la nature des objets exposés – crânes et squelettes, masques mortuaires, moulages « spirites », artefacts de détenus et de fous, tatouages (et pas seulement leur reproduction), instruments médicaux et scientifiques, dispositifs de punition – et, d’autre part, dans la vaste mission attribuée par Lombroso à sa collection, conçue comme un laboratoire de ses théories sur la déviance, un champ de dialogue scientifique et un instrument pour atteindre un public plus large que celui des spécialistes. Voici quelques-uns des points de frictions majeurs qui ont agité cet « espace contesté »3 dès sa naissance : l’activité, pas toujours légale, de collecte de restes humains et des matériaux qui représentèrent le noyau historique du musée ; l’implication du musée dans les rivalités entre les différentes écoles de l’anthropologie criminelle naissante ; sa marginalisation progressive durant l’entre-deux-guerres, en raison du positivisme de Lombroso et de ses origines juives, ainsi que du refus de son successeur et beau-fils, Mario Carrara, de prêter le serment de fidélité au fascisme (1932) ; l’oubli et l’incurie du long après-guerre. Enfin, le musée a fait face, à partir de la fin des années 1970, aux accusations venues des mouvements qui militaient pour la fermeture des hôpitaux psychiatriques, pour la reconsidération des origines et de la nature de la maladie mentale, pour la réforme des prisons et la refonte des pratiques punitives. Cette impopularité ne fut qu’en partie compensée par le regain d’intérêt de chercheurs tournés vers l’analyse de l’épistémè libérale et de la fonction exercée, en son sein, par la science.
Cette vague de contestations n’a pas même été désamorcée par le renouveau profond qu’ont connu les salles du musée entre 2002 et 2009, date à laquelle elles ont été inaugurées par le directeur, le professeur Silvano Montaldo, sous une toute nouvelle forme. Revenu sur la scène de la recherche et de la vulgarisation, le musée n’a pas tardé à occuper aussi le débat public : converti en symbole négatif, il a été au cours des dix dernières années l’objet d’attaques virulentes, où se sont mêlées les approches favorables à la « restitution » des restes humains aux cultures auxquelles ils avaient été soustraits et les discours hostiles à l’unification italienne des mouvements néo-bourboniens4. Ces derniers font valoir une conquête et un « génocide des Méridionaux », qui auraient eu lieu sous la direction de la Maison de Savoie au tournant de la proclamation du Royaume d’Italie (17 mars 1861).
Le climat politique qui a marqué la fin de la XVIIe législature et la naissance du premier gouvernement Conte (1er juin 2018-20 août 2019), soutenu par une coalition entre la Ligue du Nord de Matteo Salvini et le mouvement Cinq étoiles de Beppe Grillo et Luigi Di Maio, a eu l’effet d’une caisse de résonance pour les contestations organisées par les néo-monarchistes, auxquelles s’amalgament maintenant la remise en question de l’unité nationale et la dénonciation des gaspillages de l’administration publique. L’histoire de l’unification italienne s’est de plus en plus transformée en arène de combat politique. Elle est instrumentalisée par les administrations locales ainsi qu’à l’échelle régionale et nationale. Tel est le cas du débat autour du projet de loi – voté durant l’été 2017 par l’administration des Pouilles et de la Basilicate – visant à promouvoir une journée de la mémoire des victimes méridionales de l’unification italienne (les victimes du Risorgimento)5 – et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Le musée Lombroso a été touché par cette recrudescence révisionniste, qui a donné un nouvel élan aux campagnes de dénigrement lancées depuis 2009, sans aucune distinction entre Lombroso (accusé d’avoir été l’un des théoriciens de l’assujettissement du Sud par le Nord), sa collection historique (qui aurait été assemblée afin de prouver l’infériorité/l’atavisme des méridionaux) et son statut actuel (soupçonné de pérenniser le racisme du fondateur). Manifestations, pétitions réclamant sa fermeture (tirant parti de la capillarité et de la rapidité des réseaux sociaux), propagande du comité « No Lombroso » se succèdent. Et même une procédure judiciaire, qui n’a pris fin qu’en août 2019, au sujet du crâne de Giuseppe Villella, conservé à Turin, que le confondateur du comité et maire de Motta Santa Lucia (Catanzaro, Calabre), pays d'origine du brigand, voulait ramener chez lui pour lui donner « digne sépulture ». L’objet en question n’est pas n’importe quel crâne : c’est sur la conformation de sa fossette occipitale que Lombroso a fondé sa théorie de l’atavisme. D’un côté la mairie calabraise qui exigeait la restitution des restes humains et reprochait au musée de porter préjudice au Sud, de l’autre l’Université défendant le droit d’exposer des biens culturels : c’est ainsi qu’on pourrait résumer les enjeux de l’affaire Villella, qui a attirée l’attention de la presse et a commencée à être connue au-delà des frontières italiennes6.
Afin de mettre en perspective ces épisodes récents, j’ai décidé de m’arrêter sur deux expériences qui, dans le domaine muséographique, questionnent les usages politiques de Lombroso et de sa collection : l’organisation, par le médecin de Vérone, de l’Exposition d’anthropologie criminelle italienne dans le cadre de la section I, Anthropologie-Ethnographie « Exposition rétrospective du travail et des sciences anthropologiques » du Palais des Arts Libéraux au Champ de Mars (Exposition universelle internationale de Paris, 1889) ; la présentation de Lombroso et de sa théorie de l’atavisme dans le musée du brigandage d’Itri ([Latina], Latium), construit entre 1999 et 2004 grâce aux fonds européens. La première expérience se situe certes au sein de la période de naissance de l’institution, tandis que l’autre est nettement plus récente : en dépit de l’état encore inachevé de ma recherche, que j’espère élargir bientôt à la période fasciste (en particulier, aux rapports que le musée turinois entretint avec l’École supérieure de police de Rome et les autres musées universitaires d’anthropologie italiens7), il me semble toutefois qu’une approche sur la longue durée présente au moins trois avantages.
En premier lieu, la vie plus que centenaire du musée et les modifications intervenues dans l’organisation de ses espaces permettent d’interroger la relation entre aménagement et usages politiques des collections muséographiques. Il suffit de comparer les différentes techniques employées pour exposer les restes humains dans la seconde moitié du XIXe siècle et aujourd’hui : si on est invariablement confronté à une mise en scène, qui exploite les effets de lumière et la configuration architecturale des différentes salles, les photographies du début du XXe siècle renvoient à la valeur d’usage des tas de squelettes et des centaines de crânes placés sur des étagères [ill. 1, 2, 3], alors que la mise en contexte (vitrines, légendes, vidéos) et la séparation entre le visiteur et les objets du musée contemporain soulignent plutôt la valeur de témoignage historique de ces derniers [ill. 4, 5, 6, 7, 8].
Palais des instituts anatomiques de l’Université de Turin
Collection craniologique du musée lombrosien (1910 environ)
Palais des instituts anatomiques de l’Université de Turin
à gauche : collection craniologique du musée lombrosien (fin XIXe-début XXe siècle)
à droite : collection craniologique du musée lombrosien
Musée d’anthropologie criminelle Cesare Lombroso de l’Université de Turin
Squelette de Lombroso
Musée d’anthropologie criminelle Cesare Lombroso de l’Université de Turin, salle de l’atavisme
Musée d’anthropologie criminelle Cesare Lombroso de l’Université de Turin
à gauche : Salle esprits criminels
à droite : Salle de la mesure
On peut aussi mentionner les portraits et les clichés initialement fixés aux parois [ill. 9, 9a, 10] et actuellement conservés dans les archives lombrosiennes8 : ces images évoquent le lien étroit entre la collection et les fonds documentaires, qu’il faut avoir à l’esprit afin de retracer la provenance des photographies et leur fonction dans le travail scientifique de Lombroso.
