« L’Affaire Glozel ». Médias, scandales et fausses nouvelles dans la fabrique de la Préhistoire
Professeur d’histoire de l’art et d’histoire

(University of North Carolina)

Aujourd’hui largement oubliée, sinon par une poignée d’archéologues, « l’Affaire Glozel » a défrayé la chronique en France, en Europe, voire en Amérique du Nord, à la fin des années 1920. Tout a commencé en 1924, le jour où un agriculteur nommé Claude Fradin et son petit-fils Émile sont tombés sur des objets anciens en labourant leurs champs à Glozel, un hameau de la commune de Ferrières-sur-Sichon, à l’extrémité sud de l’Allier. Après avoir reçu la visite d’enseignants et de membres de la société savante locale, la famille loua le site à Antoine Morlet, archéologue amateur et médecin de Vichy, la ville la plus proche, qui engagea des fouilles et commença à en publier les résultats à la fin de l’année 1925. Ces objets comprenaient des tablettes gravées et des vases ornés de figures qui suscitèrent un très vif intérêt, donnant lieu à une controverse qui ébranla la préhistoire française. Si leur authenticité était confirmée, elles étaient en effet de nature à remettre en cause les théories dominantes de l’époque sur les débuts de l’écriture et de l’art préhistorique. Parmi ceux que fascinèrent ces découvertes à Glozel figurait Salomon Reinach qui, en tant qu’académicien et directeur du musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye (actuel musée d’Archéologie nationale), s’affirma comme le plus éminent défenseur de leur authenticité.

Dessins de Salomon Reinach

Dessins de tablettes gravées, par Salomon Reinach.

À l’automne 1927, René Dussaud, à l’inverse, publia un pamphlet en affirmant que les objets gravés et illustrés de Glozel étaient des faux. Âgé de 58 ans, Dussaud était à l’époque un homme fort occupé : il cumulait les fonctions de conservateur au département des Antiquités orientales du Louvre, de professeur à l’École du Louvre, de membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres – sorte de bureau central de l’archéologie française en ce temps –, et de rédacteur en chef de Syria, la revue de référence dans son domaine, celui de l’archéologie orientale. À vrai dire, son pamphlet n’était pas le premier pavé jeté dans la mare mais, compte tenu de l’autorité dont jouissait son auteur en matière d’archéologie des débuts de l’écriture, il eut un impact décisif. Antoine Morlet et la famille Fradin acceptèrent alors la visite d’une commission d’inspection réunissant des archéologues de toute l’Europe, laquelle publia un rapport qui, à son tour, mettait en doute l’authenticité des artefacts découverts. À ce stade, la controverse bascula pour devenir une affaire judiciaire : début 1928, une perquisition de la police eut lieu au domicile des Fradin, suivie par plusieurs procès, dont celui d’Émile Fradin, accusé d’escroquerie puis acquitté, et celui de René Dussaud, accusé de diffamation, jugé coupable et condamné au franc symbolique. Néanmoins, lorsqu’en 1936, Antoine Morlet mit fin aux fouilles, il n’était toujours pas parvenu à convaincre ses collègues archéologues professionnels de l’authenticité du site.

Pourquoi Dussaud s’est-il investi à ce point, jusqu’à l’obsession, dans le débat médiatique provoqué par la polémique de Glozel ? C’est qu’il n’était pas seulement un éminent chercheur mais exerçait aussi des fonctions administratives de grande importance ; il était donc tout particulièrement sensible à la tension propre à l’archéologie, entre ambition scientifique, d’une part, et souci médiatique, d’autre part, fait d’un mélange de désir et de soupçon à l’égard des médias. Dès octobre 1927, il s’abonna à L’Argus de la Presse1 et, comme souvent les abonnés de L’Argus, s’en servit pour mesurer l’écho de ses succès ; en l’occurrence, son abonnement coïncida avec la publication de son long essai polémique sur les fouilles de Glozel, et lui permit de recevoir toutes les coupures de presse dans lesquelles apparaissait le mot-clé « Glozel », bien au-delà des seules références à son propre texte. Trois semaines après son abonnement, il avait déjà reçu 728 coupures2. Fin février 1928, quand il y renonça, il en était à près de 1500 articles venus de toute la France, de l’empire colonial français et de l’Europe, dans neuf langues en tout, sans compter le français.

Telle était l’importance de l’affaire Glozel. Il faut dire qu’elle se situe à un moment crucial de l’histoire de l’archéologie, et qu’elle contribue à l’éclairer : je veux parler de la transition, analysée par William Stiebing, entre le temps héroïque des amateurs passionnés et aventureux, en quête de trésors, peu soucieux de légalité ou de préservation, et le stade de la professionnalisation moderne, dominé par des archéologues travaillant sous les auspices des gouvernements ou des universités, afin d’augmenter la masse des connaissances sur les sociétés du passé3. À travers Glozel, une porte s’entrouvre sur tout un ensemble de dynamiques historiques plus larges : les débats suscités par ces découvertes ont soulevé, à la fois implicitement et explicitement, des questions sur la nature du savoir scientifique, sur le cours de la civilisation – se déplaçait-elle d’est en ouest ou dans le sens inverse ? – et sur la perception de ces questions dans le grand public. Glozel a fourni aux archéologues une occasion de promouvoir la scientificité de leur travail et d’exposer publiquement leurs méthodes. Qui plus est, près d’un siècle plus tard, les questions que soulève l’affaire font écho de manière frappante avec des débats actuels, dans le monde savant comme dans des cercles plus larges. Depuis plus de vingt ans, Nathan Schlanger et d’autres ont consacré de stimulantes recherches aux archives de l’archéologie, conçues comme « la mémoire tangible […] de la discipline », alors que leur contenu avait longtemps été jugé soit trop trivial pour être pris en considération, soit « trop important […] pour être analysé par des hommes de terrain non encadrés soit pour être versé dans le domaine public4 ». La fabrique des archives archéologiques obéit à un processus particulièrement clair dans le cas de Glozel ; elle en dit long sur les frontières et les horizons de la discipline à tel ou tel moment, sur ce qu’elle cherche à connaître et sur les mondes qu’elle vise à reconstruire.

Le dossier de l’affaire Glozel, relativement mince, est conservé aux Archives nationales de France dans une chemise sur laquelle figure une note manuscrite comprenant, sur des lignes distinctes, l’indication bureaucratique suivante : « M. de Bar/Glozel/dossier à classer/garder que les coupures. » M. de Bar était le directeur du bureau de l’enseignement supérieur du ministère de l’Instruction publique, chargé du soutien aux programmes de recherche. La note lui demande, à lui ou plutôt à un subordonné, de classer le rapport, ce qui sous-entend que l’État ne s’intéresse plus à l’affaire. Elle n’est pas datée, mais elle a sans doute été écrite après janvier 1928, quand la Commission des monuments préhistoriques du ministère a décidé de ne pas « classer » le dossier5. À partir de là, l’État se détourne officiellement de Glozel, considéré comme un chantier privé situé sur un terrain privé. Un fonctionnaire avait déjà posé la question quelques mois plus tôt : « Appartient-il à l’administration de rechercher et de proclamer dans une question scientifique, une vérité officielle ? Je ne le pense pas6. » Quant aux Archives départementales de l’Allier, sises à Moulins, elles contiennent un dossier tout aussi mince. Mais pourquoi, alors, cette mention sur le dossier des Archives nationales : ne « garder que les coupures » ? Pourquoi les coupures ? Et pourquoi seulement les coupures7 ?

