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Éviter le despotisme. Du bon usage de la réflexion normative dans l’interprétation de Montesquieu

Le Montesquieu de Bernard Manin réunis quatre essais, dont le premier est un long inédit. La totalité formée par ces essais est toutefois bien plus que la somme de ses parties car, par-delà une lecture éclairante de L’Esprit des lois, le recueil permet de comprendre ce que Bernard Manin retient de la distinction établie par Montesquieu entre les régimes que ce dernier nomme « modérés » et ceux qu’il appelle « despotiques ». L’interprétation qu’il en propose – il y a plusieurs régimes relativement bons, il y a un mal absolu en politique, le despotisme1 – oblige à s’interroger sur la place de la réflexion normative dans son interprétation d’un auteur en qui la sociologie française a vu très tôt l’un de ses précurseurs2.

Avant de nous tourner vers la distinction entre monarchie et despotisme, qui fait l’objet de cet article, il est utile d’indiquer en quoi cette interprétation contribue à faire bouger le cadre d’une approche normative, celle de Leo Strauss et de ses disciples, qui a joué un rôle important dans le commentaire de L’Esprit des lois3. « Montesquieu et la politique moderne », le chapitre II, montres-en quoi le partage établi par Leo Strauss entre Anciens et Modernes ne s’applique qu’imparfaitement à Montesquieu, qui, s’il est moderne dans sa conception de l’État comme garant de la sécurité des citoyens, ne l’est pas dans sa théorie de la pluralité des biens politiques, qui emprunte aux Anciens. Lecteur de Pierre Aubenque, dont La Prudence chez Aristote est parue en 1963, Bernard Manin souligne la proximité de la thèse de la pluralité des bons régimes chez Montesquieu et de la conception aristotélicienne de la prudence4. Partisan d’un point de vue critique sur ce qu’il nomme le « rationalisme 5» révolutionnaire, Bernard Manin soutient en outre que le but d’une réflexion normative sur les régimes politiques est d’éviter un tournant despotique de la pensée du bien6. Dans chacun des quatre chapitres de son Montesquieu, on retrouve ainsi la marque de la réflexion normative de Bernard Manin, celle qui fait de lui un théoricien du politique ayant retenu la leçon de L’Esprit des lois : une étude précise des cas historiques, le refus de renoncer à porter des jugements de valeur sur les régimes, et le souci que ces jugements, légitimes dans l’ordre politique, ne réduisent pas pour autant l’histoire à une histoire exemplaire. Pour tenter de rendre compte de cette manière de penser la politique où la réflexion normative s’appuie sur une étude rigoureuse des cas, nous nous intéresserons à son analyse des lois fondamentales dans la monarchie française et de la manière dont Montesquieu les considère comme des obstacles au despotisme.

Dans un premier temps, nous montrerons en quoi cette catégorie de lois aux contours parfois indéfinis déborde le seul cas particulier du royaume de France, irriguant la réflexion constitutionnelle en général. Dans un second temps, nous essaierons de comprendre l’importance accordée par Bernard Manin à l’idée d’une stabilité des lois dans la monarchie française selon Montesquieu, et, dans un dernier moment, nous analyserons le sens de la comparaison établie par Bernard Manin entre l’existence de pouvoirs intermédiaires et une organisation bureaucratique.

Les lois fondamentales : l’intérêt du cas « français » pour la théorie politique normative

Bien que la monarchie française ne dispose pas des garanties constitutionnelles du régime anglais7, elle possède des lois fondamentales qui constituent, selon l’auteur de L’Esprit des lois, un obstacle au despotisme. La seule existence de ces lois est déjà selon Bernard Manin un fait politique essentiel : elles sont un facteur de modération d’un régime que le pouvoir d’un seul porterait autrement à l’arbitraire. De par leur forme stable et leur objet8, ces lois établissent un cadre qui limite les tendances despotiques présentes dans le régime monarchique français.

L’idée de « loi fondamentale » possède en outre une portée qui, débordant la seule monarchie, permet d’établir un lien entre des formes de régime que l’on a tendance à percevoir comme incompatibles. Bernard Manin nous prend ainsi à témoin de l’étonnement du lecteur de L’Esprit des lois, lorsque celui-ci découvre « que le concept de lois fondamentales ne concerne pas seulement la monarchie », mais aussi « les deux formes du gouvernement républicain : la démocratie et l’aristocratie 9» . En régime démocratique, relèvent en effet de cette catégorie les règles du « droit de suffrage, qui indiquent “par qui, à qui, sur quoi les suffrages doivent être donnés”, ainsi que les modalités du suffrage, celles aussi qui établissent le mode de nomination des magistrats, etc. ! 10» Feignant de s’en étonner pour mieux convaincre ses lecteurs, Bernard Manin souligne la portée des lois fondamentales dans l’histoire constitutionnelle française11. Cet élément de constitutionnalisme dans la monarchie française d’Ancien Régime lui sert de fil conducteur, non seulement dans le chapitre I de son Montesquieu mais encore dans l’ensemble du livre. La différence entre la monarchie et le despotisme tient, nous est-il dit dans le chapitre II, à ce que le despote ne se croit tenu par aucune règle, alors que « le monarque est tenu à ses propres lois12 ». En régime monarchique, il existe des lois qui garantissent une forme de stabilité politique, et cette stabilité tranche avec le « régime de l’instantané13 » qu’est le despotisme.

