De 2011 à 2021, la scène médiatique et politique groenlandaise est rythmée par un conflit social autour d’un projet d’exploitation d’uranium, de terres rares et de zinc porté par la compagnie australienne Energy Transition Minerals1. Ce projet emploierait jusqu’à huit cents travailleurs sur une quarantaine d’années, et il modifierait fortement les dynamiques socio-économiques de Narsaq, la localité sud-groenlandaise attenante à la montagne Kuannersuit ciblée, où mille quatre cents personnes résident. Parmi les questions de gouvernance, de conditions de travail ou encore de partenariats marchands traditionnellement soulevées par un développement minier, les problématiques d’exploitation de l’uranium et d’administration du projet concentrent particulièrement l’attention de la population et des politiciens2. De façon surprenante, la compagnie minière apparaît absente de ces débats, alors même qu’elle joue un rôle central dans l’élaboration, le financement et la réalisation de la future mine. Entre 2016 et 2022, l’enquête que je mène pour saisir cette crise sociale et minière doit donc composer avec cette condition, posant plusieurs défis méthodologiques et analytiques. Comment adopter une distance critique vis-à-vis des discours et des acteurs partisans qui, en l’absence de la compagnie minière, constituent mes interlocuteurs ? Comment accéder à la part industrielle du projet, dans ce contexte apparemment plus politique que minier ? Durant le temps de l’enquête, les réponses à ces interrogations deviennent le moteur de l’ethnographie spatiale que je compose pour comprendre la forme de présence de la compagnie minière et les logiques de pouvoir par lesquelles elle développe son projet, en dépit de son retrait public et de la vaste mobilisation sociale exigeant une révision de la mine envisagée.
À ma connaissance, si l’anthropologie minière explore d’un côté la question de l’investissement politique du minier3, et de l’autre celle du retrait industriel4, peu de travaux portent sur les enjeux méthodologiques de l’articulation entre les deux. Cette configuration pose pourtant des difficultés d’accès et de polarisation du terrain dans le champ politique, qui s’articulent aux caractéristiques singulières du projet. Antérieur à la mine, celui-ci relève à la fois du réseau d’acteurs et d’opérations scientifiques, administratives et financières qui permettent la construction ultérieure de la mine, en même temps que d’une spéculation sur les ressources5. En raison de l’aspect impalpable, pour l’ethnographe, qui résulte de cette diffusion dans différentes sphères, les travaux sur les projets miniers insistent surtout sur les effets sociaux du processus minier pour les localités touchées, ou sur les effets politiques et économiques pour les États6. À l’inverse, c’est en cherchant à saisir la matérialité de cette présence par projet que je suis parvenue à dépasser les enjeux politiques du minier et à toucher l’action industrielle. Forgeant l’outil conceptuel de « discordance », j’approche le projet par le territoire dans lequel il s’implante, la montagne Kuannersuit et ses environs. Ce terme renvoie socialement à un manque d’unité et d’harmonie7, et il désigne dans le champ géologique une stratigraphie dans laquelle les couches, soumises à différentes forces physiques et chimiques, montrent des discontinuités8. Dans cette idée, les discordances désignent des zones au statut incertain, suscitant troubles et inconforts chez les habitants, en raison des systèmes d’exploitation contradictoires qui les touchent. S’affirmant en complémentarité de l’approche foncière – focalisée sur les droits d’accès et d’usage des ressources – et patrimoniale – centrée sur l’exploitation et la culture – l’ethnographie des discordances étudie ainsi la forme de présence déployée par le projet sur le territoire ainsi que ses effets dans les rapports locaux à cet espace. Retraçant le cheminement de l’enquête, l’article reviendra sur cette méthode, et, à l’appui des données ainsi collectées, il développera une réflexion sur la place du projet minier dans le processus de mise en ressource.
L’article examine d’une part l’assignation politique du projet et l’absence de représentation industrielle, il montre d’autre part l’ethnographie spatiale, et examine pour finir le lien entre projet minier et ressource.
Des institutions au territoire en projet : localiser la présence industrielle
Assignation politique et retrait industriel
En 2016, je suis à Nuuk, la capitale du Groenland, et je mène des observations parlementaires sur la démocratie groenlandaise. Alors que je ne me destine pas à l’étude des questions minières, les propositions de référendums relatifs à l’exploitation de l’uranium placent ce sujet à l’actualité. En dehors du Parlement, il est médiatisé par la création d’une association visant à organiser la mobilisation contre l’exploitation de l’uranium. Par inclination pour leur lutte, j’adhère au collectif Urani Naamik, « Uranium, non ! », et défile à leurs côtés dans les manifestations. C’est ainsi par les débats parlementaires et par cette association « citoyenne », selon leur terme, que je me familiarise avec le projet d’Energy Transition Minerals. J’apprends que la compagnie acquière la licence d’exploration de la montagne Kuannersuit en 2007, pour des éléments de terres rares et de zinc. En en étudiant les rapports trimestriels et annuels, je détaille sa chronologie. Rapidement, elle entre en pourparlers avec le gouvernement autour de l’uranium, dont les campagnes géologiques annoncent de massifs gisements. À l’époque, l’exploitation de ce minerai est sous un principe d’interdiction établit en 1985, et seule une révision parlementaire permettrait de valoriser les ressources estimées par la société. Convaincus, les députés votent à la quasi-unanimité la révision de ce principe d’interdiction en 2009, année durant laquelle le pays retrouve la souveraineté sur ses sous-sols. Cette compétence était toujours détenue par Copenhague et c’est le vote d’un nouveau régime de gouvernement national qui pousse à son rapatriement. En 2009 est établie l’Autonomie renforcée, texte programmant le transfert au Groenland de toutes les compétences régaliennes qui restaient au Danemark et posant les jalons de la réalisation d’une indépendance économique. Depuis l’instauration de la première administration automne en 1953, qui mis légalement un terme à la colonisation, le budget de l’île est partiellement financé par le Danemark. En 2009, l’Autonomie renforcée indexe l’autonomisation de ce budget aux rentes minières, faisant du développement de cette industrie une priorité nationale dont bénéficie politiquement Energy Transition Minerals. Leur projet apparaît dans ce contexte comme une clé d’indépendance pour les députés et les politiciens, expliquant la révision du principe d’interdiction de l’uranium9. Jusqu’en 2021, cette articulation caractérise son investissement politique10.