Découper des articles dans un exemplaire de journal produit certes un stock d’informations, mais on peut aussi considérer ce geste, en tant que tel, comme un type de collectionnisme, qui cherche à préserver quelque chose de la matérialité et du caractère aléatoire du passé – cette dimension aléatoire qui, comme l’a fait remarquer Benedict Anderson, est sensible dans la mise en page même des feuilles de journaux. D’un autre côté, le fait de découper et de colliger des coupures vise aussi à conférer une sorte d’ordre rudimentaire à l’assemblage aléatoire des articles sur la page de journal. En tant que processus, ce découpage inverse le processus archéologique : il part d’un ensemble constitué – la page de journal – et le réduit à une collection de fragments – les coupures, mais il ne s’en conforme pas moins à une épistémologie fondamentalement archéologique, qui postule l’existence d’un tout manquant à partir de la somme de ses parties disponibles8. À quoi obéit une telle démarche ? Parmi les « collectionneurs » de coupures, seul René Dussaud affiche des motivations claires : une lettre à Camille Jullian montre qu’il considère les réactions du public comme les marques d’une bataille entre deux camps, au sein de laquelle il manifeste sa satisfaction lorsque le vent semble tourner en faveur des anti-glozéliens. Cela dit, le simple fait d’amasser une telle quantité de coupures et de les conserver dans des armoires et des greniers pendant des décennies constitue une motivation en soi et révèle l’importance, le poids qu’a acquis l’affaire au fil des mois ; une telle importance explique, sinon justifie la compulsion de rassemblement de coupures, qui s’inscrit à sa petite échelle comme l’un des symptômes d’une obsession nationale. Voilà ce que c’était que de vivre l’affaire Glozel en direct, semblent nous dire ces masses de papier, voilà ce que c’était d’essayer de suivre ses rebondissements tout en restant au fait de l’actualité globale. Plus simplement, le message envoyé, c’est que là, enfouie dans ces piles (je ne pousserai pas l’analogie trop loin), gît la vérité : mais bonne chance pour la trouver.

Et encore autre chose : comme je l’ai déjà dit, Glozel illustre les interférences entre les médias de masse et l’appréhension de la science et de l’histoire par le public, d’une façon qui fait étonnamment écho à ce qui se passe aujourd’hui.

La faute aux médias

En 1927, les journalistes et les archéologues pouvaient s’accorder sur un point : les controverses scientifiques faisaient vendre les journaux, même si les articles n’étaient guère en faveur de la science, notamment en ce qui concernait les prétentions de la préhistoire à acquérir un statut scientifique. Dans une longue synthèse consacrée à la controverse de Glozel, un journaliste de L’Avenir passa en revue les points de vue des différents chercheurs (dont ceux de Camille Jullian, académicien réputé lui aussi, qui avait adopté une position intermédiaire insolite, persuadé que, parmi les objets découverts, certains – mais pas tous – étaient authentiques et dataient de la période gallo-romaine, plutôt que du néolithique). Plus loin, dans la rubrique « Polémiques », le journaliste montrait clairement la responsabilité des médias : « La presse s’en mêla, elle accueillit les déclarations – parfois acerbes – des uns et des autres, prenant parti pour ou contre. Bref, l’affaire tournait au scandale9. » Certains comptes-rendus évoquaient même une forme de cynisme de la part des médias : un article de Paris-Soir, par exemple, affirmait que Glozel était rapidement en train de devenir un fait divers, orchestré comme tel pour faire vendre10. C’est cette couverture médiatique qui dégoûta à tel point l’abbé Henri Breuil, l’éminent préhistorien, qu’il se refusa à tout commentaire. Mais son refus, expliquèrent de nombreux journaux, n’était pas synonyme de silence : un article du Quotidien citait une déclaration qu’il avait faite à un confrère dans laquelle il reprochait aux journalistes d’avoir fait de l’affaire une « polémique grossière11 ».

Le fait est que les archéologues avaient tendance à accuser les médias d’entretenir la controverse à dessein. « Je crois que ces événements mystificateurs sont une loi de la nature, écrivait un des correspondants de René Dussaud, et que c’est aussi un des effets de cette surabondance de journaux illustrés, de brochures bon marché, qui fait germer les préhistoriens et les archéologues. Afin d’exciter les primaires [sic] sur les silex, les fibules et les [illisible], on fait éclore les imitateurs. Quoi de plus amusant que de mystifier les bourgeois12 ? » Dans la revue de la Société préhistorique française, André Vayson de Pradenne accusait directement le Mercure de France, revue littéraire très lue, d’avoir monté l’affaire en épingle, par l’intermédiaire d’Arnold van Gennep, qui y chroniquait la préhistoire et donnait tout loisir à Antoine Morlet d’y commenter ses découvertes13. C’est dire que la plupart des voix critiques à l’encontre de la presse venaient plutôt du camp des anti-glozéliens. Autre exemple : dans une lettre au Temps, Henri Bégouën, préhistorien de l’université de Toulouse et anti-glozélien notoire, reprochait à la « nuée de reporters » présents à Glozel d’empêcher la commission de travailler dans « le calme et le recueillement désirables ». Ce à quoi Salomon Reinach, dont j’ai déjà évoqué l’engagement pro-glozélien, répliqua qu’au contraire, la présence des journalistes avait été indispensable : « Des yeux en surnombre quand il s’agit de constater des faits, ne sont jamais inutiles14. »

En réalité, Henri Bégouën n’était pas entièrement opposé à l’idée que les découvertes archéologiques fussent relayées par la presse. En 1927, dans une lettre adressée au rédacteur en chef du Mercure de France, il se défend des accusations d’Antoine Morlet et explique que les fouilles archéologiques méritent d’être publiquement commentées et portées à la connaissance de tous. Il plaide même pour que les archéologues organisent un colloque à Glozel, ce qui leur permettrait de se rassembler pour examiner collectivement le site et leurs découvertes15. Bégouën cite de nombreux archéologues qui s’étaient exprimés en faveur d’un débat ouvert et il rappelle que quinze ans plus tôt, le préhistorien Denis Peyrony avait interrompu un chantier potentiellement important jusqu’à ce qu’il ait réuni dix collègues qui allaient fouiller avec lui et échanger leurs points de vue. « L’autorité scientifique de Peyrony ne fut pas diminuée par ce contrôle, bien au contraire16 », écrivait-il. Bégouën militait aussi pour que la presse s’emparât au plus vite et de manière approfondie de l’archéologie. En effet, disait-il, dans certaines circonstances, la presse grand public pouvait se substituer à une publication scientifique17.

Les archéologues reconnaissaient rarement que les médias leur servaient aussi de relais, voire de mégaphone pour leurs querelles, au point de brouiller la distinction entre discussion savante et journalisme. Cela dit, la presse était là pour la leur rappeler. Le Temps – et c’était aussi le cas pour Le Figaro et pour le Journal des Débats, ces journaux de référence de l’establishment, dont l’influence dépassait largement le tirage – reçut tellement de tribunes venant de personnalités des deux camps qu’il les publia en série sous le titre « Autour d’un controverse scientifique » et qu’il se sentit obligé de rappeler à cette occasion qu’il y avait certaines bornes à ne pas dépasser. Précisant qu’il ne publierait que des « opinions objectives », dépourvues d’attaques ad hominem, il ajoutait : « Il faut bien aussi que nos correspondants tiennent compte de l’impossibilité pour tout journal de donner une étendue illimitée aux diverses rubriques, et cela peut nous obliger encore à renoncer à certains témoignages trop longuement exprimés18. » Du côté des archéologues, Antoine Morlet avait la réputation d’être procédurier et de n’avoir de cesse de faire son auto-promotion. En préambule d’une lettre parue en février 1928, le Journal des Débats écrivait, non sans ironie : « Le docteur Morlet aime beaucoup à invoquer son droit de réponse. Nous y faisons droit bien volontiers et la lettre ci-dessous confirmera nos lecteurs dans l’éternelle vérité de la parabole de “La Paille et la Poutre”» (du Sermon sur la Montagne)19. S’il est vrai que, dès le début, plusieurs savants, dont le grand paléontologue Marcellin Boule, s’étaient inquiétés à l’idée que cette publicité allait nuire à la science française, inversement, certains journalistes et commentateurs accusaient les scientifiques de manquer eux-mêmes de retenue20. « La science ! écrivait Victor Méric, exaspéré. Quelle abominable plaisanterie ! Ils sont là une douzaine d’augures qui n’arrivent point à se mettre d’accord. Et, pourtant, il s’agit de vérifications relativement simples21. » Le Guardian insistait sur les incertitudes et les lacunes des connaissances archéologiques, et rappelait que la préhistoire tâtonnait encore, ce qui incitait à la prudence22.

