Revenir à l'atelier
La Colombie est marquée par un conflit armé très ancien. Toutefois, ce n’est qu’à partir des processus de négociation de paix et de démobilisation des groupes de guérilla, notamment ceux menés à la Havane en 2012, que l’opinion publique nationale et internationale s’est aperçue du nombre important de femmes combattant dans les rangs de ces organisations. On découvrait ainsi à la table de négociation une délégation féminine représentant les FARC. Cette dernière fut ensuite intégrée à deux sous-commissions créées dans le cadre de la négociation de paix : la sous-commission technique pour la fin du conflit et la sous-commission du genre. Cette irruption d’une dimension active des femmes dans l’action armée ajouta un degré de complexité à la question de leur place et de leur rôle au sein de ces guérillas. La prise en compte de la perspective du genre dans les négociations de paix n’est pas un fait anodin. Elle est en effet le reflet d’une conjoncture nationale et internationale sensibilisée à la dénonciation des violences à l’égard des femmes et à leur implication dans la reconstruction post-conflit. C’est ce contexte exceptionnellement favorable qui nous permet de mener à bien cette enquête.
Au croisement de la sociologie politique et de la sociologie du genre, cette recherche se propose d’exposer la façon dont la dynamique du conflit et de la violence a créé pour les femmes un nouveau rapport au politique et au social. Pour cela, elle s’appuie, outre la recherche documentaire, sur le récit de femmes engagées dans divers mouvements œuvrant pour la paix. Cette recherche se base également sur le témoignage d’anciennes combattantes issues de divers groupes de guérilla. Celles-ci sont rassemblées dans un collectif engagé dans un processus de « prise de parole » devenant largement présent sur la scène publique colombienne. Enfin, cette thèse s’appuie sur des entretiens réalisés avec les responsables des programmes gouvernementaux de démobilisation et de réinsertion. Dans un contexte de conflit armé, les femmes sont amenées à osciller entre différentes postures : victimes, agents de violence, militantes pour la paix et pour les droits des femmes. Notre analyse de l’hétérogénéité de ces expériences est une porte d’entrée possible à leur prise en compte dans la mise en place des politiques publiques de démobilisation et de réinsertion sous la perspective du genre en Colombie1.
Notes
1
Ce travail a été réalisé dans le cadre du laboratoire d’excellence Tepsis, portant la référence ANR-11-LABX-0067 et a bénéficié d’une aide au titre du Programme Investissements d’Avenir.