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Roger Waters et la performance du politique
Chercheuse postdoctorale en musiques populaires

(Université Sorbonne Nouvelle - IRMÉCCEN)

« Ils devraient s’en tenir à leur métier » : comme ne manque jamais de le rappeler ce type d’injonction adressée aux artistes, l’intervention de ces derniers dans les débats publics, et a fortiori dans les affaires de relations internationales, divise souvent. Au-delà des prises de position elles-mêmes, il s’agit souvent d’intimer aux célébrités de rester dans leur domaine premier de compétence – dans le cas qui nous intéresse, la musique. Nous ne pouvons bien sûr ignorer que cette idée étroite du rôle des artistes est généralement invoquée lorsque les idées défendues par ces derniers ne correspondent pas à celles de certains auditeurs : ces derniers préfèrent alors éviter la dissonance entre appréciation de l’œuvre et désaccord plus ou moins profond avec les positions de l’auteur·e. Ces réactions n’empêchent pas que des mobilisations individuelles ou collectives de musiciens et musiciennes aient joui (ou jouissent rétrospectivement) d’une image positive et consensuelle, telles le mouvement Rock Against Racism. Malgré ces exceptions aisément identifiables, il reste possible de dire que la voix politique des artistes n’est pas toujours la bienvenue – ni dans les communautés de fans, ni dans les hautes sphères du pouvoir.

Il n’est toutefois pas certain que ce fond de rejet courant de l’intervention politique de musicien·ne·s permette de toucher l’exacte raison pour laquelle le cas de Roger Waters est aussi sensible et controversé. Plusieurs motifs bien plus précis et urgents sont souvent convoqués pour remettre en question la légitimité de sa parole : parmi eux, il est impossible de ne pas citer plusieurs accusations qui pèsent actuellement sur l’ex-Pink Floyd. Ce dernier est notamment soupçonné de soutien à la Russie dans le conflit contre l’Ukraine, ainsi que d’antisémitisme. Sans apporter de jugement définitif sur ces accusations, cet article les replacera dans l’ensemble du profil politique, médiatique et artistique de Waters. L’objectif sera ici de comprendre ce que son cas, dans toute sa complexité et avec ses possibles contradictions, peut nous dire de l’insertion du monde de la musique dans celui de la politique. Co-auteur de l’un des disques les plus vendus de l’histoire (Dark Side of the Moon, paru en 1973), Roger Waters est en effet habitué des prises de position sur des sujets politiques, et porte en particulier des discours pacifistes depuis des décennies, à la fois par son œuvre musicale et lors de ses apparitions médiatiques. Tout en lui offrant une visibilité certaine, son statut d’artiste à succès permet d’éclairer les limites au-delà desquelles il reste audible, ou cesse de l’être. Il s’agira ici d’examiner comment fonctionne – ou non – l’imbrication entre ses différents moyens d’expression, afin de comprendre ce qui rend aujourd’hui sa position si particulière dans la nébuleuse des musiciens et musiciennes se mêlant très directement de (géo)politique.

Rock, politique et engagement

En tant que « pratique discursive », « la musique est toujours déjà ancrée dans le social » écrit Ian Peddie, dans une première description a minima de la manière dont la musique peut s’inscrire dans la sphère du politique, à défaut de forcément s’immiscer dans la sphère politique à proprement parler1. Le fait qu’une famille musicale comme le rock, dans laquelle s’inscrit plutôt largement Roger Waters, ait l’ambition d’avoir une portée extramusicale est rarement remis en question. Et pourtant, il faut ici donner sa juste mesure à ce postulat. Certes, les cas d’engagement d’artistes rock dans des problématiques aussi clivantes que les élections présidentielles étatsuniennes ou le droit à l’avortement marquent les esprits : on peut ici penser à Eddie Vedder de Pearl Jam ou à Bruce Springsteen, ou même remonter à une forme d’âge d’or des « protest songs » au temps de la guerre du Vietnam. Deux remarques s’imposent cependant. La première est que ces prises de position ne sont pas exclusives au rock. Dans le cas du Vietnam, les musiques folk ont été bien plus explicites dans leur discours et leur opposition politique que ne l’ont été les musiques rock2. Récemment encore, de nombreuses figures des musiques populaires et notamment de la pop, telles que Taylor Swift, ont jugé nécessaire de prendre parti dans la course à la présidentielle entre Kamala Harris et Donald Trump. La seconde remarque concerne l’évaluation de l’ampleur de ce phénomène des protest songs, et plus largement des prises de parole explicites d’artistes sur des sujets politiques. Deena Weinstein rappelle à quel point cette pratique est quantitativement surestimée, à la fois par les publics, les médias, et les critiques, ces derniers ayant joué un rôle majeur dans la promotion d’un rock qui se devrait d’être moteur dans les problématiques socio-politiques3.

La prise de parole politique représente toujours un risque commercial, pour l’artiste comme pour la maison de disque et les nombreux partenaires industriels impliqués dans la chaîne de production et de diffusion. Pour cette raison, mais aussi pour des motifs artistiques, ce que John Street appelle la « musique de résistance » est plus courante que la « protest music » en tant que telle4. La première est plus codée, et ne se laissera pas nécessairement décrypter sans informations contextuelles ou indications données par les auteurs en interview ou en concert ; sa portée politique a davantage de chances de se perdre avec le temps, à mesure que s’éloigne le contexte permettant de la comprendre. Un célèbre exemple de musique de résistance pourrait être « Blowing in the Wind » de Bob Dylan. À sa sortie en 1963, elle a établi la renommée du chanteur comme figure politique engagée dans la lutte contre les droits civiques ; pourtant, c’est par déduction que les commentaires sur des situations contemporaines de l’écriture des paroles ont été compris. Le texte reste en effet abstrait, et pourrait s’appliquer à toute situation d’injustice : « How many times can a man turn his head and pretend that he just doesn’t see ? ». Par opposition, « Prison Song » (2001) de System of a Down s’attaque nommément à l’ensemble du système politique et judiciaire étatsunien, et à son exploitation de la consommation de drogues, après avoir donné un état des lieux chiffré de la situation (« The percentage of Americans in the prison system has doubled since 1985 ») :

« All research and successful drug policy

Shows that treatment should be increased

And law enforcement decreased

While abolishing mandatory minimum sentences

Utilizing drugs to pay for secret wars around the world

Drugs are now your global policy, now you police the globe ».

Même en tenant compte de ces différents degrés dans la clarté des propos politiques, les artistes dits « engagés » resteront toujours une minorité. L’engagement maximal que l’on peut constater chez des artistes de premier plan s’arrête souvent à la participation à des événements caritatifs, dont certaines ont toutefois bénéficié d’une impressionnante médiatisation (le Live Aid en 1985 par exemple). Il faut retenir, in fine, qu’en dépit de quelques exemples marquants, l’association entre rock et critique sociale a été largement exagérée ; il faut à la fois tenir compte de l’importance de cette idée reçue dans l’imaginaire du genre, et se souvenir que le rock ouvertement politique n’en est qu’une fraction à la visibilité disproportionnée5.

En parallèle de ce nuancier, prenons garde à distinguer les stratégies auxquelles ont recours les quelques artistes qui font le choix d’un investissement ciblé et explicite sur des questions politiques. John Street et Mark Willhardt insistent tous deux sur le besoin de séparer les approches par la musique et par l’incursion dans la scène médiatique et politique : bien qu’elles coexistent parfois et puissent même être pensées conjointement, aucune n’implique nécessairement l’autre6. L’existence mais aussi la nature des liens entre les deux ne doivent pas être présupposés a priori. Quelle que soit la stratégie employée, les risques artistiques et commerciaux existent, et la probabilité de se retrouver isolé n’est pas nulle. Willhardt prend l’exemple de Michelle Shocked se retrouvant prise au piège d’un profil politique qui lui est assigné, et qui se met à faire partie du produit que sa maison de disque vend à travers elle, et celui de Billy Braggs, qui obtient quelques victoires politiques mais dans lesquelles sa musique ne joue plus aucun rôle.