Il serait injuste, cependant, de réduire le rôle des médias à celui de mégaphone ou de n’y voir que de la vénalité. Les journaux qui publiaient des communications d’universitaires le faisaient aussi parce qu’ils pensaient que c’était leur rôle, même s’ils savaient par ailleurs – ou pressentaient – que cela ne pourrait pas nuire aux ventes. Certains se considéraient comme des passeurs : La Meuse, par exemple, un journal belge, publia un article définissant plusieurs termes archéologiques importants, notamment celui de « mobilier », détaillant les types d’objets découverts à Glozel, énumérant les principaux partisans des deux camps et résumant les apports des membres de la commission internationale23. Les journaux proposaient aussi des explications – tantôt sommaires, tantôt très fournies – sur les enjeux plus larges de l’affaire. Le Matin, résolument glozélien, titrait au-dessus d’une photographie des membres de la commission au travail : « Les résultats des fouilles de Glozel apporteraient un bouleversement complet dans la chronologie de la préhistoire », en ce qu’ils annonçaient, selon le journal, l’identification d’une période intermédiaire entre les périodes préhistoriques déjà connues24. Le journaliste Marcel Sauvage allait même plus loin et écrivait dans un compte-rendu exhaustif de la polémique : « Mais voici que le problème soulevé par Glozel : quel est le chemin suivi par la civilisation, est-ce de l’ouest à l’est selon M. Salomon Reinach, ou de l’est à l’ouest comme le soutient M. Dussaud ? se dévoile peu à peu en son entier25. » Il va de soi que certains n’hésitaient pas à personnaliser la polémique, ce qui était aussi une façon de rappeler ce qui se jouait : Salomon Reinach « sait à quel point l’enjeu de Glozel importe, écrivait Eugène Marsan dans Le Figaro. Rien de moins que l’histoire de la civilisation. Si Glozel est faux, rien ne va : la civilisation a passé d’Orient en Occident : tout est venu du Jardin, entre le Tigre et l’Euphrate. Ce que M. Salomon Reinach ne veut à aucun prix admettre26. »

Cette remarque s’insérait dans un article dont le sujet portait sur une autre controverse, plus ancienne, liée à l’intervention de Salomon Reinach, alors jeune conservateur, qui avait recommandé au Louvre d’acheter la tiare dite de Saïtapharnès. En 1896, le musée avait donc acquis cette couronne qui appartenait, disait-on, à un roi scythe du IIIe siècle av. J.-C., jusqu’au jour où l’on avait découvert qu’il s’agissait d’une contrefaçon27. Les comptes rendus de l’affaire de la tiare de Saïtapharnès, y compris des caricatures, étaient si nombreux que le jour où un groupe d’anti-glozéliens essaya d’interrompre une conférence de Joseph Loth, professeur au Collège de France, pro-glozélien, ils scandèrent « Saïta-pharnès28 ». Les anti-glozéliens reprochaient à Salomon Reinach son omniprésence dans les médias ; certaines critiques étaient teintées d’antisémitisme, lequel n’était cependant explicite que dans des revues d’extrême-droite comme L’Action française où Glozel alimentait les foudres anti-positivistes obsessionnelles et embrouillées de Léon Daudet29. De son côté, Joseph Loth envisageait sa série de conférences polémiques comme un moyen de ne pas dépendre des médias : « Je tiens à dire moi-même en public ce que je sais et ne veux d’aucune façon amorcer une nouvelle campagne de presse. » Cela dit, il fit naturellement cette déclaration au cours d’un entretien avec un journal, moyen pour lui d’attirer l’attention sur ses conférences et de s’inscrire ainsi dans la longue histoire de l’intérêt des médias et de l’engouement du public pour les cours du Collège de France30. Rien ne saurait mieux illustrer la relation symbiotique entre l’archéologie, ses relais universitaires classiques et ces médias mêmes que les archéologues accusaient de déformer et de ternir les débats authentiquement scientifiques.

 « Fake News » et fausses nouvelles

En 1921, Marc Bloch, à peine sorti de son expérience de sergent pendant la Première Guerre mondiale, publia dans la Revue de synthèse historique un article intitulé « Réflexions d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre ». À la fois compte-rendu critique, programme de recherche et témoignage, le texte se concentre sur la dimension psychologique des fausses nouvelles qui s’étaient propagées du terrain de la guerre (même si elles émanaient en général des lignes de soutien arrière) jusqu’au front intérieur, pendant tout le conflit31. Dans ce texte (le seul article scientifique que Marc Bloch a publié sur la Grande Guerre de son vivant), il envisage les fausses nouvelles comme un phénomène de psychologie collective qui ne se maintient et ne se propage que dans « un bouillon de culture favorable ». « La fausse nouvelle est le miroir où “la conscience collective” contemple ses propres traits32 », écrit-il. Comme l’a fait remarquer Leonard Smith, la perspicacité des analyses de Marc Bloch sur les liens entre expérience et récit, aussi bien dans ce texte-là que dans ses journaux de guerre et sa correspondance, anticipe des questions que les historiens ne commenceront à creuser que des décennies plus tard33. Cela dit, en 1921, Marc Bloch disposait, pour alimenter sa réflexion, de plusieurs ouvrages sur les fausses nouvelles, signe que le phénomène jouissait déjà d’une certaine emprise sur la « conscience collective » de la France des années 1920. Pour en revenir à Glozel, plusieurs articles postérieurs à la publication du rapport de la commission, fin décembre 1927, sous-entendent que cette affaire serait un excellent sujet pour « des études de psychologie curieuse » ou que Freud aurait eu des choses à dire sur cette « irritation du cerveau qui n’épargne personne et qu’on pourrait appeler la glozélite34 ».

Pour étudier les fausses nouvelles, note Marc Bloch, l’historien commence par considérer l’erreur comme un « un objet d’étude » et non comme une chose à éliminer. Même les fautes typographiques mineures peuvent compter, écrit-il35. Or les papiers sur Glozel étaient truffés de fautes, notamment – mais pas exclusivement – en ce qui concernait l’orthographe des noms des membres de la commission36. Pourtant, dans l’affaire Glozel, il n’est pas facile de savoir où commencent exactement (et où finissent) les « fake news » ni qui les propage parce que ces questions impliquent une forme de jugement subjectif. Il arrive que les coupures de presse permettent de reconstituer la production et la diffusion des fausses nouvelles en temps réel ou presque. Je citerai un cas particulièrement intéressant parce qu’il inclut des considérations sur le processus archéologique, celui des fouilles de vérification menées par la commission internationale en novembre 1927. Conscients de la frénésie médiatique que suscitait leur mission, ses membres ont publié une brève déclaration, à la fin de leur chantier, pour dire qu’ils ne commenteraient pas les articles de presse37. Avant même cette déclaration, le refus de la commission de publier des bulletins quotidiens avait été annoncé par les journaux, dont La Loire républicaine qui, à la fois compréhensive et dépitée, notait que la commission avait décidé de ne rien dire avant de finir son rapport38. Ce qui n’empêcha pas les journalistes de spéculer, jusqu’à annoncer aux lecteurs que la commission avait conclu à l’authenticité de Glozel. Dans les archives Dussaud, l’article de La Loire républicaine est conservé sur une feuille entourée de deux autres, dont l’une comprend un titre affirmant que les découvertes de Glozel « seraient authentiques », l’autre, que le site « est bien authentique », comme si aucun doute ne subsistait. La manchette du Matin publiée deux jours après le début des fouilles de la commission renchérissait ainsi : « L’authenticité du gisement de Glozel est reconnue à l’unanimité par la commission internationale. » Les quotidiens français n’étaient pas les seuls dans l’erreur : le Daily Mail titra « L’histoire ancienne réécrite39 ». Comment avaient-ils pu se tromper à ce point ?

