Espaces d’expérience et horizons d’attente des crises écologiques dans les sociétés post-communistes
Illustration d’Alexander Ananyev (photomontage), 2021
Ce dossier, conçu par l’équipe « Environnement » du CERCEC (CNRS – EHESS) en partenariat avec le CREE (INALCO), propose des éclairages sur les crises et sur les mobilisations environnementales à l’est de l’Europe et dans l’ex-URSS.
Coordonné par Laurent Coumel (INALCO – CREE), Jawad Daheur (CNRS – CERCEC) et Marie-Hélène Mandrillon (CNRS – CERCEC)
À l’est de l’Europe et dans l’ex-URSS, marqués par quarante ou soixante-dix ans de régimes dits communistes au XXe siècle, la question environnementale se pose avec des temporalités différentes de celles du monde occidental. La pression des sociétés sur les milieux et les ressources s’y inscrit là aussi dans le temps long de l’anthropocène, ère géologique dont l’humanité est devenue une force majeure : qu’on le fasse débuter avec l’âge industriel, entre la fin du XVIIIe et le milieu du XIXe siècle, ou avec l’accélération des dégradations écologiques et de leur prise en compte globale survenue après 1945. Mais alors que le relatif « tournant environnemental » des années 1960 et 1970 à l’Ouest a connu un équivalent beaucoup plus faible dans les institutions et les sphères publiques à l’Est, la catastrophe de Tchernobyl en 1986 a provoqué, quelques années plus tard, un premier moment de forte mobilisation verte : les ruptures politiques de 1989 en Europe centrale et orientale et la dislocation de l’Union soviétique en 1991 en sont pour partie le résultat.
Dans les années 1990, les pays post-communistes ont connu des situations contrastées : renforcement de la législation environnementale mais affaiblissement des institutions chargées de la faire appliquer, essor parfois contrarié, voire réprimé des mouvements écologistes. En ce début de XXIe siècle, la question environnementale reprend force dans ces espaces, y compris ceux qui sont soumis à des régimes autoritaires. Des contestations liées, soit aux défis globaux (changement climatique), soit à la perception des risques (catastrophes amplifiées par l’action humaine), soit à des préoccupations locales, se déploient à nouveau, notamment via Internet et les réseaux sociaux.
Les ateliers « Anthropocène à l’Est » visent à éclairer ce retour de la question environnementale en Europe centrale et orientale et dans l’ex-URSS, au prisme des héritages historiques, et plus largement de ce que Reinhart Koselleck a désigné comme « espace d’expérience vécue », en le reliant à l’« horizon d’attente » des acteurs. C’est ce présent à la fois dépendant du passé, et en devenir, que cherchent à saisir les sciences humaines et sociales.