Palais des instituts anatomiques de l’Université de Turin
Musée lombrosien (fin XIXe-début XXe siècle)
Archives du Musée d’anthropologie criminelle Cesare Lombroso de l’Université de Turin
Malades psychiatriques, no 3, 774, Typologie de fous
L’aménagement actuel des pièces exposées rappelle au visiteur qu’elles sont passées par le laboratoire, au sein duquel elles été mesurées, classées, analysées, et par les ébauches d’exposition qui précédèrent leur institutionnalisation muséale, dans cette proximité entre recherche et vulgarisation qui caractérisa les origines des musées universitaires.
Une analyse sur la longue durée nous autorise ensuite à prendre en compte le réseau international qui entoura l’anthropologue criminaliste et fit de son musée un lieu de rencontre et d’échange, ainsi qu’une institution profondément ancrée dans l’histoire nationale. En témoignent, avant toute autre considération, la liste de ses correspondants9, de ceux de l’Archivio di psichiatria, scienze penali ed antropologia criminale per servire allo studio dell’uomo alienato e delinquente et le nombre de traductions des ouvrages lombrosiens. L’importance des liens de Lombroso avec la culture scientifique européenne, qu’il contribua à créer et par laquelle il fut profondément influencé, est une dimension majeure de l’intérêt historique qu’il revêt.
Enfin, les controverses suscitées par le médecin de Vérone me semblent signaler le fait qu’en Italie le passé post-unité (une unité tardive, faut-il le rappeler, qui ne s’accomplit qu’en 1861) fait encore problème, surtout en période de crise et d’instabilité politique. Ce qui est régulièrement remis en débat, ce n’est pas seulement le processus d’unification nationale, mais encore les vingt ans de fascisme. Les attitudes oscillent entre oubli et lectures métahistoriques visant à en prolonger indéfiniment la durée, avec pour conséquence de présenter les discours racialisants du XIXe siècle comme les précurseurs immédiats des théories et des pratiques raciales de l’État totalitaire.
Batailles muséales
L’Exposition d’anthropologie criminelle italienne, Paris 1889
Comme la plus grande partie des musées universitaires, celui d’anthropologie criminelle de Turin a été le résultat d’un processus d’institutionnalisation d’une collection privée, celle de Cesare Lombroso, débutée lorsqu’il était étudiant à la Faculté de médecine de Pavie (1852-1858) et enrichie durant la période qu’il passa à l’armée comme médecin militaire, à l’occasion de la guerre de 1859 et de la campagne de répression du brigandage. Après son retour à la vie civile, le nombre de matériaux rassemblés – crânes et cerveaux, moulages et masques mortuaires – continua d’augmenter. Au fur et à mesure que le médecin psychiatre étendait son intérêt scientifique à l’anthropologie et à la criminologie, sa collection devint de plus en plus variée : dessins et sculptures réalisés dans les hôpitaux psychiatriques, pièces à conviction, photographies d’identification judiciaire rejoignirent les restes humains comme témoignages (ou symptômes) de l’atavisme. Le périmètre et la diversité de la collection reflètent les différents aspects ainsi que l’évolution de la production scientifique de Lombroso.
Le déménagement de ce dernier à Turin, en 1876, fut une étape fondamentale pour le destin des objets recueillis. Au bout de deux ans, l’anthropologue obtint deux pièces dans l’ancien laboratoire de médecine légale de la rue Po, une subvention annuelle du Consortium universitaire turinois et un appui financier du ministère de l’Instruction, qui rendirent possible l’augmentation de la collection par des achats visant à en combler les lacunes et à obtenir des matériaux particulièrement rares ou significatifs. La première présentation publique eut lieu en 1884, au sein de l’Exposition générale italienne de Turin ; l’inauguration officielle se tint en 1898, en même temps que le premier congrès italien de médecine légale. Entre-temps, la collection avait changé de siège – occupant désormais le rez-de-chaussée du nouvel Institut de médecine légale de la rue Michelangelo [ill. 11] – comme de statut : après avoir participé à une série de manifestations éphémères en Italie et à l’étranger, elle avait été promue, en 1892, « Musée de psychiatrie et d’anthropologie criminelle de la Faculté de médecine », avec pour mission de :
« recueillir l’ensemble des documents qui concernent les causes, les manifestations et la thérapie de la folie et de la criminalité. Le médecin, mais aussi le juriste ou le philosophe, pourront y examiner les palimpsestes des prisons et de asiles ; les données sur l’étiologie du crime et des troubles psychiques ; la géographie du crime, les préparations de maïs avarié, etc. ; les squelettes, les crânes, les cerveaux des fous et des criminels, qui démontrent clairement jusqu’à quel point les altérations de la psyché sont liées aux anomalies physiques ; les plans des prisons et des asiles, les instruments de contention qui y sont utilisés, et ainsi de suite tout ce qui regarde le monde de l’anormalité, qui englobe une grande partie de l’humanité, du fou au criminel et de l’idiot au génie ».10
Palais des instituts anatomiques de l’Université de Turin (fin XIXe-début XXe siècle)
Conforté par une série de circulaires ministérielles qui autorisaient les établissements pénitentiaires et les greffes des tribunaux à envoyer à Turin objets et documents réputés utiles, le musée occupait « six longues salles bien éclairées, disposées le long d’un vaste corridor » : salles des Cerveaux de criminels et de Médecine légale, chambre des squelettes, salle des Pénitenciers, salle des Collections craniologiques et salle de la Céramique criminelle. Tel était son noyau historique, dont on retrouve une reconstitution dans le salon central du réaménagement achevé en 2009 ; un noyau qui fut systématisé et muséifié par les soins de Mario Carrara, sur le modèle des autres institutions universitaires (nationales et internationales) et en tirant profit des techniques de mise en scène qui envahirent l’univers politique et social dès le milieu du XIXe siècle11.
La première bataille que la collection Lombroso dut livrer fut donc celle pour l’obtention d’un espace approprié et d’un statut public. L’imaginaire empirique du laboratoire et celui éphémère, sinon aléatoire, des expositions : voici les expériences concourant à la naissance du musée turinois, qui fut longtemps à l’intersection des deux et ne perdit que peu à peu l’aspect d’un lieu d’étude et de recherche, en gagnant parallèlement la possibilité d’être fréquenté par un public de non spécialistes12. Il s’agissait là d’une tendance européenne : dans son histoire du musée, Silvano Montaldo mentionne, parmi les précédents immédiats, l’exposition de 1883 à l’hôpital psychiatrique de Voghera, la présentation d’une série de photographies d’identification par Alphonse Bertillon à l’Exposition internationale d’Amsterdam (1883) et l’armoire du crime réalisée par le chef de la Sûreté parisienne, Gustave Macé13. Dans le sillage de ces expositions, l’inclusion d’une partie des objets de la collection à la manifestation turinoise de 1884, qui fut conçue suivant les modèles des expositions universelles14 et qui attira des millions de visiteurs, fut perçue comme un succès et encouragea la participation à des événements semblables. Le premier fut l’Exposition internationale d’anthropologie criminelle à Rome, organisée en même temps que le troisième Congrès pénitentiaire mondial et le premier Congrès d’anthropologie criminelle (1885)15.