Votée en 2013, l’autorisation d’exploitation de l’uranium représente, pour les membres de l’association Urani Naamik, le point de départ de la mobilisation. Dans plusieurs villes, des défilés se coordonnent, des groupes se créent sur les réseaux sociaux, et le Parlement se scinde. L’unité de 2009 est remplacée par des élus opposés à la production d’uranium, d’autres favorables, et d’autres encore estimant comme leur devoir de porter les voix contestataires. Pendant trois ans, Energy Transition Minerals peaufine son projet et dépose plusieurs demandes de licences d’exploitation d’uranium, de terres rares et de zinc pour Kuannersuit. Si ses candidatures sont rejetées par l’administration publique parce que ne remplissant pas les conditions juridiques et environnementales, ces démarches sont révélatrices de l’engagement d’un processus minier. En 2016, c’est dans l’objectif de l’interrompre que des groupes parlementaires proposent les référendums consultatifs ou décisionnels sur l’exploitation de l’uranium, et que la mobilisation sociale se relance pour les soutenir. Face à ces oppositions institutionnelles et citoyennes, Energy Transition Minerals restreint ses interventions médiatiques et sa présence sur le territoire, à Nuuk comme à Narsaq. Cette disparition publique est renforcée par les polémiques autour de l’uranium, pour lequel sont contestées la légitimité du vote de 2013, qui ne représenterait pas l’opinion publique, ainsi que l’estimation de dangerosité, qui varierait selon le mode d’évaluation de la radioactivité employé. Le projet de Kuannersuit devient alors un objet de politique indépendantiste et d’extraction d’uranium, mais sans porteur industriel.
La mobilisation parlementaire, politique et citoyenne autour de ce projet minier télescope l’étude que je mène en 2016 et m’impose d’y porter attention. Néanmoins, comment éviter un « encliquage » partisan11, écueil d’autant plus concret que je participe, par conviction, au mouvement contre l’exploitation de l’uranium ? La réponse à cette interrogation méthodologique m’est d’abord inspirée par les membres d’Urani Naamik, pour qui la distinction politique que j’effectue n’a pas de sens. Selon eux, l’objet mis en tension par le projet et l’uranium n’est qu’indirectement indépendantiste, radioactif ou minier, mais il a avant tout trait au territoire. Pour le saisir, ils m’incitent à me déplacer sur les terres concernées.
Physique du projet
Au printemps 2018 puis à l’automne 2019 et 2022, je conduis des missions ethnographiques dans la région du projet. Narsaq, situé à une dizaine de kilomètres de la montagne Kuannersuit, est caractérisé par une désindustrialisation depuis les années 1990, qui ont vu la fermeture de la conserverie de la ville. La pêche, l’abattoir des moutons et les services publics constituent les principaux secteurs d’activité des mille quatre cents résidents. S’y ajoute une ferme, jouissant d’une renommée particulière, étant la seule à élever des vaches dans le pays. Dans la ville et ses alentours, mes interlocuteurs sont de tous horizons : engagés contre le projet, partisans de ce développement, critiques, indécis ou inquiets, et employés dans chacun des secteurs d’activité présentés. Les bureaux d’Energy Transition Minerals, situés à l’extrémité nord de la ville, sont dits inoccupés par les habitants, et aucune suite n’est donnée à mes demandes de contact. Nombre d’entre eux estiment que la compagnie a quitté les lieux, ne laissant qu’un technicien sur place chargé de surveiller le matériel. Depuis les années 2011-2015 durant lesquelles elle menait les études environnementales et sociales en ville, la compagnie se concentre surtout sur les montagnes. C’est l’été qu’une animation est visible, lorsque géologues et prestataires effectuent des opérations pour poursuivre le processus minier. Ils sont repérables aux tentes blanches mobiles, hébergeant équipes et matériel de terrain, déplacées tous les deux ans d’après mes interlocuteurs. Energy Transition Minerals tient surtout ses événements promotionnels à Qaqortoq, le chef-lieu régional distant d’une centaine de kilomètres par voie maritime. Selon un élu de la municipalité, cela s’explique par le rôle directeur de cette ville dans le pilotage du projet et la communication avec la compagnie. Il déclare que cette dernière a cessé tout contact avec les habitants de Narsaq à partir de 2015, parce qu’une réunion publique tenue par l’administration minière se serait mal passée. Face au refus des locaux, la corporation se serait murée dans le silence, investissant de façon privilégiée les partenariats avec Qaqortoq et le gouvernement. C’est ainsi qu’à Narsaq, épicentre du projet, il m’est impossible de rencontrer la société minière lors de mes séjours.
