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Emmanuel Macron et l’histoire (de France)

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Heureux les archéologues et les antiquisants : une stèle brisée, un tesson de bouteille leur suffisent pour entamer leur travail de construction historique ! À l’orée d’un texte intitulé « Emmanuel Macron et l’histoire », comment ne pas les envier, au risque de jouer les ânes de Buridan ? Un peu plus d’un an après son élévation à la tête de l’état, moins de deux ans après le début de sa chevauchée1, le volume de matériau écrit consacré au « plus jeune président que la France ait connu depuis Louis-Napoléon Bonaparte » est en effet déjà considérable. Bien longtemps après son échec de 1981, Valéry Giscard d’Estaing avoua avoir été incapable, pendant des mois sinon des années, d’ouvrir un quotidien tant il souffrait de ne pas s’y voir cité à longueur de colonne. C’était il y a plus de trente-cinq ans, il n’est pas besoin de souligner l’amplification du phénomène à l’ère du blog, du twit et du world wide web.

Ce foisonnement de la source est un problème, on y reviendra, il n’est pas le seul. L’auteur de ces lignes a voté aux élections présidentielles de 2017 – ce sont ses septièmes, mais il garde un souvenir un peu vague de celles de 1965, beaucoup plus précis de toutes celles intervenues depuis lors – et ne peut s’empêcher de porter un regard sur l’action de celui que son vote, au second tour au moins, a contribué à élire. Comment, dans ce contexte, objectiver l’objet ? Comment peut-il être assuré de lire le Macron-étudiant doué de 2000 comme on le lisait en 2000, tout en lisant le Macron président de 2017-2018 sans plus de préjugés que s’il lisait du de Gaulle président de 1958-69 ?

Une source a d’abord paru s’imposer : il est facile de disposer, depuis le site de la présidence de la République, de l’ensemble des discours prononcés par Emmanuel Macron depuis son intronisation le 14 mai 2017. J’avais ainsi construit un corpus d’une trentaine de textes, depuis les premières paroles officielles du nouveau président de la République jusqu’à l’allocution prononcée lors du transfert des cendres de Simone et Antoine Veil au Panthéon, le 1er juillet 2018. On doit remarquer la diversité des sujets – comme si toute prise de parole, ou presque, donnait à Emmanuel Macron matière à distiller sa vision de l’histoire. Des thèmes directement historiques y figuraient – Oradour-sur-Glane, la rafle du Vel d’Hiv, la Première Guerre mondiale, les figures de Clemenceau et du maréchal de Lattre lors d’un déplacement en Vendée – à côté de tous les types d’événements qui ponctuent l’activité du premier personnage de l’état, qu’ils soient d’ordre politique (le centième congrès de l’Association des maires de France, le dîner annuel du CRIF et son pendant devant le Conseil français du culte musulman, les discours au Parlement réuni en Congrès à Versailles en juillet 2017 et juillet 2018), diplomatique (visites officielles, rencontres bilatérales régulières avec des chefs de gouvernement européens, assemblée annuelle des Nations-Unies, conférence des ambassadeurs) ou culturel (inauguration de la foire du livre de Francfort, et par deux fois prise de parole sur la francophonie et la langue française, sujets chers à Emmanuel Macron). On pouvait rajouter à cette liste déjà longue des prises de parole sur des sujets fondateurs, telles la religion catholique et la laïcité (discours des Bernardins) ou l’avenir de la construction européenne (remise du prix Charlemagne à Aix-la-Chapelle).

Restent enfin les discours honorant des personnes particulières, vivantes – celles auxquelles sont conférées, pouvoir exclusif du président de la République, les deux dignités (grand’officier et grand’croix) existant dans les deux ordres nationaux non mis en extinction, la Légion d’honneur et l’ordre national du Mérite2 – ou décédées. De l’éloge funèbre, l’actuel président de la République est particulièrement prodigue : c’est à la mise en place d’une véritable politique de nationalisation des « grands hommes » (et « grandes femmes ») que l’on semble assister, avec la mobilisation des honneurs militaires dans la cour d’honneur des Invalides pour Simone Veil quelques jours après sa mort, en juillet 2017, pour Jean d’Ormesson en décembre de la même année, pour Claude Lanzmann en juillet 2018 – toutes figures certes publiques mais que peu de choses dans leur parcours prédisposaient à ce genre de cérémonie dans ce genre de lieu. Comme ce fut le cas en 1963 lorsque, le 11 octobre, Jean Cocteau et Édith Piaf s’éteignirent à quelques heures d’intervalle, la France perdit le 5 décembre 2017 son chanteur le plus connu, Johnny Hallyday et son académicien le plus télégénique, Jean d’Ormesson. Alors que le général de Gaulle n’avait prononcé ni l’éloge funèbre de la Môme ni celui de l’académicien trop bien en cour sous l’Occupation, Emmanuel Macron ne pouvait manquer le rendez-vous avec le cercueil blanc du rocker devant l’église de la Madeleine après avoir, la veille, célébré aux Invalides l’écrivain qui avait tenu à ce que, sur le drapeau couvrant sa dépouille, ne fussent placées ni ses (nombreuses) décorations ni son épée d’académicien, mais un simple crayon noir.

Hommage d'Emmanuel Macron à Jean d'Ormesson, le 8 décembre 2017.

Hommage national à Jean d’Ormesson, aux Invalides, le 8 décembre 2017.

Dans la mesure où Emmanuel Macron est un président qui non seulement parle souvent mais parle aussi longuement, je disposais ainsi de dizaines et de dizaines de pages dont on pouvait tenter d’analyser la structure et les variations, en recourant par exemple aux opérations d’analyse quantitative du discours, dont Antoine Prost s’était fait le pionnier à la fin des années 1960 en étudiant le discours ancien combattant. On aurait ainsi pu voir émerger des constantes de forme et de fond, s’ériger un Panthéon personnel et permettre la comparaison entre Emmanuel Macron et ses deux prédécesseurs, Nicolas Sarkozy et François Hollande, présidents de temps ne supportant plus la distance et la retenue, la hauteur et la rareté – tous éléments qui, de Charles de Gaulle à François Mitterrand et Jacques Chirac rendaient la parole présidentielle puissante, et parfois performative.

Ce n’est pourtant pas de ce matériau que se nourrira, pour l’essentiel, notre analyse, dans la mesure où son statut doit être questionné. La présidence moderne comprend en effet en son sein une PME chargée de produire du discours, cellule animée par un ancien élève de l’École normale supérieure (Sylvain Fort aujourd’hui, Paul Bernard sous François Hollande, Camille Pascal sous Nicolas Sarkozy), parfois par un écrivain (Éric Arnoult, dit Érik Orsenna, sous François Mitterrand) ou par un professeur de lettres (Christine Albanel sous Jacques Chirac), toutes personnalités ayant en commun d’avoir rejoint, après quelques années d’un travail de forçat, le Conseil d’état3, point de départ d’une haute carrière administrative, parfois d’une incursion en politique.

Même si la présidence de la République prend soin de souligner, en tête de chacun des discours dont le texte retranscrit est disponible sur son site, que « seul le prononcé fait foi », il n’est pas illégitime de se demander qui parle quand le président de la République prononce un discours. La lecture successive des quelque trente discours évoqués en ouverture du présent article – exercice largement artificiel, chacun de ces textes ayant vocation à atteindre une cible et une seule – procure en effet un sentiment de lassitude, le beau style y succédant au beau style sans qu’il soit possible d’y déceler, malgré la présence soigneusement dosée des « J’ai voulu que… » ou des « Ma conviction profonde est que… », l’intervention personnelle de celui qui prononce le texte. On en a une illustration presque caricaturale avec l’hommage national à Claude Lanzmann qui s’est tenu le jeudi 12 juillet 2018 dans la cour d’honneur des Invalides. Par sa forme comme par son contenu, le discours prononcé à cette occasion s’inscrit parfaitement dans la lignée de ceux émis par Emmanuel Macron dans le même lieu en hommage aux grands personnages célébrés dans le même lieu depuis juin 2017. Pourtant le discours n’a pas été dit par le président de la République, retenu à Bruxelles par un sommet de l’OTAN, mais par le Premier ministre Édouard Philippe.

Ceci n’a évidemment rien de nouveau. À l’exception du général de Gaulle, qui écrivait puis apprenait tous ses discours, les chefs d’état ne s’intéressent qu’à un petit nombre d’inter­ventions, importantes par leur thématique ou le public qu’elles ciblent et pour lesquelles ils donnent des instructions à leur garde rapprochée. Cette phase préparatoire peut d’ailleurs elle-même être mise en scène, comme ce fut le cas pour le discours prononcé le 13 juin 2018 à Montpellier en clôture du congrès annuel de la Mutualité. Une scène filmée, mise en ligne par l’Élysée et largement reprise, de manière le plus souvent critique, sur les réseaux sociaux, montre le président de la République déclarer à ses collaborateurs chargés de préparer ce discours que « l’on met un pognon de dingue dans les minima sociaux », le mot pognon étant, si on en croit l’écrivain Jean Rouaud, « vieux et plus du tout utilisé mais sans doute voulu puisque tout est passé au pesoir de la propagande »4.

Que la séquence préparation/délivrance d’un discours du président de la République soit devenue un passage obligé de tout documentaire télévisuel consacré à l’exercice du pouvoir présidentiel est illustré de manière saisissante, s’agissant de la présidence de François Hollande, par le documentaire d’Yves Jeuland, Un temps de président, diffusé par France Télévisions le 28 septembre 2015. On y assiste à l’étonnante improvisation – discours non achevé, difficulté à relire les annotations manuscrites du président – qui précède la remise, fin novembre 2014, de la Grand-Croix de la Légion d’honneur à Jean d’Ormesson, personnage à ce point associé au palais présidentiel qu’il alla jusqu’à interpréter le personnage de François Mitterrand dans le film Les saveurs du Palais, consacré à la cuisinière de l’Élysée.