Pour autant, Bernard Manin n’ignore pas qu’en monarchie, la stabilité des lois est fragile, puisque le roi étant souverain législateur, il lui est toujours possible de changer les lois qu’il a faites. Comment faut-il entendre dès lors l’affirmation qu’un pouvoir souverain est, dans les différents régimes modérés, « tenu à ses propres lois » ? Le chapitre IV revient sur cette question en interrogeant la portée des lois dans les régimes autres que la monarchie modérée. Si les républiques sont propices au développement du sentiment de la sécurité chez leurs citoyens, c’est qu’en elles les lois et leur application dépendent des décisions de celles et ceux qu’elles sont censées protéger14. Puisque la sécurité réside dans une « croyance subjective 15», celle que « l’on ne sera pas privé de ses biens par des décisions capricieuses et imprévisibles 16», il s’agit de comprendre pourquoi, dans une monarchie absolue comme la monarchie française où le monarque a le droit de changer la loi, un certain sentiment de sécurité persiste dans l’esprit des sujets. Une opposition trop tranchée entre monarchie et république interdirait, c’est certain, de penser cet état de fait. Si, dans la monarchie, les sujets se sentent en sécurité malgré le « bon plaisir » du roi, ils le doivent à l’expérience qu’ils font des corps intermédiaires, qui sont les garants, en tant que dépositaires des lois, de la permanence de ces dernières tant qu’elles n’ont pas été abrogées. Assurés de la stabilité du cadre juridique de leur action, les sujets ont le sentiment que la loi les protège contre l’arbitraire d’un seul. Pour autant, ce sentiment reste subjectif, puisque, objectivement, le monarque peut toujours changer la loi en raison de son pouvoir souverain ; c’est le sens de la formule du « bon plaisir17 ». Pour résumer ce point, Bernard Manin introduit une distinction éclairante : entre la république et le despotisme, la différence est « objective », puisque la loi est approuvée par les citoyens, alors qu’entre la monarchie et le despotisme la différence n’est plus que « subjective », puisque la loi est imposée par le monarque à ses sujets18.

Pour autant, c’est une thèse forte de Montesquieu que, dans la monarchie, le système des lois est un obstacle efficace contre le despotisme. Si les fonctions législatives et exécutives y sont certes réunies, laissant ainsi la porte ouverte à l’arbitraire, le pouvoir judiciaire maintient « l’extériorité de la règle et de ses applications concrètes19 », et de telles conditions suffisent à protéger « les individus dans leur vie quotidienne 20».

 

Dans le chapitre I, « Montesquieu, théoricien de la monarchie », Bernard Manin nous propose une autre voie d’accès à sa thèse : non pas, comme il le fait dans le chapitre IV, à partir de la différence entre monarchie et république, mais en abordant la question du despotisme à partir des modalités spécifiques par lesquelles la monarchie française a parfois réussi à le contenir.

Ce point de départ surprend tant nous sommes habitués à aborder la question de la sécurité et de la liberté politique, chez Montesquieu, à partir du régime anglais. De fait, la longueur du chapitre I pourrait s’expliquer par la difficulté de nous convaincre d’emprunter cette voie paradoxale. Pour comprendre en quoi la monarchie française – disons : un modèle idéalisé de celle-ci – pourrait être susceptible d’offrir une alternative au despotisme, il faut commencer par rappeler que de telles alternatives, il en existe plusieurs, et préciser en quoi cette pluralité éclaire la nature de la réflexion normative de Montesquieu.

Le propos de Bernard Manin dans le chapitre I n’aurait pas de sens s’il soutenait qu’il n’existe qu’un unique régime capable de s’opposer au despotisme. Que ce meilleur régime existe, qu’il s’agisse de la république ou du régime anglais, et il n’y aurait plus de sens à chercher à montrer, comme le fait Montesquieu, que la monarchie française constitue elle aussi une alternative crédible. Elle se trouverait nécessairement du mauvais côté, une forme ou l’autre du pire des régimes. De même, dans une telle approche par le meilleur régime, il faudrait rejeter soit la république, soit le régime anglais. Si l’on choisit le régime anglais comme lieu de la liberté politique, il faudrait alors considérer toute république comme une forme de despotisme. Or, l’histoire montre que toutes les républiques ne sont pas des régimes de terreur, que le régime anglais n’est pas supérieur à tout autre, et que les monarchies, y compris celles que l’on qualifie d’absolues, sont parfois des régimes relativement modérés. Ce trait de la pensée de Montesquieu, qui refuse l’idée d’un meilleur régime, est une caractéristique qui mérite qu’on s’y arrête. Elle signifie (au moins) deux choses : la première est qu’il est faux de prétendre que Montesquieu refuserait toute place à la réflexion normative dans sa pensée politique ; la seconde, que l’existence d’une pluralité de régimes relativement bons – en l’absence d’un régime absolument bon – oblige à s’interroger sur ce qui fait que la monarchie se distingue elle aussi du despotisme.