Documentée par plusieurs recherches12, cette situation considérée comme exceptionnelle par mes interlocuteurs apparaît comme typique des situations minières. Les travaux consacrés aux projets font état d’une intermittence ou d’une absence industrielle avérée ou ressentie par les populations locales qui, n’étant pas consultées, ne côtoient jamais la compagnie13. Cette configuration a pour conséquence d’inféoder les localités à un rythme qu’elles ne maîtrisent pas, ne leur donnant aucune prise sur le projet en cours14. Le caractère récurrent de ce phénomène temporel m’incite à le considérer comme central à la mécanique industrielle, et non comme un effet dérivé. En effet, il renvoie à l’organisation structurel des projets, qui avancent par étapes administratives et techniques successives. Je fais ici référence aux études de terrain et aux démarches institutionnelles menées par la compagnie, ayant pour effet de créer les conditions de possibilité d’une mine. Si elles rythment une absence minière, les étapes trament donc également le projet en lui-même. En cela, la phase du projet minier rejoint de façon plus générale l’action par projet, qui consiste à transformer, par un ou plusieurs dispositifs, un état présent pour la réalisation d’un état futur souhaité15. C’est un ensemble d’opérations de natures diverses qui, visant à l’accomplissement d’un but, modifient le présent16. Ainsi, la situation en projet constitue à la fois la présence industrielle – c’est son dispositif d’action – et une opération en tant que telle – elle agit pour accorder le territoire à la mine projetée. Cela entraîne deux observations méthodologiques et analytiques. D’une part, étudier l’empreinte du projet me permettra d’accéder aux acteurs industriels. D’autre part, si le projet est un processus de transformation du présent pour un dessein futur, cela implique de le considérer comme un opérateur spatial. Dès lors, le projet minier n’est plus uniquement une situation temporelle et industrielle, c’est aussi une physique territoriale.
Dans ce basculement prend sens la nuance soulignée par mes interlocuteurs, à Nuuk, qui placent le projet dans son inscription terrestre. Je change alors de posture, quittant le domaine politique, pour documenter la présence physique du projet.
Ethnographier l’espace, éprouver le territoire en projet
Présences industrielles ?
Pour accéder à la physique du projet, j’accentue tout d’abord l’étude de tous les documents politiques, administratifs, médiatiques, géologiques et industriels auxquels j’accède en ligne ou par le biais de mes interlocuteurs. Cette approche visant à retracer le parcours du projet depuis les premiers investissements financiers jusqu’aux tentes blanches de la montagne met pour la première fois en lumière ses délimitations spatiales et sa consistance physique. La matière apparaît : concentrateur, raffinerie, port, filons... À l’empreinte administrative et politique que j’ai déjà discernée s’ajoutent une géographie minière et un travail de quantification et de localisation des ressources. En même temps, je mène des entretiens avec des habitants de Narsaq, et j’accumule les observations ethnographiques depuis déjà plusieurs mois dans la région. Je ne peux m’empêcher de ressentir un trouble au regard des espaces dont il est question, semblant tanguer entre des rapports contradictoires. C’est dans cette discordance entre la matière industrielle que je discerne et les usages décrits et observés de ces espaces que je vais chercher la présence du projet. Je me rallie aux conseils réitérés de mes interlocuteurs de me rendre en montagne, je me mets « en disposition » spatiale17.
Figure 1. La baie de Narsap Ilua.
C’est la première fois que j’éprouve ces lieux personnellement. Je sais que Narsap Ilua, la baie située au nord de Narsaq et incontournable sur la route de Kuannersuit, désigne une zone de balade qu’Energy Transition Minerals ambitionne de transformer en port de cargo (Figure 1). Pour y accéder, je longe le stade de foot puis les pâtures des vaches noires de la ferme Ilua, située au cœur de la vallée. Face au fjord, je suis la route vers l’est, croisant des promeneurs, avec poussettes et enfants, profitant du paysage depuis les nombreux bancs installés au bord de la route. La présence humaine se restreint à mesure que j’arrive à la petite plage signant la fin de la route, au centre de la baie, entre fjord et montagnes. Remontant les rus de la rivière de Narsaq, cours aménagé qui alimente la ville en eau, j’aperçois l’ancienne exploitation de porcs, reconvertie en auberge de jeunesse l’été. Je traverse des ponts de fortune, faits de tôles et de planches de bois. Permettent-ils le passage des engins d’Energy Transition Minerals, durant les explorations ? Au quotidien, ils doivent soutenir les tracteurs de la ferme d’Ilua, lorsque les cultivateurs font les foins et lorsqu’ils mènent le bétail à l’abattoir. En avançant sur le chemin, j’aperçois des maisons au pied de la montagne voisine, habitations principales ou estivales, comme l’indiquent les sillons d’herbes, couchées ou non, par les allers-retours de leurs occupants. Être en présence procure une nouvelle perspective sur les lieux. Que faire des habitants, en cas de mine ? Que faire de la ferme Ilua, bâtie sur le chemin de la mine ? Pourquoi ces occupants sont-ils absents du débat public sur le projet ? Je dépasse l’exploitation et poursuis le sentier au creux de la vallée. Un scooter, où se serrent deux personnes avec fusils et sacs, me double. Ils vont tirer la perdrix polaire au sommet de Kuannersuit, lieu de chasse qui m’a souvent été vanté. Je laisse passer un quatre-quatre chargé de bagages et de touristes de fin de saison, quittant le hameau agropastoral de Qassiarsuk pour Narsaq18. Dans les montagnes, en-dehors de leur zone de pâture, des moutons paissent.