En revanche, le tout-venant, issu d’un processus itératif faisant intervenir communicants et conseillers sectoriels, ne se voit modifié qu’à la marge, confirmant l’aspect largement rhétorique de l’exercice. Du coup, alors que les politiciens contemporains parlent plus, mais moins bien, que leurs homologues des républiques précédentes, l’unité de ton née de l’unité de source ne rend que plus flagrant le recours aux lieux communs. C’est ainsi que toute évocation de la première guerre mondiale sera suivie d’une allusion à l’amitié franco-allemande, qui a permis que le continent européen vive en paix depuis un nombre impressionnant de décennies5. Tout aussi stéréotypé, depuis une trentaine d’années environ, le lien entre rappel des sacrifices et des meurtres liés à la seconde guerre mondiale et renaissance en France d’un discours et d’actes aux connotations racistes ou antisémites.

Comme c’est le cas chaque année d’élection présidentielle, l’édition française a tenté en 2017 de surfer sur l’événement, même si les éditeurs ne se sont au final pas révélés meilleurs prophètes que l’ensemble de la classe politique – de sorte qu’on peut légitimement douter que les ouvrages de Benoît Hamon6 ou ceux écrits par ou à propos de François Fillon aient été des succès de librairie. L’effet de surprise, ou plutôt d’« effraction »7 dont se revendique pour sa part Emmanuel Macron se lit à l’inverse dans la courbe des titres qui lui sont consacrés. Peu nombreux avant le début de 2017, ces derniers se multiplient dès l’élection du printemps, et pas seulement à partir de commandes faites à des journalistes dont c’est le métier8 : paraissent ainsi coup sur coup en octobre 2017 chez Stock Le Philosophe et le président, Ricœur et Macron de l’historien François Dosse et aux éditions de l’Observatoire, filiale des PUF, Macron, un président philosophe de Brice Couturier, chroniqueur politique de France-Culture, ouvrage portant en bandeau imprimé une phrase donnant le ton : « Aucun de ses mots n’est le fruit du hasard ». En d’autres termes, nourri de la pensée de Hegel corrigée par celle de Ricœur et « intimement persuadé de savoir décrypter le sens historique des événements »9, Emmanuel Macron est celui dont la parole puis l’action politiques disposent d’une puissance que n’ont pas celles de ses concurrents.

On ne doit pas se contenter de sourire de ce que ces analyses, la seconde spécialement, peuvent avoir de naïvement hagiographique. Emmanuel Macron y est présenté comme un nouveau Blum, un nouvel Herriot, un nouveau Painlevé, analogies pour le moins rapides. D’autres gardent la tête un peu plus froide – tel Michel Crépu, rédacteur en chef de la NRF, qui, en introduction d’une livraison de la revue dans laquelle une place de choix est faite à une interview du nouveau président de la République consacrée à l’histoire, évoque « un Bonaparte post-post moderne » dont les discours ont « le ton d’un Habermas d’école de commerce, si à la mode de nos jours »10.

Signe peut-être qu’elle n’est pas encore complètement entrée dans la post-modernité politique, la France reste un pays dans lequel il est de bon ton, pour un homme politique, d’avoir publié, chez des éditeurs ayant pignon sur rue, un ou plusieurs livres « de fond ». Jusqu’à une période toute récente, l’écrit gardait ainsi dans notre pays un prestige tel que le plein accès à la notoriété politique passait par l’écriture d’un livre, souvent d’un livre d’histoire – avec un penchant particulier pour la biographie, qui offre un facile effet de renvoi entre le biographe et la figure qu’il entend présenter : Jack Lang a ainsi publié sur François Ier, Nicolas Sarkozy sur Georges Mandel, François Bayrou sur Henri IV, etc. On peut également rappeler le succès considérable obtenu, dans les années 1970, par les essais historico-politiques d’Alain Peyrefitte, ministre du général de Gaulle, de Georges Pompidou et de Valéry Giscard d’Estaing, tout particulièrement Le Mal français, qui date de la fin 1976, un an avant la naissance d’Emmanuel Macron.

La fonction de certification établie par le livre de François Dosse – chargé de cours à Sciences-Po au milieu des années 1990, il y remarqua les capacités rares d’Emmanuel Macron  qu’il présenta à Paul Ricœur, alors en quête d’un appui méthodologique et bibliographique pour la rédaction de son dernier livre, publié en 2000, La Mémoire, l’histoire, l’oubli11 – joue un rôle de témoin de la figure du « président-philosophe », notamment vis-à-vis de ceux qui, contre toute vraisemblance, entendent minimiser voire nier l’apport intellectuel d’Emmanuel Macron à cet ouvrage12.

Pour autant, le témoignage de François Dosse ne construit pas cette figure, elle la conforte seulement. Construite, elle le fut de manière progressive mais systématique au cours de la campagne électorale, dont nous retiendrons ici quatre étapes : c’est d’abord, en juillet 2015, un entretien avec Éric Fottorino, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Le 1. Le jeune ministre – à tous les sens du terme, il n’est entré au gouvernement qu’en août 2014 – y développe déjà sa conception du pouvoir présidentiel :

La Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire, collectif : le roi n’est plus là ! On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d’y placer d’autres figures : ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie française ne remplit pas l’espace. On le voit bien avec l’interrogation permanente sur la figure présidentielle, qui vaut depuis le départ du général de Gaulle. Après lui, la normalisation de la figure présidentielle a réinstallé un siège vide au cœur de la vie politique. Pourtant, ce qu’on attend du président de la République c’est qu’il occupe cette fonction. Tout s’est construit sur ce malentendu13.

Comment ne pas être frappé, à la lecture de ces quelques phrases, par leur exagération manifeste, même si elle est sans doute voulue ? Arrivé à la majorité politique au début du premier mandat de Jacques Chirac, Emmanuel Macron peut sans doute porter ce jugement sur les présidents de la République qu’il a vus à l’œuvre depuis 1995. Pour autant, le « siège vide », illustré de manière idéal-typique par la dernière intervention télévisée de Valéry Giscard d’Estaing en tant que président de la République, est une vue de l’esprit, non un élément que vient étayer l’analyse historique.

La conclusion que le lecteur est amené à tirer de ces quelques phrases – trois hommes ont su ou sauront remplir ce vide : Napoléon Bonaparte, Charles de Gaulle et Emmanuel Macron – fait comme si Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing et plus encore François Mitterrand n’avaient pas été des présidents de la Cinquième République de plein exercice. Plus troublant encore, elles oblitèrent un siècle et demi d’histoire, entre Waterloo et le 13 mai 1958. Or, même pour un homme politique porté aux simplifications nécessaires à qui veut se faire entendre du plus grand nombre, il est déraisonnable de passer par pertes et profits tous les régimes que la France a connus au dix-neuvième siècle, puis l’ensemble de la Troisième et de la Quatrième Républiques. Pas un homme capable de remplir ce vide du pouvoir au long de tous ces régimes : ni Napoléon III ni Gambetta, ni Blum ni Mendès France – ni même Pétain ? L’historien reste perplexe.

La deuxième étape se situe le 8 mai 2016 à Orléans. Invité d’honneur des 587e fêtes johanniques, Emmanuel Macron ne parle que de lui en évoquant Jeanne d’Arc, qui « n’était qu’un rêve fou [et] s’impose comme une évidence ». L’ensemble de la classe politique décrypta sans difficulté ce discours au vrai fort peu crypté, ainsi par exemple de Gaspard Gantzer :

En écoutant Emmanuel s’époumoner en mémoire de Jeanne la Pucelle, même si j’ai presque envie de rire, je réalise combien sa mécanique est implacable. Ce rival que personne ne considère encore est fort, presque trop. J’oscille entre colère contre celui qui joue sa carte personnelle sans se soucier des autres et admiration pour cet ancien camarade qui devient un homme politique à part entière14.

 

L’instrumentalisation politique de la pucelle d’Orléans est, on le sait, un procédé classique depuis deux siècles dans l’histoire française. Le livre qui fait référence sur le sujet, celui de Gerd Krumeich, publié en allemand en 1989 et en français en 199315, rappelle ainsi que « sa mémoire est au cœur d’enjeux politiques […] mouvants : avant d’être la figure de proue de l’extrême droite, elle a été tour à tour fille du peuple en armes, restauratrice de la monarchie, patriote trahie par son roi et l’Église »16. Trois éléments nous retiendront dans ce discours, qui nous éclairent sur les origines et les ambiguïtés du rapport d’Emmanuel Macron à l’histoire. Tout d’abord, l’importance de l’imagerie scolaire, dont on verra qu’elle revient fréquemment dans le discours que le candidat Macron – qui appellera de ses vœux un nouveau Lavisse – porte sur l’histoire :

J’ai souvent imaginé, sans doute comme vous, les scènes que racontait mon livre d’histoire. Jeanne devant le roi, devant les grands capitaines, au milieu de son armée, Jeanne meurtrie, Jeanne blessée, mais n’abandonnant rien, donnant un irremplaçable témoignage de ce que peut la jeunesse du monde lorsqu’elle s’appuie sur la volonté bonne. On l’a brûlée d’abord, canonisée ensuite.