Mais quel sens faut-il donner chez Montesquieu à la réflexion normative ? Comme on associe spontanément une telle réflexion à une théorie ou une autre du droit naturel, on a pu dire que la pensée de l’auteur de L’Esprit des lois, étrangère aussi bien au droit naturel qu’au contractualisme, était dépourvue de toute préoccupation normative. Si Bernard Manin reconnaît que la « monarchie de Montesquieu n’est pas le régime des droits de l’homme 21», il observe que, pour penser la limitation du pouvoir royal, Montesquieu fait appel à une théorie des institutions politiques et que celle-ci peut se révéler plus efficace que le jusnaturalisme. Toutefois, si l’approche institutionnelle convient bien à un jurisconsulte, il faut s’entendre sur ce que le mot « institution » veut dire. L’approche de Montesquieu prend comme point de départ l’idée que « l’instance du pouvoir [étant] séparée et différente de ceux auxquels elle s’applique22 », « tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser23». Sa question est donc distincte de celle des théoriciens du droit naturel moderne, qui, eux, s’interrogent sur ce qui, dans la nature humaine, est susceptible de rendre un pouvoir légitime. Le questionnement de Montesquieu est d’une autre nature. Il se demande : (1) quels sont les effets produits par un pouvoir ; (2) est-il possible, ces effets, de les modérer ? Autrement dit, le ressort de la réflexion normative de Montesquieu ne se trouve pas dans l’idée de droit naturel, mais dans l’analyse des institutions, à chaque fois différentes, en fonction desquelles il est possible de modérer l’exercice de pouvoirs, toujours portés à outrepasser leurs limites constitutionnelles. Ce qui est mauvais en politique, c’est l’exercice du pouvoir quand il n’existe aucun frein capable de le limiter. Quant au bien politique, il possède différentes formes, et s’il existe une gradation entre celles-ci, cela tient à la capacité plus ou moins grandes des différents régimes à modérer la tendance despotique qui leur est inhérente. C’est pourquoi, chez Montesquieu, la description des formes politiques est indissociable d’une réflexion normative, qui lui sert à apprécier la distance entre un régime relativement bon et le pire des régimes possibles.

Mais il serait faux d’en conclure que, indifférent aux théories du droit naturel, Montesquieu ne s’intéresserait qu’à la seule description des institutions : son souci est plutôt de comprendre pourquoi certaines sociétés sont capables de choisir de modérer le désir despotique. La visée est indéniablement normative : il s’agit de savoir pourquoi un régime est (relativement) bon, et cette visée oriente en partie l’analyse de ses institutions. Dans une réponse à une objection qu’il se fait à lui-même, Bernard Manin déclare que le critère de la sécurité, par lequel s’apprécie la plus ou moins grande modération d’un régime, est pensé par Montesquieu comme le produit d’un choix institutionnel24. Si un régime protège plus ou moins la vie et les propriétés de ses citoyens, ce n’est pas parce qu’il reposerait sur des droits naturels inaliénables, mais en raison d’une préférence en faveur d’un agencement institutionnel qui produit plus ou moins cet effet. L’effet produit par un régime en matière de sécurité et de liberté relève ainsi d’un choix : sans doute, parmi les buts poursuivis y en a-t-il de plus ou moins conformes aux besoins et aux droits fondamentaux des êtres humains, mais là n’est pas pour Montesquieu l’essentiel. Ce qui lui importe est de comprendre pourquoi, étant donné que « [l]e despotisme lui aussi est possible25 », certaines sociétés font le choix de ne pas y succomber.

Dans sa volonté de faire apparaître la dimension normative de L’Esprit des lois, Bernard Manin est conscient d’un paradoxe : si « Montesquieu se révèle un penseur rigoureux de la liberté des sociétés quant au choix de leur destin », « [c]e choix ne s’exerce pas sans détermination, le régime politique doit être approprié aux conditions dans lesquelles vit la société, au climat, aux mœurs, à l’histoire26 ». La théorie des déterminations multiples qui pèsent sur les sociétés ne contredit-elle pas l’idée que les sociétés pourraient choisir en partie leur destin ? Bernard Manin considère que, pour Montesquieu, « [l]a liberté des sociétés n’est pas absolue, sans doute, elle n’en est pas moins réelle27». Il pense que, pour qu’il soit possible de juger les régimes politiques – il y a « de très bons et de très mauvais gouvernements28 » –, il faut que ces régimes relèvent « en quelque manière d’un choix des hommes29 ». Autrement dit, l’existence de déterminations pesant sur les sociétés n’empêche pas que ces sociétés puissent avoir une certaine prise sur le cours de leur histoire en mettant en place des dispositifs institutionnels appropriés. Réfléchir en spécialiste de la science politique à des politiques publiques ou s’interroger en historien sur les dispositifs qui ont permis à des régimes du passé d’éviter le pire peut nourrir une réflexion au présent sur les tendances à l’œuvre dans les régimes qui sont les nôtres30. On pourrait d’ailleurs se demander si la « sécurité », qui fait le prix des régimes politiques modérés, n’est pas elle-même différente dans les différents régimes considérés. On appellerait alors « sécurité » le coefficient de résistance de ces régimes au despotisme. De cette façon, Bernard Manin arrive à tenir compte à la fois de ce que Montesquieu renonce « à prescrire [aux sociétés] ce qu’elles doivent être pour les étudier telles qu’elles sont » et de l’« aversion [de l’auteur de L’Esprit des lois] pour le despotisme qu’il exprime cependant sans cesse31 ». Pour nous résumer : si la « raison a bien un pouvoir normatif, il est limité, mais non pas nul32», et ce pouvoir doit se comprendre à partir de la capacité des différents régimes politiques à produire des dispositifs institutionnels capables de tenir à distance le mal politique absolu qu’est le despotisme.