Figure 2. Zone de gravats au pied de Kuannersuit, bordant le chemin.
À mes pieds, la terre est remplacée par une voie surélevée faite de cailloux et de graviers. Dans ce paysage montagneux, je découvre une zone de gravats noirs et gris (Figure 2). Est-elle utilisée par Energy Transition Minerals ? Située au cœur des installations projetées, je me demande si c’est un instrument du projet ou de la mine. Au terme de la dizaine de kilomètres qui m’a menée jusqu’au pied de Kuannersuit, j’amorce l’ascension. À mesure de l’élévation, je découvre des cailloux brillants, des paquets de cigarettes, des bouteilles de sodas, des morceaux de ferraille, des marques de pneus. Une heure plus tard, je me tiens devant un trou dans la roche, scellé par une porte d’acier (Figure 3). S’y lisent des inscriptions amoureuses, amicales, triviales. Suis-je devant le projet de Kuannersuit ?
Figure 3. Le trou dans la roche, montagne Kuannersuit.
Prendre la mesure du territoire en projet
Au retour, force est de constater que la physique du projet m’échappe. J’observe qu’il se passe des choses dans la montagne, mais je ne peux pas toutes les interpréter. Pour m’aider à y voir plus clair, les habitants reconstituent l’histoire minière méconnue de leur localité. Dans les années 1960-198019, les autorités danoises mènent des explorations en vue d’établir une mine d’uranium et aménagent la route de Narsap Ilua, le chemin de gravier dans la vallée, ainsi que le tunnel exploratoire désormais bouché. Les gravats et les aménagements proviennent de ces chantiers, qui s’interrompirent sous la pression du mouvement anti-nucléaire dano-groenlandais20. Le territoire de Kuannersuit apparaît ainsi façonné par la géographie de ce premier projet. De nos jours, ces installations ont perdu de leur charge minière pour s’inscrire dans des dynamiques locales plurielles, devenant zones de randonnée ou de transport touristique. Ce sont d’ailleurs les personnes fréquentant les lieux qui y perçoivent la présence d’Energy Transition Minerals, lorsqu’ils font des relevés écologiques et géologiques, par exemple. Si je ne l’ai, moi, pas discernée, c’est d’une part parce qu’elle se fond dans les traces laissées par le projet des années 1960-80. Les mêmes routes sont empruntées, le même périmètre, ou presque, est cartographié. Sa discrétion apparente tient d’autre part au caractère disparate des observations. Un riverain de la vallée aperçoit un engin, un berger distingue les tentes blanches, un agent d’aéroport reconnaît un ingénieur. Ces indices traduisent une présence qui, tout en étant imprécise, produit une sensation d’étrangeté. Les lieux sont occupés et aménagés de cette façon presque fantomatique, entraînant des effets dans les rapports au territoire.
Alors que la baie de Narsap Ilua et la montagne Kuannersuit constituent des lieux de fréquentation de loisir et d’exploitation locale (touristique et agropastorale), je note que leur perception se transforme en fonction des termes miniers du projet. Aucune infrastructure n’est visible dans ce paysage, et pourtant nombre d’interlocuteurs affirment qu’il n’est plus « comme avant », voire, qu’il tombe entre les mains de la compagnie. Cette idée se déploie dans deux ensembles de discours. Le premier renvoie à l’accès à cet espace. Plusieurs opposants au projet estiment qu’il faut protéger les montagnes en établissant un parc national qui préviendrait toute exploitation. D’autres défendent un projet moins ambitieux, d’une centaine de travailleurs au plus, administré nationalement. Inversement, des soutiens au projet promeuvent soit un usage exclusivement industriel des ressources montagneuses, soit un usage partagé avec les exploitants locaux. Ciblant un espace historiquement formé par la ressource minière, ces propos me semblent souligner une rupture dans la façon dont la montagne est abordée et dont elle est projetée, avec pour pendant une modification immédiate de la pratique de la montagne, deuxième ensemble de discours relatifs à l’adoption du prisme industriel par les locaux. Des habitants de la région témoignent qu’ils ne fréquentent plus la montagne Kuannersuit en raison des taux de radioactivité des gisements. Ils associent cette caractéristique aux explorations d’Energy Transition Minerals et, qu’ils soutiennent ou non le projet, ils préfèrent désormais se tenir éloignés de cette zone. Aussi, ils sont plusieurs à mettre en doute leur droit de fréquentation de ces lieux, en raison de la licence d’exploration possédée par la société privée. Dans les deux cas, le territoire semble pourtant accessible. La radioactivité des gisements de Kuannersuit, estimée à 350ppm selon différentes sources, n’est pas dangereuse pour le temps d’une randonnée21. Au niveau légal et physique, la zone est accessible, et seule l’extraction de terres rares, de zinc et d’uranium, les ressources visées par la compagnie, est interdite. Ainsi, à partir d’un faisceau d’opérations minières et de passages d’acteurs miniers, le territoire devient progressivement celui de l’industriel, et il est perçu par les habitants en termes de futur extractif, de radioactivité de la ressource, et de droit minier – c’est-à-dire, à l’aune de la spatialité du projet.