Là où l’historien tiendrait à souligner l’équivoque de ce raccourci – entre le bûcher et la canonisation, près de cinq siècles se sont écoulés – l’homme politique n’entend pas faire le détail, entraîné qu’il est par son souci de s’inscrire dans une « histoire millénaire », autre constante forte de la vision qu’il entend donner du passé national :

Le passé, toujours, brûle notre époque et le présent est gros de ce qui a été. […] Et dans notre passé, il est des traces, vibrantes, qui doivent nous éclairer, nous aider à retrouver le fil de cette histoire millénaire qui tient notre peuple debout. Jeanne d’Arc appartient à cette histoire, notre histoire. […] Car Jeanne d’Arc, comme nos autres grandes figures, comme notre hymne national, comme notre drapeau, ce sont nos héritages, notre histoire commune, ce qui nous a fait, nous tient ensemble. Les grandes figures de l’histoire ne nous parlent pas. Elles n’ont jamais cherché à nous envoyer un message. C’est nous seuls qui les faisons parler. Nous seuls qui construisons leur légende et nous appuyons sur elles pour mieux nous comprendre. Il n’y a pas non plus d’hommes ou de femmes providentiels, je n’y crois pas. Il n’y a que l’énergie du peuple et le courage de celles et ceux qui se jettent dans l’action.

Le troisième élément est le plus troublant. Il se rapporte à une certaine idée de la République :

Et au fond, qu’est-ce qui fait que ce 8 mai à Orléans est si singulier ? Qu’est-ce qui fait que chaque année, ici, pour fêter cette jeune femme morte sur le bûcher en 1431, un cortège d’autorités et près de 60 000 personnes se retrouvent chaque année ? C’est parce que, fidèles à notre histoire, fidèles à cette histoire, le désir de justice, l’énergie du peuple, la volonté de rassemblement, le triptyque de Jeanne d’Arc, c’est celui qui scelle notre République. Ce fil qui nous relie à Jeanne, en passant par Michelet, Jaurès, Gambetta ou Péguy, c’est celui de l’esprit républicain. Car notre République ne commence pas avec la République, elle commence bien avant. Elle s’ancre dans cette histoire millénaire avec laquelle nous devons avoir renoué, du sacre de Reims à la fête de la Fédération, comme le disait Marc Bloch. Jeanne d’Arc est beaucoup plus qu’elle-même ou que son époque. Elle contribue à forger cette identité française. Cette identité, c’est une langue, c’est un territoire, c’est une nation, c’est aussi le fruit de notre passé, car elle est faite de celui-ci.

Une chose est, reprenant une des citations les plus classiques de L’Étrange défaite – est-il désobligeant d’écrire qu’elle fait partie de celles connues de tout candidat bien préparé au concours d’entrée à l’ENA ? –, de souligner les éléments de continuité de l’histoire nationale. N’oublions pas les circonstances dans lesquelles fut écrit le livre : Marc Bloch procédait à cette lecture en longue durée au moment du désastre, dans la logique de repli sur soi de la Patrie blessée qui sera aussi, mutatis mutandis, un des pivots du discours de l’état français. Mais comment écrire raisonnablement, comme le fait Emmanuel Macron, que « la République ne commence pas avec la République, elle commence bien avant [et] s’ancre dans cette histoire millénaire avec laquelle nous devons avoir renoué » ? Dans l’architecture des Lieux de Mémoire, qui entend elle aussi s’interroger sur cette introuvable « identité française » que ne cesse de questionner le candidat Macron, Pierre Nora a pris soin de placer au socle, en 1984, La République, suivie en 1987 des trois volumes de La Nation puis en 1992 des France, elles aussi en trois volumes.

Jean Dillens, La capture de Jeanne d’Arc, vers 1850

Jean Dillens, La capture de Jeanne d’Arc, vers 1850.

Si nous avons consacré une place relativement longue à ce discours d’Orléans, c’est qu’il met en place les trois éléments-clés – le roman national, l’histoire millénaire, l’indistinction de la République – qui caractérisent la conception que se fait E. Macron de l’histoire. Éléments qu’on retrouvera, plus développés, dans les deux autres vecteurs que nous allons rapidement évoquer : le livre-programme Révolution, publié à l’automne 2016 aux éditions XO, et les propos sur l’histoire et son enseignement que le candidat développe le 9 mars 2017 sur France Culture face à Emmanuel Laurentin, en participant à l’émission La Fabrique de l’histoire.

Au sein de la catégorie des livres-programmes électoraux, ouvrages à la vie brève et au style convenu, Révolution dispose d’un statut particulier, non seulement parce que son auteur est aujourd’hui président de la République mais aussi parce que l’éventualité qu’il le devînt était faible quand l’ouvrage fut publié. À la présentation des ambitions que l’auteur nourrit pour son pays et à la description de la manière dont il les mettra en œuvre doit donc s’ajouter la présentation du candidat, encore inconnu des électeurs, par lui-même – exercice dont pouvaient se dispenser le général de Gaulle en 1965 ou François Mitterrand en 1981.

C’est l’objet du premier chapitre, « Ce que je suis », récit enchanté d’une enfance provinciale aux côtés de la grand’mère adorée, qui lui fait lire, à voix haute, Molière et Racine, Georges Duhamel, Mauriac et Giono17, de la passion dès l’adolescence envers celle qui deviendra Brigitte Macron, des étapes universitaires, professionnelles, politiques. Il est suivi d’un « Ce que je crois », puis d’un « Ce que nous sommes », où Emmanuel Macron définit à grands traits ce que sont, à ses yeux, la France et les Français. Pour définir sa « France de toujours », l’auteur ne recule pas devant l’emphase :

Je ne me lasserai jamais de contempler l’âme immobile et fugitive de la France. C’est le temps fait géographie. C’est un héritage antérieur à la mémoire consciente, et le goût d’un avenir qui resterait fidèle aux espoirs du passé. Pays faits de mots, de terres, de roches et de mers. C’est cela la France. Mais pas uniquement18.

Suivent des chapitres programmatiques consacrés à l’éducation, à la construction europé­enne, aux évolutions du travail, à l’entreprise, au numérique, etc., avant une conclusion qui commence par la phrase : « Chacun d’entre nous est le fruit de son histoire », ce dernier mot étant écrit, comme il se doit, avec une minuscule alors que chacune de ses vingt-trois autres occurrences est, curieusement, orthographiée Histoire19.

Ces occurrences, nous les avons réordonnées selon trois catégories principales, que l’on peut classer sur un axe allant du plus général au plus particulier. La première de ces catégories, que l’on ne cite ici que pour mémoire, regroupe banalités, évidences et pétitions de principes, toutes formules passe-partout qui peuvent faire partie de l’outillage du candidat à quelque élection que ce soit et le doivent quand il s’agit d’une élection présidentielle. En voici un échantillon, à toutes fins utiles20:

Notre pays a la force d’avancer, il a l’histoire et le peuple pour le faire (p. 7)

Oui, la France est une volonté. La France ne se recrée pas chaque jour à partir de rien. Cette volonté s’appuie sur l’héritage de notre histoire qui structure nos réponses aux nouveaux défis (p. 169)

Notre histoire et notre culture, tout ce que les générations précédentes ont à nous transmettre, constituent notre socle commun (p. 176-177)

Certes, les temps sont durs et l’histoire est tragique (p. 183)

Sauf à nous perdre, nous ne pouvons pas prendre, dans ces temps si difficiles, une autre voie que la nôtre. La richesse que nous avons à défendre, c’est la marque de la France, sa vertu, son message dans l’histoire (p. 186)

 

La dernière de ces citations se veut sans doute, dans sa première phrase, un coup de chapeau aux tautologies dont le général de Gaulle était si friand, tandis que la seconde, contre laquelle il semble difficile de s’inscrire en faux, semble résonner avec le fragment du discours d’Orléans où le pas encore candidat entendait donner sa définition de la France :

C’est un projet ouvert, qui a toujours su accueillir l’autre et les plus faibles, dont Jeanne d’Arc faisait partie. C’est un projet fou, au fond, forgé sur une culture, et recherchant l’universel, exigeant et généreux. C’est cela notre identité, ce n’est rien d’autre. C’est cela notre espoir, au fond. Cela n’a rien d’évident, mais c’est nous.

Sortons de ces facilités –  facilités rhétoriques, facilités critiques – pour analyser un deuxième versant de l’usage politique de l’histoire par Emmanuel Macron dans Révolution. Comme s’il écrivait le script de l’ouvrage que Brice Couturier lui consacrera quelques mois plus tard, le futur président déroule une démonstration en trois temps, scandé par son parcours et sa personnalité. Jadis, très jeune, il a eu la chance exceptionnelle d’être associé à un penseur de haut vol : « Aux côtés de Ricœur, j’ai appris le siècle précédent et appris à penser l’histoire »21. Du coup, il est capable, à la différence de ses rivaux, de prendre en compte la profondeur historique pour construire sa réflexion politique : « L’histoire instruit toujours : je pense souvent à ce que la République de Venise a dû vivre en 1453 lorsque Constantinople est tombée aux mains des Turcs », nous rappelle-t-il à l’appui de sa certitude qu’« un pays ne peut vivre durablement dans l’inertie et le mensonge »22.

L’histoire contemporaine inspire moins le candidat. Il est troublant, à cet égard, de constater que la période de la seconde guerre mondiale est comme un point aveugle de Révolution, et que les deux seules citations qu’on y trouve sont éloquentes par ce qu’elles ne disent pas, respectivement la collaboration des élites et l’antisémitisme d’état. Étonnante ainsi la page où est glorifiée l’action résistante des hauts fonctionnaires – « dans le maquis ou à la tête d’unités de blindés »23 – action dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle fut plutôt rare et plutôt tardive. De même, comment ne pas s’interroger sur l’analyse faite du processus d’assimilation des juifs à la République (« Le judaïsme s’est construit en France dans le respect et l’amour de la République, bel exemple de ce que notre histoire et nos choix politiques ont su faire »24), où ne sont pas même évoquées les ruptures violentes que furent l’affaire Dreyfus et l’antisémitisme d’état de Vichy ?