Cette dernière configuration n’est pas rare : le cas bien connu de Bono repose sur la mobilisation d’une aura de célébrité conquise par la musique, mais prolongée par un moyen d’action diplomatique assez largement déconnecté de la première. La grande cause de Bono, à savoir l’annulation de la dette des pays en grande difficulté économique et la lutte contre l’extrême pauvreté, n’est pas explicitement défendue dans le répertoire de U2 (bien que des exemples de « musique de résistance » existent dans la discographie du groupe). Son action relève surtout de la diplomatie dans un sens assez traditionnel – une « diplomatie des célébrités7 ». L’enjeu est alors d’être reconnu comme interlocuteur légitime par les diplomates officiels8. Bono y est bel et bien parvenu, en commençant par la campagne Jubilee 2000 dans les années 1990, puis en créant une organisation non-gouvernementale, dont la forme et le nom évoluent au fil des années 2000 ; cette action lui a permis d’être invité à plusieurs sommets du G8, ainsi qu’au Forum économique mondial de Davos. Frédéric Ramel souligne que ce mode d’action a parfois valu à Bono de fortes critiques, venant notamment de ses pairs, « lesquels n’y voient qu’une forme de connivence avec les dominants ». En particulier, les réactions n’ont pas manqué lorsque l’artiste irlandais a déclaré à Davos en 2019 que « le capitalisme [n’était] pas immoral », mais « amoral », déclarant ainsi qu’il n’était pas incompatible avec la lutte contre les inégalités : le rôle de Bono dans ce Forum n'est donc pas celui d’un militant radical d’opposition, mais celui d’un partenaire audible par son auditoire, ce qui peut bien sûr être vu comme un atout ou une faiblesse selon les points de vue.

Il est plus rare que soit reproché à Roger Waters son manque de radicalité – là aussi, avec des connotations positives comme négatives. Mais avant d’examiner le profil public de Waters, il faut revenir sur ce à quoi il doit sa célébrité : contrairement à Bono, son œuvre a en effet beaucoup à voir avec son engagement politique.

« So you thought you might like to go to the show » : Roger Waters et The Wall

Dark Side of the Moon (1973) reste l’album de Pink Floyd à la postérité la plus incontestable ; c’est aussi un disque dont l’héritage n’a jamais fait l’objet de controverse. Et pour cause, les thèmes qui y sont abordés relèvent de concepts, sinon abstraits, au moins universalisants, suffisamment pour que les textes ou sous-textes politiques de l’album dépendent relativement peu de leur contexte d’écriture. Si « Money » dénonce bien l’avidité au fondement du système capitaliste, elle repose sur un rejet des excès qui relève également d’un certain sens commun ; de même, le message pacifiste de « Us and Them » se rend universellement audible en plaidant avant tout pour une réelle communication entre les êtres, au-delà de leurs différences supposées. Il ne s’agit pas ici de proposer un tour d’horizon complet de la discographie de Pink Floyd (ou de celle de Roger Waters seul), mais plutôt de revenir sommairement sur les œuvres qui ont marqué le plus durablement son image. Il est donc indispensable de prendre un temps pour parler de The Wall, double-album le plus vendu de tous les temps, paru sous sa forme originale en 1979, avant d’être adapté à l’écran par Alan Parker en 1982. De nombreuses tournées ont également mis cet album en valeur, de la première déficitaire en raison d’effets spéciaux démesurés (1980-1981), à celles menées par Waters sous son nom propre entre 2010 et 2013. Plusieurs titres de The Wall ont encore été joués par l’ex-Pink Floyd lors de sa tournée This Is Not a Drill en 2023.

The Wall est caractérisé par une approche narrative ambitieuse à l’échelle du double-album. Nous y suivons le personnage Pink par le biais d’une focalisation interne : sa perspective filtre les informations auxquelles nous avons accès dans l’histoire. Ce mode d’écriture est rendu tout à la fois visible et sensible par la descente dans la folie du personnage, qui se révèle être un narrateur non fiable (sans intention toutefois de tromper l’auditeur sur la réalité des événements).  L’histoire de Pink est celle d’un conflit qui se généralise avec l’ensemble de son entourage et plus largement de la société : orphelin de naissance du fait de la mort de son père lors de la Seconde Guerre Mondiale, son isolement vient d’un rejet progressif du cadre scolaire (et de l’autorité humiliante), puis de la figure maternelle et des rencontres féminines. Dans cette optique, la construction du « mur » est à lire de manière métaphorique, ce que signifie d’ailleurs son élévation au fil de la première moitié du concert lors des représentations live. Chaque élément ayant encouragé Pink à se couper du monde « n’est qu’une autre brique dans le mur ». La solitude le fait sombrer dans la folie : la deuxième moitié de l’album raconte le délire vécu par le personnage, dans lequel il devient tour à tour (ou en même temps ?) une rock star et un dictateur que l’on ne peut qu’apparenter à une figure nazie. Lorsque le personnage se remet finalement en question, un procès (sans doute mental) est organisé, dans lequel les personnes rejetées dans le premier disque viennent toutes témoigner contre lui : il est condamné à abattre le mur. 

Image extraite du film The Wall d’Alan Parker (1982).

Image extraite du film The Wall d’Alan Parker (1982).

Malgré ce récit individuel, le protagoniste sert de métonymie de la génération d’après-guerre9, un effet renforcé par les sujets collectifs et les chœurs qui interviennent ponctuellement dans l’album (« Bring the Boys Back Home », « Goodbye Blue Sky »). L’album repose sur une réalité historique et géographique. Les thèmes explicitement politiques y sont nombreux, à commencer par l’image du mur. Celui de Berlin est toujours en place en 1979 : l’isolation et la rupture de communication sont indubitablement présentées comme de fausses solutions dans l’album. Le totalitarisme, couplé au thème de la folie, vient hanter un récit faisant écho aux régimes autoritaires, fascistes et nazis ainsi que leur rejet des minorités. La guerre est éclairée dans toute sa destruction et son absurdité, du point de vue de ceux qui attendent ou ont attendu le retour de leurs proches. Plus largement, The Wall engage une réflexion sur les responsabilités individuelles et collectives. Son discours porte un appel au dialogue, en montrant que l’isolement ne fait qu’augmenter le chaos et les confits pré-existants (« together we stand, divided we fall », conclusion du titre « Hey You »). L’expérience de Pink lors de sa phase d’artiste jouant devant des foules souligne en outre les obstacles que cette configuration pose à l’idéal de la connexion interpersonnelle ; on y entend au passage des échos des travaux de Guy Debord. On peut entendre The Wall comme un album fondamentalement pessimiste : le récit, qui se terminait plutôt bien avec le retour de Pink parmi ses proches, semble en fait cyclique. Une phrase scindée en deux, entre les dernières secondes de la face 4 et les premières de la face 1 (« isn’t this where we came in ? »), suggère l’impossibilité d’une durabilité du lien humain, de nouveau menacé dès la chute du mur de Pink. L’histoire semble en rester sur une impasse politique autour de la question du vivre-ensemble, problème central et non résolu de l’album (et peut-être de la carrière de Roger Waters).