Pour commencer, les journaux consacraient beaucoup de place à la stricte description des objets déterrés par la commission. « Une tête de renne gravée sur un galet atteste l’authenticité du gisement de Glozel40 », annonçait Le Quotidien en Une. C’était adhérer à une épistémologie selon laquelle voir, c’est croire, ce que confirme Salomon Reinach dans une lettre adressée à Camille Jullian au mois d’août précédent : « Sous mes yeux, à portée de ma main, écrit-il, on a extrait, fouillant de la lande vierge, une tablette inscrite, une idole d’argile du type lingam-yoni. C’est étonnant, c’est déroutant, mais c’est incontestable41. » Vingt-quatre heures plus tard, il ajoute dans une autre lettre : « Malgré les objections, je ne puis renoncer à rendre public le témoignage de mes yeux42. » Certes, mais les yeux ne sauraient témoigner sans l’appui d’autres sens et d’autres facultés. Le compte rendu du Daily Mail comprend cette phrase révélatrice, à la fin de la description de certains objets : « Les scientifiques garantissent que leurs découvertes ont été faites dans un sol qui n’avait jamais été remué et n’ont pu être déposées par une main moderne. » Or les scientifiques en question – c’est-à-dire les membres de la commission – n’avaient fait aucune déclaration ; il s’agit donc d’une supposition de la part du journaliste. Le lendemain du jour où il avait affirmé que l’authenticité de Glozel était « reconnue », Le Matin publia un compte-rendu détaillé des propos et des gestes des membres de la commission, au dernier jour du chantier ; l’article allait jusqu’à paraphraser les commentaires d’un autre archéologue qui avait observé la fouille et qui interprétait ces gestes comme des confirmations de l’importance exceptionnelle des trouvailles43. Le quotidien s’appuyait aussi sur des rumeurs et des bribes de conversation, saisies au vol, même si des journalistes plus prudents rappelaient qu’il était risqué de s’y fier44. D’autres mises en garde, comme celles d’Henri Bégouën45, contre ce genre de spéculations pouvaient être dénoncées comme partisanes – un phénomène typique du syndrome des fake news.

Finalement, le rapport de la commission fut publié sous forme de supplément de la Revue anthropologique juste avant Noël, et il donnait raison aux mises en garde de Bégouën. En s’appuyant sur un examen minutieux du sol entourant les vestiges retrouvés, plus que des vestiges eux-mêmes, le rapport en concluait qu’ils n’étaient pas « anciens »46. Tandis que les Glozéliens réagissaient violemment en essayant de démolir cette conclusion, la presse pouvait s’occuper, comme elle le fit en effet, en publiant des articles sur les nombreuses réactions aux rapports, y compris, début janvier, un cycle de conférences de Joseph Loth au Collège de France. Pour Le Matin, cependant, quotidien à grand tirage qui, plus que les autres, avait engagé sa réputation sur la défense de l’authenticité de Glozel, il fallait aller plus loin : la perspective de voir le dossier Glozel ne plus faire la une était trop inquiétante, en effet, compte tenu de ses finances fragiles. Prenant littéralement l’affaire en mains, le journal dépêcha un de ses chefs de rubrique et un autre journaliste pour qu’ils fouillent eux-mêmes à proximité de Glozel, sans doute parce que leurs bonnes relations avec la famille Fradin leur facilitaient l’accès au site. C’est ainsi que le 6 janvier 1928, moins de deux semaines après la publication du rapport de la commission, le quotidien titra : « Les fouilles du Matin à Glozel ». Les photos montrent le chef de rubrique, Pierre Guitet-Vauquelin, et son collègue brandissant leurs découvertes au milieu de ce qui ressemble à un champ enneigé47. Le titre ajoute des détails sur l’emplacement de la fouille et comprend finalement cette phrase révélatrice : « Les Fradin ne veulent pas être traités de faussaires », alors même que, de toute évidence, le fait d’avoir découvert des objets semblables à proximité ne constituait en rien un élément de preuve susceptible de les disculper.

On trouve dans les coupures de presse de Dussaud un certain nombre de réactions des concurrents du Matin. Dans Paris-Soir, Maurice Verne salue l’initiative du journal, mais estime qu’il est trop facile de faire comme s’il n’y avait pas eu de polémique48. L’Humanité est nettement plus sévère. Dans un article intitulé « Toujours Glozel », qui ne mentionne ni Le Matin ni le nom de son principal correspondant, le quotidien récuse non seulement les découvertes du Matin, mais la « brillante idée » de Guitet-Vauquelin qui a inspecté l’argile d’une grotte voisine, « comme s’il pouvait y avoir une analogie quelconque entre une cavité de rocher et une construction en pierre sèche pleine de fentes et de fissures ! » S’efforçant de réaffirmer la distinction entre science et information, L’Humanité déclare que des journalistes parisiens ne sauraient discréditer le rapport unanime de savants réputés : « Car, nous insistons, le problème de Glozel est d’un ordre purement scientifique. Les “profanes” n’ont rien à faire là-dedans49. »

Cela dit, c’est sans doute Le Canard enchaîné, né une dizaine d’années plus tôt, qui opposa la réponse la plus cinglante au pari du Matin50. L’hebdomadaire en profita pour se moquer de toutes les catégories de personnes impliquées dans l’affaire : savants, amateurs locaux, agriculteurs – et confrères journalistes51. Il s’en donna à cœur joie avec les « idoles bisexuées » vantées par Antoine Morlet dans le Mercure de France, que beaucoup considéraient comme « en quelque sorte la “Gazette officielle de Glozel52” ». René Dussaud avait déjà remarqué qu’une de ces idoles semblait avoir les seins qui se croisaient. Dans un article intitulé « D’une mode néolithique », Le Canard enchaîné ajouta que ces seins devaient être exceptionnellement souples, mais que c’était peut-être précisément cette souplesse que les hommes néolithiques appréciaient par-dessus tout dans la poitrine de leurs épouses53.

Le Canard redoubla de verve lorsque Le Matin entreprit ses propres fouilles. Quelques jours plus tard, il publia un article affirmant qu’il avait lui-même entamé des fouilles dans ce qu’il appelait « le lotissement de Glozel ». Le texte prend la forme d’un faux journal de fouilles dans lequel le journaliste observe les autres journalistes s’efforçant de fouiller à Glozel et en venant parfois aux mains, quand ils ne sont pas occupés à repérer les bonnes tables du coin. Les lecteurs ont droit à la description détaillée des vêtements du journaliste, calqués sur ceux du chef de rubrique du Matin, tels qu’illustrés par une photo en une. Hélas, après trois jours sur place, le journaliste n’avait toujours pas commencé à fouiller54. À l’intention des rares lecteurs qui se seraient demandé si cette fausse nouvelle était vraiment du journalisme d’investigation – une voie pour laquelle Le Canard est célèbre aujourd’hui, mais dans laquelle il ne s’est engagé que beaucoup plus tard –, le journal publia plusieurs croquis, dont un plan schématique du nouveau « lotissement », avec des rues qui portaient le nom des principaux Glozéliens, ainsi qu’un « Cercle préhistorique », qui visait à rendre sensible le caractère répétitif de l’histoire. Une autre caricature représentait le « boulevard Morlet », suggérant que de vénérables institutions comme l’Institut et de grands journaux de référence en avaient été réduits à l’état de bonimenteurs de foire.

Dessins parus dans Le Canard enchaîné en 1928.

Dessins parus dans Le Canard enchaîné en 1928.