Après le passé (ce moment 1999-2000 où il fut près de Ricœur) et le présent continu (« je pense souvent à l’histoire »), le troisième temps de la démonstration se situe dans le tout contemporain. Il s’agit du moment de la décision, grosse d’un futur possiblement considérable. Et, là encore, l’histoire se trouve mobilisée à deux reprises. D’abord parce qu’elle est partie intégrante de la fonction briguée : « Un président [de la République] n’est pas seulement investi d’une action. Il porte aussi, de manière moins visible, tout ce qui dans l’état transcende la politique : les valeurs de notre pays, la continuité de son histoire et, de manière cachée, la vigueur et la dignité d’une vie publique »25.

La phrase qui suit – « [Ma] décision de [me] présenter aux plus hautes charges de la République est le fruit d’une conviction intime et profonde, d’un sens de l’Histoire »26 – peut être lue de deux manières, dont aucune ne témoigne d’une modestie excessive du candidat : soit c’est parce qu’il est doté du sens de l’histoire qu’il estime que sa candidature s’impose aujourd’hui au pays, soit c’est le sens de l’histoire qui impose Emmanuel Macron à la France. On est loin, ce faisant, de la simultanéité de différents possibles dont un seul émergera – noyau de la conception que se fait Ricœur de l’histoire.

« Je veux que mon pays redresse la tête et, pour cela, retrouve le fil de notre Histoire millénaire : ce projet fou d’émancipation des personnes et de la société »27, cette toute dernière occurrence du mot histoire dans Révolution est, de manière significative, un parfait point d’entrée dans la troisième catégorie de notre analyse, qui s’attache au contenu même des références historiques mobilisées par l’auteur. « Histoire millénaire », « continuité de l’histoire », « république commencée bien avant la Révolution », tout se passe comme si l’événement était le parent pauvre de la vision de l’histoire chez Emmanuel Macron, et avec lui le siècle par excellence de l’événement, le dix-neuvième siècle. Il faudrait rapprocher le parcours de l’élève puis de l’étudiant Macron et les changements successifs des programmes scolaires et de l’enseignement universitaire pour trouver des racines objectives à cet état de fait. Quoi qu’il en soit, le siècle de la révolution industrielle et de la construction du socialisme est peu présent dans les étapes de l’apport de la France à l’histoire universelle tel que le conçoit l’auteur, dans un discutable bric-à-brac :

Nous sommes capables de relever ensemble le défi que ce temps nous lance en renouant le fil d’une histoire millénaire qui nous a vus (sic) séparer l’Église et l’état, inventer les Lumières, découvrir les continents, prétendre à l’universel, créer une culture inédite et construire une économie forte28.

On ne le trouvera guère plus dans le Panthéon personnel d’Emmanuel Macron, directement inspiré du Petit Lavisse :

On ne construit pas la France, on ne se projette pas en elle si on ne s’inscrit pas dans son histoire, sa culture, ses racines, ses figures : Clovis, Henri IV, Napoléon, Danton, Gambetta, de Gaulle, Jeanne d’Arc, les soldats de l’An II, les Tirailleurs sénégalais, les Résistants, tous ceux qui ont marqué l’histoire de notre pays29.

L’historien, qui comme toujours connaît la suite de l’histoire, remarque que Vercingétorix manque à l’appel, carence a posteriori paradoxale quand on se souvient de la formule lâchée par le président, lors d’un voyage officiel au Danemark à la fin de l’été 2018, sur les Français héritiers des « Gaulois réfractaires au changement » qu’il opposait –  mélange de Max Weber trop vite lu et de généralités à l’emporte-pièces, si fréquentes par exemple dans l’ouvrage déjà cité d’Alain Peyrefitte, Le Mal français – aux Danois, « luthériens [ayant] vécu les transfor­mations de ces dernières années »30.

Dans une assez nette symétrie, pas nécessairement voulue, l’histoire est instrumentalisée de deux manières pour conforter le projet politique macronien – projet qui, de manière paradoxale mais non contradictoire avec ce qui précède, s’ancre dans deux courants politiques qui s’affirment au dix-neuvième siècle, le libéralisme politique et le saint-simonisme. À l’appui du premier, il s’agira de tirer de l’histoire politique nationale et plus précisément de l’histoire de l’état des leçons destinées à remettre l’état à sa place. La démonstration commence par trois maximes, que n’auraient pas reniées Alain Peyrefitte, Laurent Cohen-Tanugi ou Jacques Attali, se succédant à quelques lignes d’intervalle31:

Notre histoire a fait de nous des enfants de l’état et non du droit, comme aux États-Unis, ou du commerce maritime, comme en Angleterre.

Lorsqu’il s’est agi d’assurer la continuité de notre histoire après 1789, c’est vers l’état que les Français se sont tournés.

C’est l’état qui, au fil du temps, a reconnu la place de chacun dans l’histoire nationale.

La conclusion suit, deux pages plus loin, en forme de plan d’action pour la durée du quinquennat : « C’est [une] erreur d’imaginer l’état comme un mal en soi, pour des raisons essentiellement dogmatiques, alors qu’il faut, de manière pratique, le considérer dans la durée et dans son rapport avec notre histoire, pour les services qu’il rend et qu’il peut rendre »32. Mais, second versant, l’histoire est aussi mobilisée au profit d’un saint-simonisme 2.0, qui doit saisir les nouveaux enjeux industriels en s’appuyant sur une organisation rénovée des modes de production :

Si nous voulons avancer, faire réussir notre pays et construire une prospérité du XXIe siècle dans le droit fil de notre histoire, il nous faut agir.

L’ambition qui doit nous animer est de renouer avec le rêve productif qui est au cœur de notre histoire et de notre identité.

Après le rail, l’électricité, la télévision, la téléphonie, le déploiement de la fibre numérique est un chantier comme il y en a peu dans notre histoire33.

Dernier point sur lequel Emmanuel Macron revient longuement – et dont plusieurs discours depuis qu’il est président ont montré qu’il y est particulièrement attaché – la politique de la langue. Grâce à François  Ier, « qui a eu cette intuition géniale de bâtir le royaume sur la langue34, notre langue porte notre histoire, [de sorte que] celui qui apprend le français puis le parle devient le dépositaire de notre histoire et devient un Français »35. En revanche, sauf lecture trop rapide de ma part, le livre ne traite ni de la commémoration ni du regard porté successivement par les chefs de l’état sur les événements marquants du passé national, spécialement ceux générés par les conflits du vingtième siècle. Le sujet ayant sans doute été considéré comme trop délicat et clivant pour être inclus dans un livre-programme appelé à une large diffusion, fut choisie pour cela une tribune plus ciblée, bénéficiant à la fois d’une haute réputation et d’un auditoire averti, l’émission pilotée sur France Culture par Emmanuel Laurentin, La Fabrique de l’histoire.

Le candidat Macron y participa le 9 mars 2017. De l’entretien avec Emmanuel Laurentin36, plus que les rappels sur l’apport de Ricœur à la philosophie de l’histoire et à sa formation philosophique personnelle, plus que les considérations sur le roman national et l’enseignement de l’histoire qu’il chargera par la suite son ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, de mettre en œuvre, ce sont les propos d’Emmanuel Macron sur la guerre d’Algérie qui retiennent l’attention. Plutôt que de les paraphraser, reprenons-en la substance, sous forme de collage :

Emmanuel Laurentin – Lorsque vous allez à Alger, le 15 février dernier, vous parlez effectivement de la colonisation, vous parlez de crime contre l’humanité, vous avez déclenché une véritable tempête de commentaires, alors que quelques mois plutôt, en novembre 2016, dans Le Point, vous aviez évoqué les éléments de civilisation et les éléments de barbaries que composaient la colonisation, et aussi l’émergence d’un État, de richesses, de classes moyennes, et on s’est dit : comment peut-on tenir ensemble ces deux discours ? Un discours qui se rapprocherait de certains discours sur la colonisation positive, qui ont pu être tenus et ont déclenché beaucoup de tempêtes à l’époque en 2004, et un autre discours qui se rapprocherait d’un discours que vos adversaires appellent régulièrement le discours de repentance.

Emmanuel Macron – Lorsque j’ai évoqué les éléments de modernité qu’avait pu porter la période de la colonisation, quand j’ai pu parler à une autre reprise d’une modernisation par effraction, je ne suis pas allé dans le sens de celles et ceux qui avaient promu en 2004-2005 les bienfaits de la colonisation. Il faut avoir là l’esprit de distinction.

Je pense qu’on ne peut pas parler de bienfaits de la colonisation, ça on le sait bien c’est une revendication extrêmement classique de celles et ceux qui veulent revenir sur ce passé et le revisiter. Mais, je reconnais qu’en même temps il y a eu des femmes et des hommes qui dans le cadre de la colonisation ont eu un rôle, une humanité, ont fait des choses.

De l’autre côté, le discours que j’ai tenu a essayé à chaque fois de rappeler la complexité des expériences et des mémoires de cette période. Des faits qui se sont passés à l’époque relèvent du crime contre l’humanité. Quand je tiens ce discours, je ne dis à aucun moment que toutes celles et ceux qui ont eu à voir avec la colonisation sont des criminels contre l’humanité. C’est cette espèce d’écrasement d’une notion sur tout ce qui a touché à la colonisation qui est une immense erreur. Mais je dis que des faits qui ont été commis dans ce cadre relèvent de cette notion aujourd’hui.