Bien qu’il ne soit aucunement question d’éluder le fait que Pink soit un protagoniste évoluant dans une œuvre de fiction, il reste important, d’autant plus dans le cadre de cet article, de rappeler les parallèles entre l’histoire de The Wall et la biographie de Roger Waters. John Street répertorie les différentes manières dont l’engagement politique des musiciens a eu tendance à être expliqué, ainsi que les limites de ces approches, en tout cas si elles sont prises isolément10. Ces angles sont ceux du contexte historique et de la biographie – ce dernier expliquant les opinions personnelles, mais pas nécessairement pourquoi elles sont mobilisées par la persona artistique des musiciens. Il est certain que petite et grande Histoire ont ici joué un rôle, dans la mesure où Roger Waters a lui-même perdu son père lors de la bataille d’Anzio en 1944. Le thème de la guerre comme celui de l’absence du père sont d’ailleurs omniprésents dans sa discographie11. Celui de la folie est également un incontournable des paroles de Pink Floyd, majoritairement écrites par Waters : l’ombre de Syd Barrett, son co-membre fondateur et ami d’enfance, ne peut que planer sur ces textes. Ce thème va cependant très au-delà de cette explication biographique, et touche plus généralement aux relations humaines et à l’aliénation dans un monde individualiste. L’isolement de Pink peut même être compris dans le récit comme la cause de sa descente vers une persona de dictateur fasciste, dans la mesure où c’est en n’arrivant plus à distinguer l’individualité et l’humanité de l’autre que l’on peut développer des schémas de pensée aussi violents et excluants. Enfin, on peut entendre dans The Wall et son épisode sur la folie musicale et politique du personnage la dissonance sans doute vécue par Roger Waters dans sa posture de musicien faisant face à des foules de plus en plus larges. L’album dresse en effet des parallèles assez directs entre communication militaire, communication politique, et communication dans le cadre d’un concert en stade.

La mise en abyme des questionnements soulevés par l’album est justement redoublée lors des représentations live, dont les scénographies sont largement alimentées par la version cinématographique de 1982. L’album était de toute façon pensé comme un « film acoustique12 » : on y entend de nombreuses intégrations de sons non musicaux, qu’il s’agisse des bruits d’avions et de bombes venant signifier la mort du père en ouverture du récit, ou d’enregistrements intradiégétiques tels que des conversations téléphoniques. Les concerts ajoutent une dimension physique voire immersive à ces renforts narratifs sonores. L’avion qui traverse le stade pour venir s’écraser sur scène avec fracas à la fin du premier morceau aura marqué quiconque a assisté à une tournée de The Wall. L’imagerie inspirée du film va encore plus loin : dans la deuxième moitié du spectacle, le titre « In the Flesh » marque le début du chapitre totalitaire de Pink. On y observe des groupes de figurants en costumes militaires évoquant sans ambiguïté des uniformes nazis, portant des drapeaux avec le logo de ce régime militaire doublement fictionnel (puisqu’imaginaire dans le récit de l’album), les « hammers » : deux marteaux croisés sur un fond blanc, rappel là aussi transparent, en contexte, d’une croix gammée. Ces soldats sont présidés par Pink, incarné par Bob Geldof dans le film, et par Waters en concert : le costume de ce dernier a pu varier, reprenant généralement la référence à l’Allemagne nazie, mais évoquant aussi le costume du Général Pinochet lors de la version live de 1990.

Les récits dystopiques ne sont pas rares dans le rock, en particulier dans le rock progressif, sous-genre auquel Pink Floyd a été en partie affilié13. Emerson, Lake & Palmer ou le Genesis de Peter Gabriel ont intégré dans leur musique des scènes (majoritairement science-fictionnelles) ancrées dans des mondes où les forces politiques, militaires ou économiques mettent en place des situations cauchemardesques. Même dans cette lignée, l’exemple de The Wall reste toutefois extrême. La scène du film montrant Pink en dictateur représente un personnage raciste, antisémite, homophobe, xénophobe, etc., n’hésitant pas à mobiliser le vocabulaire – des insultes – qui va avec. La radicalité de cette représentation est censée désamorcer ces discours, évidemment dénoncés par l’ensemble de l’album. Pour autant, la transposition dans le cadre du concert peut surprendre : Roger Waters, incarnant Pink, y demande s’il y a des juifs ou encore des noirs dans la salle, tandis que des cercles de lumière semblent les chercher dans le public. Il finit par chanter qu’il voudrait tous, avec toutes les autres minorités, les faire fusiller – en faisant d’ailleurs mine de s’exécuter à la fin du morceau. Pendant ce même titre, et d’autres, les figurants et Waters reproduisent régulièrement avec leurs bras le symbole des marteaux (bras croisés, poings fermés). Plusieurs spectateurs peuvent alors être vus reproduisant ce geste, valant (fictionnellement) adhésion au régime totalitaire de l’album14.

Un phénomène doit être mentionné dans le cadre de cet article, bien qu’il ne faille surtout pas réduire The Wall en ce sens : l’épisode en question de l’album et son imagerie ont été repris pour l’identité visuelle et discursive du groupe américain néo-nazi des Hammerskins. Ces derniers ont directement repris le symbole des marteaux croisés pour leur logo. Ils prônent une suprématie blanche et assument l’héritage antisémite et homophobe du parti national-socialiste. Le mouvement a été créé en 1988, et est toujours actif aujourd’hui. Des déplacements sémiotiques à partir de symboles se sont déjà opérés, y compris dans l’autre sens (pensons à l’exemple notamment discuté par Dick Hebdige de la svastika reprise par des punks dans une logique apparemment déconnectée de toute adhésion à l’idéologie nazie15). Dans le cas de The Wall, même si une réception positive au premier degré des discours excluants est censée être interdite par une lecture cohérente de l’œuvre, la dimension esthétique du régime totalitaire fictionnel peut malgré tout être reprise telle quelle, pour être associée à un projet néo-nazi. Dans un tel contexte musical et transmédia, la dystopie peut aussi être un réservoir symbolique utilisé à contre-sens, et c’est une facette de l’héritage de The Wall qu’il ne faut pas oublier pour comprendre l’ensemble de l’actualité liée à Roger Waters.

L’objectif de ce chapitre n’est certainement pas de réduire l’œuvre de l’ex-Pink Floyd à ce seul double-album, mais de prendre acte de l’importance de ce disque dans sa carrière personnelle. D’autres albums, comme The Final Cut (1982) de Pink Floyd, se doivent également d’être mentionnés : Waters y parle en effet de la guerre des Malouines/Falklands, dans laquelle son propre pays est engagé au moment de l’écriture du disque16. Son propos y reste profondément pacifiste, et continue de souligner avec force l’absurdité des combats. Pour diverses raisons, c’est néanmoins The Wall qui revient le plus rapidement lorsqu’on évoque l’engagement politique de Waters. La communauté de fans de Pink Floyd sur le réseau social Reddit comporte par exemple plusieurs règles, dont une est formulée ainsi : « Les publications ouvertement politiques qui ont peu à voir avec Pink Floyd, ou qui utilisent simplement des thèmes de Pink Floyd (voir aussi Trump et The Wall), ne sont pas autorisées17 ». L’actualité des sujets abordés dans The Wall ne cesse en effet d’être renouvelée, par Donald Trump et par d’autres : basculer vers un débat explicitement politique peut être très rapide lorsque s’engage une discussion autour de ce disque. Ce rapide historique de l’album, de son imagerie et de son héritage proposé ci-dessus devraient avoir montré pourquoi. Aujourd’hui encore, il reste une référence dans la création de Roger Waters, et concentre plusieurs controverses autour du musicien.

Actualité internationale et polémiques : la Palestine et l’Ukraine

Depuis de nombreuses années, la présence médiatique de Roger Waters se cristallisait surtout autour la question palestinienne. L’artiste s’oppose fermement aux pratiques colonialistes de l’état d’Israël. Dans la continuité de son soutien au mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions18), il milite aujourd’hui pour un boycott du pays lors des tournées de musiciens. Sa stratégie n’a pas toujours été celle-ci : Waters a joué en Israël en 2006, pour un concert lors duquel il jouait presque exclusivement des titres de Pink Floyd, dont des extraits de The Wall. Son message, partagé entre deux chansons, était alors que la nouvelle génération d’Israéliens devait abattre les murs et faire la paix avec ses voisins. L’imagerie fonctionnait ici très directement, puisque l’artiste s’opposait déjà publiquement aux frontières militarisées entourant les territoires occupés par Israël. Face à l’étonnement de la communauté palestinienne quant à la programmation de son concert en Israël, Waters répondait alors :

« J’ai de nombreux fans en Israël, dont beaucoup refusent de rejoindre l’armée. […] Je joue avec plaisir pour quiconque croit à la paix. Je ne discrimine pas entre mes fans, où qu’ils vivent19 ».