Quelques années plus tard, ce fut le tour de Paris, où Lombroso se rendit avec une partie de sa collection pour participer au deuxième Congrès d’anthropologie criminelle et à la section d’anthropologie criminelle de l’Exposition universelle de 1889. Le rendez-vous dans la Ville Lumière fut toutefois beaucoup plus controversé que celui qui avait eu lieu à Rome, puisqu’il marqua le début d’une prise de distance entre l’école italienne et leurs collègues étrangers qui ne fit que s’agrandir au fil du temps. Malgré les hommages auxquels elle eut droit au cours de la séance d’inauguration, la thèse lombrosienne de l’atavisme fut intensément contestée et le crime défini « comme un phénomène biologique et social à la fois »16. La controverse entre anthropologie criminelle et anthropologie, pour reprendre les termes employés par le médecin italien et son adversaire direct, Léonce-Pierre Manouvrier, ne concerna pas uniquement les travaux du congrès, mais aussi la manière de voir la manifestation au Palais des Arts Libéraux aux Champ de Mars, où était située l’Exposition rétrospective du travail et des sciences anthropologiques, dont la section I était représentée par l’Anthropologie et l’Ethnographie17.
Émile Monod, L’Exposition Universelle de 1889. Grand ouvrage illustré, encyclopédique, descriptif, Paris, Dentu, 1890
L’organisation de cette section et son équilibre interne firent l’objet de polémiques nombreuses dissimulant, sous des problèmes d’espace, des questions de méthode et d’interprétation. Comme l’Exposition rétrospective du travail et des sciences anthropologiques danoise et l’exposition belge (les deux autres participation étrangères), l’exposition d’anthropologie criminelle italienne venait après les salles des collections françaises, dans le pavillon de gauche du rez-de-chaussée du Palais des Arts. Aménagée en trois vitrines (I, J et K) et coordonnée par le Commissaire John Hakim, elle présentait un grand nombre d’objets, envoyés à Paris par les savants italiens impliqués dans cette « branche très importante de la science anthropologique » 18, dont une partie de la collection de moulages en cire de types de voleurs et d’homicides de Lorenzo Tenchini, professeur à l’Université de Parme19 [ill. 13], des crânes d’épileptiques de Paolo Fiordispini, directeur de l’hôpital psychiatrique de Rome (Santa Maria della Pietà), des crânes de criminels de Cesare Lombroso, des planches de l’atlas de L’Omicidio de Enrico Ferri (photogravures d’homicides), des photographies de fous meurtriers de Fiordispini, des vases ornés de dessins à la pointe exécutés par des criminels de M. Lombroso20 [ill. 14], des crânes d’aliénés de la collection Fiordispini, des graphiques sériatifs de criminels du point de vue des caractères anthropologiques, des instruments de mesure, des publications et des tableaux statistiques21.
Musée d’anthropologie criminelle Cesare Lombroso de l’Université de Turin
à gauche : Masques mortuaires de la collection Lorenzo Tenchini
à droite : Vases ornés de dessins à la pointe exécutés par des criminels
En dépit du peu de place à disposition, la section italienne exposait une série de témoignages très représentatifs de l’anthropologie criminelle : crânes, moulages, productions artistiques de fous et de prisonniers, tatouages, graphiques et tableaux, photographies et portraits, appareils médicaux, cartes, livres, soit tous les moyens de travail et de communication du réseau lombrosien, qui avait d’ailleurs préparé le voyage à Paris avec le plus grand soin. En 1888, l’Archivio di psichiatria avait en effet publié un appel – signé par Cesare Lombroso, Jacob Moleschott, Enrico Ferri, Francesco De Renzis, Antigono Raggi, Luigi Frigerio, Giuseppe Sergi, Ezio Sciamanna, Enrico Morselli, Guglielmo Romiti, Augusto Tamburini, Lorenzo Tenchini, Antonio Marro, Gaspare Virgilio et Edmondo Mayor – sollicitant les adhésions en vue de la manifestation. Une liste détaillée des catégories admissibles y figurait ainsi que des garanties concernant la grande sécurité pour le transport et le traitement des objets prêtés22. Le texte, marqué par une sensibilité moderne à l’égard des manifestations de et pour les masses, soulignait l’importance qu’il y avait à « surmonter l’inertie de l’attente de la diffusion de ses propres travaux par les voies scientifiques »23 et à s’engager dans l’œuvre de vulgarisation de la recherche scientifique nécessaire pour en communiquer les résultats au-delà du petit cercle des initiés. La revue publiait enfin des informations sur le congrès d’anthropologie criminelle (sujets en discussion, organisation des séances, frais de participation) et soulignait l’importance de renouer les contacts et les dialogues internationaux entrepris à Rome en 1885.
L’accueil réservé aux Italiens ne fut pas celui espéré. Lors du congrès, les membres français s’inscrirent en faux contre l’idée « de faire des criminels une variété humaine particulière », principale erreur de la doctrine lombrosienne – en réalité, « il s’agit d’un produit essentiellement sociologique, d’une catégorie sociale qu’il faut analyser dans l’horizon plus ample des relations entre le physique et le moral »24. Quant à l’exposition, les différents objets furent certes appréciés mais pas leur sens général ni leur valeur disciplinaire. Dans le compte rendu de la visite que firent les membres du congrès (après avoir été à l’hospice Sainte-Anne et au service d’identification anthropométrique dirigé par Alphonse Bertillon), Manouvrier ne manqua pas de souligner qu’il n’y avait pas eu « à l’Exposition universelle de 1889, une exposition spéciale d’anthropologie criminelle, mais seulement une exposition générale d’anthropologie dans laquelle l’anthropologie criminelle s’est trouvée représentée d’une façon suffisante pour indiquer au public les principaux genres d’études entreprises sur les criminels »25. La formulation est suffisamment ambiguë pour rendre hommage à l’effort des Italiens, tout en les remettant à leur place, c’est-à-dire à l’intérieur des frontières de l’anthropologie juridique, dont la criminologie n’aurait représenté qu’une branche.
Le ton utilisé par Émile Monod dans le volume L’Exposition Universelle de 1889. Grand ouvrage illustré fut encore plus rude : « Quant aux trois vitrines où l’on avait rangé ce que l’on appelait l’exposition anthropologique italienne », écrivait-il, « non n’en dirons qu’une chose, c’est que, consacrée exclusivement à l’anthropologie dite “criminelle”, sa place n’était point à la section I de l’Histoire du travail mais bien à quelque pas de là dans ce même palais des Arts Libéraux, à la section des établissements pénitentiaires »26. Une version en partie différente est relatée dans la « Préface » aux Actes du deuxième congrès d’anthropologie criminelle (1890). En parcourant l’histoire de la manifestation de 1889, Émile Magitot, secrétaire général du congrès et du comité d’organisation, évoquait un autre terrain de conflit entre les différents groupes de l’anthropologie française, mettant aux prises ceux qui auraient voulu une section d’anthropologie criminelle et avaient sollicité à cette fin un espace adéquat auprès des organisateurs de l’Exposition rétrospective du travail et des sciences anthropologiques, et ceux qui avaient empêché que lui fût assigné une place convenable, sauf « donner in extremis à quelques exposants italiens plusieurs emplacements pour leur exposition individuelle d’anthropologie criminelle »27.