En même temps, il y a d’autres mémoires. Il y a la mémoire des harkis trahis par la France. Ils se sont battus pour elle, ils sont revenus sans pouvoir y exister. Il y a la mémoire des pieds noirs qui ont vécu justement cette part de colonisation, parfois dans ses aspects plus complexes, d’histoires personnelles, de traumatismes et de sentiments d’abandon qu’il faut savoir respecter. […] Il y a toute une partie de la société française qui n’a pas digéré le général de Gaulle et qui dit : depuis 1962, on nous a trahis, qui ont construit une forme d’irrédentisme dans la république. Irrédentisme d’ailleurs dont le Front national se nourrit. Il y a la mémoire des appelés, des anciens combattants. À aucun moment je n’ai considéré ces mémoires comme étant celles de criminels contre l’humanité. J’ai dit, l’État français en ce qu’il a porté et commis certains actes a participé de cette histoire. […] Vous avez ensuite les Françaises et les Français issus de l’immigration, ou binationaux, qui sont des millions, venus d’Algérie, qui disent : on n’a jamais reconnu ma part d’histoire et de mémoire. Parce que la France a décidé de rester dans le refoulé après cette période, nous avons bloqué tout cela. Nous devons pacifier cette histoire et avoir une politique de reconnaissance des mémoires dans leur complexité, y compris dans ce qu’elles ont parfois d’irréconciliable entre elles.

L’analyse historique est ici pertinente. Elle semble annoncer une initiative présidentielle qui constituerait enfin, pour la reconnaissance de la responsabilité de l’état dans les crimes commis pendant la guerre d’Algérie, l’équivalent du discours par lequel Jacques Chirac, le 17 juillet 1995, reconnaissait au nom de la France la part essentielle jouée par l’appareil d’état français dans la mise en œuvre de la Solution finale. Dans la suite de la discussion avec Emmanuel Laurentin, le candidat souligne en quoi les choix politiques des présidents successifs de la Cinquième République bloquèrent d’abord, puis ouvrirent, chacun à sa manière, le chemin progressif, très progressif, vers cette reconnaissance en ce qui concerne la guerre d’Algérie :

Nous avons décidé d’entrer dans le refoulé après la guerre d’Algérie. Cela a été le choix du général de Gaulle parce qu’il a installé son autorité politique sur cela, et cela a été le choix de toute une génération qui a eu à vivre cette période. Ce choix a été reproduit par ses successeurs, y compris François Mitterrand, qui avait eu un rôle durant la guerre d’Algérie, que l’on connaît. Cela s’est progressivement ouvert. Je salue ici le rôle qu’a eu Jacques Chirac parce qu’il est le premier à avoir réouvert ce dossier avec beaucoup d’esprit de responsabilité. D’ailleurs, il était en train de conclure un traité d’amitié qui s’est fracassé sur l’initiative parlementaire relative aux bienfaits de la colonisation. Ensuite, quelles que furent les pérégrinations du quinquennat suivant de Nicolas Sarkozy sur le sujet, quand on regarde le discours de Constantine de 2008, il continue ce travail. Et François Hollande, dans son discours d’Alger de 2012, le poursuit. Donc, je m’inscris en cela dans cette continuité pleine et entière.

Lorsque j’ai commencé à construire le présent texte, au printemps de 2018, j’imaginais un acte solennel lié à une commémoration en chiffres ronds. Ce que Jacques Chirac avait dit en 1995 – « cinquantenaire » (décalé de trois ans en raison du refus permanent de François Mitterrand de reconnaître une quelconque responsabilité de la France dans la Shoah37) de la rafle du Vel d’hiv – sur la part prise par l’appareil d’état français dans la déportation des juifs, Emmanuel Macron ne le dirait-il pas le 19 mars 2022, soixantième anniversaire de la signature des accords d’Évian ? L’avenir dira ce qu’il en est, mais un geste majeur a déjà été accompli lors de la visite rendue par le président de la République le 13 septembre 2018 à Josette Audin, veuve du jeune mathématicien torturé et assassiné par l’armée française en juin 1957 à Alger38. À cette occasion, l’Élysée publie une brève déclaration dont les termes nous semblent justifier le parallèle avec celle prononcée par Jacques Chirac, quelque trente-trois ans plus tôt, sur la responsabilité de l’état dans la mise en œuvre de la Shoah en France :

Maurice Audin n’a jamais réapparu et les circonstances exactes de sa disparition demeurent floues. Le récit de l’évasion qui figure dans les comptes rendus et procès-verbaux officiels souffre de trop de contradictions et d’invraisemblances pour être crédible. Il s’agit manifestement d’une mise en scène visant à camoufler sa mort. […] Quoi qu’il en soit précisément, sa disparition a été rendue possible par un système dont les gouvernements successifs ont permis le développement : le système appelé « arrestation-détention » à l’époque même, qui autorise les forces de l’ordre à arrêter, détenir et interroger tout « suspect » dans l’objectif d’une lutte plus efficace contre l’adversaire.

[…] En échouant à prévenir et à punir le recours à la torture, les gouvernements successifs ont mis en péril la survie des hommes et des femmes dont se saisissaient les forces de l’ordre. En dernier ressort, pourtant, c’est à eux que revient la responsabilité d’assurer la sauvegarde des droits humains et, en premier lieu, l’intégrité physique de celles et de ceux qui sont détenus sous leur souveraineté.

Il importe que cette histoire soit connue, qu’elle soit regardée avec courage et lucidité. Il en va de l’apaisement et de la sérénité de ceux qu’elle a meurtris, dont elle a bouleversé les destins, tant en Algérie qu’en France. Une reconnaissance ne guérira pas leurs maux. Il restera sans doute de l’irréparable en chacun mais une reconnaissance doit pouvoir, symboliquement, délester ceux qui ploient encore sous le poids de ce passé. C’est dans cet esprit, en tout cas, qu’elle est pensée et aujourd’hui formulée. […] L’approfondissement de ce travail de vérité doit ouvrir la voie à une meilleure compréhension de notre passé, à une plus grande lucidité sur les blessures de notre histoire, et à une volonté nouvelle de réconciliation des mémoires et des peuples français et algérien39.

Portrait de Maurice Audin, rue du 19 mai 1956 (Alger), dessin d’Ernest Pignon-Ernest

Portrait de Maurice Audin, rue du 19 mai 1956 (Alger), dessin d’Ernest Pignon-Ernest.

En tout état de cause, Emmanuel Macron ne manquera pas, d’ici la fin du mandat qu’il a reçu au printemps 2017, d’occasions de célébrer les faits saillants du roman national et les grands hommes qui lui sont chers. Sans même évoquer la séquence en cours, qui prend la forme inédite d'une semaine de « pèlerinage mémoriel », du centenaire de la fin de la première guerre mondiale – qu’en sera-t-il de celui des traités qui, à Versailles, Sèvres et Trianon, remodelèrent la carte de l’Europe ? – rappelons que l’année 2020 est celle du cinquantième anniversaire de la mort du général de Gaulle et du sesquicentenaire de l’implantation définitive de la République en France, et que la suivante verra les nostalgiques de l’Empereur commémorer le bicentenaire de sa mort à Sainte-Hélène. Nul doute que ce président qui aime parler, décorer, promulguer, bref se mettre en scène saura profiter de ces occasions.

L’histoire politique française, nostalgique sans doute du « monde ancien » que le président du « en même temps » entend périmer pour de bon, continue à accorder de la valeur aux notions de droite et de gauche. Une Histoire des droites qui date des années 1990, une Histoire des gauches publiée au début des années 200040 affirment toutes deux la persistance de substrats culturels politisés, y compris en termes de lecture de l’histoire. Il ne suffit pas du temps rapide d’une campagne électorale victorieuse pour effacer cette réalité. On s’efforcera de la retrouver en s’inspirant de la leçon de Bergson : « N’écoutez pas ce qu’ils disent, regardez ce qu’ils font ». On cherchera ainsi à repérer les micro-éléments, conscients ou inconscients – paroles échappées, réactions instinctives, liens individuels – qui précèdent et souvent l’emportent sur le métier politique, tout ce qui, échappant au contrôle, dit à qui on a affaire. L’amitié avec Philippe de Villiers et Stéphane Bern, la dérive monarchique, le fonctionnement tantôt clanique tantôt curial, les mots qui blessent41, bien peu manquerait à l’appel s’il s’agissait de faire ici la démonstration que rien ne relie Emmanuel Macron à l’imaginaire historique de gauche. Lui-même au demeurant ne s’en revendique pas, poussant le sens de la provocation jusqu’à choisir le Puy du Fou, fief de Philippe de Villiers, pour déclarer publiquement qu’il n’est pas socialiste.

Brigitte Macron, Emmanuel Macron et Philippe de Villiers au Puy du Fou, le 19 août 2016

Brigitte Macron, Emmanuel Macron et Philippe de Villiers au Puy du Fou, le 19 août 2016.

Bien peu de présidents de la République sans doute échappent à la griserie que procure l’accès aux fastes quasi monarchiques de la magistrature suprême ; à ce propos peut-être en viendra-t-on, un jour prochain, à regretter la familiarité tranquille d’un Vincent Auriol ou d’un René Coty. Apparue comme concept de science politique dès le milieu des années 1970, la « monarchie républicaine » à la française42 s’est largement développée – dérives de basse police comprises – sous les deux septennats de François Mitterrand. Emmanuel Macron la reprend sous la variante, devenue une véritable tarte à la crème de l’histoire politique, que les Français ne se remettraient toujours pas, 225 ans après événement, d’avoir guillotiné leur roi – roi qu’il affirme ne pas vouloir être43, même s’il ne néglige aucun des oripeaux du pouvoir suprême. C’est ainsi que le jeune président prête au peuple britannique la tapisserie de Bayeux, rouvre les chasses présidentielles, morigène un jeune homme l’ayant interpellé au Mont-Valérien en manquant du respect dû à sa fonction – ou à sa personne44.

