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Les échanges littéraires franco-iraniens : dynamiques culturelles et enjeux politiques
Chercheur

(EHESS - Centre européen de sociologie et de science politique)

Les échanges littéraires entre la France et l’Iran – ou la Perse, selon les époques et les sensibilités – s’inscrivent dans une histoire à la fois riche, sinueuse et profondément ancrée dans les mouvements croisés de la culture et de la politique. D’un côté, la civilisation perse, forte de millénaires de poésie, de pensée mystique et d’art raffiné, déploie un héritage intellectuel d’une densité exceptionnelle. De l’autre, la France, en pleine formation culturelle à partir du XIIIe siècle, portée par l’essor du christianisme latin et les premières formes de centralisation étatique, entre peu à peu dans une dynamique d’ouverture vers l’Orient. Ce décalage chronologique ne freine en rien les prémices d’un dialogue : au contraire, les invasions mongoles du XIIIe siècle, en bouleversant les routes et les équilibres géopolitiques, ouvrent des canaux de circulation du savoir, posant les jalons d’une curiosité réciproque. Celle-ci se cristallise véritablement à partir du XVIIe siècle, sous l’impulsion conjointe des missionnaires, des voyageurs, des diplomates et des traducteurs, qui s’attachent à comprendre, traduire et transmettre une culture perçue à la fois comme lointaine et familière.

Mais ces échanges ne sont jamais neutres : ils portent les traces des imaginaires, des désirs de savoir, mais aussi des rapports de pouvoir. La fascination pour l’exotisme perse côtoie parfois une volonté d’appropriation ou de réinterprétation. À travers les siècles, depuis l’influence des Lumières sur la pensée iranienne jusqu’aux récits d’orientalistes, en passant par l’essor de l’iranologie au XIXe siècle ou les fractures idéologiques du XXᵉ, la littérature s’est faite le lieu de projection et de dialogue, de tension et de transmission.

Cet article propose de retracer les grandes étapes de cette relation littéraire, depuis les premiers récits d’explorateurs européens jusqu’aux voix contemporaines issues de l’exil ou du champ académique. En retraçant cette trajectoire, nous verrons comment la littérature, au-delà des mots, a constitué un véritable pont entre deux mondes, capable de résister aux secousses de l’histoire, de porter les rêves croisés de deux cultures, et d’ouvrir un espace de rencontre où s’entrelacent admiration, incompréhensions, et aspirations communes.

Des premiers contacts médiévaux au déclin safavide

Face à l’histoire plurimillénaire de la civilisation perse, riche de poésie, de pensée et d’échanges interculturels, la France ne se constitue comme entité culturelle identifiable qu’à partir du XIIIe siècle, dans le sillage de l’affirmation du christianisme en Europe. Cette même époque est marquée par un bouleversement d’une ampleur considérable : les invasions mongoles ravagent les territoires persans, étendus bien au-delà des frontières de l’Iran actuel, englobant alors des régions arabes, caucasiennes, turques et indiennes. Ces vagues de conquête, paradoxalement, ont aussi ouvert des portes. Les liens tissés entre Mongols et chrétiens ont permis à de nombreux Européens, missionnaires, marchands et aventuriers de traverser ces terres longtemps restées mystérieuses. Leurs récits, parfois rigoureux, parfois largement teintés d’exotisme ou d’imaginaire, nourrissent une soif occidentale de découverte et contribuent à façonner une image de la Perse fascinante et lointaine.

Mais ces échanges ne sont pas à sens unique. L’historien Rashîd-al-Dîn Fazl-Allâh (1247-1318), figure majeure de la cour il-khanide, consacre dans son Jâmeʿ al-tawârîkh (Compendium des chroniques) une section à l’Europe, le Târîkh-e Afranj (Histoire des Francs). Il y emploie le terme général « Afranja » pour désigner l’Europe, mais nomme explicitement la France « Afransa », montrant ainsi une attention fine à la diversité des royaumes européens. Ce regard persan sur l’Occident, aussi rare que précieux à l’époque, témoigne d’un véritable effort de compréhension réciproque.