La description par Le Canard de l’accoutrement de son journaliste est l’occasion d’évoquer une autre dimension du traitement de l’affaire Glozel, qui ne relève pas exactement de la fausse nouvelle, mais qui se situe à la frontière indécise entre le faux et le simplement superficiel. De fait, nombre de journaux publièrent des descriptions détaillées de l’allure et des vêtements des membres de la commission. Les photos de groupe sont très parlantes : ils portent tous le costume sombre, le manteau et le chapeau-melon qu’utilisaient les archéologues pour poser, afin d’afficher un statut d’universitaires plutôt que d’hommes de terrain, une incongruité que les caricaturistes ne se sont pas privés d’exploiter. De telles images mettent en scène une différence de classe qui fait apparaître les membres de la famille Fradin, posant devant leur propre maison, comme des extraterrestres, et pas seulement du fait de l’incongruité du mot crucial de « Musée » qu’on voit affiché derrière eux. Par contraste, lorsque les experts invités endossèrent des habits de travail, Les journaux l’ont évidemment remarqué. Voici par exemple comment Le Cri de Paris décrit la commission au travail :

« Tous ces doctes savants avaient revêtu des salopettes gros bleu dont la toile dure d’apprêt leur donnait l’air d’apprentis serruriers ou de poseurs électriciens équipés à neuf. M. l’abbé Sabret [sic, pour Favret] portait une combinaison kaki digne du meilleur mécano d’aviation. Comme ses collègues, Miss Garrod avait coiffé un béret basque fort seyant qui emprisonnait à peine sa courte chevelure ; seul, M. Ferrer [sic, pour Forrer], de Strasbourg, qu’accompagnait son épouse, opérait en melon55. »

La comparaison avec des mécanos et des apprentis serruriers a beau être ouvertement comique, elle trahit une forme d’anxiété, comme si, à Glozel, on ne pouvait plus savoir à quoi ressemblait, ni même ce qu’était un véritable archéologue. Autant dire que l’affaire avait perturbé à bien des égards l’épistémologie visuelle suivant laquelle la vision mène tout naturellement à la reconnaissance et, à partir de là, à une connaissance plus approfondie.

Émile Fradin dans son musée à Glozel. Source : Bibliothèque nationale de France

Émile Fradin dans son musée à Glozel. 

Collections du musée de Glozel, 1927. © Agence Meurisse

Collections du musée de Glozel, 1927. 

Attention, affaires sensibles !

Le fait que Le Canard enchaîné insiste sur le versant financier de Glozel – de nombreux articles citaient le tarif exorbitant de quatre francs demandé par les Fradin pour pouvoir visiter le petit musée qu’ils avaient ouvert – est non seulement l’occasion de rappeler la concurrence entre les journaux, mais d’aborder un problème plus large de la presse de l’époque. Comme les lectrices et les lecteurs de ces lignes ont dû le remarquer, les réactions des journaux avaient peu à voir avec leur ligne politique. L’Action française était anti-glozélienne, mais L’Humanité et L’Œuvre, un quotidien indépendant de gauche, l’étaient aussi. Le Matin, d’extrême-droite, était glozélien, mais Le Populaire, journal du parti socialiste, et Le Quotidien, plutôt de gauche, l’étaient aussi56. Dans ce paysage médiatique déconcertant, les journaux avaient donc besoin de trouver des repères pour orienter les lecteurs. Ce faisant, ils exploitaient leur rôle d’interprètes et de passeurs, et proposaient une version autorisée de Glozel, offrant à leur lectorat un cadre compréhensible pour aborder les problèmes de l’archéologie et, plus largement, de la science.

Dès la parution du rapport de la commission, trois membres de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Salomon Reinach, Joseph Loth et Émile Espérandieu – les seuls des cinquante-huit membres de l’Académie, qui, selon René Dussaud, croyaient encore à l’authenticité de Glozel – publièrent une déclaration solennelle. En faisant référence à ce qu’ils appelaient « la commission Bégouën », expression signifiant qu’ils accusaient les anti-glozéliens d’avoir indûment influencé la composition de la commission, ils écrivaient :

« Il manquait, à la découverte admirable de Glozel, la consécration la plus haute : celle dont l’Inquisition romaine honora le génie de Galilée. À ce titre, la commission Bégouën a bien mérité de la science, et les soldats de la juste cause lui doivent des remerciements. Quant à elle-même et à son inspirateur toulousain, ils partageront, avec les commissaires de 1633, la seule immortalité qui soit à leur portée, celle du ridicule57. »

Largement reproduite, la déclaration des trois académiciens suscita des réactions véhémentes et souvent moqueuses. Quelques journaux catholiques se focalisèrent sur ses sous-entendus religieux et s’offusquèrent car ils y voyaient un sous-texte anticlérical. Inversement, certains journaux de gauche expliquèrent que « sur l’affaire Glozel s’est greffée une campagne cléricale contre la préhistoire elle-même58 ». Le journal de droite La Liberté jugea « peut-être excessive59 » la comparaison entre Morlet et Galilée, et un chroniqueur du Temps tourna la référence en dérision, affirmant qu’aucun spectateur sensé ne pouvait comparer les membres de la commission à Torquemada et que personne ne songeait à brûler vif Morlet – un génie d’évidemment moindre envergure que « l’illustre Toscan60 ». La Nation remettait sur le tapis le thème de la civilité, voyait dans la déclaration une manifestation de « grossièreté envers d’éminents savants étrangers » et stigmatisait l’absence de « cette sérénité toujours nécessaire à l’emploi des méthodes scientifiques comme elle l’est à la conduite des affaires publiques61 » – ce qui, au moins, avait le mérite de rappeler le cadre de référence initial de l’affaire : la science. La grille d’interprétation religieuse – pour ou contre le catholicisme – était aussi fréquemment mobilisée : par exemple, lorsque La Rumeur, en février, suggéra que la carrière de Bégouën avait été à la fois façonnée et entravée par son éducation catholique réactionnaire. Nombreuses, autrement dit, étaient les références et les connotations idéologiques possibles pour interpréter les positions à propos de Glozel.

Mais la référence à Galilée finit par mourir de sa belle mort, tant elle était excessive. Une autre comparaison venait plus spontanément à l’esprit et se retrouve de fait dans bon nombre d’articles sur Glozel : pour beaucoup, le clivage suscité par l’affaire Glozel rappelait celui de l’affaire Dreyfus un quart de siècle plus tôt. Rappelons à ce propos que Salomon Reinach était le frère cadet de Joseph Reinach, éditeur de journaux et homme politique qui fut un des premiers députés à se récrier contre la condamnation et la déportation de Dreyfus. Déjà à ce moment-là, la violence des prises de position, dans le débat public, reposait sur la question de l’authenticité de la preuve. Il en restait des traces dans la mémoire collective : le mot même d’« affaire », employé également pour Glozel, était toujours emblématique de « l’Affaire Dreyfus », et la caricature en deux volets de Caran d’Arche, « Ils en ont parlé », publiée à l’origine par Le Figaro un mois après le « J’Accuse » de Zola, était devenue métonymique des fractures que ladite « Affaire » avait provoquées dans la société. Trente ans plus tard, la référence était toujours dans les esprits, puisqu’il suffisait de citer l’une des légendes de la caricature, « Ils en ont parlé », dans un article décrivant une querelle animée entre deux dames lors d’un goûter, pour suggérer un parallèle entre l’affaire Dreyfus et Glozel62. Le ton est plutôt léger, on le voit, comme dans la plupart des références à l’affaire Dreyfus à propos de Glozel63. Dans le même esprit, au moins deux journaux ont publié un article sur un orchestre, dans une ville proche de Glozel (son nom n’est pas précisé, ce qui suggère que l’anecdote était peut-être apocryphe), dont les musiciens étaient tellement divisés sur la question qu’ils ne pouvaient plus jouer ensemble64.

En quelques occasions, cependant, l’évocation de « l’Affaire » a pris une tournure d’invocation, au gré des dérapages de telle ou telle personnalité et de ses relais dans la presse. « J’accuse Émile Fradin, déclare M. Peyrony », titrait ainsi Le Journal début janvier 192865. Fondateur du premier musée consacré spécifiquement à la préhistoire humaine, en France, aux Eyzies-de-Tayac (Dordogne), Denis Peyrony représentait le gouvernement au sein de la commission et avait annexé à son rapport une déclaration expliquant pourquoi il avait fini par nier l’authenticité des découvertes. L’article qui suivait était plus mesuré que la une : Peyrony accusait Émile Fradin, le plus jeune de la famille et le plus actif dans les fouilles, de lui avoir menti à plusieurs reprises en lui disant qu’il n’avait lu aucun ouvrage sur les inscriptions anciennes (ces livres étaient importants parce qu’ils auraient pu fournir à Émile Fradin des modèles et des images pour fabriquer des faux). Cela dit, Émile Fradin avait déjà été désigné par d’autres comme le faussaire le plus plausible, et Denis Peyrony, qui cultivait l’image d’un vieil instituteur terre à terre, ne l’« accusait » pas directement. En tout cas, l’article fut jugé suffisamment sérieux pour être aussitôt reproduit par le Journal des Débats, un des journaux de l’establishment. Comme beaucoup de journaux avaient des difficultés financières, c’est la preuve que les médias avaient compris que les références récurrentes à l’affaire Dreyfus étaient payantes.