Ses thuriféraires n’arrangent évidemment pas les choses : un François Sureau, plume de François Fillon pendant la campagne électorale, s’émerveille ainsi d’un président qui, lorsqu’il passe les troupes en revue, « regarde les soldats droit dans les yeux, comme il faut faire ». Les limites du grotesque sont atteintes lorsqu’un livre consacrée à la promotion Senghor de l’ENA, dont est issu Emmanuel Macron, nous apprend que l’un de ses condisciples fut tellement impressionné par la personnalité du futur grand homme qu’il profita d’une fin de soirée alcoolisée pour subrepticement couper une mèche de ses cheveux, qu’il garde désormais telle une relique45 : à quand le toucher des écrouelles ?

Ces enfantillages mis à part, on permettra à un historien, par déformation professionnelle peu sensible à la rhétorique du radicalement nouveau, de souligner les germes de continuité entre le président de la République élu en mai 2017 et ses prédécesseurs. On ne tentera guère, malgré les perches que tend Emmanuel Macron, la comparaison avec le fondateur de la Cinquième République : l’ombre portée du général de Gaulle a beau avoir hanté, fût-ce en négatif, tous les présidents de la Cinquième République, le modèle est si spécifique, et si uniformément valorisé, que l’exercice ne peut qu’être biaisé.

En sens inverse, parce qu’ils lui ressemblent trop, on ne s’attachera pas non plus aux deux prédécesseurs immédiats d’Emmanuel Macron, l’un comme l’autre prototypes de l’hyper-présidence que la fâcheuse instauration du quinquennat semble avoir désormais installée comme mode usuel d’exercice de la fonction présidentielle. Difficile également de se référer à Jacques Chirac, qui semble sa presque parfaite antithèse : politicien professionnel, champion toutes catégories de l’élection, des cantonales à la présidentielle, ferme sur quelques principes et coulant sur bien des dérives, beaucoup plus cultivé qu’il ne veut le montrer mais bien peu égotiste46.

Il nous semble en revanche utile, pour raccrocher l’imprégnation historique d’Emmanuel Macron à des éléments connus du paysage historique, d’évoquer trois figures importantes de l’histoire politique de la France du siècle précédent, celles des hommes qui dirigèrent le pays pendant un quart de siècle : Georges Pompidou (président de 1969 à 1974), Valéry Giscard d’Estaing (1974-1981), François Mitterrand (1981-1995).

Du dernier, on retiendra surtout, dans la lignée du parcours de l’actuel président de la République vécu, si l’on en croit Michel Crépu, comme « une histoire un peu provinciale qui n’aurait pas déplu à François Nourissier »47, l’évocation du terroir français et de la patrie charnelle, le côté « adolescent d’autrefois » qu’Emmanuel Macron s’attache à donner de lui dans les pages de Révolution consacrées à son enfance. C’est aussi, dans le domaine littéraire, la passion pour Stendhal, la référence aussi aux écrivains devenus rares que sont Giono, Colette, Giraudoux ou Duhamel – ne manque que Chardonne.

Très logiquement, Valéry Giscard d’Estaing apparaît comme une référence naturelle pour mettre en perspective Emmanuel Macron : même type de parcours professionnel (École nationale d’administration et inspection des finances générales), même sensibilité orléaniste – la théorie du ruissellement et la métaphore des « premiers de cordée » apparaissant à cet égard comme une mise à jour de la valorisation des « capacités », ces élites du savoir ou de l’industrie auxquelles les libéraux de la monarchie de Juillet, méfiants devant les dangers de la démocratie, entendaient confier l’exercice du pouvoir. De manière plus anecdotique, plus révélatrice aussi, même goût pour l’Ancien Régime. On se souvient que Valéry Giscard d’Estaing laissait courir le bruit qu’il pouvait descendre, par les branches latérales, de Louis XV. Rien de tel chez Emmanuel Macron, mais un rapprochement trop fréquent et trop ostensible avec les amateurs de manoirs et de châteaux – on a déjà cité Philippe de Villiers et Stéphane Bern – qui témoigne, décidément, d’une forme de nostalgie pour la France pré-révolutionnaire. C’est cette même nostalgie voilée que le traducteur et écrivain André Markowicz décèle dans le discours que prononce en décembre 2017 le président de la République lors l’hommage solennel à Jean d’Ormesson :

Et puis, j’ai entendu cette phrase : « La France est ce pays complexe où la gaieté, la quête du bonheur, l’allégresse, qui furent un temps les atours de notre génie national, furent un jour, on ne sait quand, comme frappés d’indignité. » Comment ça, « on ne sait pas quand » ? Si, on sait parfaitement quand : d’abord, – non pas en France, mais dans l’Europe entière, au moment du romantisme, et de la Révolution française. Quand, d’un seul coup, c’est le monde qui a fait irruption dans les livres, et pas seulement dans la beauté des salons. […]

Emmanuel Macron a cité les amis de Jean d’Ormesson : Berl, Caillois, Hersch, Mohrt, Déon, Marceau, Rheims, Sureau, Rouart, Deniau, Fumaroli, Nourissier, Orsenna, Lambron ou Baer… […] Berl, Mohrt, Déon, Marceau, Rheims, Rouart, Fumaroli, c’est, de fait, « une certaine idée de la France », – une idée dont je ne pourrais pas dire qu’elle est franchement de gauche. C’est de cette longue lignée que parle le Président pour peindre, aux Invalides, dans le cadre le plus solennel de la République, la France qu’il veut construire. Et il le fait sans avoir besoin de dire l’essentiel, qui est compris par toute l’assistance : nous sommes dans le cercle du « Figaro », dans le cercle – très ancien – de la droite française la plus traditionnelle, celle des « Hussards », des nostalgiques de l’aristocratie.

Parce qu’il faut bien le dire, quand même, non ? – la « légèreté » de Jean d’Ormesson, c’était quand même bien ça qu’elle recouvrait : la réaction la plus franche. […] Michel Mohrt, Marceau (Félicien, pas Marcel…), Michel Déon, Paul Morand, toute, je le dis, cette crapulerie de l’élitisme de la vieille France, moi, je ne sais pas, ça ne me donne pas l’image d’une France dans laquelle je pourrais me reconnaître. L’impression que j’ai, c’est que par l’intermédiaire de Jean d’Ormesson, le Président rendait hommage à cette France-là, en l’appelant « la France », et c’est à propos de cette France-là qu’il parlait de son « génie national ». Et sans jamais employer de mot de « réaction », ou le mot « droite »48.

 

C’est pourtant sur une dernière figure, celle de Georges Pompidou, que nous achèverons ce panorama rapide de la pensée historique d’Emmanuel Macron. Non pas le Pompidou conservateur et modernisateur, qui multiplia les autoroutes et donna sa place au Royaume-Uni dans la construction européenne, mais le Pompidou désireux, déjà, de « réconcilier les mémoires ». Vertement mis en cause par les associations résistantes – la Seconde Guerre mondiale ne s’était achevée qu’un quart de siècle plus tôt – pour avoir accordé en novembre 1971 à Paul Touvier, numéro deux de la Milice dans la région de Lyon, une grâce lui permettant de rentrer en possession de ses biens, il répondit quelques mois plus tard qu’il avait espéré « lemoment […] venu de jeter le voile, d’oublier ces temps où les Français ne s’aimaient pas, s’entre-déchiraient et même s’entretuaient »49.

À son tour, Emmanuel Macron se déclare « obsédé par la réconciliation des histoires ». Comme on l’a dit plus haut, sans doute verra-t-on au cours du quinquennat une initiative politique forte autour de la guerre d’Algérie, voire de l’aventure coloniale française dans son ensemble. Mais s’agit-il seulement de cela ? Au cours de la campagne électorale, le candidat Macron avait poussé fort loin son désir de réconciliation de l’histoire en train de se faire, en critiquant la manière dont avait été mené, durant la présidence Hollande, la réforme du mariage :

Une des erreurs fondamentales de ce quinquennat a été d’ignorer une partie du pays qui a de bonnes raisons de vivre dans le ressentiment et les passions tristes. C’est ce qui s’est passé avec le mariage pour tous, où on a humilié cette France-là. Il ne faut jamais humilier, il faut parler, il faut « partager » des désaccords. Sinon, des lieux comme le Puy-du-Fou seront des foyers d’irrédentisme50.

Face à la vigueur de la réaction des associations qui s’étaient battues pour cette réforme, à celle de la Garde des sceaux de l’époque, Christiane Taubira51, Emmanuel Macron déclara avoir seulement entendu « refus[er] de traiter par le mépris les témoignages reçus de personnes que ce mariage pour tous heurtait dans leurs croyances et leurs valeurs [… et qui] demandaient davantage d’explication et surtout davantage de considération », en se déclarant, de manière générale, partisan de « la réforme volontariste mais pacifiée, efficace mais réconciliatrice »52.

Pour autant, cette réconciliation est-elle possible, est-elle même souhaitable ? Derrière le vieux, le très vieux débat sur la réforme53, c’est toute une conception du débat politique qui est en jeu, dans lequel la référence historique ne joue pas un rôle mineur. En 1891 déjà, à l’ouverture de la décennie qui vit la République subir une de ses plus rudes crises, l’affaire Dreyfus, Clemenceau n’hésita pas à affirmer que « la Révolution française est un bloc », acceptant ainsi l’héritage de la Terreur, Robespierre aussi bien que Danton – ce Robespierre dont Emmanuel Macron, dans son entretien avec Emmanuel Laurentin, prenait au contraire soin de se distancier54. C’est au prétexte de la réconciliation des mémoires que François Mitterrand imposa à sa majorité, et à son électorat, dès 1982, la reconstitution de carrière des officiers putschistes de 1961, ceux qui avaient entendu renverser de Gaulle et la République, et toujours au nom de l’unité nationale qu’il refusa, dix ans plus tard, de reconnaître officiellement la responsabilité de l’état français dans la mise en œuvre de la Solution finale.