Durant l’enquête, la connaissance sensible des lieux devient une méthode pour accéder à la dimension physique du projet, car elle me permet d’ajuster le dialogue avec mes interlocuteurs. Si je ne peux voir avec leurs yeux le territoire – par exemple, la présence radioactive – je peux ainsi accéder à ce qui les trouble – la sensation du territoire radioactif. Une fois ancrés, les échanges portent sur ce qui est senti comme mouvant et ces données prennent sens grâce à la mesure ethnographique que je possède du territoire. Cette mesure est physique, appréciant distances, hauteurs, bruits, odeurs, vibrations, matériaux. Elle est aussi affectée, mêlant impressions personnelles, données industrielles et paroles des interlocuteurs portant sur leurs relations à cet espace. Au fil de l’enquête, les allers-retours dans les lieux mentionnés deviennent ma pratique ethnographique, nourrissant ensuite les entretiens et les choix d’enquête. Ils forgent une ethnographie spatiale qui, si elle se fonde initialement sur l’empreinte du projet, devient une déambulation « dans les liens et les mises en rapports et à leur hasard », à l’instar de Vinciane Despret lorsqu’elle revient sur son enquête sur les relations aux morts22. Me « laiss[ant] instruire » par mes interlocuteurs, j’essaie de percevoir dans ces paysages les histoires et les souvenirs transmis par leurs paroles. S’ils sont souvent éloignés de la question minière – parlant d’animaux ou de force du vent – leur inscription territoriale révèle le lien : en un même espace, des définitions vernaculaires et une activité minière se disputent la matière. L’ethnographie spatiale documente ainsi les transformations diffuses, progressives et mouvantes des rapports au territoire sous l’action du projet, et elle va aussi permettre de saisir son caractère opérationnel. Pour les habitants, c’est le territoire lui-même qui change.
Des lieux qui discordent, ou la ressource en actes
Discordances territoriales
Décrire Narsap Ilua impose un choix. Le fjord, la route, les vaches et les promeneurs sont observables. En revanche, le port de cargo, les conteneurs, le parking de déchargement et les bureaux sont invisibles. Ils existent pourtant dans les projections d’Energy Transition Minerals, dans les ambitions du gouvernement, dans les appréhensions des résidents. Pour ces acteurs, cette projection ne semble pas moins physique que le contrat qui lie la compagnie minière au Ministère des ressources. Dès lors, l’ethnographie de Narsap Ilua ne peut faire l’économie de cette surimpression dans l’occupation du lieu. Durant l’enquête, j’ai qualifié ce phénomène une « discordance ». Reprenant l’idée d’une configuration géologique présentant une rupture stratigraphique23, les espaces discordants incarnent la situation d’affrontement pour la définition et l’exploitation de la matière. Ils sont perceptibles aux représentations que les habitants en ont, et à la modification des pratiques locales à leur encontre. Dès lors, leur étude permet de saisir le mouvement de transformation territoriale généré par le projet minier qui, par-delà une étape vers la mine, constitue un mouvement durable.
La vallée et la montagne Kuannersuit sont des espaces discordants. La première dimension de cette discordance a trait à la radioactivité. Les maisons de la vallée que j’ai aperçues pendant les randonnées sont installées au pied de montagnes dont on me vante la végétation. Ce sont des sites de ramassage de baies, de champignons et de lichens. Pourtant, je croise peu de cueilleurs durant mes balades réitérées. Les habitants que je questionne sur cette absence – qui signale un décalage entre les discours et les pratiques – apportent tous la même réponse : les lieux sont désertés car ils sont peut-être radioactifs, « on ne sait pas ». Ce raisonnement m’interpelle en raison de l’histoire minière de la montagne, l’uranium étant un minerai radioactif. On m’explique alors que la différence tient au type de ressources. À force de réunions publiques et d’articles journalistiques, les riverains ont appris que l’uranium et les terres rares ciblés par Energy Transition Minerals pouvaient porter atteinte à l’environnement. Les campagnes géologiques, tous les ans, accentuent cette idée. Cette connaissance, traduite par l’expression « maintenant que nous savons » ou par l’énumération des éléments radioactifs présents dans le massif de Kuannersuit, leur fait désormais percevoir cet espace différemment, d’où l’éloignement. Cette attitude n’est pas absolue, la vallée continue à être fréquentée, mais un doute s’est installé. Ce doute, qui s’articule aux risques documentés de l’exploitation des éléments radioactifs dans d’autres domaines (nucléaire par exemple), constitue l’un des points d’appui de la loi de limitation de la teneur en uranium des ressources exploitées, votée en décembre 2021 par le Parlement. Les documents préparatoires de ce texte et les déclarations des députés font clairement référence à la montagne Kuannersuit et aux risques sanitaires et environnementaux posés par de tels gisements, s’ils étaient exploités. Ainsi, le projet d’Energy Transition Minerals requalifie le territoire à l’aune de sa caractéristique radioactive. L’objectif ici n’est pas de questionner la relativité de cette définition, mais d’en souligner l’inscription dans les sphères sociale et juridique sous l’effet de la présence industrielle. Kuannersuit et ses environs présentent désormais une radioactivité avec laquelle les acteurs locaux, politiques et miniers composent.