Le discours et la stratégie de Waters ont changé. Il est désormais connu pour écrire régulièrement à d’autres artistes se rendant en Israël pour les inviter à rejoindre le mouvement de boycott. Une lettre ouverte aux membres de Radiohead a par exemple fait date en 201720 – le groupe avait maintenu son concert alors prévu à Tel Aviv. La position de Roger Waters autour de la meilleure manière de peser dans le conflit israélo-palestinien a évolué dans le sens où les fans (et plus largement les citoyens) ne sont plus vus comme le principal levier à mobiliser ; s’adresser à un public peut-être déjà convaincu par le discours que porte l’ex-Pink Floyd n’est en tout cas plus jugé comme suffisant. L’objectif est à présent de faire pression sur l’ensemble de la société et de la classe dirigeante israélienne, et de redonner par la même occasion un pouvoir symbolique à la communauté palestinienne. Comme l’a expliqué l’artiste lors d’un entretien pour le journal allemand Der Spiegel : « La cause de mes frères et sœurs oppressés en Palestine est plus importante à mes yeux que le besoin qu’ont les fans en Israël d’y entendre ma musique. Je m’y rendrai à la seconde quand les droits humains seront appliqués pour tous en Israël et dans les territoires occupés21 ». La logique de Waters est aujourd’hui résolument antisioniste, ce qui entraîne l’habituel débat quant au fondement de cette position politique. Comme le résume Jon Blistein pour RollingStone : « Certains voient son antisionisme et son soutien à des causes comme le mouvement Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS) comme antisémite en soi. Au contraire, de nombreux autres pensent que poser une équivalence entre l’antisionisme et l’antisémitisme est une manière d’étouffer une critique légitime d’Israël et de son traitement des Palestiniens – en particulier lorsque cette critique vient de quelqu’un d’aussi véhément que Waters22. » Roger Waters s’est toujours défendu de tout antisémitisme, mais il faut néanmoins rappeler que d’anciens collaborateurs tels que le producteur Bob Ezrin l’ont accusé de remarques ou blagues au mieux déplacées. Comme le résume l’article de RollingStone, malgré la ferveur de l’engagement de Waters pour la cause palestinienne, l’existence de doutes quant à la frontière entre antisionisme et antisémitisme – dont l’existence théorique n’est pourtant pas en question – dans sa pensée ternit sa crédibilité.

Depuis 2022 cependant, la présence politico-médiatique de Roger Waters a majoritairement porté sur la guerre en cours sur le territoire ukrainien. Là encore, la controverse arrive rapidement, car dès la fin de l’année, ses positions lui valent une annulation de concert en Pologne par le préfet de Cracovie23. En cause, la rapidité de Waters à parler du fait que l’invasion de la Russie ait été provoquée par la militarisation de l’OTAN vers les frontières russes – davantage, peut-être, que de l’invasion elle-même, qu’il condamne cependant. En interview, l’artiste ne mâche pas ses mots sur le rôle des États-Unis, et en particulier de Joe Biden, dans l’entretien de la guerre en Ukraine24. Roger Waters s’est également exprimé sur le sujet par le biais de lettres ouvertes, à Olena Zelenska25, première dame ukrainienne, et à Vladimir Poutine26, en réclamant un cessez-le-feu immédiat et durable (ce qui a aussi été sa revendication concernant la situation à Gaza depuis fin 2023). Sa prise de parole la plus médiatisée a cependant été son intervention lors du Conseil de Sécurité des Nations-Unis le 8 février 2023 ; et pour cause, il reste hautement inhabituel d’entendre un artiste, aussi engagé soit-il, dans ce cadre. Afin de comprendre au mieux le positionnement de Roger Waters sur le conflit entre les forces armées ukrainiennes et russes, ainsi que les réactions qu’elles suscitent, il semble ici approprié de détailler le déroulement de cette audition, qui a intéressé jusqu’aux plus grands organismes de presse nationale, y compris en France27. Les paragraphes suivants paraphrasent étroitement les prises de parole rapportées, et les formulations utilisées appartiennent aux personnes citées.

La séance du 8 février portait sur les menaces pesant sur la paix et la sécurité internationales. À ce titre, la parole est d’abord donnée à Izumi Natamitsu, sous-secrétaire générale des Nations Unies et Haute Représentante aux Questions de Désarmement, puis à Roger Waters, présenté comme musicien, compositeur et « activiste pour la paix ». La première exprime des inquiétudes sur l’escalade du conflit, dans la mesure où plusieurs états fournissent l’Ukraine ou la Russie en armements (chars d’assaut, drones). Elle demande un meilleur contrôle de la manière dont sont utilisées les armées envoyées de part et d’autre, et insiste sur le besoin de protection des civils, dont beaucoup sont victimes des armes explosives, et subissent les conséquences humanitaires liées à la destruction d’hôpitaux, d’écoles ou d’infrastructures énergétiques.

Roger Waters durant son allocution aux Nations Unies. Crédit EPA/TASS

Roger Waters durant son allocution aux Nations Unies.

Roger Waters, pour sa part, commence par rappeler qu’il milite pour la paix, dans un contexte d’augmentation continue du volume des armes, et qu’il pense avant tout aux soldats et aux civils, victimes de la guerre sans y avoir la moindre responsabilité. Il inscrit sa prise de parole dans un long combat contre l’impérialisme, le colonialisme, l’esclavagisme, et toute logique empêchant les peuples de vivre en paix. Il interroge en particulier le rôle du capitalisme et du néolibéralisme dans ces mécanismes, et demande aux membres du conseil permanent quels sont leurs objectifs : de plus grands profits pour l’industrie de la guerre ? Une plus grande part du gâteau ? Il exprime ensuite sa ferme condamnation de l’invasion illégale de l’Ukraine, et dans une égale mesure, sa ferme condamnation de la provocation qui a mené à cette invasion. Il réclame des droits universels, à la vie et à la propriété, sous la protection de la loi : il rappelle qu’il n’existe aucune protection ni recours légal pour les Ukrainiens et les Palestiniens dans le contexte d’une zone de guerre. Sa demande officielle, dans le cadre de cette audition, est l’arrêt de l’armement du régime de Kiev par des partis tiers, dans l’objectif d’arriver à une paix durable en Ukraine. « Pas une seule vie ukrainienne ou russe supplémentaire ne doit être perdue », martèle-t-il. Il réclame donc un cessez-le-feu immédiat et sans conditions – en précisant s’adresser à Joe Biden, à Vladimir Poutine, à Volodymyr Zelensky, ainsi qu’à l’OTAN et l’Union Européenne. Waters confesse savoir qu’il ne peut s’agir que d’une première étape, mais affirme que tout dépend d’elle. Il conclut en partageant sa surprise face au contraste entre les difficultés économiques croissantes des populations, en zone de guerre ou non, et le fait qu’il y ait toujours des moyens pour « la guerre perpétuelle ».

La Fédération de Russie est la première à pouvoir réagir à cette intervention, et pour cause, il est ici primordial de signaler que Waters a été invité à l’initiative de cet État. Vassili Nebenzia, représentant russe, fait de l’artiste un représentant de l’intelligentsia créative et de son inquiétude légitime pour l’avenir. Son discours s’éloigne de celui de Waters en ce qu’il ne croît pas à un cessez-le-feu et à une solution pacifique rapide ; il estime d’ailleurs que Volodymyr Zelensky se moque de la paix. C’est cependant sur l’argumentaire touchant aux intérêts des entreprises d’armement occidentales que sa logique rejoint celle du musicien : son analyse est que l’Ukraine est utilisée comme terrain de test pour de nouvelles armes américaines et donne un prétexte aux pays européens pour augmenter leur budget de défense. Pour lui, le problème est que dans le cas d’une issue pacifique au conflit, les territoires contestés tomberaient indirectement aux mains d’une industrie que la paix n’intéressera jamais, ce qui perpétuerait des menaces sur l’intégrité du territoire russe.