Les souverains il-khanides, quant à eux, ne se contentaient pas d’observer : ils nourrissaient de réelles ambitions politiques. Désireux d’établir une alliance durable avec les puissances chrétiennes pour contrer les Mamelouks, ils ont multiplié les tentatives de rapprochement diplomatique. Cependant, les Européens, bien qu’intrigués par cette ouverture, restaient avant tout animés par un objectif missionnaire. La volonté d’évangéliser l’Orient l’emportait souvent sur les considérations stratégiques. Ainsi, dès ses débuts, la relation franco-persane oscille entre curiosité, incompréhension et tentatives de dialogue, dans un climat où se mêlent diplomatie, religion et fascination mutuelle1.

Avec l’arrivée des Safavides, et particulièrement sous le règne de Chah Abbas Ier, la Perse a adopté une politique d’ouverture envers les étrangers et les non-musulmans, suscitant l’intérêt des cours européennes. Cette approche a encouragé de nombreux voyageurs et missionnaires, notamment français, à explorer les terres persanes en toute sécurité. La tolérance religieuse et la stabilité remarquable instaurées par presque tous les rois safavides constituaient un atout majeur, contrastant avec l’insécurité qui régnait dans l’Empire ottoman voisin, incapable d’offrir un refuge aussi sûr aux visiteurs occidentaux. Profitant de ces conditions favorables, les missionnaires s’installèrent durablement en Perse, fondant couvents et églises. Ils apprirent le persan et rédigèrent même des ouvrages dans cette langue. Parmi eux, le père capucin Gabriel de Paris, envoyé à Ispahan par Louis XIII en 1626, maîtrisa parfaitement le persan et produisit de nombreux écrits à destination des Arméniens d’Ispahan2.

Ces missionnaires français ont également contribué de manière significative à faire connaître la culture perse en France grâce aux notes et récits de voyage qu’ils rapportaient. Un exemple notable est celui du père capucin Pacifique de Provins, qui accompagna Gabriel de Paris à Ispahan. De retour à Paris, il publia l’un des premiers témoignages français sur les Persans, Relation du Voyage de Perse, dans lequel il loue particulièrement la grandeur de Chah Abbas Ier3. Ce dernier, décédé deux ans avant la parution de l’ouvrage, n’a jamais pris conscience de l’impact de sa politique internationale et de son attitude à la fois humaine et calculée envers les étrangers, notamment les missionnaires. Ses successeurs ont poursuivi cette voie, ouvrant encore davantage les portes du royaume safavide à ceux qui souhaitaient découvrir la terre de Zoroastre et de Cyrus, jusque-là connue principalement à travers les textes des penseurs gréco-latins. C’est dans ce contexte qu’un autre capucin, Jacques Dutertre, surnommé Raphaël du Mans, vécut en Perse safavide pendant un demi-siècle, de 1647 à sa mort en 1696. Il rédigea une œuvre essentielle pour documenter cette période, tout en servant de traducteur pour la plupart des ambassades européennes auprès des souverains safavides. Sa vaste correspondance reste une ressource inestimable pour comprendre les relations entre l’Occident et la Perse au XVIIe siècle4.

Un autre écrit qui joua un rôle majeur dans la découverte des Persans par les Français est le manuscrit publié à Lyon en 1671 par Gabriel de Chinon, envoyé dans l’Empire safavide. Intitulé Relations nouvelles du Levant5, cet ouvrage, qu’il rédigea pendant ses moments libres sur une période d’environ dix ans, se divise en trois parties : la première explore la religion, le gouvernement, les mœurs et les coutumes des Persans ; la deuxième se consacre à la vie des Arméniens ; la troisième aborde celle des mazdéens en Perse6. D’autres missionnaires explorèrent également la Perse safavide, comme le jésuite comtadin Alexandre de Rhodes. Ce dernier voyait dans les Persans de son temps des gens qui « appréciaient Jésus-Christ et sa mère, et semblaient dignes d’être convertis au christianisme7 », bien qu’il ne réussît jamais à convertir un seul musulman perse.