À Paris, les conflits qui traversaient la discipline naissante se prolongèrent donc sur le plan muséal, en portant préjudice à la manifestation organisée par les Italiens et à ses objets strictement « criminalistes », malgré les efforts des responsables et l’importance des matériaux choisis, dont une partie allait finir par être conservée au musée turinois. On peut somme toute présumer que l’Exposition de 1889, en dépit des mots positifs avec lesquels elle fut présentée dans l’Archivio di psichiatria – « une petite collection […] suffisante néanmoins pour que le public et les participants au congrès […] aient eu un aperçu du matériel scientifique, laborieusement recueilli, qui est à la base des intuitions les plus hardies de l’anthropologie et de la sociologie criminelle »28 –, influença le processus de création du musée Lombroso29 non pas à cause de son succès, mais en raison des critiques adressée à son caractère partiel et désordonné . Le médecin de Vérone rentra de la capitale française convaincu qu’il fallait accélérer l’œuvre d’institutionnalisation et de consolidation de sa collection : l’affirmation d’une autonomie disciplinaire de l’anthropologie criminelle passait aussi par l’émergence d’un musée universitaire, capable d’en affirmer toute l’étendue et toute la richesse scientifique.
Le musée du brigandage, Itri (Latina)
Changement de siècle et transition vers le nouveau millénaire. D’un côté, à Rome, à l’intérieur du pavillon no 6 de l’ex-hôpital psychiatrique Santa Maria della Pietà, le Museo laboratorio della Mente (Musée d’histoire de l’asile psychiatrique et de réflexion sur le paradigme santé/maladie mentale) ouvre au public en 2000 ; de l’autre, à Itri ([Latina], Latium), une petite ville sur la via Appia, des travaux sont en cours pour bâtir le musée démo-anthropologique du brigandage, inauguré en 2003. Ce qui rapproche ces deux espaces muséaux n’est pas seulement le style soigné et réflexif de leurs aménagements respectifs, mais aussi l’intention d’une muséification de l’altérité capable d’en préserver la mémoire et, en même temps, d’en encourager la compréhension, dans le sillage de cet élargissement de la catégorie de patrimoine qui va de pair avec le présentisme de notre époque30.
Je ne peux pas m’arrêter ici sur le Museo della mente [ill. 15, 16, 17], qui, bien qu’il ne fasse jamais référence de manière explicite à Cesare Lombroso, aborde de nombreux sujets envisagés par ses recherches – la physiognomonie, la photographie psychiatrique et judiciaire, l’architecture de l’internement, l’électrochoc, l’art brut, pour ne s’en tenir qu’à quelques-unes des étapes du parcours d’exposition, axé sur la dénonciation de l’institution totale plus que sur une analyse de son histoire31. Je voudrais en revanche avancer quelques réflexions sur le projet d’Itri, qui touchait la question controversée du brigandage bien avant le déclenchement des polémiques néo-bourboniennes, et avec d’autres intentions.
Museo laboratorio della mente, Rome (1/2)
Museo laboratorio della mente, Rome (2/2)
Le musée a été conçu par Studioteca Architetti Associati en collaboration avec l’anthropologue Vincenzo Padiglione, professeur à la Sapienza Università de Rome et spécialiste des musées de nouvelle génération, c’est-à-dire des musées plutôt thématiques que généralistes et qui posent des questions profondes sur « les raisons de leur localisation dans un territoire spécifique, sur la cohérence et la qualité du patrimoine qu’ils veulent mettre en valeur, sur l’opportunité scientifique-critique et sur l’efficacité didactique de la focalisation thématique » proposée32. Subventionné par un financement européen pour la valorisation et l’agrandissement d’édifices publics à affecter à des fins culturelles, le musée est l’expression d’une approche ethnographique (réfléchie et attentive à la population du lieu, selon la définition de l’anthropologie muséale33) de l’histoire du brigandage, une histoire dont Itri – patrie du légendaire Fra’ Diavolo (Michele Pezza, 1771-1806) – est partie intégrante : la mémoire de l’un des « brigands italiens » les plus connus n’a jamais cessé d’imprégner la communauté locale, en brouillant ses rapports avec l’identité nationale et la narration hégémonique de l’unification italienne34.
Dans l’ouvrage Poetiche dal museo etnografico, qui réunit les réflexions qui ont accompagné ses pratiques muséales, Padiglione écrit :
« Les musées ethnographiques vivent, dans l’opinion publique nationale, une vie tout à fait périphérique, si on les compare à la visibilité culturelle à laquelle peuvent légitimement prétendre les autres musées. […] Cette insignifiance nationale est aussi une particularité, à savoir un choix du local, un fort appel à privilégier un rapport étroit avec le territoire. Un territoire dont proviennent en général les acteurs du musée (les collectionneurs, les politiciens, souvent les chercheurs eux-mêmes), un territoire vécu et mis en scène dans les salles ; un territoire qui assure les ressources principales sur le plan financier, du public et de l’action culturelle pour la vie du musée »35.
Dans les locaux d’Itri, l’application de cette nature périphérique est passée par la prise en compte du regard des habitants, avec toutes leurs contradictions et leurs sympathies néo-bourboniennes. Au lieu de mettre en scène un récit du brigandage, présenté comme la version la plus fidèle aux événements du passé, les responsables scientifiques ont parié sur la multiplication des points de vue et la portée conflictuelle du thème exposé. Comme l’affirme sa mission, le musée vise à « encourager une attitude réflexive, en vertu de son statut de centre de recherche et de documentation, et d’offrir un parcours d’exposition qui puisse aider le visiteur à entrer en contact avec les sources, les problèmes et l’interprétation du phénomène “brigandage” »36.
Si l’architecture de l’immeuble d’Itri essaie de prendre en compte les différentes fonctions de l’institution (musée, centre d’archives37 et espace polyfonctionnel), le dynamisme de l’aménagement vise à créer une toile de fond capable de relativiser le sens et les lectures des sources utilisées. Dans la salle d’exposition, un système de voies dessinées au sol délimite l’espace, sans pour autant l’enfermer par des parois infranchissables et immobiles, en quatre sous-salles, consacrées chacune à un aspect spécifique du brigandage : le public est ainsi encouragé à se déplacer librement parmi les installations, les objets et les panneaux exhibés, et à suivre tantôt son inclinaison, tantôt l’ordre suggéré par le parcours narratif.
Musée du brigandage, Itri, entrée
Musée du brigandage, Itri, installation Fratelli d’Italia
à gauche : Musée du brigandage, Itri, « Les raisons de l’histoire »
à droite : Musée du brigandage, Itri, « Les raisons du mythe »
Ce parcours narratif se compose de trois sections. La première, intitulée « Les raisons de l’histoire », fournit une analyse de la répression des brigands entre la fin du XVIIIe et le XIXe siècle : les arguments multiples qui l’ont rendue légitime, ses pratiques militaires et culturelles, le décompte et la spectacularisation des cadavres. La seconde étape, « Les raisons du mythe », s’interroge sur la fascination exercée par le brigand, qui a incarné tour à tour le rebelle, le héros tragique (et romantique) et le personnage folklorique. Il fait l’objet d’histoires, de biographies, d’opéras, de poèmes, de tableaux et de dessins, d’estampes, de photographies, de films, dans une métamorphose visuelle qui nous restitue « un sujet déviant mais séduisant, qui semble capable de mettre au jour les côtés sombres des personnes et d’entretenir des liens vitaux avec le monde archaïque de la nature et de la tradition prémoderne »38. Il s’agit, à mon avis, de la partie la plus intéressante du musée : les multiples facettes du mythe sont évoquées de façon compétente et créative, et nous racontent la persistance, dans les imaginaires du XXe et du XXIe siècles, du brigand romantique, rebelle, révolté, qui a tendance à se confondre avec, voire à occulter, le brigand légitimiste, royaliste et opposé à l’unification de la nation.