Pour mieux comprendre cette approche institutionnelle de la normativité suggérée à Bernard Manin par sa lecture de Montesquieu, il est utile de revenir sur le cas de la monarchie française. Dans quelle mesure un tel régime, qui ne disposait pas des atouts du régime anglais, a-t-il pu résister jusqu’à un certain point à la tentation du despotisme ? Le chapitre I du Montesquieu s’efforce de nous faire comprendre en quoi la monarchie française dispose de trois institutions susceptibles de lui éviter de devenir le pire des régimes : la stabilité de la loi, l’existence de pouvoirs intermédiaires et subordonnés, et l’honneur. Comme Bernard Manin n’insiste pas sur ce troisième élément33, nous nous concentrerons dans les remarques suivantes sur les deux premiers éléments.

Éviter le despotisme en monarchie (I) : la fixité de la loi

Alors que l’honneur est la passion dominante de la monarchie, la fixité de la loi et les pouvoirs intermédiaires subordonnés définissent la nature du régime monarchique : « Les pouvoirs intermédiaires subordonnés et dépendants constituent la nature du gouvernement monarchique, c’est-à-dire de celui où un seul gouverne par des lois fondamentales. 34» S’il existe un lien, idéalement du moins35, entre la stabilité de la loi et l’existence de corps intermédiaires subordonnés, puisque la noblesse de robe est chargée de l’enregistrement des lois et que cette procédure serait susceptible d’assurer une certaine stabilité, Montesquieu les distingue. Autrement dit, le dépôt des lois dans les parlements possède une vertu institutionnelle, qui mérite qu’on l’analyse pour elle-même, indépendamment du fait que les membres des parlements constituent un corps intermédiaire et subordonné. Cette approche en deux temps permet à Bernard Manin de s’opposer à Louis Althusser qui avait tendance, pour sa part, à réduire la loi selon Montesquieu aux intérêts du corps social chargé de son enregistrement36. Deux idées guident l’analyse : la première est que la stabilité des lois (ou leur fixité) « dérive de la nature de ce régime [la monarchie française] et non du droit naturel des individus37 » ; la seconde, que la stabilité de la loi constitue une limite interne au pouvoir souverain.

Le premier point est une application au cas particulier de la monarchie française de la méthode générale que nous avons examinée plus haut : ne pas partir d’un droit naturel, par exemple le droit de ne pas être emprisonné arbitrairement, mais de la « nature » d’un régime politique, à savoir, de ses institutions caractéristiques. Une fois reconnu que la fixité des lois fait partie de la nature de la monarchie française, il convient de comprendre en quoi ce trait s’oppose à la transformation de la monarchie en despotisme. La force de l’interprétation tient à ce qu’elle n’évite aucune des difficultés d’une telle affirmation : que veut dire au juste Montesquieu quand il écrit que la stabilité des lois fait partie de la monarchie ? La fixité des lois signifie que le monarque n’a pas la liberté de changer la loi comme il l’entend, certes, mais n’y a-t-il pas une difficulté de taille ? Cette affirmation s’oppose en effet directement à ce que l’on entend par souveraineté depuis Les Six Livres de la République de Jean Bodin : « Montesquieu avait lu Les Six Livres de la République, et il est impossible de ne pas voir dans son insistance sur la fixité des lois une opposition complète au grand théoricien de l’absolutisme. “Le prince, écrit Bodin, n’est pas tenu à ses lois ou de ses prédécesseurs” [Les Six Livres de la République, livre I, chap. 8]. 38» L’originalité de la pensée de Montesquieu selon Bernard Manin est de soutenir que la monarchie dite « absolue » était en fait une « souveraineté » limitée39. Mais si le pouvoir souverain du roi est limité, cela ne tient pas, comme on le dit souvent, à l’existence d’un « droit de remontrance » exercé par les parlementaires du royaume, qui pourrait contraindre le roi à changer sa loi40. Le type de limitation qui intéresse Montesquieu est qualifié par Bernard Manin de « limitation interne ». Contrairement à Bodin qui soutient, dans Les Six Livres de la République, que la souveraineté réside aussi dans le pouvoir de changer la loi, Montesquieu affirme que la souveraineté repose sur le fait que le souverain est tenu, dans une certaine mesure, à ne pas changer les lois qu’il décrète. Dans les deux cas, le rapport du pouvoir souverain à la loi est essentiel, mais, chez Bodin, c’est une souveraineté qui s’exprime dans la capacité de « faire et de casser la loi », et, chez Montesquieu, dans la capacité de conférer à la loi une certaine stabilité.