Les témoignages des missionnaires et voyageurs français sur la Perse safavide permirent aux Français du XVIIe siècle de différencier les Iraniens des Turcs – qu’ils méprisaient particulièrement – et incitèrent les explorateurs les plus audacieux à s’établir temporairement à Ispahan, à la cour safavide. Là, ils devinrent les joailliers, horlogers et « Chevaliers de l’Arquebuse » favoris du roi. Cette fascination suscita chez les érudits français un vif intérêt pour l’apprentissage de la langue et de la civilisation persanes. Sous l’impulsion de Jean-Baptiste Colbert, des institutions comme l’« École des jeunes de langues » furent fondées pour permettre aux jeunes Français motivés d’étudier le turc, l’arabe et le persan. Rapidement, les apprenants de cette dernière langue ressentirent le besoin d’outils pédagogiques : un dictionnaire bilingue fut ainsi élaboré en 1630 par des missionnaires résidant en Perse, suivi en 1638 de la première grammaire persane, Rudimenta linguae persicae, rédigée par le théologien Louis de Dieu et publiée à Leyde8. Vers 1650, un second dictionnaire persan-français vit également le jour9.

Au-delà des missionnaires, le contexte politique et historique de la France au XVIIe siècle poussa de nombreux voyageurs et explorateurs à se tourner vers l’Orient, et notamment vers la Perse safavide. À cette époque, la France cherche à s’affirmer comme une puissance diplomatique et commerciale face à l’hégémonie espagnole et ottomane. Dans ce cadre, l’Orient – et en particulier la Perse – attire l’attention des diplomates, marchands et érudits français désireux d’établir de nouveaux partenariats et d’élargir les horizons géopolitiques du royaume. Les récits qu’ils rapportaient et publiaient constituaient de précieuses sources d’information sur les Persans, leurs traditions et leur culture. Les premiers textes de ce type parus en France étaient des traductions, souvent du latin ou d’autres langues européennes, rédigés par des voyageurs étrangers entre la seconde moitié du XVIe siècle et la première moitié du XVIIe siècle. Parmi ceux-ci figurent le récit du seigneur Scierley, ambassadeur du roi d’Angleterre auprès de la cour safavide, traduit de l’anglais par Abel Pinson10 et réédité deux fois dans la même année, ainsi que celui d’Adam Olearius, secrétaire de l’ambassadeur envoyé par Frédéric III de Holstein-Gottorp à la cour de Chah Safi, traduit de l’allemand en français11. Par la suite, la publication de récits de voyage sur la Perse devint presque annuelle en France. Aucun, cependant, n’égala la richesse de celui de Pietro della Valle12, un aventurier italien qui passa plusieurs années en Perse et décrivit avec éclat la magnificence de la cour de Chah Abbas Ier dans un ouvrage dédié à ce souverain13.

La publication du récit de voyage de della Valle – qui coïncidait avec la création de « La compagnie des Indes orientales » – attisa le désir des explorateurs français d’aller découvrir la Perse. L’un d’entre eux, Jean-Baptiste Tavernier (1605-1689) fit six voyages en Orient, traversa neuf fois la Perse en résidant à chaque fois surtout à Ispahan, et capta l’attention de ses lecteurs par ses descriptions minutieuses et éblouissantes de la Perse de l’époque14. Fils d’un géographe, graveur et marchand de cartes géographiques, Tavernier reçut de son père le goût du voyage. Né dans une famille protestante persécutée, il connaissait et appréciait la tolérance religieuse que les rois safavides faisaient régner sur la Perse de l’époque. Ses idées et ses témoignages furent les sources de l’inspiration d’auteurs comme Montesquieu et Gobineau.