« Les raisons du lieu », la dernière étape du parcours, s’arrête enfin sur l’intérêt local pour les brigands, avec l’idée qu’ils représentent le patrimoine culturel, identitaire mais aussi économique de la région. Objets collectionnés, bandes dessinées, pièces théâtrales, entretiens vidéo avec les historiens locaux (souvent d’allégeance néo-bourbonienne) renvoient à l’univers controversé de la redécouverte et de la réinvention du brigandage, où s’enchevêtrent les allusions au banditisme social, les déclarations de désobéissance au pouvoir et la revendication d’une appartenance antagoniste et alternative à l’identité italienne. Cohérent avec sa poétique ethnographique, Padiglione a donné place à toutes les interprétations du brigandage, sans cacher leur nature problématique ni censurer les accents pro-monarchistes de la plupart des membres de la communauté locale. Si l’intention était d’établir un dialogue, il aurait été néanmoins utile d’interviewer aussi des spécialistes étrangers au point de vue d’Itri concernant ce phénomène dont on découvre de plus en plus les imbrications nationales et internationales, afin qu’ils puissent exercer un contrepoids à la thèse monarchiste, mais aussi répliquer à la séduction d’une approche muséale qui a parfois tendance à perdre les motifs de l’histoire.
À l’intérieur du musée, Cesare Lombroso figure dans la salle où est présentée une perspective historique. Prenant appui sur les anomalies du corps et du comportement des brigands, sa théorie sur l’atavisme aurait apporté une confirmation « scientifique » à l’idée de leur nature primitive, barbare, dégradée et animalisée : l’anthropologue criminaliste de Vérone, médecin militaire lors de la campagne de répression du brigandage, est considéré comme l’un des responsables de la définition des brigands comme « antimodernes » – une définition partagée par les multiples institutions qui les poursuivirent au nom « de l’Histoire, de la Liberté, du Progrès, de la Démocratie ou de la Civilisation morale, ou simplement de l’Ordre public »39. La pensée lombrosienne, représentée par quelques-uns de ses nombreux ouvrages et deux dessins (dont un du crâne de Villella), est entourée d’une série d’images mettant en relief l’aspect sauvage des brigands et du paysage où ils opérèrent, la dénommée terre de brigands : « par le haut de leurs cachettes, comme des fauves, ils examinent les mouvements des proies potentielles »40 et prennent en embuscade, dans le désert de la campagne romaine, voyageurs, femmes et prélats sans défense. Cette iconographie durable, centrée sur le brigand-primitif, ne sera éclipsée que par l’icône romantique du brigand-héros (chapeau pointu et manteau) ; elle inspirera – nous expliquent les panneaux et les installations – de véritables pratiques d’identification anthropologique, visant à établir des distinctions entre les formes d’illégalité et à perfectionner leur détection et leur punition.
Musée du brigandage, Itri, « Les raisons de l’histoire » (1/2)
Musée du brigandage, Itri, « Les raisons de l’histoire » (2/2)
Le guide du musée et l’espace d’exposition dénoncent les implications racistes de l’atavisme, derrière lequel se serait cachée « une certaine inquiétude autour du futur radieux qui était annoncé, autour du sort du Progrès »41. Une inquiétude qui aurait légitimé la violence de la répression des bandes et l’acharnement sur leurs cadavres, dont témoignent les photographies exposées, qui datent de la phase post-unitaire de la campagne contre le brigandage42.
Les salles d’Itri sont traversées par deux discours qui ne sont pas forcément cohérents entre eux. D’un côté la « narration historique » attire l’attention du visiteur sur le lien entre l’atavisme lombrosien, la physionomie et la conduite criminelle des brigands, ainsi que sur le rôle légitimant de cette théorie vis-à-vis de la lutte contre les bandes. Bien qu’il ne s’arrête pas suffisamment sur la mentalité et sur les pratiques de la science dans la seconde moitié du XIXe siècle, le musée raconte les implications politiques et le spectre qu’évoque la déviance : la peur d’un démenti de la linéarité du progrès. D’un autre côté, la troisième séquence du parcours porte l’accent sur le racisme de Lombroso et son attitude discriminatoire vis-à-vis du Sud, sans prendre en compte ni l’époque, ni le contexte de son activité scientifique. Au cours des dernières polémiques néo-bourboniennes, une partie de la communauté locale est allée jusqu’à participer aux campagnes contre le musée Lombroso : par un raccourci qui annule les distances temporelles et tend à niveler les siècles et leur manière de penser, Lombroso devient un contemporain (ou bien l’inverse) et sa théorie une attaque contre l’Italie méridionale d’aujourd’hui. Ce n’est pas un hasard si on assiste non à un dialogue entre musées, mais à une prise de distance et à un manque de confiance réciproque, comme si les deux institutions, l’une au Nord avec ses fonds et ses restes humains, l’autre au Centre-Sud avec ses collections locales dépourvues de reliques et de documentation originelle, perpétuaient la guerre pour l’unification italienne et les théories qui en soutinrent ou en contestèrent les raisons.
L’approche qui a orienté le réaménagement du musée Lombroso diffère d’ailleurs de celle qui a gouverné la conception d’Itri. Le travail de recherche effectué entre 2002 et 2009 au musée Lombroso a abouti à une révision complète de sa mission – « fournir au visiteur l’équipement conceptuel nécessaire à comprendre comment et pourquoi Lombroso élabora la théorie de l’atavisme criminel et les erreurs méthodologiques qui l’ont amené à fonder une science qui s’est avérée erronée »43 –, transcrite dans un parcours d’exposition renouvelé44 [ill. 24]. Il se caractérise par la volonté de mettre en valeur le patrimoine historique que représente la collection Lombroso comme par le soin porté à la dimension éducative du musée, à destination du public d’étudiants et de touristes culturels qui visitent les locaux de Via Pietro Giuria. La théorie de l’atavisme et les restes humains sur lesquels l’anthropologue criminaliste s’appuya pour prouver la valeur scientifique de sa théorie sont exposés comme témoignages d’une étape de l’évolution de la science européenne, avec toutes les précautions nécessaires pour en désamorcer le potentiel raciste. Les brigands, quant à eux, y sont présentés en tant qu’objets d’étude de l’école lombrosienne, qui collectionna leurs vêtements, leurs outils et les clichés pris à l’occasion de leur arrestation, de leur détention ou de leur décès : le crâne de Villella et le costume d’Antonio Gasparoni45 en sont les exemples les plus célèbres, auxquels s’ajoutent les nombreuses photographies conservées dans les archives de l’institution. Les salles du musée de Turin n’offrent pas d’examen systématique du phénomène historique du brigandage, ni d’articulation de la dimension narrative comme le fait le parcours d’exposition d’Itri : les brigands y sont l’un des sujets analysés par l’anthropologie criminelle dans son parcours de réflexion sur la déviance, à côté des assassins et des cambrioleurs, des prostituées, des épileptiques et des malades mentaux, pour ne s’en tenir qu’à quelques-unes des typologies lombrosiennes.