Comme il n’est pas facile de comprendre l’idée d’une limitation interne du pouvoir souverain, Bernard Manin choisit pour l’illustrer un exemple très éloigné dans le temps. Pour autant qu’elle est stable, même si une loi est inéquitable, « sa stabilité offrira au moins un refuge et un recours contre elle ; on peut résister à une loi stable et connue, on peut calculer, prévoir, inventer des ruses et des dissimulation41 ». Dans L’Univers concentrationnaire, David Rousset explique ainsi que la résistance n’a été possible à Mauthausen, le camp où il a été interné par les nazis, qu’à partir du moment où les internés ont pu prévoir que certaines règles seraient respectées42. Le caractère exceptionnel de cet exemple montre à la fois la nature modeste de la protection offerte par la fixité de la loi et son effectivité, puisque la stabilité, toute relative qu’elle soit, protège même dans une situation aussi extrême. La limitation interne du pouvoir souverain est indéniablement un cas-limite, mais c’est un cas intéressant dans la mesure où la protection offerte par une règle stable procède de la structure même de ce type de pouvoir. Pas besoin, par conséquent, d’aller chercher hors du cadre institutionnel de la monarchie française des conditions de sa limitation, puisque ces conditions résident dans le rapport que le roi entretient avec ses propres lois. Fondamentalement, une institution est susceptible de produire, à partir de ses caractéristiques propres, une limitation des pouvoirs qu’elle institue, fût-elle, comme un camp de concentration nazi, associée à une forme extrême de l’abus de pouvoir.

Dans l’analyse que Bernard Manin propose de la monarchie française, la limitation du pouvoir souverain procède non pas du contenu de la loi ou du lien qu’elle entretiendrait avec la loi naturelle, mais de la forme même de la loi. Subtile, cette analyse mérite qu’on s’y arrête. Le problème de Montesquieu est toujours le même : « Son problème central est de concevoir les institutions qui, de l’intérieur des sociétés, viennent limiter un pouvoir séparé de ses ressortissants et donc toujours hanté par le risque du despotisme43 ». Dans le cas de la monarchie absolue, il faut donc prendre au sérieux l’affirmation que le roi dispose bien, en droit, d’un pouvoir absolu, puisqu’il « n’a rien, ni Dieu, ni homme, ni loi, au-dessus de lui44 », et que la limitation ne viendra ni de Dieu, ni des hommes, mais d’une propriété formelle de la loi. Le seul fait que la loi existe contraint le roi, qui en est l’auteur, à en respecter la traduction institutionnelle. De manière originale, cette contrainte est interprétée par Bernard Manin comme une contrainte « temporelle » : une fois créée par une lettre patente, la loi possède sa propre temporalité, qui s’oppose au fantasme despotique d’une réalisation instantanée de la volonté du monarque. La limitation du pouvoir souverain en régime absolutiste procède ainsi de la distinction qu’il y a entre le désir d’être obéi instantanément, désir despotique, et le fait que les lois introduisent ce désir dans la temporalité longue des institutions politiques. Autrement dit, ce que l’on appelle le « dépôt des lois », le fait que les lois doivent être enregistrées pour devenir effectives, constitue un « artifice institutionnel45 » qui apporte aux sujets une protection contre la volonté arbitraire du roi. Mais, dans cette protection, rien n’est extérieur à l’institution royale, puisque ce qui protège, c’est le décalage temporel existant entre le temps de la décision royale et le temps de l’enregistrement de la loi. Le dépôt des lois réfléchit « sur le souverain sa propre temporalité, c’est-à-dire l’impossibilité pour lui de s’installer hors du temps, dans la ponctualité de l’instant ou dans l’éternité46». Autrement dit, selon la formule très juste de Bernard Manin, la loi enregistrée rappelle au roi « qu’il a un passé47». En lisant aujourd’hui ces analyses, il est impossible de ne pas penser aux formes contemporaines du désir despotique, et aux colères qui en accompagnent la manifestation : ces colères ne sont pas seulement tournées vers des adversaires réels ou fantasmés ; elles sont aussi des emportements contre la structure même de la temporalité politique, qui empêche que la loi, voulue ou non par le despote, ne suive sa propre carrière dans les institutions juridiques. Pour autant, Montesquieu reconnaît également une autre limitation interne de la monarchie française, celle qui procède des pouvoirs intermédiaires subordonnés au roi, à propos desquels Bernard Manin propose une analyse distincte de celle qu’il donne de la fixité de la loi.