La seconde dimension discordante tient à la caractérisation des ressources territoriales. Dans la perspective du projet minier, les végétaux et animaux, considérés localement comme des ressources, ne sont pas valorisés sur la montagne Kuannersuit et sa vallée. Ils sont passés sous silence dans les études d’impacts environnementaux et sociaux, documents pourtant censés évaluer l’effet de la mine projetée sur la fréquentation locale de l’espace visé24. Ces lieux sont exclusivement considérés du point de vue des minerais et de leur position par rapport à ceux-ci. Ainsi, Kuannersuit apparaît comme un gisement de terres rares et d’uranium « radio-activé », et la vallée comme une artère stratégique vers l’accès au port prévu sur le fjord. Cette perspective axée sur la ressource minérale donne lieu à une publicisation scientifique et politique de cet espace autour des terres rares depuis au moins 2013 et qui ne semble pas diminuer. Kuannersuit est présenté par les bureaux gouvernementaux comme une opportunité politique de 2009 à 202125, présenté par Energy Minerals Transition comme le pourvoyeur de matériaux des énergies vertes de demain26, et, par les géologues, comme un gisement d’ampleur mondiale de métaux critiques27. De nos jours, si ce projet est freiné par la loi de limitation de la teneur en uranium des ressources exploitées et qu’aucune licence d’exploitation n’a été délivrée, Kuannersuit reste perçue comme un espace de terres rares par les médias28 et par certains habitants. En 2022, des mineurs extrayant d’autres minerais de cette zone pour leur production artisanale soulignaient ainsi devoir négocier avec la compagnie, qui détient une licence d’exploration de la zone jusqu’en 2025, pour accéder à leurs filons. Selon eux, le statut du gisement, estimé comme le second réservoir au monde de terres rares, implique un aménagement durable pour permettre la cohabitation de toutes les formes d’exploitation. Ils entendent ici la mine industrielle, leur artisanat, et les activités socio-économiques locales. Les terres rares, explorées depuis 2007 par Energy Minerals Transition, semblent être en train devenir une ressource aussi pour des habitants de Narsaq.
Le projet minier, fabrique de la ressource
Si la mine ne peut s’implanter sans ressource, le cas de Kuannersuit souligne que les ressources, de leur côté, s’établissent avant la mine. Le moment du projet est celui de la recherche et de l’estimation des matières29, et celui de l’établissement d’une trame juridique, politique et spatiale qui permettra, ensuite, le lancement d’une production. De façon singulière, cette forme d’action recouvre le concept même de ressource. En effet, la ressource apparaît d’un côté comme un élément naturellement présent, duquel des usages sont tirés. Elle désigne d’un autre côté le réseau d’opérations et d’opérateurs qui composent le processus d’exploitation, sans lequel l’objet en question ne pourrait être ni extrait ni utilisé30. Ainsi, une matière peut constituer plusieurs ressources différentes, selon les systèmes techno-scientifiques, politiques, économiques et sociaux qui les fondent. À ces déterminations s’ajoute un aménagement spatial visant à confirmer ou améliorer les qualités matérielles visées31. Dans le domaine minier, l’enclave est considérée comme un exemple de ce phénomène32. Néanmoins, elle est toujours appréhendée pendant ou après la production, et à l’aune des infrastructures. Le contexte groenlandais révèle à l’inverse que la qualification et la spatialisation de la ressource se jouent tout particulièrement pendant le projet, donc avant la mine, par une modification physique du territoire.
L’association de la ressource à la mine tient, à mon sens, au caractère visible qu’elle prend dans la production. La singularité du cas de Narsaq est de rendre visible un processus de mise en ressource, car les matières minérales visées (uranium et terres rares) sont perçues et utilisées pour d’autres caractéristiques par les acteurs locaux (en tant qu’éléments du territoire, par les artisans, par exemple). La requalification engendre la discordance, le trouble souligne la contradiction matérielle. Il en va de même pour la spatialisation, qui entre en contradiction avec l’occupation locale (la ferme Ilua, les maisons de la vallée, etc) en créant une nouvelle géographie (révision des droits d’accès à Kuannersuit, en raison des occurrences de terres rares, baisse de la fréquentation de la vallée, en raison de la radioactivité). Le territoire et la ressource se trament de concert sous le projet, dans un mouvement empreint de rapports de pouvoir. Les conclusions de cette enquête spatiale, menée pendant la mobilisation nationale et locale d’opposition au projet de Kuannersuit, montrent toute l’efficacité des opérations minières : alors que le projet est majoritairement rejeté, qu’il ne donnera certainement jamais naissance à une mine, l’espace de Kuannersuit est désormais caractérisé comme un gisement de terres rares. Le projet est une fabrique de la ressource.