L’Œuvre, journal de gauche qui entrait dans une autre forme de compétition en affirmant avoir été le seul quotidien parisien anti-glozélien dès le début, voyait en revanche ces allusions d’un mauvais œil66. Dans un article paru quelques jours après le « J’accuse » de Peyrony (qu’il ne mentionnait pas directement), il reprochait à la presse d’avoir « déclenché l’affaire Glozel – et Salomon Reinach ». Publiquement, les scientifiques se détestaient, observait un journaliste nommé « D », mais en privé la plupart s’entendaient entre eux, et on était loin de l’affaire Dreyfus : « Nous nous sommes battus pour un homme et pour une idée, poursuivait-il ; nous ne nous battons pas pour des tessons. Il faut que la vérité représente quelque chose de plus haut, de plus noble, de plus clair que l’opinion d’un savant67 ! » Les médias étaient responsables – et méritaient d’être blâmés – parce qu’ils avaient fait une publicité indue à une banale querelle scientifique et l’avaient alimentée, outre qu’ils avaient nui à la réputation d’« une science que les citoyens respectueux pouvaient imaginer plus précise ». Pour L’Œuvre, cependant, le problème était moins la science en tant que telle que son besoin, plus, sa soif de visibilité.

Le rapport de la commission, dont le ton est pour l’essentiel sec et très mesuré, est fondé sur l’idée que la vérité se découvre à force de patience et sans passion ; ses auteurs regrettent que le débat ait « complètement dévié du seul terrain sur lequel il aurait dû rester : celui d’une discussion scientifique dans la sérénité scientifique, par des hommes dont la discipline scientifique est l’expression morale journalière68 ». Comme ils n’avaient pas été autorisés à soumettre les objets à des tests chimiques (plusieurs furent finalement accomplis, avec des résultats ambigus, comme on pouvait s’y attendre, même si aucun ne confirmait vraiment l’ancienneté de Glozel), les auteurs se sont concentrés sur ce qu’ils pouvaient dire sur le site lui-même. Le rapport commence par rappeler les références des archéologues de terrain que sont les membres de la commission. Il définit l’archéologie en l’envisageant comme un processus et en insistant sur l’examen méticuleux des objets, de leur emplacement dans le sol et de la nature du sol lui-même. Il cite, pour en faire une preuve accablante, ce qui semblait être des paquets de terre entourant les artefacts, distincts sur quatre ou cinq centimètres de la composition du sol examiné par la commission dans cette zone précise69.

La leçon que de nombreux archéologues ont tirée de Glozel a trait à l’équilibre précaire entre la science et l’intérêt du public. Les membres de la commission insistent donc sur le fait qu’en arrivant à Glozel, ils ont mis de côté toutes les impressions que leur avaient laissées les différents articles, bien « décidés à ne se laisser guider que par les constatations qu’ils feraient70 ». Le mot « constatations » implique quelque chose qui va au-delà de la vision pour arriver à un certain niveau de compréhension. La conclusion du rapport commence ainsi par une note philosophique qui suggère l’existence d’un savoir ou d’une culture professionnelle que les archéologues auraient en commun :

« La Commission croit devoir rappeler que l’histoire de l’archéologie, comme celle d’ailleurs d’autres sciences – pour toutes les époques – a enregistré de nombreuses mésaventures (certaines gravures paléolithiques, âge de la corne en Suisse, vases et statuettes de Spiennes, vases moabites, etc.) C’est pourquoi elle avait le devoir de s’entourer de toutes les précautions possibles71. »

Ces « précautions » sont l’équivalent de ce que nous appellerions des normes professionnelles. Les auteurs ont beau ne pas préciser lesquelles, on sent que cette façon d’éviter des « mésaventures » renvoie à des procédures et des contraintes d’ordre professionnel et, au-delà, propres à une démarche scientifique que peu d’archéologues amateurs seraient en mesure de respecter.

En somme, nourrie par la conviction que le débat public est important pour la science, mais aussi par des querelles d’ego, l’affaire Glozel oppose deux visions différentes de l’archéologie : d’un côté, une discipline structurée suivant des domaines d’expertise reconnaissables, eux-mêmes divisés en sous-domaines ; de l’autre, une entreprise moins codifiée, composée d’amateurs doués, toujours en mesure de faire des découvertes de premier ordre. Après le spectacle qu’avait offert l’affaire Glozel, seul un ensemble de règles plus strictes, fixant la frontière entre amateurs et professionnels, pouvait garantir le statut scientifique de l’archéologie. Sous ce nouveau régime, « c’est la fouille et non plus la collecte qui produit des données scientifiques72 », selon les termes de Laurent Olivier. Ces règles, expliquait René Dussaud dans une conférence peu après la publication du rapport, devaient être imposées par la réglementation publique des fouilles, comme cela se faisait, insistait-il, dans la plupart des pays hormis la France73. Ces deux visions de l’archéologie, cependant, accordaient une large place à la publicité. Certes, au cours des décennies suivantes, les méthodes et les procédures de l’archéologie allaient incontestablement être mieux définies et plus évidemment « scientifiques ». Pour autant, les archéologues professionnels n’ont jamais été en mesure d’ignorer ou de contrôler cette attention médiatique à laquelle la fabrique de leur discipline était en partie redevable. Et le public féru d’archéologie, encouragé par les médias du XXIe siècle sous leurs diverses formes, continue apparemment de croire en la possibilité pour chacun d’entre nous de mettre au jour, par chance, les preuves matérielles de l’existence sous nos pieds de mondes encore ignorés.

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1

Sur L’Argus de la Presse, voir Boris Dänzer-Kantof et Sophie Nanot, De Mata Hari à Internet : le roman vrai de l’Argus de la Presse, Paris, Hervas, 2000, une histoire un peu anecdotique, sans doute commanditée par l’entreprise, qui existe toujours.

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2

Bibliothèque de l’Institut de France, fonds Camille Jullian (BI/FCJ), Ms 5765, lettre de Dussaud à Jullian, 17 octobre 1927.

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3

Selon la chronologie de Stiebing, cet « âge d’or » a deux « phases », une longue phase de voyages et de découvertes, suivie par une période plus courte où « l’archéologie arrive à maturité », de 1860 à 1925 environ, avec des variations suivant les spécialités. William H. Stiebing, Jr., Uncovering the Past: A History of Archaeology, New York, Oxford University Press, 1993, p. 23-25.

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4

Nathan Schlanger, « Ancestral Archives: Explorations in the History of Archaeology », introduction d’une partie d’Antiquity, mars 2002, p. 127-131, ici p. 130. Voir aussi Schlanger et Jarl Nordbladh (dir.), Archives, Ancestors, Practice: Archaeology in the Light of its History, New York, Berghahn, 2008.

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5

« La commission des Monuments préhistoriques se prononce contre le “classement” de Glozel », Petit Journal, 29 janvier 1928.

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6

AN F17 17263, Cabinet du directeur, Direction de l’enseignement supérieur, note pour monsieur le Ministre, 29 septembre 1927. Il est à noter que le dossier constitué par le service des monuments historiques, actuellement conservé à la Médiathèque du Patrimoine et de la Photographie, est plus ample, mais comme celui de la Direction de l’enseignement supérieur il prend fin au début de l’année 1928.