Éviter le despotisme en monarchie (II) : les pouvoirs intermédiaires subordonnés

Contrairement aux forces sociales représentées dans le régime anglais par la Chambre des communes et la Chambre des Lords, les pouvoirs intermédiaires qui intéressent Montesquieu sont des produits de l’institution monarchique. C’est particulièrement vrai de la noblesse de robe, dont l’existence est liée à l’institution des parlements par le pouvoir royal pour enregistrer ses lois. La question qui intéresse Bernard Manin à propos de ces pouvoirs subordonnés est de savoir comment ils ont pu modérer l’absolutisme. Comme dans le cas de la fixité des lois, la stabilité de cette noblesse produit des effets sans qu’il soit besoin de considérer celle-ci comme un pouvoir opposé au pouvoir royal. Il s’agit bien de pouvoirs subordonnés et dépendants, et c’est en tant que tels qu’il faut les interpréter. Ces pouvoirs servent à définir, avec les lois fondamentales, la nature de la monarchie, puisque « [c]es lois fondamentales supposent nécessairement des canaux moyens par où coule la puissance : car, s’il n’y a dans l’État que la volonté momentanée et capricieuse d’un seul, rien ne peut être fixe, et par conséquent aucune loi fondamentale48». Pour autant qu’il est subordonné et dépendant, le pouvoir de la noblesse de robe ne constitue pas un contre-pouvoir à proprement parler, mais n’en contribue pas moins à modérer l’exercice du pouvoir souverain. Dans la lecture qu’il en propose, Bernard Manin se refuse à faire entrer Montesquieu dans le cadre anachronique d’une défense du pluralisme : il montre en effet que les institutions de la monarchie, au premier rang desquelles se trouve la noblesse, ont pour effet de modérer tout à la fois l’exercice du pouvoir royal, qui doit confier ses décisions à des parlements, et les pouvoirs intermédiaires, qui demeurent toujours subordonnés à la volonté du prince. L’équilibre est fragile entre la pluralité des institutions subordonnées qui, si elles devenaient trop puissantes comme elles l’étaient dans le système féodal, paralyseraient l’action politique du monarque, et l’absence de pouvoirs intermédiaires qui précipiterait la monarchie dans le despotisme car aucune administration ne résisterait à la volonté changeante du prince. C’est cette recherche d’un équilibre institutionnel complexe qui conduit Montesquieu à justifier la vénalité des offices.

Si l’auteur de L’Esprit des lois défend la vénalité des offices, au grand dam de la noblesse d’épée (ou « d’origine »), c’est qu’il lui semble que cette réforme contribue à rendre « les ordres de l’État plus permanents49 », contrairement à ce qu’il se passe dans le despotisme où « il faut que les sujets soient placés ou déplacés en un instant par le prince50 ». Dans la défense de cette réforme, Bernard Manin voit l’affirmation d’une conception de la noblesse fondée sur « l’utilité sociale en général », une utilité « dont le pouvoir souverain est juge[51». Il ne s’agit plus « d’un ordre au sens féodal, mais d’un rang institué par l’État52 ». Or, cette institution intermédiaire, instaurée par « un pouvoir absolu dans son principe », modère le pouvoir royal en raison du caractère stable de ses « réseaux de transmission »53. Ce qui importe dans cette description, c’est que l’origine de la modération est le pouvoir royal lui-même en tant qu’il est susceptible de se diviser : « Le pouvoir limite ici le pouvoir, parce que, pour l’exercer, il se divise d’avec lui-même.54 »

Pour rendre compréhensible cette limitation du pouvoir souverain par lui-même, Bernard Manin ne recourt pas cette fois-ci à une réflexion sur la temporalité du pouvoir souverain, mais évoque une théorie de la bureaucratie. Comme Montesquieu n’explicite pas cette idée d’une limitation du pouvoir royal par les institutions qu’il a créées, un détour théorique semble nécessaire à son commentateur : « la bureaucratie suppose une fixité et une rigidité des subordonnés, elle présente un trait commun essentiel avec les pouvoirs intermédiaires, tels que les pense Montesquieu.55 » Au lieu de voir dans la bureaucratie une maladie des sociétés modernes, Bernard Manin interprète ce phénomène, positivement, comme « une sorte de garantie et de protection minimales contre l’absolu du pouvoir56». Dès lors que les sociétés ne se fondent plus sur un principe extérieur à elles-mêmes, comme le Dieu des monothéismes, elles sont obligées de produire ce principe d’extériorité à partir d’elles-mêmes sous la forme d’un pouvoir séparé, d’autant plus puissant que sa puissance procède de sa séparation même. « [C]anal par où s’écoule la puissance », la bureaucratie par laquelle s’exprime ce pouvoir séparé aurait ainsi une fonction de limitation, nécessaire à l’auto-organisation sociale. C’est du moins l’hypothèse que formule Bernard Manin pour tenter de comprendre la raison pour laquelle Montesquieu considère les institutions intermédiaires subordonnées comme parties prenantes de la nature de la monarchie française.

Lire Montesquieu avec Bernard Manin, c’est donc faire tout à la fois de l’histoire, de la théorie politique et des expériences de pensée, puisque comprendre la théorie de la monarchie dans L’Esprit des lois oblige à formuler des hypothèses qui nous conduisent à interroger le sens de l’arbitraire en politique et la fonction des institutions intermédiaires. Plutôt que de mettre Montesquieu en porte-à-faux avec son temps – pourquoi n’est-il pas plus révolutionnaire ? – ou le réduire à son temps – un président au Parlement de Bordeaux pouvait-il faire autre chose que défendre les intérêts de sa classe ? –, Bernard Manin interroge la structure institutionnelle de la monarchie française à partir des questionnements qui furent ceux du jurisconsulte bordelais. L’idée qui lui sert de fil conducteur est que, puisque la « monarchie de Montesquieu n’est pas le régime des droits de l’homme », elle ne « trouve de limite au pouvoir souverain ni dans l’au-delà, ni dans la nature, mais dans des institutions »57. Penser la politique avec Bernard Manin, c’est ainsi penser les limites du pouvoir politique à partir des agencements institutionnels qui sont les siens. Si la séparation du pouvoir avec lui-même nous fait courir des dangers, puisque le pouvoir divisé nous échappe, la réponse à ces dangers se trouve dans la compréhension des logiques institutionnelles, à chaque fois singulières, dont les pouvoirs séparés ont besoin pour se maintenir. La réponse au despotisme, y compris le plus contemporain, réside ainsi, si l’on veut bien suivre la leçon de Bernard Manin, dans la compréhension des institutions à chaque fois singulières qui l’ont rendu possible.