Conclusion
La difficulté méthodologique initiale de cette enquête était l’absence de porteur industriel accessible que j’aurais pu interroger à propos du projet minier. Suivant les conseils de mes interlocuteurs, j’ai adopté l’approche inverse : partir du projet minier pour interroger la part industrielle. L’ethnographie spatiale ainsi développée a reposé sur des allers-retours entre les entretiens et une pratique personnelle des lieux, m’en donnant une mesure physique et sensible, et m’apportant des données originales sur l’espace visé et sur les opérations industrielles. Cette méthode m’a permis de dépasser la polarisation politique du projet, et d’en dévoiler les effets de requalification et de respatialisation territoriales. Pour l’étudier de façon systématique, j’ai qualifié comme « discordantes » les zones qui troublaient mes interlocuteurs, dont les représentations, la fréquentation et l’usage étaient modifiés par le projet minier. Les espaces discordants sont ainsi devenus les points à partir desquels la ressource s’est dessinée, mettant en lumière la rupture sociale avec la montagne et l’agrégation des terres rares au territoire.
Si cette enquête répond aux spécificités du contexte groenlandais, la méthode décrite entend contribuer à une prise en considération de la spatialité des territoires en projet. Cette ambition repose sur l’enjeu de recueil de données sur les troubles et les incertitudes qui caractérisent les situations minières, au même titre que les enjeux fonciers ou patrimoniaux. Ces effets font à mon sens face à un déficit d’observation, qui m’apparaît dû à la définition d’abord administrative de la phase de projet minier, face à la mine qui constituerait l’étape extractive. Le cas de Kuannersuit remet en question cette opposition passivité-activité territoriale en démontrant un phénomène de production de la ressource et de son espace. L’ethnographie des discordances représente en ce sens une proposition pour étudier les projets miniers, leurs actions et leurs effets. Il me semble d’autant plus nécessaire d’analyser ces situations à l’heure de la transition énergétique et de l’augmentation globale de la demande en métaux qu’elle entraîne, qui génère logiquement un développement des prospections et des projets miniers.
Notes
1
À l’époque de l’enquête, la compagnie minière porte d’abord le nom de Greenland Minerals and Energy Ltd, puis de Greenland Minerals Ltd. Elle adopte le nom Energy Transition Minerals en 2022.
2
Lill R. Bjørst, « Uranium: The Road to “Economic Self-Sustainability for Greenland”? Changing Uranium-Positions in Greenlandic Politics », in Gail Fondahl et Gary Wilson, Northern Sustainabilities: Understanding and Addressing Change in the Circumpolar World, Springer, 2017, p. 25-34 ; Karen Thisted, « Emotions, finances and independence. Uranium as a “happy object” in the Greenlandic debate on secession from Denmark », Polar Record, vol. 56, 2019, p. 1-12.
3
Par exemple : Sébastien Chailleux, Sylvain Le Berre et Yann Gunzburger, Ressources minérales et transitions, Bruxelles, Peter Lang Verlag, 2022 ; Christine Demmer, « Nationalisme minier kanak et reconstruction postcoloniale du secteur nickel en Nouvelle-Calédonie », Cahiers Jaurès, vol. 230, n° 4, 2018, p. 35-52.
4
Par exemple le numéro spécial : Lorenzo D’Angelo, Robert Pijpers (dir.), « Mining Temporalities: Extractive Industries and the Politics of Time », The Extractive Industry and Society, vol. 5, n° 2, 2018.
5
Tanya Richardson et Gisa Weszkalnys, « Introduction : Resource materialities », Anthropological Quarterly, vol. 87, n° 1, 2014, p. 5-30 ; Nicholas Phelps, Miguel Atienza et Martin Arias, « Encore for the Enclave: The Changing Nature of the Industry Enclave with Illustrations from the Mining Industry in Chile », Economic Geography, vol. 91, 2015, p. 119-146 ; Gisa Weszkalnys, « Geology, potentiality, speculation : On the Indeterminacy of First Oil », Cultural Anthropology, vol. 30, n° 4, 2015, p. 611-639.
6
Michèle Leclerc-Olive, Anthropologie des prédations foncières : Entreprises minières et pouvoirs locaux, Paris, Éditions des archives contemporaines, 2017 ; Jerry Jacka, « The Anthropology of Mining: The Social and Environmental Impacts of Resource Extraction in the Mineral Age », Annual Review of Anthropology, vol. 47, 2018, p. 61-77.
7
Centre nationale de ressources textuelles et lexicales, « discordance », consulté le 02/05/2023.
8
Geowiki, « discordance », consulté le 03/05/2023.
9
Karen Thisted, « Emotions, finances and independence. Uranium as a “happy object” in the Greenlandic debate on secession from Denmark », Polar Record, vol. 56, 2019, p. 1-12.
10
Plusieurs coalitions gouvernementales s’enchaînent, avec toutes le parti Siumut à leur tête, expliquant la continuité du soutien au projet d’Energy Transition Minerals.
11
Jean-Pierre Olivier de Sardan, « La politique du terrain. Sur la production des données en anthropologie », Enquête, vol. 1, 1995, p. 71-109.
12
Lill R. Bjørst, « Saving or destroying the local community? Conflicting spatial storylines in the Greenlandic debate on uranium », The Extractive Industries and Society, vol. 3, n° 1, 2016, p. 34-40 ; Maike van den Berg, When Will the Waiting End? A case study on experienced effects of the possibility of a mining project in South Greenland, Master of Science in International Development Studies, Wageningen University, the Netherlands, 2017 ; Ann Merild Hansen et Rachael Lorna Johnstone, « In the Shadow of the Mountain: Assessing early impacts on community development from two mining prospects in South Greenland », The Extractive Industries and Society, vol. 6, n° 2, 2019, p. 480-488.