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7

La principale caractéristique des archives de Glozel, dispersées dans plusieurs lieux, est leur sélectivité. Quand je parle de dossiers officiels minces, il s’agit pour moi de distinguer les dossiers créés par des agents de l'État de ceux qui viennent de collections privées. Les archives nationales et départementales possèdent des fonds assez importants sur Glozel, de même que le Service Régional d'Archéologie (S.R.A.) de Clermont-Ferrand, mais tous ont acquis ces documents, non pas suivant le processus normal et réglementé du versement, mais grâce à des dons. Les Archives nationales possèdent les documents personnels de Maurice Garçon, avocat renommé qui a défendu plusieurs anti-Glozéliens (il est resté par ailleurs célèbre pour les procès qu’il a plaidés après l’affaire Glozel et pour ses carnets de guerre, publiés pour la première fois en 2015, et chroniqués par Le Monde en 2017 à l’occasion de leur sortie en version poche). Voir Gilles Antonowicz, Maurice Garçon : les procès historiques, Paris, Les Belles Lettres, 2019 ; et Maurice Garçon, Journal 1939-1945, Paris, Les Belles Lettres, 2015, et Perrin, 2017. Le fonds de Moulins comprend les archives de la Société d'Émulation du Bourbonnais, la société savante locale sollicitée pour donner son avis sur la découverte initiale, devenue un foyer de scepticisme anti-glozélien, quand Morlet a pris la direction des fouilles. Les documents du S.R.A. à Clermont-Ferrand viennent d’Auguste Audollent, épigraphiste et doyen de la faculté de l’université de Clermont-Ferrand, qui s’est prononcé en faveur de l’authenticité de Glozel, et dont le fils était un avocat pro-glozélien. En outre, le fonds Salomon Reinach, conservé à la Bibliothèque Méjanes d’Aix-en-Provence et les archives de René Dussaud et d’un autre académicien de renom, Camille Jullian, conservées à la Bibliothèque de l’Institut de France à Paris, contiennent une abondante correspondance sur Glozel. Les papiers d’Audollent traitent exclusivement de Glozel ; ils ont été donnés au S.R.A. par des descendants manifestement impressionnés, voire déconcertés, par la quantité de documents rassemblés. Les archives Audollent et celles de la Société d’Émulation contiennent beaucoup de coupures de presse. Outre la correspondance de Dussaud et Jullian, que les lecteurs peuvent consulter dans la salle de lecture de la bibliothèque de l’Institut, celui-ci conserve une autre partie des papiers de Dussaud dans ses archives.

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8

Benedict Anderson, Imagined Communities: Reflections on the Origins and Spread of Nationalism, Londres, Verso, 2006, p. 32-36. Sur l’épistémologie archéologique, voir Eugenio Donato, « The Museum’s Furnace: Notes toward a Contextual Reading of Bouvard and Pécuchet », in Josué V. Harari (dir.), Textual Strategies: Perspectives in Post-Structuralist Criticism, Ithaca, Cornell University Press, 1979, p. 213-38, et Susan Stewart, On Longing : Narratives of the Miniature, the Gigantic, the Souvenir, the Collection, Durham, Duke University Press, 1993 [1984].

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9

Serge Joannidès, « L’affaire de Glozel », L’Avenir, 24 décembre 1927.

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10

G. Archambault, « L’enseignement de Glozel : Quand le renne vivait en Limagne », Paris-Soir, 13 novembre 1927 ; « Glozel accède aux honneurs du fait divers. » Sur les faits divers, voir Alain Monestier (dir.), Le Fait divers, catalogue de l’exposition du Musée national des arts et traditions populaires, Paris, 1982-1983.

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11

« Le docteur Morlet va répondre à la Commission internationale », Le Quotidien, 29 décembre 1927.

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12

BI, fonds René Dussaud (FRD), Ms 4850, lettre d’Alfred Boissier à René Dussaud, 27 octobre 1927, seconde partie.

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13

A. Vayson de Pradenne, « Chronologie de Glozel », Bulletin de la société préhistorique française, vol. 24, septembre 1927, p. 300.

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14

« Autour d’une controverse scientifique : le gisement de Glozel », Le Temps, 30 novembre et 4 décembre 1927.

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15

« Une lettre de M. le comte Bégouën », Mercure de France, 1er août 1927, p. 708 : « Il est vraiment étrange que le Dr Morlet ne comprenne pas que lorsqu’on n’a rien à se reprocher, rien ne vaut le grand jour et la discussion publique. »

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16

« Une lettre de M. le comte Bégouën », Mercure de France, 1er août 1927, p. 708.

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17

« Une lettre de M. le comte Bégouën », Mercure de France, 1er août 1927, p. 711.

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18

J.L., « Autour d’une controverse scientifique : Le gisement de Glozel », Le Temps, 21 novembre 1927.

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19

« Une lettre du docteur Morlet », Journal des Débats, 30 janvier 1928. Voir Mathieu 7:3-5 et Luc 6:41.

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20

Émile Dermenghem, « Le mystère de Glozel : M. Marcelin Boule donne pour la première fois son opinion », L’Information, 27 octobre 1927.

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21

V. Méric, « Mon point de vue : la leçon de Glozel », Le Soir, 8 janvier 1928 : « La Science !… » Méric continue en se demandant ce qui se passerait si des désaccords aussi mineurs avaient lieu en médecine et empêchaient les médecins de soigner un patient.

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22

Raoul Bouillerot, « Causerie archéologique : une opinion sur Glozel », Progrès de la Côte d’Or, 25 novembre 1927. Titre biffé, Manchester Guardian, 23 novembre 1927.

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23

« L’affaire Glozel : Le monde archéologique en émoi », La Meuse (Liège), 3 novembre 1927.

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24

Le Matin, 9 novembre 1927.

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25

Marcel Sauvage, « Les problèmes que soulève l’affaire de Glozel », Réforme, 5 novembre 1927. L’Argus situe la publication de cet article à Alexandrie, mais le quotidien le plus proche de Sauvage était L’Intransigeant, parisien, et il y a des chances pour que ce papier ait été vendu par son auteur.

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26

Eugène Marsan, « De Tauride en Glozel », Le Figaro, 30 décembre 1927. Pour une accusation inverse, voir « Une interview du Ct Espérandieu : l’authenticité des objets découverts à Glozel est affirmée », Le Petit Méridional (Montpellier), 14 novembre 1927.

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27

On trouvera une synthèse intelligente de cette affaire dans « Saitaphernes’ Golden Tiara », Archaeology Archive, consulté le 27 mai 2017. Voir également James McCauley, The House of Fragile Things: Jewish Art Collectors and the Fall of France, New Haven, Yale University Press, 2021, p. 74-77.

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28

« La bataille pour Glozel : Les antiglozéliens chahutent le cours du professeur Loth », Petit Journal, 22 janvier 1928.

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29

Sur cette omniprésence : René Aigrain, « Pourquoi y a-t-il une “énigme” dans l’affaire de Glozel », Journal de l’Ouest (Poitiers), 2 décembre 1927. Sur l’antisémitisme latent, « Professeur Dusssaud : antiglozélien », Carnet de la Semaine, 15 janvier 1928 ; L. Daudet, « Glozel or not Glozel ? », L’Action française, 11 et 31 décembre 1927.

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30

Marcel Sauvage, « Glozel : M. Loth annonce des révélations », L’Intransigeant, 5 janvier 1928.

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31

Marc Bloch, « Réflexions d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre », Revue de synthèse historique, vol. 33, 1921, p. 13-35.

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32

Marc Bloch, « Réflexions d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre », Revue de synthèse historique, vol. 33, 1921, p. 17, 31.

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33

Voir Leonard V. Smith, « Le récit du témoin : formes et pratiques d’écriture dans les témoignages sur la Grande Guerre », in Christophe Prochasson et Anne Rasmussen (dir.), Vrai et faux dans la Grande Guerre, Paris, La Découverte, 2004, p. 295-300, et Smith, The Embattled Self : French Sodiers’ Testimony of the Great War, Ithaca, Cornell University Press, 2007, chapitre 1.

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34

Gaëtan Sanvoisin, « La Commission internationale se prononce contre l’authenticité du gisement », Le Gaulois, 24 décembre 1927 ; Paul Voivenel, « La glozélite », La Rumeur, 1er janvier 1928.