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    1

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 126 : « Il est juste et fécond d’insister, contre les interprétations sociologiques de L’Esprit des lois, sur le fait que Montesquieu se prononce sur la question du bien ; mais on ne peut passer sous silence le caractère partiellement indéterminé de ce bien. On n’est pas renvoyé, pour autant, à un pur relativisme. S’il y a, selon Montesquieu, plusieurs biens, il y a cependant un mal : le despotisme. […] Le choix est possible entre plusieurs formes politiques, mais non pas entre toutes, car il en est de mauvaises. »

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    2

    Voir, notamment, Émile Durkheim, « La contribution de Montesquieu à la constitution de la science sociale », in Montesquieu et Rousseau, précurseurs de la sociologie, trad. fr. Jean-Marie Tremblay, Paris, Librairie Marcel Rivière, 1966, p. 25-113 [Il s’agit de la traduction française de la thèse latine de Durkheim, soutenue en 1892]. Pour un renouvellement de l’usage sociologique de Montesquieu, voir dans cet atelier l’article de Cyril Lemieux, « Sociologie de la vertu et vertu de la sociologie », 12.

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    3

    Cette dimension normative joue un rôle important dans les cours que Leo Strauss donna sur Montesquieu à l’université de Chicago. Voir Leo Strauss, Seminar on Montesquieu. A course offered in spring quarter, 1966, p. 1-3. Pour une critique des principales lectures straussiennes de Montesquieu, voir Céline Spector, Montesquieu. Pouvoirs, richesses et sociétés, Paris, Éditions Hermann, coll. « Hermann Philosophie », 2011, p. 385-394.

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    4

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 177 : « La modération selon Montesquieu est en définitive assez proche de la prudence aristotélicienne, c’est-à-dire de la vertu qui permet de réaliser des buts universels dans un monde caractérisé par son indétermination. » Une différence importante existe toutefois dans la raison de cette indétermination chez Montesquieu et Aristote : « Chez Montesquieu, l’indétermination relative a pourtant un autre fondement que chez Aristote : elle tient à la liberté humaine et non à la contingence du monde matériel. Mais le résultat pour l’action est le même chez les deux auteurs : s’il peut y avoir une action rationnelle ordonnée à des buts universels dans un monde indéterminé, c’est que l’indétermination du monde est seulement relative. » (Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 177 ) Sur la manière dont ce rapprochement entre Montesquieu et Aristote éloigne Bernard Manin des disciples de Leo Strauss, voir l’article de Céline Spector dans cet atelier, « Modération et indétermination politique dans L’Esprit des lois. L’interprétation de Bernard Manin », 13.

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    5

    Pour la critique rationaliste que Condorcet adresse à l’idée de séparation des pouvoirs et pour une défense du point de vue de Montesquieu, voir Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p.195.

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    6

    « La Révolution a refusé dans la pensée de Montesquieu l’idée qu’il est possible de faire naître le respect des règles universelles et rationnelles de l’affrontement organisé des forces et des intérêts. Chez Montesquieu, les intérêts et les forces ne produisent pas spontanément le rationnel et l’universel, ils doivent être organisés d’une certaine manière. » (Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 195)

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    7

    De l’Esprit des lois, livre XI, chapitre vi. Pour citer Montesquieu, nous nous référons à l’édition suivante : Montesquieu, De l’Esprit des lois suivi de Défense de L’Esprit des lois, avant-propos de Dany Laferrière, édition présentée par Benjamin Hoffmann, textes établis et annotés par Laurent Versini et par Roger Caillois, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 2024. Dorénavant : EL, suivi du numéro du livre en romains majuscules et du numéro du chapitre en romains minuscules.

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    8

    « Montesquieu ne dit pas ce que [les lois fondamentales] doivent précisément stipuler, mais l’idée de loi fondamentale implique qu’il s’agisse du cadre institutionnel général de la monarchie. Il ne retient de ces lois que leur forme (la stabilité) et leur objet (la sphère constitutionnelle) que nous distinguons de leur contenu. » (Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 32). Les « lois fondamentales du royaume de France » sont des lois coutumières de droit public qui s’imposent au roi de France et au Parlement à partir de 987. La célèbre « loi salique », qui interdit aux femmes l’accès au trône, en est une illustration classique : non écrite, elle constitue pour autant une règle à laquelle on ne saurait déroger.

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    9

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 33.

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    10

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 33.

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    11

    « Ces réflexions conduisent à assimiler approximativement les lois fondamentales à ce que le langage politique contemporain nomme la constitution de l’État. » (Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 33)

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    12

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 113.

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    13

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 113.

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    14

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 220.

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    15

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 220.

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    16

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 220.

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    17

    Dans l’usage qui en est fait dans le droit français d’Ancien Régime, le « bon plaisir » renvoie au fait que la loi procède d’une décision, celle du roi. C’est de fait la signification du mot latin placitum – ce que l’on souhaite.