Le représentant américain commence par mettre en doute le fait que Roger Waters soit qualifié pour s’exprimer dans un tel contexte. Il insiste surtout sur le caractère grotesque d’une supposée équivalence entre la violence de l’agression russe et celle de la défense des Ukrainiens. Pour lui, une paix durable ne peut que s’appuyer sur la charte des Nations Unies, et donc sur le respect de l’intégrité des États : le processus de paix ne peut se faire aux dépens de l’indépendance de l’Ukraine. C’est également la réaction du représentant ukrainien, qui ajoute que la paix ne peut pas se faire sans une punition de l’agresseur. Avant tout, Serhiy Kyslytsya pointe du doigt les doubles standards apparents de Waters. Il cite l’artiste lui-même, qui avait affirmé que « la méthode pour prendre le contrôle d’un état et en faire un état totalitaire est toujours la même : c’est l’identification de l’autre en tant qu’ennemi ». Kyslytsya s’étonne que ce processus ne soit ici pas reconnu ou pris en compte par Roger Waters, qui avait pourtant condamné l’invasion soviétique de l’Afghanistan en 1979. Le diplomate estime que le musicien tente d’étouffer la réalité de l’invasion russe de 2022, alors qu’il disait quelques mois plus tôt que Vladimir Poutine était le nouveau Hitler28 ; le représentant ukrainien ne se prive pas de la formule selon laquelle Waters n’est « qu’une autre brique dans le mur de la désinformation russe ». L’hypocrisie reprochée au musicien est celle d’une différence de traitement entre les dictateurs expansionnistes, alors que ses concerts continuent de faire référence aux plus célèbres d’entre eux, et en particulier au régime nazi, repoussoir politique ultime. La question ukrainienne est de savoir pourquoi le facteur impérialiste russe tient une place aussi faible dans le discours de l’artiste – ce à quoi ce dernier aurait sans doute répondu, s’il avait lui-même pu réagir de nouveau, que c’est parce qu’il prend également en compte le facteur impérialiste américain. Ajoutons que dans le contexte de l’entretien lors duquel ces mots ont été prononcés, la comparaison que Waters faisait entre Poutine et Hitler semblait en réalité être ironique. Son propos était qu’un dirigeant comme Biden traitait Poutine comme le nouveau Hitler, pour justifier son refus de discuter avec lui. Pour Waters, et c’était là l’objet de sa discussion par lettres interposées avec Olena Zelenska, seule une négociation diplomatique peut mener à la paix, mais les deux partis doivent y abandonner quelque chose : « il n’y a clairement pas de fin heureuse possible à cette guerre », comme il le résume. Pour l’opinion commune occidentale, c’est sans doute au moment où Waters réclame des compromis à l’Ukraine qu’il cesse d’être audible.

L’ensemble de cette séquence aux Nations Unies permet en partie de cerner les tenants et aboutissants des positions politiques actuelles de Roger Waters. Il semblerait que ces dernières, tant au sujet de la Russie que du conflit israélo-palestinien, soient à l’origine de la décision de son désormais ex-label BMG de mettre fin à leur collaboration29. Bien que les interventions politiques de Waters ne soient pas récentes, l’ensemble de controverses de ces quelques dernières années a donc marqué un tournant dans son image. En résulte une présence médiatique importante, presque relayée sous forme de chronique, a minima dans la presse musicale, a fortiori dans des médias généralistes pour les événements les plus marquants. En parallèle, les concerts de Roger Waters continuent d’être le théâtre de nombreux titres hautement politiques, depuis les morceaux récents et issus de sa carrière solo comme « The Bar », jusqu’aux classiques de Pink Floyd. Ce répertoire continue d’entretenir le message profondément anti-fasciste, anti-impérialiste et pacifiste qui porte la carrière de l’artiste. Néanmoins, on commence à l’entrevoir, c’est sans doute précisément l’articulation entre parole publique et performances musicales qui peut rendre bancale la posture politique de Roger Waters.

Politique, esthétique et style chez Roger Waters

Les travaux de John Street sur le mélange de l’activisme et de la création musicale rappellent l’existence d’un grand éventail de stratégies pour combiner les deux, avec des degrés d’entremêlement très divers. Street rappelle qu’il ne faut pas présupposer que les deux activités aillent ensemble, soient faites avec le même état d’esprit, voire pour la même raison. Il n’est pas question ici de psychologiser les motivations de Roger Waters, dont les sources personnelles sont de toute façon bien connues, à commencer par la perte de son père mort au combat. En revanche, il peut être constructif de réfléchir dans sa carrière à la relation entre musique et activisme, et sur les registres discursifs et esthétiques qui soutiennent ces deux activités. L’historique incomplet proposé dans la partie précédente a montré comment, à partir d’une œuvre profondément pacifiste dénonçant les atrocités des guerres et des totalitarismes du XXe siècle, l’artiste est aujourd’hui en prise avec des soupçons d’antisémitisme et de soutien indirect à une puissance impérialiste comme la Russie de Poutine.

Il a récemment été confronté à une autre accusation, en apparence plus grossière, émanant cette fois de la police berlinoise30. En cause, le costume imitant un uniforme nazi porté par Waters en concert : comme expliqué plus tôt, cette mise en scène est pourtant loin d’être nouvelle dans les représentations comportant des titres de The Wall. Philippe Oltermann rapporte pour le Guardian les soupçons de la police berlinoise quant à la possible « justification » du Troisième Reich (un reproche qui montre que tout second degré a été manqué dans la réception de la performance), mais aussi sa « glorification », ce qui n’est pas exactement la même accusation. Bien que l’intention de Waters soit de pousser la caricature jusqu’au ridicule pour dissiper ce doute, le fait que l’esthétique totalitaire soit aussi centrale dans la dramaturgie du concert pose la question d’une fascination esthétique pour l’expression du pouvoir totalitaire. Pris isolément, on l’a vu, le propos originel de The Wall n’était pas équivoque. Une première chose doit cependant être rappelée, et c’est sans doute là que se situe la source des mésusages de cette œuvre : le fascisme est justement, avant tout, une affaire d’esthétique. Susan Sontag n’a pas manqué de le rappeler dans ses analyses sur le « fascinant fascisme31 ». À la fois idéologie et système dont les valeurs sont pleinement incarnées par l’esthétique, le national-socialisme et plus largement le fascisme ne se résument pas à la brutalité, bien qu’ils en rappellent toujours la possibilité : ils reposent sur des chorégraphies serrées, menées par des regroupements de sujets en uniformes, symbolisant une dissolution de l’individu dans une communauté. En d’autres termes, l’esthétique fasciste dépend de mouvements contenus, scriptés, coordonnés – et les diverses adaptations visuelles du « moment fasciste » de The Wall ne s’y sont pas trompées. Comme le résume le musicologue Sean Portnoy, « il ne peut y avoir d’“esthète fasciste”, mais simplement un fasciste, et ce dernier ne fait pas qu’emprunter au domaine de l’esthétique : il mobilise intrinsèquement ce langage en politique32 ». Loin de nier la réalité historique et politique du fascisme, cette analyse souligne, de concert avec certains historiens33, que ce système puise avant tout sa source dans des émotions et des manières de voir et d’organiser le monde.

S’attaquer au fascisme par une singerie esthétique, aussi sophistiquée ou grossière soit-elle, a donc peut-être toujours été une erreur stratégique. Ce même reproche a été fait aux musiques industrielles, ou encore au néo-folk. Dans ces cas-là, les musiciens entretiennent souvent une apparence apolitique, pour mieux jouer sur un terrain esthétique hautement ambigu, sinon fascisant. Chez certains artistes, cela suppose un réel intérêt (parfois présenté comme intellectuel et spirituel) pour le nazisme ; pour d’autres, il s’agit d’un détour artistique en réalité destiné à promouvoir un idéal antiautoritaire34. Il s’agit alors de compter sur les connaissances et compétences des amateurs, censés décoder l’intention derrière des symboliques flirtant avec des extrémismes politiques militarisés et excluants. Ce type de connivence sémiotique tend toutefois à entretenir un flou généralisé, entraînant des méprises possibles pour des publics moins avertis, mais laissant également la porte ouverte à des dérives proprement fascisantes, en partie masquées par l’ambiguïté esthétique propre à la scène. Des problématiques similaires sont également courantes dans certaines scènes metal, black metal en particulier, où repérer les artistes « crypto-fascistes » peut devenir une activité interprétative permanente.