Dès 1953, au moment où se profilait la première grande loi d’amnistie des collaborateurs, Jean Cassou, résistant de la première heure et homme de gauche de toujours, refusait, au nom de « ce résidu irréductible : les morts », que « pour assurer la continuité nationale […] on prêch[ât] la réconciliation dans l’aveuglement [… afin de] reprendre tranquillement notre petit bonhomme de chemin dans la béatitude du chien crevé au fil de l’eau »55. Alors qu’Emmanuel Macron aime rappeler que « l’histoire que nous vivons en Europe redevient tragique », enfonce même le clou, non sans amalgame ni mépris, en ajoutant que « ce vieux continent de petits-bourgeois se sentant à l’abri dans le confort matériel entre dans une nouvelle aventure où le tragique s’invite »56, faut-il vraiment faire de la réconciliation des mémoires le point de fuite de l’histoire nationale ?

Dix-huit mois après son arrivée à la tête de l’état, Emmanuel Macron a mesuré la complexité de la fonction d’incarnation. Oublié le président « jupitérien » promis aux Français, celui qui, le soir même de son élection, pasticha devant la pyramide du Louvre la déambulation solitaire de François Mitterrand au Panthéon en mai 1981. Malgré le renfort de l’histoire, la posture s’avéra en effet de plus en plus difficile à tenir, pour deux ensembles de raisons. Les premières sont d’ordre structurel, directement liées à l’évolution politique et constitutionnelle des deux dernières décennies, tandis que les secondes, qui nous concernent plus directement ici, découlent de ce qu’est ou ce qu’a choisi d’être le personnage Emmanuel Macron.

On sera donc bref sur l’évolution récente de la fonction présidentielle, bouleversée depuis le début du XXIe siècle par un double phénomène : celui, aussi évident qu’inévitable, de la sur-médiatisation contemporaine mais aussi celui, aux effets plus pernicieux, né de la réduction de sept à cinq ans du mandat du président de la République, loi constitutionnelle adoptée par référendum le 24 septembre 2000. Le régime s’est ainsi sensiblement présidentialisé, rendant improbable l’hypothèse d’une cohabitation entre président de la République d’une certaine tendance politique et Parlement, donc Premier ministre, d’une autre.

Ces cas de figure, vécus deux fois par François Mitterrand (1986-1988 et 1993-1995) et une fois par Jacques Chirac (1997-2002), non seulement furent favorables aux deux hommes, qui virent alors leur cote de popularité sensiblement progresser, mais aussi dotèrent la France de ce qu’elle ne connaît plus depuis longtemps, un chef de l’état vécu comme au-dessus de la mêlée, et non englué dans le quotidien.

Comme Nicolas Sarkozy et François Hollande avant lui, Emmanuel Macron constate aujourd’hui qu’il est difficile d’être « en même temps » symbole d’unité – rôle dévolu aux souverains des monarchies constitutionnelles et aux présidents placés hors du jeu politique ordinaire, tels ceux d’Allemagne, d’Italie ou d’Israël – et gestionnaire du quotidien. La tâche devient impossible lorsque, médiatisation aidant là encore, le président est vécu comme « hyper-président », figure construite par Nicolas Sarkozy, subie par François Hollande et reprise, non sans gourmandise, par Emmanuel Macron57.

Des facteurs d’ordre personnel rendent l’équation plus difficile à résoudre encore par ce dernier. Tout, chez Emmanuel Macron, est jeune : non seulement sa personne mais aussi son aventure politique, les journaux ayant suffisamment glosé sur l’élection en mai 2017 d’un homme inconnu de la quasi-totalité des électeurs ne serait-ce que deux ans auparavant. Or la capacité d’incarnation est plus facilement reconnus aux anciens qu’aux nouveaux, aux chenus qu’aux débutants. Les Français, au cours du vingtième siècle, ont ainsi aimé Clemenceau et Poincaré, Pétain et de Gaulle – tous avaient les cheveux blancs. Les Bonaparte sont effectivement arrivés jeunes au pouvoir impérial, mais par des coups d’état et n’occupent pas une place enviable dans la mémoire historique nationale.

Le jeune président élu en 2017 se trouve ainsi placé dans une situation paradoxale : il lui faut à tout prix se vieillir. N’ayant pas véritablement de passé propre à faire valoir, il en appelle à celui de ses ascendants – la fameuse grand’mère mise en scène dans Révolution, les quatre arrière grands-pères ayant participé à la première guerre mondiale lors de « l’itinérance mémorielle » mise en scène entre le 5 et le 11 novembre 2018 – il imite, il se grime. Comme on l’a déjà noté, il est, le soir de son élection François Mitterrand au Panthéon, tandis que ses thuriféraires s’emploient à nous faire comprendre que, bien que si jeune, « toute sa vie, [il s’est] fait une certaine idée de la France ». Que penser, par ailleurs, de l’image de l’enfant parfait que la traversée de Paris sur la route des vacances faisait immanquablement penser à Eugène Sue et qui plongeait avec délices dans l’œuvre de Maurice Genevoix, alors que les enfants des années 1980, nous apprend un ouvrage grand public consacré à cette décennie, se réjouissaient plutôt d’assister « à l’explosion médiatique des mangas japonais : Goldorak, Candy, Albator, le capitaine Flam et les cinq héros masqués de la série Bioman »58 ?

Plaque de l’« Avenue du Maréchal Pétain » (novembre 1940), à Toulouse (Musée départemental de la Résistance et de la Déportation de Haute-Garonne)

Plaque de l’« Avenue du Maréchal Pétain » (novembre 1940), à Toulouse (Musée départemental de la Résistance et de la Déportation de Haute-Garonne).

Emmanuel Macron s’est ainsi construit – à tout le moins a laissé se construire – la figure d’un vieux jeune président. Ces tensions expliquent non seulement la fragilité de sa posture d’incarnation, mais aussi des dérapages consternants. Sa toute récente réhabilitation de la figure de Pétain, en marge de son déplacement sur les champs de bataille de la première guerre mondiale59, brise un consensus qui ne troublait que l’extrême-droite et quelques cercles arriérés de l’armée. De tels propos, sans doute plus impulsifs que réfléchis, ne pourront que briser une mémoire nationale patiemment ressoudée, depuis plus de vingt ans, par les efforts conjoints d’une génération historienne – celle de l’auteur de ces lignes, qui suit celle des pionniers : Stanley Hoffmann, Robert Paxton, Jean-Pierre Azéma, Pierre Laborie – et d’une génération politique, celle de Jacques Chirac, homme aujourd’hui, et comme symboliquement, effacé par les atteintes de l’âge.

 

Le 8 novembre 2018.

Vidéo du débat, "Emmanuel Macron et l'histoire" qui a eu lieu le lundi 25 janvier 2019.

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    1

    Emmanuel Macron démissionne en août 2016 de son poste de ministre de l’Économie pour entamer sa marche vers l’Élysée.

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    2

    Emmanuel Macron a ainsi distingué en 2017 des personnalités liées à la seconde guerre mondiale (Daniel Cordier, Serge et Beate Klarsfeld) et en 2018 le comédien Michel Bouquet.

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    3

    Ce fut également le cas de Georges Pompidou, le fameux « normalien sachant écrire » demandé en 1944 par le général de Gaulle à René Brouillet, qui fut nommé maître des requêtes au tour extérieur en 1946.

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    4

    Jean Rouaud « Très cher Manu… », Le Monde, 26 juin 2018.

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    5

    Alors que l’argument avait perdu de sa pertinence avec les conflits intervenus dans les années 1990 dans l’ex-Yougoslavie, il semble aujourd’hui réapparaître.

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    6

    Sont ainsi publiés en mars 2017 son programme Pour la génération qui vient, aux éditions des Équateurs, et aux éditions Robert Laffont La Politique est à nous, programme collectif qu’il cosigne avec Yannick Jadot et qui prend la forme d’un recueil, coordonné par le sociologue Michel Wieviorka, de contributions écrites par quarante acteurs de la société civile – dont Nicolas Hulot.

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    7

    Le mot est du président, dans une interview donnée au Monde en février 2018 : « Je suis le fruit d’une forme de brutalité de l’Histoire, une effraction car la France était malheureuse et inquiète ».

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    8

    Nicolas Prissette, Emmanuel Macron, le président inattendu (First éditions) paraît dès le 13 mai 2017, soit moins d’une semaine après le second tour. Les biographies de Brigitte Macron sont un autre rameau de cet arbre (Maelle Brun, Brigitte Macron l’affranchie, L’Archipel, janvier 2018 ; Fabienne Cassagne, Brigitte Macron, la confidente, City éditions, mai 2018, etc.).

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    9

    Brice Couturier, Macron, un président philosophe, Paris, Éditions de l’Observatoire, 2018, p. 74.

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    10

    Michel Crépu, « Mai 2018. Cinquante ans plus tard », Nouvelle revue française, n° 630, mai 2018, p. 7-8.

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    11

    En conclusion de l’avertissement qu’il a placé en tête de l’ouvrage, Ricœur remercie trois personnes : Thérèse Duflot, qui a dactylographié son manuscrit, François Dosse et Emmanuel Macron, « à qui [il doit] une critique pertinente de l’écriture et la mise en forme de l’appareil critique de l’ouvrage » – ledit appareil étant particulièrement étoffé. On rappelle que le futur président de la République était alors âgé de 22 ans.

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    12

    Dont il donna une analyse dans Esprit, revue avec laquelle il entamait ce faisant un long compagnonnage : « La lumière blanche du passé. Lecture de La Mémoire, l’histoire, l’oubli de Paul Ricœur », Esprit, août-septembre 2000, p. 16-31.