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    18

    Le droit de remontrance permet au Parlement de Paris de négocier le contenu des lois. Ce droit lui confère-t-il, pour autant, un rôle législatif ? Cette question, qui a beaucoup occupé les historiens, ne joue aucun rôle dans l’argumentation de Bernard Manin. Je dois cette remarque à Céline Spector.

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    19

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 186.

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    20

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 186.

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    21

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 93.

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    22

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 93.

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    23

    Montesquieu, De l’Esprit des lois suivi de Défense de L’Esprit des lois, XII, iv, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 2024.

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    24

    « Sans doute Montesquieu prend-il parti en faveur de cette finalité [la sécurité], il exprime sa préférence pour les régimes qui l’atteignent ; sans doute même considère-t-il qu’elle résulte de la nature des hommes, de leur désir de se conserver. Mais, à la différence de Locke et des théoriciens du droit naturel, il ne la pose pas comme nécessité de nature s’imposant à toute société et la fondant, il montre seulement qu’une société qui choisit un tel but doit se doter de telles ou telles institutions. » (Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024,  p. 93)

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    25

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 94.

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    26

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 95.

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    27

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 95.

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    28

    Montesquieu, Pensées, n° 943, cité dans Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, note 152, p. 95.

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    29

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 95.

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    30

    Il pourrait être intéressant de montrer en quoi, dans ses Principes du gouvernement représentatif (Paris, Flammarion, 1995), Bernard Manin applique cette méthode qu’il attribue à Montesquieu.

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    31

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 98.

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    32

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 98.

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    33

    L’honneur n’est envisagé ici par Bernard Manin que du point de vue du statut de la noblesse, comprise non pas comme ordre féodal, mais comme « rang institué par l’État » (Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024,  p. 85). Il évoque, certes, le fait que l’honneur peut limiter le pouvoir du roi : « L’honneur, comme la fixité des lois et la théorie des pouvoirs intermédiaires, fait intervenir l’idée d’une limitation interne du pouvoir. “Dans les États monarchiques et modérés la puissance est bornée par ce qui en est le ressort ; je veux dire l’honneur, qui règne, comme un monarque, sur le prince et sur le peuple” [EL, III, x] (Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 84). Mais il ne développe pas ce point.

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    34

    Montesquieu, De l’Esprit des lois suivi de Défense de L’Esprit des lois, II, iv, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 2024.

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    35

    L’histoire dirait plutôt le contraire : le Parlement de Paris fut ainsi condamné à l’exil par Louis XIV quand il refusa d’enregistrer la Bulle Unigenitus (1713).

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    36

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 49 : « Certains commentateurs à la suite de L. Althusser […] n’ont voulu voir dans la stabilité de la monarchie qu’un phénomène social : la présence de corps intermédiaires “canaux moyens par où coule la puissance” ». Le sens de cette erreur est précisé à la page suivante : « À négliger l’aspect proprement juridique de la pensée au profit de la “base” sociale, on se condamne à méconnaître sa portée universelle et son contenu le plus novateur ; la réduction aux intérêts politiques de l’auteur est alors aisée, mais elle procède d’une lecture tronquée. » (p. 50 )

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    37

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 58.

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    38

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 46.

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    39

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 61 : « C’est ce que nous appelons la limitation interne de la souveraineté. »

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    40

    Bernard Manin donne de bonnes raison de penser que Montesquieu n’était pas favorable au pouvoir de remontrance, ou du moins à une interprétation critique de ce pouvoir, et qu’il se situait donc, dans le débat juridique autour de ce droit, du côté des plus modérés. Voir Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 42-44.

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    41

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 59.

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    42

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 59-60.

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    43

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 67.

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    44

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 67

    Retour vers la note de texte 21766

    45

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 68.

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    46

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 68.

    Retour vers la note de texte 21768

    47

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 68. Face à l’amnésie sélective du despote, la loi a le pouvoir de lui faire revenir la mémoire (sur ses politiques passées). Plus généralement, on pourrait dire que les constitutions, aussi minimalistes soient-elles, ont pour effet de limiter la volonté du souverain au moyen de la temporalité propre de ses lois.

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    48

    Montesquieu, De l’Esprit des lois suivi de Défense de L’Esprit des lois, II, iv, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 2024 ; cité dans Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 132.

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    49

    Montesquieu, De l’Esprit des lois suivi de Défense de L’Esprit des lois, V, xix, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 2024 ; cité dans Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 81.

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    50

    Montesquieu, De l’Esprit des lois suivi de Défense de L’Esprit des lois, V, xix, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 2024 ; cité dans Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 81.

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    51

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 85.

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    52

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 85.

    Retour vers la note de texte 21773

    53

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 88.

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    54

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 89.

    Retour vers la note de texte 21776

    55

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 90.

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    56

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 90.

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    57

    Bernard Manin, Montesquieu, Paris, Hermann, 2024, p. 93.

    Pour citer cette publication

    Luc Foisneau, « Éviter le despotisme. Du bon usage de la réflexion normative dans l’interprétation de Montesquieu » Dans Luc, Foisneau (dir.), « Penser la politique avec Bernard Manin », Politika, mis en ligne le 03/09/2025, consulté le 04/09/2025 ;

    URL : https://www.politika.io/es/node/1599