Dans le cadre d’une œuvre musicale, qui dépend avant tout d’un plaisir esthétique, les aller-retours entre premier et second degré dans l’interprétation des signes n’ont en réalité rien d’évident. La carrière de Roger Waters s’inscrit pourtant dans un cadre bien plus grand public que celui des musiques industrielles ou du black metal, et n’est pas censé être ambiguë. Dans une certaine mesure, recevoir son œuvre comme fascisante relève bel et bien de l’erreur de lecture, ou a minima d’un contre-sens absolu par rapport à l’intention d’auteur – dans le cas de la police berlinoise, comme dans le cas du groupe néo-nazi des Hammerskins. Est-ce à dire que les craintes de la première sont infondées ? Le second donne une confirmation très extrême de l’existence du risque ; pourtant, il semble peu probable que les concerts de Roger Waters convertissent beaucoup de spectateurs en proto-nazis. Il s’agit plutôt de signaler que les esthétiques fascistes ne se prêtent pas forcément bien à la caricature, et que les intégrer dans un ensemble musical multimodal, en un sens immersif, n’est pas sans conséquences sur l’expérience musicale collective qui en résulte. Que cette expérience soit celle d’un malaise, ou celle d’une forme d’exaltation partagée, est plus difficile à prévoir.

Ce procès aurait en partie pu être fait à The Wall, dans ses versions album et film, dès leur sortie. Un autre élément est cependant à prendre en compte ici, celui du dispositif du concert, avec sa prise à partie du public, et la valorisation de la participation de ce dernier. Sur sa dernière tournée (mais cette description est applicable aux précédentes), lorsqu’il joue « In the Flesh », Waters harangue la foule lorsqu’il arrive sur scène dans son costume de cuir, avec bottes et long manteau, et son brassard rouge portant le sigle des marteaux. Il reproduit ce dernier avec ses bras, les secouant avec insistance en direction du public, comme pour inviter ces derniers à reproduire le geste. Plusieurs s’exécutent – de telles situations étaient également observables lors des performances intégrales de The Wall. Le mouvement est également lancé sur les titres « Run Like Hell » et surtout « Waiting for the Worms », pendant lequel le slogan « hammers, hammers » est répété en chœur, après des paroles invitant à « allumer les douches et faire chauffer les fours », en attendant les « queens », les « coons » (insultes homophobes et racistes), les rouges et les Juifs. Reproduire le geste de ralliement des marteaux est-il la participation attendue ? Quelles émotions procurent au spectateur le fait de rejoindre ce mouvement collectif ? Ces questions n’ont pas nécessairement de réponse simple, même dans le cas d’une reproduction du geste au second degré. Les pratiques associées à ce type de dystopie « participative » soulèvent des questionnements urgents. Il faut se demander à quel point le dispositif du concert contextualise ce type de geste. La participation du public y est valorisée par défaut : si l’artiste a l’air d’encourager à chanter ou crier quelque chose, ou à faire tel mouvement, il n’est pas d’usage de faire de la résistance passive si le concert se passe bien. En d’autres termes, il faut se demander où se trouve la limite de ce que l’on peut faire faire à un public lors d’un concert. Malgré l’ensemble discursif clair constitué par les concerts de Roger Waters, il n’est pas certain que le contexte d’une performance musicale soit propre à situer et fixer efficacement la signification politique de gestes ambigus.

Enfin, au visionnage des performances en question, un dernier élément est à prendre en compte : l’investissement de Roger Waters lui-même. Sur des images récentes de la tournée « This Is Not a Drill », on peut le voir à la fin de « In the Flesh », fier, presque hilare, attrapant une mitraillette pour faire mine de tirer sur la foule (l’extrait est intégré dans l’article de The Guardian cité plus tôt). La question qui se pose, et qui entre certainement en jeu dans l’accusation de la police berlinoise, est simplement celle du mauvais goût. La guerre et sa symbolique sont omniprésentes dans l’œuvre du musicien, mais elles semblent avoir perdu de leur caractère de repoussoir esthétique, pour devenir au contraire des marqueurs sonores et visuels forts. Cela ne doit bien sûr pas faire oublier ses nombreux titres pacifistes empruntant des chemins discursifs plus directs, comme « Us and Them » ou « The Bar », ni ses prises de parole très explicites entre les chansons lors des concerts. Il n’empêche que toute possible atteinte à l’intégrité de l’image politique de l’artiste, et nous en avons cité quelques-unes plus haut, rend la performance très théâtrale d’un personnage antisémite, raciste, homophobe, etc., plus délicate.

Acquérir la légitimité pour s’exprimer collectivement en tant qu’artiste et « convertir une communauté de fans en une communauté de citoyens35 » dépend en effet, aux yeux des interlocuteurs, de la légitimité artistique perçue du musicien. De ce point de vue, l’héritage de Pink Floyd rend le capital symbolique de Roger Waters intouchable. Il faut toutefois prendre aussi en compte le « capital moral36 », essentiel dans toute communication politique, et qui va de pair avec la question du style. Ce dernier, chez Waters, est extrêmement loin d’être policé et consensuel. Deena Weinstein, analysant les paroles mais aussi l’image de l’artiste, insiste sur son manque de charisme, en tout cas selon les paramètres habituels dans le milieu du rock37. Les journalistes lui ont toujours préféré Syd Barrett, l’autre cofondateur de Pink Floyd, à l’écriture plus onirique, entouré d’une aura de mystère rendue d’autant plus fascinante par sa disparition de l’espace public en raison d’une schizophrénie, probablement causée par sa consommation de LSD. Par opposition, les paroles de Roger Waters sont presque glaciales : peu optimistes, misanthropes, conceptuelles, denses en références extra-musicales. Il n’a par ailleurs jamais essayé de se rendre particulièrement chaleureux et sympathique en interview – bien qu’il ait davantage pris le temps de la discussion dans certains contextes médiatiques ces dernières années.

Dans ses paroles comme dans sa communication politique, l’ironie et le sarcasme occupent une place importante. C’est d’autant plus apparent dans sa version revisitée de Dark Side of the Moon, sortie en 2023 chez SGB, et assortie de nombreuses sections parlées dans lesquelles le narrateur incarné par Waters s’exprime parfois avec un humour pince-sans-rire évoquant une certaine suffisance. Jusque dans sa prise de parole au Conseil de Sécurité des Nations Unies, il reste hautain, ponctuant ses observations de phrases comme « How crazy is that, huh ? », prenant à partie ses interlocuteurs avec une familiarité feinte, à la limite de l’irrespect. Il faut noter que cette attitude lui évite d’être suspecté, comme Bono a pu l’être, de « compromission » avec les puissants, parmi lesquels il ne cherche pas à se fondre. Ajoutons enfin que Waters n’hésite parfois pas à être proprement insultant avec ses interlocuteurs par médias interposés. Pensons justement à une invective à Bono début 2024. Le musicien irlandais avait adapté une chanson de U2 en y mentionnant les « étoiles de David », afin de rendre hommage aux victimes du 7 octobre 2023 en Israël. Roger Waters avait lu ce geste comme une « défense de l’entité sioniste », et invité « quiconque connaissant Bono à l’attraper par les chevilles et à le secouer jusqu’à qu’il arrête d’être une énorme merde38 ».