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35

Marc Bloch, « Réflexions d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre », Revue de synthèse historique, vol. 33, 1921, p. 15, 29-30.

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36

« Vendredi », Carnet de la Semaine, 13 novembre 1927.

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37

Henry de Varigny, « L’enquête de Glozel, quatrième journée », Journal des Débats, 10 novembre 1927, reproduction du texte de la déclaration, qui figure aussi dans le rapport.

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38

« Des pièces rares au tableau », Loire républicaine, 8 novembre 1927.

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39

Le Matin, 8 novembre 1927 (3.10) ; « Scientists’ Rich Finds at Glozel: Ancient History Rewritten, Stone-Age Man’s Alphabet », Daily Mail, 7 novembre 1927.

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40

Le Quotidien, 7 novembre 1927.

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41

BI/FCJ, Ms 5765, Reinach à Jullian, 26 août 1927. L’écriture de Reinach est extrêmement difficile à déchiffrer, le texte n’est donc pas parfaitement fidèle.

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42

BI/FCJ, Ms 5765, Reinach à Jullian, 27 août 1927.

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43

« Le gisement préhistorique de Glozel », Le Matin, 9 novembre 1927.

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44

« Autour des fouilles de Glozel : oui, mais que signifie l’expression “Nous sommes fixés” ? », L’Œuvre, 11 novembre 1927.

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45

« Autour de Glozel : l’opinion de M. le Professeur Bégouën », L’Express du Midi (Toulouse), 11 novembre 1927.

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46

« Fouilles de Glozel : rapport de la Commission internationale », Revue anthropologique, vol. 10-12, 1927, p. 389-416.

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47

« Les fouilles du Matin à Glozel : de vieilles galeries obturées sont ouvertes à la “Grotte” Barnier ; les Fradin ne veulent pas être traités de faussaires », Le Matin, 6 janvier 1928.

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48

« Pour ou contre Glozel », La Rumeur, 9 janvier 1928 ; Maurice-Verne, « Le petit Glozel de Mistral », Paris-Soir, 16 février 1928.

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49

« Toujours Glozel », L’Humanité, 7 janvier 1928, première partie.

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50

L’histoire du Canard enchaîné a été beaucoup étudiée. Pour un travail solide et précis, voir Laurent Martin, Le Canard enchaîné : histoire d’un journal satirique (1915-2005), Paris, Nouveau Monde, 2005 ; sur sa ligne politique entre les deux guerres, voir la p. 104 de ce livre. Pour un excellent résumé, voir Pierre Taminiaux, « Le Canard enchaîné », in Lawrence D. Kritzman (dir.), The Columbia Dictionary of Modern French Thought, New York, Columbia University Press, 2006, p. 690-92.

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51

Voir, par exemple, le récit satirique d’une soirée entièrement inventée qui aurait eu lieu à Vichy la veille des fouilles : Pierre Bénard, « Les membres de la Commission internationale ont fait, à Glozel, une sérieuse enquête », Le Canard enchaîné, 15 novembre 1927.

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52

Georges Maurevert, « Le mystère de Glozel », L’Éclaireur de Nice, 26 novembre 1927.

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53

« D’une mode néolithique », Le Canard enchaîné, 14 décembre 1927.

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54

Jules Rivet, « Le lotissement de Glozel : Le Canard a, lui aussi, entrepris des fouilles préhistoriques », Le Canard enchaîné, 11 janvier 1928.

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55

« On fouille à Glozel », Le Cri de Paris, 13 novembre 1927.

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56

Le Quotidien était proche du Cartel des gauches ; voir Claude Bellanger et al. (dir.), Histoire générale de la presse française, t. 3, Paris, PUF, 1969-1976, p. 569-71.

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57

Charles Dauzats, « Le rapport de la Commission internationale », Le Figaro, 24 décembre 1927.

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58

L’article le plus complet sur les liens entre l’Église et le point de vue anti-glozélien est « Le glas de Glozel », Cité, 8 janvier 1928 ; voir aussi Albert Bayet, « L’Église et la science ou chacun chez soi », L’Ère Nouvelle, 9 janvier 1928 (date hypothétique), qui contredisait l’article dans La Croix (Diégo, « Les civilisés préhistoriques », 30 décembre 1927) en proposant une interprétation de la nature « civilisée » des hommes préhistoriques compatible avec la Bible. Il existe une réponde de « Diégo » intitulée « Les dogmes de M. Bayet », La Croix, 27 janvier 1928.

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59

« La bataille continue autour de Glozel », La Liberté, 25 décembre 1927. Sur la sensibilité politique du journal, voir Claude Bellanger et al. (dir.), Histoire générale de la presse française, t. 3, Paris, PUF, 1969-1976, p. 521.

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60

« La comédie de Glozel », Le Temps, 25 décembre 1928.

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61

« À propos de Glozel », La Nation, 31 décembre 1928. Histoire générale de la presse française (Claude Bellanger et al. [dir.], t. 3, Paris, PUF, 1969-1976, p. 296) définit La Nation comme un « journal-fantôme » dépourvu de circulation significative en 1910-12, mais sans mentionner ses penchants politiques ; l’article indique simplement qu’il était à droite par rapport aux Radicaux de centre-gauche, autrement dit, de droite.

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62

« Autour des procès », Comœdia, 11 janvier 1928. La façon dont la coupure est présentée sur la feuille empêche d’être absolument sûr de la date.

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63

Sans faire allusion à Dreyfus, un article du Figaro faisait remarquer ce qui suit : « La grande différence entre une question et une affaire est que dans l’une on discute, et dans l’autre on se dispute » ; or Glozel était évidemment devenue une « affaire » : Artigny, article sans titre, Le Figaro, 23 janvier 1928, date hypothétique.

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64

« Glozel et la musique », Comoedia, 9 janvier 1928 (38.5) ; Le National, 15 janvier 1928.

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65

« J’Accuse Émile Fradin, déclare M. Peyrony, conservateur du musée des Eyzies », Le Journal, 7 janvier 1928.

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66

Henri Simoni, « Ainsi que l’Œuvre avait prévu, la Commission internationale a conclu à la “non-ancienneté” des documents de Glozel », L’Œuvre, 24 décembre 1927. Sur la ligne politique et la réputation de L’Œuvre, voir Christophe Charle, Le Siècle de la presse (1830-1939), Paris, Seuil, coll. « L’Univers Historique », 2004, p. 252 ; Claude Bellanger et al. (dir.), Histoire générale de la presse française, t. 3, Paris, PUF, 1969-1976, p. 566-67.

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67

Article sans titre, L’Œuvre, 14 janvier 1928 : « Ils ont déclenché l’affaire Glozel – et Salomon Reinach ».

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68

« Fouilles de Glozel : rapport de la Commission internationale », Revue anthropologique, vol. 10-12, 1927, p. 413.

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69

« Fouilles de Glozel : rapport de la Commission internationale », Revue anthropologique, vol. 10-12, 1927, p. 390, 400-401.

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70

« Fouilles de Glozel : rapport de la Commission internationale », Revue anthropologique, vol. 10-12, 1927, p. 413.

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71

« Fouilles de Glozel : rapport de la Commission internationale », Revue anthropologique, vol. 10-12, 1927, p. 413.

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72

Laurent Olivier, « Du musée des Antiquités nationales au musée d’Archéologie nationale », in Jean-Paul Demoule et Christian Landes (dir.), La Fabrique de l’archéologie en France, Paris, La Découverte, 2009, p. 91.

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73

« Une conférence de M. Dussaud à Moulins », Le Figaro, 4 janvier 1928. Ces restrictions seront mises en place dix ans plus tard par l’archéologue et futur ministre de l’Éducation de Vichy, Jérôme Carcopino. Voir Jean-Pierre Reboul, « Genèse et postérité des lois Carcopino », in Jean-Paul Demoule et Christian Landes (dir.), La Fabrique de l’archéologie en France, Paris, La Découverte, 2009, p. 120-33. Même si elles ont été modifiées depuis, les lois Carcopino sont la matrice de la jurisprudence française de l’archéologie aujourd’hui encore.