Désormais loin des laboratoires où ils étaient classés, mesurés et étudiés, les restes humains ont été transformés, eux aussi, en objets d’exposition : ils contribuent à nous rappeler les erreurs, les préjugés, les faux-pas qui marquent les sciences de l’homme, et remettent en question l’idée que celles-ci suivraient un chemin progressif et linéaire. Pour les responsables du musée, la restitution du crâne de Villella aurait créé un dangereux précédent dont les conséquences pour l’avenir des musées universitaires auraient pu être graves, car cela aurait remis en cause la légitimité de leur existence et leur droit à préserver leurs collections historiques. Cela explique, en partie du moins, la rigidité de la posture adoptée à l’égard du musée d’Itri : au lieu de distinguer entre le parcours d’exposition et la place donnée, en son sein, au point de vue royaliste, Itri a souvent été perçu comme un lieu parfaitement intégré dans le réseau néo-bourbonien et, par suite, comme un adversaire à considérer avec prudence voire avec suspicion.
Restitution ou patrimonialisation ?
La patrimonialisation de la déviance n’est pas une opération évidente. Il ne s’agit pas exclusivement d’accorder une option mémorielle à l’autre, mais d’en faire un bien culturel, avec tous les problèmes identitaires que cela implique. Posée sans équivoque par la pensée postcoloniale au sujet des restes (humains ou non) qui peuplent les musées occidentaux, les demandes de restitution commencent à être formulées dans des cadres nationaux. Les acteurs n’hésitent pas à imiter le langage et l’allure des conflits impérialistes, comme en témoigne la bataille autour de la propriété et du sort du crâne du brigand Villella ou encore la comparaison de la guerre contre le brigandage à une opération génocidaire.
Les polémiques autour de la visibilité des restes humains ne circulent pas seulement dans l’espace : elles ont aussi voyagé dans le temps, en marquant l’histoire des collections muséales et leur évolution progressive. Les savants de la seconde moitié du XIXe siècle, bien qu’intéressés surtout à la valeur d’usage, en tant qu’objets d’étude, des crânes et les squelettes, ont exprimé différents avis sur la signification disciplinaire de leur exposition et le potentiel médiatique des organes et du corps des hommes – en particulier de ceux qui s’écartaient de la « norme ». La manifestation organisée par les Italiens à Paris en 1889 en est un exemple. Les Français, Léonce Manouvrier en tête, considérèrent la présentation des restes humains comme une preuve du manque d’autonomie de l’anthropologie criminelle ; Lombroso et ses collègues revinrent toutefois de France avec la conviction qu’il fallait accélérer la collecte de crânes et de squelettes, pour acquérir un statut scientifique encore douteux, oscillant alors entre différentes branches du savoir anthropologique.
Au fur et à mesure que les musées universitaires se sont détachés des laboratoires et qu’ils se sont transformés en organismes de conservation, la dimension culturelle l’a emporté, et avec elle la fonction de témoignage des objets exhibés. Témoignage, il faut le souligner, de la mentalité scientifique du passé et de son écart avec le présent. Telle est la proposition du musée Lombroso : non la célébration de l’anthropologue criminaliste, mais le récit de son parcours scientifique et de ses théories au sein du contexte historique où ils furent produits. Un contexte marqué par la croyance dans le progrès, par l’intérêt pour l’identification des classes dangereuses et, par conséquent, pour les marques physiques et psychologiques de l’atavisme. Dans une perspective d’étude et de connaissance de cette période de l’histoire des sciences, la collection du médecin de Vérone est un objet majeur et, en même temps, une véritable entrée pour le grand public, souvent découragé par la difficulté et par le caractère tortueux de la pensée et du langage scientifiques de l’époque.
Au lieu d’être considérée comme une politique à sens unique, la patrimonialisation pourrait être interprétée comme une action dialogique, et essayer d’impliquer la mémoire soit des exposants soit des exposés – dans un seul lieu, ou par le biais d’une confrontation et d’une collaboration entre institutions de conservation distinctes. Si les rapports avec les néo-bourboniens n’appartiennent pas à l’horizon de la connaissance scientifique mais plutôt aux salles des tribunaux, il serait possible d’envisager un dialogue entre musées, permettant d’exercer une action de médiation culturelle qui viserait au respect de leurs muséographies respectives et de leurs différentes missions à l’échelle locale et nationale. D’une part, l’acceptation du « moment Lombroso » et de la nécessité d’en retracer l’histoire, d’autre part, la compréhension de la différence entre la communauté locale et le musée qui lui donne un visage, au sein d’un itinéraire narratif complexe mais qui ne peut pas faire abstraction des raisons du lieu. Par-delà l’alternative entre le rapatriement des restes humains ou leur transformation en biens culturels, sans doute faudrait-il travailler, en somme, sur la notion de restitution et la possibilité de dépasser ses seules significations matérielles ou réifiées pour en récupérer la portée symbolique.
Notes
1
Sur l’histoire du musée, voir : Cesare Lombroso, « Il mio museo criminale », l’Illustrazione italiana, no 13, 1er avril 1906, p. 302-306 ; [Mario Carrara] Le Musée de psychiatrie et d’anthropologie criminelle dans l’Université de Turin. VIe Congrès international d’anthropologie criminelle (Turin, 28 avril-3 mai 1906), Milan-Turin-Rome, Bocca, 1906, p. 3-45 ; Mario Carrara, « Institute of Legal Medicine and Criminal Anthropology : Royal University of Turin », in Methods and Problems of Medical Education, New York, The Rockefeller Foundation, 1928, p. 1-11 ; Umberto Levra (dir.), La scienza e la colpa. Crimini criminali criminologi : un volto dell’Ottocento, Milan, Electa, 1985 ; Giorgio Colombo, La scienza infelice. Il Museo di antropologia criminale di Cesare Lombroso [1975], Turin, Bollati Boringhieri, 2000 ; Silvano Montaldo, Paolo Tappero, « La storia del museo », in S. Montaldo, P. Tappero (dir.), Il Museo di antropologia criminale « Cesare Lombroso », Turin, Utet, 2009, p. 3-18 ; Silvano Montaldo, « “Saper parlare agli occhi di molti con oggetti visibili” », in S. Montaldo, avec la collaboration de C. Cilli (dir.), Il Museo di Antropologia criminale Cesare Lombroso dell’Università di Torino, Turin, Silvana Editoriale, 2015, p. 10-22. Voir aussi : Maddalena Carli, « Fabriquer les images de la déviance. Le musée d’anthropologie criminelle de Cesare Lombroso », Mil Neuf Cent. Revue d’histoire intellectuelle, no 36, 2018, p. 94. La rédaction de cet article a été rendue possible par le Programme DEA de la Fondation de la Maison des sciences de l'homme de Paris.
2
Voir, dans ce numéro, l’article de Silvano Montaldo : « En finir avec Cesare Lombroso ? » [en ligne] ; et, du même auteur : « Lombroso : The Myth, The History », Crime, Histoire & Sociétés, vol. 22, no 2, 2018, p. 31-61.
3
Per Jørgen Ystehede, « Contested Spaces. On Crime Museums, Monuments, and Memorials », in P. Knepper, A. Johansen (dir.), The Oxford Handbook of The History of Crime and Criminal Justice, New York, Oxford University Press, 2016, p. 338-352.
4
Mouvements nés au début des années 1990 qui promeuvent la restauration des Bourbons (et du Royaume des Deux Siciles), réclamant le rejet du Risorgimento et de l’unité italienne.