Waters et Gilmour : deux visions sur l’héritage politique de Pink Floyd

La notion de diplomatie semble ici quelque peu lointaine. Ce type d’intervention fait fatalement baisser le « capital moral » de Waters, malgré l’immense capital symbolique qu’il a acquis au fil de sa carrière musicale. Il peut être utile, en dernière instance, d’observer la manière dont l’héritage de Pink Floyd est utilisé et prolongé par celui avec qui Waters a partagé la scène au sein du groupe, à savoir David Gilmour39. Pour ce qui est de la gestion du répertoire commun de Pink Floyd, notons que Gilmour a récemment arrêté de jouer « Run Like Hell », morceau du moment fasciste de The Wall. Il « ne se sent plus à l’aise » en les jouant, et estime que le morceau est « un peu terrifiant et violent40 ». Sur sa dernière tournée, il a cependant repris un titre du Pink Floyd post-Waters intitulé « A Great Day for Freedom », parlant de la chute du mur de Berlin, et plus largement du soulagement lors de la chute de régimes totalitaires. Il a également continué de jouer « In Any Tongue », issue de sa carrière solo, morceau sur l’absurdité de jeunes hommes inconnus venant de différentes nations s’entretuant dans des conflits armés. L’angle y est plus proche des morceaux les plus « universalisants » de Pink Floyd. Gilmour parle à peine lors de ses concerts, et évoque bien moins souvent des sujets politiques que Waters. Il choisit cependant ses moments : Nick Mason et lui avaient ainsi arrangé un morceau traditionnel ukrainien au début de la guerre, en soutien au pays attaqué, et l’avaient sorti sous le nom de Pink Floyd afin de récolter des fonds41. Cette méthode caritative se situe sur un registre conventionnel, mais avec un fort impact médiatique étant donné que Pink Floyd ne compose plus de nouvelle musique en tant qu’entité depuis plusieurs décennies. Gilmour a déclaré composer ce morceau « pour soutenir le moral des gens qui défendent leur terre natale » – il faut d’ailleurs rappeler ici que la belle-fille du musicien est ukrainienne.

Le guitariste ne se refuse pas non plus à parler de sujets politiques lorsque les questions qui lui sont posées l’y invitent, directement ou indirectement. Dans le cadre d’un « questions/réponses » avec des fans, orchestré par The Guardian, il a ainsi expliqué pourquoi il ne partagerait pas de nouveau la scène avec Roger Waters : « J’essaie de me tenir éloigné de personnes qui soutiennent activement des dictateurs génocidaires et autocratiques comme Poutine et Maduro. Rien ne pourrait me faire partager une scène avec quelqu’un qui pense qu’un tel traitement des femmes et de la communauté LGBT est acceptable42. » Comme d’autres, David Gilmour interprète ainsi la demande de Roger Waters de traiter Poutine en tant qu’interlocuteur dans des négociations pour la paix comme un soutien actif. Son rappel de l’état de certaines questions sociétales en Russie lui permet de pointer du doigt une incohérence dans le discours de son ancien collaborateur : ce dernier justifie l’intégralité de son action par le besoin de défendre les droits humains, mais ne module pas toujours d’une exacte même manière ses méthodes d’action sur les gouvernements responsables d’abus.

Gilmour et Waters portent tous deux, avec leurs styles respectifs, les messages des classiques de Pink Floyd : une dénonciation des aliénations qui permettent les guerres, et des stratagèmes politiques effaçant l’humanité d’autres communautés. Pour Frédéric Ramel et Cécile Prévost-Thomas, l’un des moyens d’action du champ musical en diplomatie est justement de façonner la manière de se représenter l’autre43 – une fois cette altérité fondamentale déconstruite, les justifications belliqueuses perdent bien vite de leur sens. Les concerts de Roger Waters comprennent souvent, lors de l’entracte ou pendant certains titres, la projection de visages de victimes issues de nombreux conflits passés et présents. L’objectif reste celui-ci : rendre leur réalité et leur humanité à ceux qui souffrent des guerres et des oppressions. Les anciens bassiste et guitariste de Pink Floyd ne partagent plus les mêmes analyses quant aux moyens concrets de réduire durablement le nombre de ces victimes. Il faut par ailleurs reconnaître que le premier est bien plus proactif dans le partage des méthodes qu’il défend. Relativement à ces efforts permanents, il n’est toutefois pas certain qu’il soit aujourd’hui le plus audible des deux. Cela ne l’empêche pour l’instant pas de disposer de nombreuses plateformes, qu’elles lui soient sympathiques ou non : ce qui ne fait pas de doute est que son interventionnisme ne laisse jamais oublier l’urgence des questions qui lui tiennent à cœur.

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    1

    Ian Peddie, « Introduction », in Ian Peddie (dir.), The Resisting Muse: Popular Music and Social Protest, Farnham/Burlington, Ashgate, 2005, p. xvi-xxiv.

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    2

    Kenneth J. Bindas et Craig Houston, « “Takin’ Care of Business”: Rock Music, Vietnam and the Protest Myth », The Historian, vol. 52, n° 1, 1989, p. 1-13. URL : https://www.jstor.org/stable/24447600 ; John Street, Rebel Rock. The Politics of Popular Music, Oxford/New York, Basil Blackwell, 1986.

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    3

    Deena Weinstein, « Rock protest songs : so many and so few », in Ian Peddie (dir.), The Resisting Muse: Popular Music and Social Protest, Farnham/Burlington, Ashgate, 2005, p. 3-16.

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    4

    John Street, « The pop star as politician: From Belafonte to Bono, from creativity to conscience », in Ian Peddie (dir.), The Resisting Muse: Popular Music and Social Protest, Farnham/Burlington, Ashgate, 2005, p. 49-61.

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    5

    Milena Dragićević Šešić et Julija Matejić, « Music Activism in Serbia at the Turn of the Millennium: Counterpublics, Citizenship, and Participatory Art », in Marko Kölbl et Fritz Trümpi (dir.), Music and Democracy: Participatory Approaches, Vienne, mdwPress, 2021, p. 203-234. URL : doi.org/10.14361/9783839456576-009 ; Mark Pedelty et Kristine Weglarz. « Introduction », in Mark Pedelty et Kristine Weglarz (dir.), Political Rock, Farnham/Burlington, Ashgate, 2013. Motti Regev, « Producing Artistic Value: The Case of Rock Music », The Sociological Quarterly, vol. 35, n° 1, 1994, p. 85-102.

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    6

    Mark Willhardt, « Available rebels and folk authenticities: Michelle Shocked and Billy Bragg », in Ian Peddie (dir.), The Resisting Muse: Popular Music and Social Protest, Farnham/Burlington, Ashgate, 2005, p. 30-48 ; John Street. « The pop star as politician: From Belafonte to Bono, from creativity to conscience », in Ian Peddie (dir.), The Resisting Muse: Popular Music and Social Protest, Farnham/Burlington, Ashgate, 2005, p. 49-61.

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    7

    Andrew F. Cooper, Celebrity Diplomacy, Boulder et Londres, Paradigm Publishers, 2008.

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    8

    Frédéric Ramel et Denis Laborde, « Entretien avec Frédéric Ramel. “Un musicien peut-il adoucir les relations internationales ?” », Gradhiva, n° 31, 2020, p. 113-127 ; citation ci-après p. 3. URL : https://doi.org/10.4000/gradhiva.5106

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    9

    Jorge Sacido Romero et Luis Miguel Varela Cabo, « Roger Water’s Poetry of the Absent Father: British Identity in Pink Floyd’s “The Wall” », Atlantis, vol. 28, n° 2, 2006, p. 45-58.

    Retour vers la note de texte 20404

    10

    John Street, « The pop star as politician: From Belafonte to Bono, from creativity to conscience », in Ian Peddie (dir.), The Resisting Muse: Popular Music and Social Protest, Farnham/Burlington, Ashgate, 2005, p. 49-61.

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    11

    Deena Weinstein, « Progressive Rock as Text : The Lyrics of Roger Water », in Kevin Holm-Hudson (dir.), Progressive Rock Reconsidered, New-York et Londres, Routledge, 2002, p. 91-109.

    Retour vers la note de texte 20406

    12

    Zeno Ackermann, « Rocking the Culture Industry/Performing Breakdown: Pink Floyd’s The Wall and the Termination of the Postwar Era », Popular Music and Society, vol. 35, n° 1, 2012, p. 1-23.