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    13

    « Macron, un philosophe en politique », Le 1, n° 64, 7 juillet 2015, cité (non sans admiration devant le culot montré par son ancien condisciple de l’ENA et toujours ami) par Gaspard Gantzer, qui est alors chef du « pôle communication » de la présidence de la République : La Politique est un sport de combat, Paris, Fayard, 2017, p. 158.

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    14

    Gaspard Gantzer, La Politique est un sport de combat, Paris, Fayard, 2017, p. 242. On trouvera le texte du discours, agrémenté de commentaires sarcastiques, dans l’article publié par L’Observateur au lendemain du discours.

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    15

    Gerd Krumeich, Jeanne d’Arc à travers l’histoire, Paris, Albin Michel, 1993. Il est intéressant de noter que la première édition française est enrichie d’une préface de Régine Pernoud, biographe de la sainte, alors que dans la plus récente (Belin, 2017), c’est à Pierre Nora qu’est demandé l’exercice.

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    16

    Pour reprendre les termes de la quatrième de couverture de l’édition de 2017 (Gerd Krumeich, Jeanne d’Arc à travers l’histoire, Paris, Belin).

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    17

    Emmanuel Macron, Révolution, Paris, XO éditions, 2016, p. 13

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    18

    Emmanuel Macron, Révolution, Paris, XO éditions, 2016, p. 45-46. Nous n’arrivons toujours pas à imaginer ce que peut être ce « temps fait géographie ».

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    19

    Brice Couturier, tout à son admiration pour son modèle, n’hésite pas à repérer là l’influence de Hegel. J’y vois surtout une utilisation trop rapide des outils de correction automatique, comme lorsqu’on lit, en conclusion d’une page, au demeurant assez émouvante, sur la famille qu’il forme avec son épouse et les enfants et petits-enfants de cette dernière : « Notre Histoire nous a inculqué une volonté tenace de ne rien céder au conformisme, lorsqu’on croit avec force et sincérité » (Emmanuel Macron, Révolution, Paris, XO éditions, 2016, p. 32).

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    20

    Nous écrivons « histoire » et non « Histoire ».

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    21

    Emmanuel Macron, Révolution, Paris, XO éditions, 2016, p. 20.

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    22

    Emmanuel Macron, Révolution, Paris, XO éditions, 2016, p. 67-68.

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    23

    Emmanuel Macron, Révolution, Paris, XO éditions, 2016, p. 244.

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    24

    Emmanuel Macron, Révolution, Paris, XO éditions, 2016, p. 173.

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    25

    Emmanuel Macron, Révolution, Paris, XO éditions, 2016, p. 264.

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    26

    Emmanuel Macron, Révolution, Paris, XO éditions, 2016, p. 264. Pour illustrer ce que ressent le lecteur, j’ai rétabli ici la majuscule qui figure dans le texte imprimé.

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    27

    Emmanuel Macron, Révolution, Paris, XO éditions, 2016, p. 264.

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    28

    Emmanuel Macron, Révolution, Paris, XO éditions, 2016, p. 69.

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    29

    Emmanuel Macron, Révolution, Paris, XO éditions, 2016, p. 176.

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    31

    Emmanuel Macron, Révolution, Paris, XO éditions, 2016, p. 46.

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    32

    Emmanuel Macron, Révolution, Paris, XO éditions, 2016, p. 48.

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    33

    Emmanuel Macron, Révolution, Paris, XO éditions, 2016, respectivement p. 9, 75 et 81.

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    34

    Par l’édit de Villers-Cotterêts, ville qui tirera un bénéfice tardif de cette page d’histoire, le nouveau président de la République imposant aux services patrimoniaux du ministère de la Culture, porteurs d’autres priorités, qu’ils financent la restauration du château destiné à abriter, avant la fin du quinquennat, un centre de la francophonie.

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    35

    Emmanuel Macron, Révolution, Paris, XO éditions, 2016, p. 44.

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    37

    Sur ce point, nous nous permettons de renvoyer à Marc Olivier Baruch, Des lois indignes ? Les historiens, la politique et le droit, Paris, Tallandier, 2013, p. 66-75.

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    38

    Voir, par exemple, ce qu’en écrit l’historien Benjamin Stora dans L’Express trois jours plus tard : https://www.lexpress.fr/culture/maurice-audin-pourquoi-macron-fait-evenement_2035269.html.

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    39

    Déclaration du président de la République sur la mort de Maurice Audin, le 13 septembre 2018 : http://www.elysee.fr/declarations/article/declaration-du-president-de-la-republique-sur-la-mort-de-maurice-audin/.

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    40

    Jean-François Sirinelli (dir.), Histoire des droites en France, Paris, Gallimard, 1993 (3 volumes) ; Jean-Jacques Becker (dir.), Histoire des gauches en France, Paris, La Découverte, 2004 (2 volumes).

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    41

    Le 2 juillet 2017, inaugurant l’école de start-up installée par Xavier Niel dans la Halle Freyssinet, bâtiment anciennement à usage de gare, il définit une gare comme « un lieu où on croise des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien ».

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    42

    Maurice Duverger, La Monarchie républicaine, Paris, Robert Laffont, 1974.

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    43

    Par exemple dans l’interview qu’il accorde, en octobre 2017, à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel : « Don’t worry, I don’t see myself as a king. But whether you like it or not, France’s history is unique in Europe. Not to put too fine a point on it, France is a country of regicidal monarchists. It is a paradox: The French want to elect a king, but they would like to be able to overthrow him whenever they want » (http://www.spiegel.de/international/europe/interview-with-french-president-emmanuel-macron-a-1172745.html/).

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    44

    Voir Jean Rouaud, « Très cher Manu », Le Monde, 25 juin 2018.

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    45

    Matthieu Larnaudie, Les Jeunes gens, Paris, Grasset, 2018. L’anecdote figure dans la critique de l’ouvrage publiée dans Les Échos, les 13-14 avril 2018.

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    46

    Pierre Péan, L’inconnu de l’Élysée, Paris, Fayard, 2007 (réédité en 2016 au format de poche dans la collection « Pluriel » sous le titre L’autre Chirac).

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    47

    Michel Crépu, « Mai 2018. Cinquante ans plus tard », Nouvelle revue française, n° 630, mai 2018, p. 8.

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    48

    André Markowicz, « Mireille aux Invalides. Macron, d’Ormesson et Johnny, images de la France » (L’Autre quotidien, en ligne).

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    49

    Conférence de presse du 21 septembre 1972. L’affaire fut à l’origine de l’un des moments de télévision les plus célèbres des années 1970, la participation avortée de Maurice Clavel à l’émissionÀ armes égales ; le film qu’il avait réalisé dans le cadre de l’émission fut en effet amputé, sans l’accord de l’auteur, d’une phrase évoquant « l’aversion » de Georges Pompidou envers la Résistance, voir : « Le soulèvement de la vie », lettres à Maurice Clavel, décembre 1971, textes choisis et présentés par Philippe Artières, Paris, éditions de l’INA, 2017.

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    51

    « On ne peut pas trouver un seul mot de ma part qui ait pu être un mot de mépris, qui ait pu être un mot de rejet. J’ai défendu, j’ai protégé, j’ai expliqué et pourtant j’ai reçu à longueur de temps du “macaque”, “casse-toi”, “dégage”, “fous le camp chez toi”, “espèce de guenon” », Le Lab politique d’Europe 1, 22 février 2017 : https://lelab.europe1.fr/taubira-repond-aux-regrets-de-macron-sur-les-humilies-de-la-manif-pour-tous-qui-a-ete-humilie-celle-quon-traitait-de-guenon-tous-les-matins-2984753.

    Retour vers la note de texte 4624

    52

    Le Parisien, 18 février 2017 (http://www.leparisien.fr/elections/presidentielle/presidentielle-emmanuel-macron-s-explique-apres-ses-propos-sur-la-manif-pour-tous-18-02-2017-6691119.php); on se reportera également à Bruno Perreau, : Qui a peur de la théorie queer ?, Paris, Presses de Sciences Po, 2018, p. 243-245.

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    53

    « La réforme évite la révolution », déclarait déjà, au milieu des années 1970, le président Giscard d’Estaing. La même idéologie infuse, mais sur un mode pessimiste, l’essai déjà cité d’Alain Peyrefitte, Le Mal français (Paris, Plon, 1976).

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    54

    « Il y a chez Robespierre une brutalité de l’état et de la chose publique dans le rapport à l’individu dans laquelle je ne me reconnais pas ».

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    55

    Jean Cassou, La Mémoire courte, Paris, Éditions de Minuit, 1953, p. 80-81. Nous nous permettons de renvoyer à la réédition de ce texte, que nous avons annoté et préfacé aux éditions Sillage (2017).

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    56

    « L’histoire redevient tragique. Une rencontre avec Emmanuel Macron », Nouvelle revue française, n° 630, mai 2018, p. 85-86.

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    57

    Le général de Gaulle, souvent présenté comme l’inventeur de la « monarchie républicaine » française, était conscient de cette situation, et renvoyait à ses Premiers ministres la gestion du quotidien. On en trouve de nombreux exemples dans les notes d’Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, Paris, de Fallois-Fayard, 3 vol. (1994, 1997, 2000).

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    58

    Laurent Chollet, L’Album de ma jeunesse 80-90, Paris, Hors collection éditeur, 2006 (quatrième de couverture).

    Pour citer cette publication

    Baruch, Marc Olivier (dir.), « Emmanuel Macron et l’histoire (de France) », Politika, mis en ligne le 20/11/2018, consulté le 18/01/2022 ;

    URL : https://www.politika.io/es/node/493