5
Pour une analyse détaillée, voir : Una giornata per le vittime del Risorgimento ?, dossier en ligne de la Società italiana per lo studio della storia contemporanea (Sissco) crée en 2007 par Antonio Bonatesta, Christopher Calefati, Antonella Fiorio, Gianluca Fruci, Paolo Magnarelli, Federico Mazzini, Federico Palmieri, Carmine Pinto [en ligne] ; Maria Teresa Milicia, « Retour vers le futur Royaume des Deux-Siciles », Passés Futurs, no 4, 2018 [en ligne], et les références bibliographiques dans les notes de l’article. Voir aussi : Silvano Montaldo (dir.), « La risacca neoborbonica. Origini, flussi e riflussi », Passato e presente, no 105, 2018, p. 19-48.
6
Voir : Maria Teresa Milicia, Lombroso e il brigante. Storia di un cranio conteso, Rome, Salerno, 2014 ; Id., « How Lombroso Museum Became a Permanent Conflict Zone », in V. Golding, J. Walklate (dir.), Museums and Communities. Diversity and Dialogue in an Age of Migration, Newcastle, Cambridge Scholar Press, 2018, p. 42-60. Sur la décision de la Cour de Cassation (arrêt no 21407) d’attribuer le crâne de Villella au musée Lombroso, voir : Patrizia Maciocchi, « Resta al Museo Lombroso in cranio del “brigante” Villella », Il sole 24 ore, 19 août 2019.
7
Sur le musée national d’anthropologie et d’ethnologie de Florence, voir, dans ce numéro, la contribution de Lucia Piccioni « Dupliquer et hiérarchiser l’humanité » [en ligne]. Sur Salvatore Ottolenghi voir : Nicola Labanca, Michele Di Giorgio (dir.), Salvatore Ottolenghi. Una cultura professionale per la polizia dell’Italia liberale e fascista. Antologia degli scritti (1883-1934), Milano, Unicopli, 2018.
8
Constituées de 6 832 pièces et réparties en trois séries (Archives historiques ; Don Carrara et Fonds Mario Carrara, 1895-1937), les archives photographiques de l’institution turinoise reflètent les intérêts et le travail scientifique de l’école lombrosienne et représentent une trace de la manière dont l’invention de la photographie a influencé l’iconographie de l’anormalité et de la norme, de la raison et de la folie, en instituant une relation nouvelle entre le soma et la psyché.
9
Sur le projet de mise en ligne de la correspondance de Cesare Lombroso, voir : [en ligne].
10
« Un museo di psichiatria a Torino », Archivio di psichiatria, scienze penali ed antropologia criminale per servire allo studio dell’uomo alienato e delinquente, XIII, 1892, p. 280.
11
Voir : Gian Luca Fruci, Alessio Petrizzo, Vinzia Fiorino (dir.), Il lungo Ottocento e le sue immagini. Politica, media, spettacolo, Pise, Edizioni ETS, 2013. En l’absence d’un inventaire du musée, la description la plus détaillée des objets exposés est : [Mario Carrara], Le Musée de psychiatrie et d’anthropologie criminelle dans l’Université de Turin. VIe Congrès international d’anthropologie criminelle (Turin, 28 avril-3 mai 1906), Milan-Turin-Rome, Bocca, 1906, p. 3-45.
12
Voir : Silvano Montaldo, « “Saper parlare agli occhi di molti con oggetti visibili” », in S. Montaldo, avec la collaboration de C. Cilli (dir.), Il Museo di Antropologia criminale Cesare Lombroso dell’Università di Torino, Turin, Silvana Editoriale, 2015, p. 12, 13.
13
Voir : Silvano Montaldo, « “Saper parlare agli occhi di molti con oggetti visibili” », in S. Montaldo, avec la collaboration de C. Cilli (dir.), Il Museo di Antropologia criminale Cesare Lombroso dell’Università di Torino, Turin, Silvana Editoriale, 2015, p. 11 ; Ilsen About, « Les artefacts de l’identité. Expositions et esthétique de l’identité judiciaire, 1880-1914 », in M. Porret, V. Fontana, L. Magué (dir.), Bois, Fers et papier de justice. Histoire matérielle du droit de punir, Chêne-Bourg, Georg, 2012, p. 315-333.
14
L’Exposition, logée dans le Parc du Valentino, était répartie en huit Services : Beaux-Arts, Productions scientifiques et littéraires, Pédagogie, Assurance et assistance publique, Industries extractives et chimiques, Industries mécaniques, Industries manufacturières, Économie rurale, horticole, forestière et zootechnique. Cesare Lombroso y organisa deux vitrines : l’une sur la pellagre, l’autre où étaient exposés crânes, masques, tatouages, photographies de criminels, pièces à convictions.
15
Voir : Cesare Lombroso, Ezio Sciamanna, Giuseppe Sergi, « Congresso ed esposizioni d’antropologia criminale », Rivista di discipline carcerarie, t. XV, 1885, p. 237-238 ; Giuseppe Barini, « Terzo Congresso penitenziario internazionale », Rivista di discipline carcerarie, t. XV, 1885, p. 605 ; Actes du premier congrès international d’anthropologie criminelle, biologie et sociologie (Rome, novembre 1885), Turin-Rome-Florence, Bocca, 1886-1887.
16
Sur le deuxième congrès, voir : Actes du deuxième congrès international d’anthropologie criminelle : biologie et sociologie, août 1889, Lyon-Paris, Storck & Masson, 1890. Sur les congrès d’anthropologie criminelle voir : Martine Kaluszynski, « The International Congresses of Criminal Anthropology : Shaping the French and International Criminological Movement 1886-1914 », in P. Becker, R. F. Wetzell (dir.), Criminals and Their Scientists. The History of Criminology in International Perspective, Cambridge, Cambridge University Press, 2006, p. 301-316 ; sur la réception de Lombroso en France voir : Marc Renneville, « La Francia », in S. Montaldo, P. Tappero (dir.), Cesare Lombroso cento anni dopo, Turin, Utet, 2009, p. 203-211.
17
Voir : Marcel Baudoin, Guide médical à l’Exposition universelle internationale de 1889 à Paris, E. Lecronsier et Babé Éditeurs, 1889, p. 480-481 ; Exposition universelle de Paris 1889. Catalogue général officiel. Exposition rétrospective du travail et des sciences anthropologiques. Section I. Anthropologie-Ethnologie, Lille, Imprimerie L. Danel, 1889 ; Émile Monod, L’Exposition universelle de 1889. Grand ouvrage illustré, encyclopédique, descriptif, Paris, Dentu, 1900, p. 293.
18
Marcel Baudoin, Guide médical à l’Exposition universelle internationale de 1889 à Paris, E. Lecronsier et Babé Éditeurs, 1889, p. 480.
19
Sur les masques que Tenchini donna à Lombroso, actuellement conservés dans le musée turinois, voir : Emilia Musumeci, « Tra criminologia, arte e medicina : le maschere della collezione “Lorenzo Tenchini” », in S. Montaldo, avec la collaboration de C. Cilli (dir.), Il Museo di Antropologia criminale Cesare Lombroso dell’Università di Torino, Turin, Silvana Editoriale, 2015, p. 183-191.
20
Voir : Luca Spanu, « Gli orci in terracotta. La parola ai detenuti », in S. Montaldo, avec la collaboration de C. Cilli (dir.), Il Museo di Antropologia criminale Cesare Lombroso dell’Università di Torino, Turin, Silvana Editoriale, 2015, p. 135-144.