13
Chris Ballard et Glenn Banks, « Resource wars: the anthropology of mining », Annual review of anthropology, vol. 32, n° 1, 2003, p. 287-313 ; Jerry Jacka, « The Anthropology of Mining: The Social and Environmental Impacts of Resource Extraction in the Mineral Age », Annual Review of Anthropology, vol. 47, 2018, p. 61-77.
14
Nikkie Wiegink, « Imagining Booms and Busts: Conflicting Temporalities and the Extraction- “Development” nexus in Mozambique », The Extractive Industries and Society, vol. 5, n° 2, 2018, p. 245-252 ; Katja Müller, « Mining, time and protest: Dealing with waiting in German coal mine planning », The Extractive Industries and Society, vol. 6, n° 1, 2019, p. 1-7.
15
Jean-Pierre Boutinet, Anthropologie du projet, Paris, Presses Universitaires de France, « Quadrige », 2012. ; Jean-Pierre Boutinet, « La figure du projet comme forme hybride de créativité », Champ social, vol. 1, n° 5, 2012, p. 7-20.
16
Frédéric Graber et Martin Giraudeau (dir.), Les Projets. Une histoire politique (XVIe-XXe siècles), Paris, Presses des Mines, 2018.
17
Sophie Houdart, « Les répertoires subtils d’un terrain contaminé », Techniques & Culture, vol. 68, 2017, p. 88-103.
18
Qassiarsuk est un village de 70 habitants à une cinquantaine de kilomètres de Narsaq. Pour une description détaillée voir Pia Bailleul, « Qassiarsuk », in Nicolas Escach et Benoît Goffin (dir.), Arctique, Lyon, Éditions de l’ENS, 2023, p. 15-25.
19
Le Groenland est colonisé de 1721 à 1953 par le Danemark. Jusqu’en 1979 l’île au statut de Province est sous administration danoise, puis elle obtient le système de gouvernement autonome actuel, augmenté en 2009.
20
Henning Sørensen, Geological guide of South Greenland : the Narsarsuaq, Narsaq, Qaqortoq Region, Éditions GEUS, 2016.
21
Ce calcul est une estimation pour le projet de Energy Transition Minerals, il concerne les terres rares, l’uranium et le thorium.
22
Vinciane Despret, « Le mode mineur comme régime d’instruction et d’enquête », in Catherine Rémy (dir.), La Vie, mode mineur, Paris, Presses des mines, 2015, p. 44-67.
23
Geowiki, « discordance », consulté le 03/05/2023.
24
Information issue d’entretiens et depuis : Greenland Minerals and Energy, Environmental Impact Assessment, Nuuk, Naalakkersuisut, Autorité et sécurité des licences minières, « Kvanefjeld Project », Rapport d’impacts environnementaux, 2020 ; Greenland Minerals and Energy, Social Impact Assessment, Nuuk, Naalakkersuisut, Autorité et sécurité des licences minières, « Kvanefjeld Project », Rapport d’impacts sociaux, 2020.
25
Karen Thisted, « Emotions, finances and independence. Uranium as a “happy object” in the Greenlandic debate on secession from Denmark », Polar Record, vol. 56, 2019, p. 1-12.
26
Lill R. Bjørst, « To Live Up to Our Name “Greenland”: Politics of Comparison in Greenland’s Green Transition », The Arctic Year Book, 2022, p. 309-327.
27
Par exemple : Per Kalvig, Sjældne jordartsmetaller (REE). Forekomster, forarbejdning, forbrug, forsyning og forventninger, MiMa rapport, n° 2, Copenhague, GEUS, 2021.
28
William Davies, Samuel Wright et James Van Alstines, « Framing a “Climate Change Frontier”: International News Media Coverage Surrounding Natural Resource Development in Greenland », Environmental Values, vol. 26, n° 4, 2017, p. 481-502. À titre d’exemple : Julien Buissou, « Le Groenland, une des rares régions encore inexploitées de la planète, regorge de fer, de nickel, d’or et, surtout, de métaux rares », Le Monde, 28 juillet 2022.
29
Gisa Weszkalnys, « Geology, potentiality, speculation : On the Indeterminacy of First Oil », Cultural Anthropology, vol. 30, n° 4, 2015, p. 611-639.
30
Melina Ey et Meg Sherval, « Exploring the minescape: engaging with the complexity of the extractive sector », Area, vol. 48, n° 2, 2015, p. 176-185 ; Pierre Charbonnier, Abondance et liberté : une histoire environnementale des idées politiques, Paris, La Découverte, 2020 ; Matthew Himley et Andrea Marston, « Earth politics: Territory and the subterranean – Introduction to the special issue », Political Geography, vol. 88, 2021.
31
Karen Bakker et Gavin Bridge, « Material worlds? Resource geographies and the “matter of nature” », Progress in Human Geography, vol. 30, 2006, p. 5-27 ; Mari Oiry-Varacca et Emmanuelle Tricoire, « La ressource n’est pas épuisée. Pour un concept renouvelé », Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, vol. 104, n° 3, 2016.
32
Nicholas Phelps, Miguel Atienza et Martin Arias, « Encore for the Enclave: The Changing Nature of the Industry Enclave with Illustrations from the Mining Industry in Chile », Economic Geography, vol. 91, 2015, p. 119-146.