À propos de Passés Futurs

À propos de Passés Futurs

 

Passés Futurs : avec un titre qui est un double hommage aux travaux d’Hannah Arendt sur la brèche temporelle et à ceux de Reinhart Koselleck sur les futurs passés, cette revue espère ouvrir une réflexion sur ce que les « horizons d’attente » actuels – nos futurs – font aux « champs d’expérience » – nos passés –, comment ils les transforment ou les façonnent. Elle est animée par des historiennes et des historiens de différentes périodes, des anthropologues, des sociologues et des philosophes travaillant en France, en Argentine, en Espagne et dans d’autres pays du monde.

Ces dernières décennies, de multiples « affaires » ont mobilisé les opinions publiques sur des passés disputés. Les sujets les plus débattus sont souvent liés à des événements spécifiques de l’histoire contemporaine (et en particulier aux tragédies du XXe siècle) ; ils ont trait aussi à des enjeux concernant les identités politiques, nationales ou religieuses. Cette multiplication des controverses a fait de la question des usages du passé un thème politique majeur dans l’espace public. Les très nombreux colloques, ouvrages ou articles qui leur sont consacrés, la constitution de comités de vigilance, les débats au sein des associations professionnelles, montrent que des historiens de tous pays se soucient aujourd’hui de mettre en lumière les « déformations » de l’histoire.

Convaincus qu’il ne faut pas rabattre la notion d’usage sur celle d’instrumentalisation, nous avons fait un choix différent. Plutôt que de nous faire redresseurs de torts ou gardiens du temple, nous préférons analyser les différentes manières de mobiliser le passé. À cet égard, notre projet se fonde sur trois considérations principales.

La géographie des affaires

De nombreuses controverses se situent à l’échelle nationale : ainsi de la collaboration des Français à l’époque de Vichy, de la guerre civile espagnole, de l’Enola Gay Controversy aux États-Unis ou de la référence aux dictatures dans les pays sud-américains dans les années 1970. Cependant, nombre des affaires les plus brûlantes de ces dernières années concernent deux autres types de situations. Il s’agit pour une part des relations entre deux ou plusieurs entités nationales : ainsi, par exemple, des vicissitudes historiques qui lient et divisent Corée, Chine et Japon, Israël et Palestine, Pologne et Allemagne, les pays balkaniques, Chypre, etc. Et d’autre part de problèmes exacerbés par des tensions et parfois aussi par des équivoques, qui ne sont pas compréhensibles à l’échelle nationale : tel est le cas de l’or des nazis en Suisse, de la traite de l’esclavage, de la mémoire de la colonisation ou de l’accusation de meurtre rituel contre les juifs. Il nous semble donc essentiel de dépasser les cadres nationaux afin d’appréhender les transferts et les (ré)appropriations des questions historiographiques et mémorielles.

L’espace public

Les réflexions récentes sur les usages du passé ont souvent été marquées par la nostalgie d’un prétendu « âge d’or » (sans doute largement surestimé) dans lequel le passé aurait été l’apanage exclusif des historiens. Il convient sans doute de dépasser ce point de vue et de se donner les moyens d’analyser les processus de communication et les transformations contemporaines de l’espace public – dans ses multiples dimensions, nationales, religieuses, médiatiques, etc., qui souvent se superposent ou s’entrecroisent. Internet et ses technologies connexes semblent avoir déhiérarchisé les idées de compétences spécialisées, de telle sorte que chacun peut potentiellement, aujourd’hui, organiser son propre parcours mémoriel. Nous nous proposons notamment de questionner la pertinence de certaines vieilles dualités (public/privé, professionnel/amateur, savant/populaire) et d’interroger nos responsabilités en tant que chercheurs et chercheuses.

Les différentes formes de connaissance du passé

Aujourd’hui, de nombreux romanciers, cinéastes et artistes cherchent le passé, et certains d’entre eux se proposent même comme les véritables médiateurs ou gardiens de la mémoire. La critique de l’histoire peut croiser la demande de justice ou de réparation, ainsi que le désir d’exercer le droit de choisir « sa propre » version du passé… Nous espérons comprendre les motivations, les enjeux et les réceptions de ces ressaisies de l’histoire, d’étudier les stratégies adoptées, pour enrichir la réflexion sur les multiples présences du passé et ses destinées à venir dans nos sociétés.

 

Directrice : Sabina Loriga (CRH-EHESS)

Rédacteur en chef : Thomas Hirsch

Contact : passesfuturs@ehess.fr

ISSN 2558-7935

Illustration : Création graphique de Wahid Mendil pour Passés Futurs d’après les travaux de Sandro Chia, Senza titolo, 1999 et de Andrea Jacchía, Restoration Times, 2020

La revue est aussi référencée sur HAL