21
La liste des exposants publiée dans les actes du congrès inclut : Luigi Anfosso, Alphonse Bertillon, Théophile Chudzinski, Enrico Ferri, Luigi Frigerio, Paolo Fiordispini, Francis Galton, Raffaele Garofalo, Cesare Lombroso, Léonce-Pierre Manouvrier, Antonio Marro, Edmondo Mayor, Salvatore Ottolenghi, Lorenzo Tenchini, Paul Topinard, Auguste Voisin (Actes du deuxième congrès international d’anthropologie criminelle biologie et sociologie, août 1889, Lyon-Paris, Storck & Masson, 1890, p. 446-448.
22
« Concorso alla esposizione di antropologia criminale, Parigi 1889 », Archivio di psichiatria, t. IX, 1888, p. 562-563.
23
« Concorso alla esposizione di antropologia criminale, Parigi 1889 », Archivio di psichiatria, t. IX, 1888, p. 562.
24
Delia Frigessi, Cesare Lombroso, Turin, Einaudi, 2003, p. 218. Sur la poursuite des polémiques entre Lombroso et Manouvrier à l’occasion de la publication des actes du congrès, voir : Archives du Musée Lombroso, IT SMAUT Carrara/Cl, Lettre d’Émile Magitot à Cesare Lombroso, 28 novembre 188[9] ; IT SMAUT Carrara/Cl, Lettre d’Émile Magitot à Cesare Lombroso, 18/12/1889.
25
Léonce-Pierre Manouvrier, « L’anthropologie criminelle à l’Exposition universelle », Archives de l’anthropologie criminelle, 1889, p. 658. Le compte rendu se terminait par un éloge à la fonction vulgarisatrice de la Section d’Anthropologie, grâce à laquelle « des millions de visiteurs qui ignoraient hier jusqu’au nom de l’anthropologie ont aujourd’hui quelque idée vague de ce qu’est cette science ».
26
Émile Monod, L’Exposition Universelle de 1889. Grand ouvrage illustré, encyclopédique, descriptif, Paris, Dentu, 1890, p. 293-294.
27
Bulletin de la société d’anthropologie de Paris, 516e séance, 1er mai 1890, p. 348.
28
Enrico Ferri, « Il II Congresso Internazionale di Antropologia criminale », Archivio di Psichiatria, t. X, 1889, p. 55.
29
Si l’inauguration officielle du musée eut lieu en 1898, l’Archivio di psichiatria en annonça le travail préparatoire dès 1892. Voir : « Un Museo di psichiatria a Torino », Archivio di psichiatria, t. XIII, 1892, p. 280.
30
Sur le lien entre régime présentiste et émergence du patrimoine, voir : François Hartog, Régime d’historicité. Présentisme et expériences du temps, Paris, Le Seuil, 2003.
31
Sur le musée, voir : UOS Centro Studi e Ricerche ASL Roma e Studio Azzurro (dir.), Museo Laboratorio della Mente, Milan, Silvana Editoriale, 2010 [en ligne].
32
Vincenzo Padiglione, Museo del brigantaggio. Storie contese e ragioni culturali, Itri, Edizioni Odisseo, 2006, p. 11. Sur le musée voir aussi : http://www.museobrigantaggio.it/ ; http://www.archidiap.com/opera/museo-del-brigantaggio/ ; http://www.provincialatina.com/VirtualTour/Itri-MUSEO-DEL-BRIGANTAGGIO/Itri-MUSEO-DEL-BRIGANTAGGIO_PC.asp.
33
Voir : Vincenzo Padiglione, Poetiche dal museo etnografico. Spezie morali e kit di sopravvivenza, Imola, La Mandragora, 2008.
34
Pour une lecture nouvelle et profondément documentée du brigandage, voir : Carmine Pinto, La guerra per il Mezzogiorno. Italiani, borbonici e briganti 1860-1870, Rome-Bari, Laterza, 2019.
35
Vincenzo Padiglione, Poetiche dal museo etnografico. Spezie morali e kit di sopravvivenza, Imola, La Mandragora, 2008, p. 145.
37
Le musée d’Itri a répondu au problème que posait l’absence d’une collection originaire par une activité de collecte documentaire qui a donné lieu aux fonds suivants : archives criminelles (photographies des brigands), archives historiques (documents provenant du Fonds brigandage des Archives nationales de Naples et des Archives de l’Etat-major de l’Armée), archives iconographiques (les costumes du brigand et de la brigande), archives audiovisuelles (les lieux de Fra’ Diavolo, la fortune de Fra’ Diavolo à Itri, le récit des collectionneurs et des historiens locaux), archives sonores (les ballades du brigand). Pour une liste des entretiens voir : Vincenzo Padiglione, Museo del brigantaggio. Storie contese e ragioni culturali, Itri, Edizioni Odisseo, 2006, p. 181-185, 216-217.
38
Vincenzo Padiglione, Museo del brigantaggio. Storie contese e ragioni culturali, Itri, Edizioni Odisseo, 2006, p. 126.
39
Vincenzo Padiglione, Museo del brigantaggio. Storie contese e ragioni culturali, Itri, Edizioni Odisseo, 2006, p. 126.
40
Vincenzo Padiglione, Museo del brigantaggio. Storie contese e ragioni culturali, Itri, Edizioni Odisseo, 2006, p. 104.
41
Vincenzo Padiglione, Museo del brigantaggio. Storie contese e ragioni culturali, Itri, Edizioni Odisseo, 2006, p. 105.
42
Voir, entre autres : Brigantaggio, lealismo, repressione nel Mezzogiorno (1860-1870), Naples, Macchiaroli editore, 1984.
44
Le parcours d’exposition est ainsi conçu : salle d’accueil (vidéos sur la science entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle), salle de la mesure (l’instrumentation scientifique employée par Lombroso pour les relevés morphologiques et fonctionnelles), salle du musée historique (le squelette de Lombroso ; des objets représentatifs des collections : restes humains, masques mortuaires, pièces à conviction ; artefacts provenant de prisons et d’hôpitaux psychiatriques exposés dans des vitrines de l’époque), salle 1870 : l’atavisme (collection de crânes et vidéo sur l’atavisme et ses erreurs), salle art, génie, folie (objets liés à la relation entre art et déviance), salle esprits criminels (artefacts réalisés par de criminels : sculptures en argile crue, jarres), salle prison de Philadelphie (maquette de la prison de Philadelphie et des cellules), salle Cesare Lombroso en privé (bureau et vidéo Lombroso) ; salle un siècle après (les « questions » abordées par Lombroso : génie, folie, spiritisme, et les développements scientifiques actuels) [en ligne]. Sur le réaménagement du musée, voir : Giacomo Giacobini, Cristina Cilli, Giancarla Malerba, « Il nuovo allestimento : patrimonio in beni culturali e strumento di educazione museale », in S. Montaldo, avec la collaboration de C. Cilli (dir.), Il Museo di Antropologia criminale Cesare Lombroso dell’Università di Torino, Turin, Silvana Editoriale, 2015, p. 23-31.
45
Sur le costume de Gasparoni, obtenu de l’Armeria réale en 1924, voir : Pierangelo Gentile, « Il costume del brigante Antonio Gasparoni », in S. Montaldo, avec la collaboration de C. Cilli (dir.), Il Museo di Antropologia criminale Cesare Lombroso dell’Università di Torino, Turin, Silvana Editoriale, 2015, p. 240-243.