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    13

    Marcel Bouvrie, « The Dystopian Impulse in Prog: Cross-Cutting Thread/ts in Dystopian Concept Albums », in Chris Anderton et Lori Burns (dir.), The Routledge Handbook of Progressive Rock, Metal, and the Literary Imagination, Londres et New York, Routledge, 2025 [à paraître].

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    14

    Cette observation, fondée sur une expérience personnelle lors du concert de The Wall au Stade de France le 21 septembre 2013, est confirmée par maintes vidéos de concert.

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    15

    Dick Hebdige, Subculture : The Meaning of Style, Londres et New York, Routledge, 2008 [1979], p. 116-117.

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    16

    De part et d’autre de l’Atlantique, les mobilisations du monde de la musique ont d’ailleurs marqué ce bref conflit qui aura fait plus de cent morts et plusieurs milliers de blessés : Esteban Buch et Camila Juárez, « Músicos y Malvinas. La cultura de guerra en la Argentina », Nuevo Mundo Mundos Nuevos, 2019. URL : https://journals.openedition.org/nuevomundo/76091

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    17

    Ici et pour les citations suivantes, je traduis.

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    18

    Voir en ligne : https://www.bdsmovement.net/fr (dernière consultation le 3 février 2025).

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    20

    Jazz Monroe, « Roger Waters Calls Out Thom Yorke Over Radiohead Israel Controversy », Pitchfork, 5 juin 2017. URL : https://pitchfork.com/news/73930-roger-waters-calls-out-thom-yorke-over-radiohead-israel-controversy/

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    21

    Cité par Jack Whatley, « Roger Waters on why he asked musicians to boycott Israel », Far Out, 21 mars 2023. URL : https://faroutmagazine.co.uk/roger-waters-on-why-he-asked-musicians-to-boycott-israel/

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    22

    Jon Blistein. « Roger Waters Is Undermining the Cause He Claims To Support », RollingStone, 28 septembre 2023. URL : https://www.rollingstone.com/culture/culture-commentary/roger-waters-antisemitism-allegations-palestine-support-1234834848/

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    23

    Joshua Askew, « Pink Floyd’s Roger Waters declared “persona non grata” in Poland », EuroNews, 29 septembre 2022. URL : https://www.euronews.com/culture/2022/09/29/pink-floyds-roger-waters-declared-persona-non-grata-in-poland

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    24

    Ellie Robinson, « Roger Waters defends branding Joe Biden as a war criminal: “He’s fuelling the fire in the Ukraine” », NME, 7 août 2022. URL : https://www.nme.com/news/music/roger-waters-defends-branding-joe-biden-as-a-war-criminal-hes-fuelling-the-fire-in-the-ukraine-3284791

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    25

    Anna Rose, « Roger Waters asks Ukrainian First Lady to help “persuade our leaders to stop the slaughter” in open letter », NME, 7 septembre 2022. URL : https://www.nme.com/news/music/roger-waters-asks-ukrainian-first-lady-to-help-persuade-our-leaders-to-stop-the-slaughter-in-open-letter-3305655

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    26

    Ellie Robinson, « Roger Waters shares open letter to Vladimir Putin: “Would you like to see an end to this war?” », NME, 29 septembre 2022. URL : https://www.nme.com/news/music/roger-waters-shares-open-letter-to-vladimir-putin-would-you-like-to-see-an-end-to-this-war-3317394

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    27

    Corentin Lesueur, « Roger Waters, une “brique de plus dans le mur de la désinformation russe” », Le Monde, 9 février 2023. URL : https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/02/09/l-ex-pink-floyd-roger-waters-defend-la-russie-devant-l-onu-et-renoue-avec-la-controverse_6161198_3246.html ; Michelle Nichols, « Invited by Russia, Roger Waters tells UN: Ukraine invasion illegal », Reuters, 8 février 2023. URL : https://www.reuters.com/world/europe/invited-by-russia-roger-waters-tells-un-ukraine-invasion-illegal-2023-02-08/

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    28

    Chris Hedges. « “This Is Not A Drill”: The music and politics of Roger Waters », The Real News, 30 septembre 2022. URL : https://therealnews.com/this-is-not-a-drill-the-music-and-politics-of-roger-waters

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    29

    Jem Aswad et K. J. Yossman. « BMG Splits With Roger Waters Over Pink Floyd Co-Founder’s Comments on Israel (EXCLUSIVE) », Variety, 30 janvier 2024. URL : https://variety.com/2024/music/news/roger-waters-bmg-split-over-pink-floyd-anti-israeli-comments-1235891350/

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    30

    Philip Oltermann, « Berlin police investigate Roger Waters over Nazi-style uniform at concert », The Guardian, 26 mai 2023. URL : https://www.theguardian.com/music/2023/may/26/berlin-police-investigate-roger-waters-nazi-style-uniform-pink-floyd-concert

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    31

    Susan Sontag, Under the Sign of Saturn, New York, Farrar, Straus and Giroux, 1980, p. 73-105.

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    32

    Cité par Alexander Reed, Assimilate. A Critical History of Industrial Music, Oxford, Oxford University Press, 2013, p. 191.

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    33

    Robert O. Paxton, « Radicals », The New York Review, 23 juin 1994. URL : https://www.nybooks.com/articles/1994/06/23/radicals/

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    34

    Alexander Reed, Assimilate. A Critical History of Industrial Music, Oxford, Oxford University Press, 2013.

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    35

    John Street, « The pop star as politician: From Belafonte to Bono, from creativity to conscience », in Ian Peddie (dir.), The Resisting Muse: Popular Music and Social Protest, Farnham/Burlington, Ashgate, 2005, p. 58.

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    36

    John Kane, The Politics of Moral Capital, Cambridge, Cambridge University Press, 2001.

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    37

    Deena Weinstein, « Progressive Rock as Text: The Lyrics of Roger Water », in Kevin Holm-Hudson (dir.), Progressive Rock Reconsidered, New York et Londres, Routledge, 2002, p. 91-109.

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    38

    Liberty Dunworth, « Roger Waters calls U2’s Bono “disgusting” and “a shit” », NME, 19 février 2024. URL : https://www.nme.com/news/music/roger-waters-calls-u2s-bono-disgusting-and-a-shit-3589507

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    39

    Le batteur Nick Mason est également toujours actif, tout en étant plus discret que ses deux anciens confrères. Il joue depuis quelques années des titres des débuts de carrière de Pink Floyd, moins politisés, avec son groupe Nick Mason’s Saucerful of Secrets.

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    40

    Clara Lemaire. « David Gilmour : les 3 chansons de Pink Floyd qu’il ne jouera plus », RockNFolk, 20 septembre 2024. URL : https://www.rocknfolk.com/news/david-gilmour-les-3-chansons-de-pink-floyd-quil-ne-jouera-plus/346910

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    41

    Kory Grow, « David Gilmour : Why I’m bringing Pink Floyd Back After 28 Years », RollingStone, 8 avril 2022. URL : https://www.rollingstone.com/music/music-features/pink-floyd-david-gilmour-ukraine-interview-1334514/

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    42

    Christopher Lord, « David Gilmour: “The rich and powerful have siphoned off the majority of music industry money” », The Guardian, 3 octobre 2024. URL : https://www.theguardian.com/music/2024/oct/03/david-gilmour-the-rich-and-powerful-have-siphoned-off-the-majority-of-music-industry-money

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    43

    Frédéric Ramel et Cécile Prévost-Thomas, « Introduction », in Frédéric Ramel et Cécile Prévost-Thomas (dir.), International Relations, Music and Diplomacy, Sounds and Voices on the International Stage, Cham, Palgrave Macmillan, 2018.

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    Pour citer cette publication

    Marion Brachet, « Roger Waters et la performance du politique » Dans MarionBrachet et Esteban Buch (dir.), « Musique et politique », Politika, mis en ligne le 03/02/2025, consulté le 05/02/2025 ;

    URL : https://www.politika.io/es/node/1517