Un autre protestant qui se rendit à Ispahan pour faire fortune fut le joaillier Jean Chardin, dit le « Chevalier Chardin ». Aujourd’hui, on connaît surtout Chardin pour son récit de ses séjours en Perse et en Orient à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle. En 1664, Chardin commence à travailler pour « la Compagnie des Indes orientales ». Il traverse Constantinople et la mer Noire et atteint la Perse au début de 1666. La même année, le Chah Abbas II fait de Chardin son agent pour l’achat de bijoux. Au milieu de l’année 1667, Chardin visite l’Inde et retourne en Perse en 1669, et l’année suivante, il arrive à Paris. Il publie un ouvrage relatant certains événements dont il a été témoin oculaire en Perse, sous le titre Le Récit du Couronnement du roi de Perse Soliman III. Un noble érudit, Mirza Sefi, prisonnier dans son propre palais à Ispahan, l’initie à la langue persane et l’aide dans ce travail. En 1680, il retourne en Inde avant de revenir en Europe. Constatant à son retour que les protestants sont persécutés en France, il se rend le 14 avril 1681, comme tant d’autres huguenots, en Angleterre, où Charles II lui décerne le titre de chevalier. Chardin repart pour l’Est en août 1671. Il est à Constantinople de mars à juillet 1672. Une querelle entre le grand vizir et l’ambassadeur de France rend dangereuse la position des sujets français, et Chardin s’échappe sur un petit navire à travers la mer Noire et fait un voyage aventureux, à travers la Géorgie et l’Arménie jusqu’à Ispahan, qu’il atteint en 1673. Il y reste quatre ans, suivant la cour dans tous ses déplacements, effectuant des voyages particuliers à travers le pays, de la Caspienne au golfe Persique. Il réalise ainsi une fortune considérable et, décidant de rentrer chez lui, atteint l’Europe en 1677. Le fruit des voyages de Chardin en Orient est publié en 1686 sous le titre de Journal de voyage du Chevalier Chardin en Perse et aux Indes Orientales15. Cet ouvrage, qu’il ne complète qu’en 1711, est salué par les philosophes du siècle des Lumières et reçoit les éloges de Montesquieu, Rousseau, Voltaire et Gibbon. En 1811, Louis-Mathieu Langlès en publie une édition plus complète en dix volumes. Empreints d’un sens aigu de l’observation et considérés par les spécialistes comme une source historique importante sur la culture et la civilisation persanes de l’époque, les Voyages de Chardin conservent encore aujourd’hui un intérêt considérable.

Journal du voyage du chevalier Chardin en Perse & aux Indes Orientales, par la Mer Noire & la Colchide..., Bibliothèque nationale de France (Gallica), édition de 1686 numérisée.

Journal du voyage du chevalier Chardin en Perse et aux Indes Orientales, par la Mer Noire & la Colchide..., Bibliothèque nationale de France (Gallica), édition de 1686 numérisée.

La publication des récits de voyages de Tavernier et de Chardin comme celle de la « Bibliothèque orientale16 » attira l’attention d’autres voyageurs et explorateurs français qui voulurent suivre leurs prédécesseurs en découvrant une Perse qu’ils avaient seulement rêvée et imaginée au fil de leurs lectures. Parmi ces voyageurs, nous pouvons citer Thévenot, Pétis de la Croix et Galland17. À travers les relations des voyageurs déjà mentionnés, les français du XVIIe et ceux du XVIIIe siècle prirent connaissance non seulement des spécificités géographiques et coutumières des Persans, mais de la riche littérature persane élaborée et enrichie par de grands poètes tels que Ferdowsi, Khayyam, Mowlavi, Saʿdi et Hafez18. C’est aussi au cours de ces deux siècles cruciaux que les spécialistes de la Perse et les iranologues ont commencé à rédiger et publier des ouvrages sur la langue, la culture, l’architecture et surtout la littérature persane.

L’un des plus anciens livres publiés sur la Perse ancienne est un ouvrage en latin intitulé De Regio Persarum Principatu19, écrit par le magistrat et jurisconsulte français Barnabé Brisson (1531-1591). L’auteur y rassemble les témoignages des écrivains grecs et latins sur l’empire de la Perse. En 1634, André du Ryer (1580-1660 ou 1672), agent diplomatique à Constantinople et consul de France à Alexandrie en Égypte donne une première traduction française du Gulistan ou l’Empire des roses, du poète perse Saʿdi20. Il faut attendre le début du siècle suivant (1704) pour qu’une nouvelle traduction de l’œuvre du poète et savant persan soit proposée aux Français par un traducteur anonyme que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de M. d’Allègre21. Vient ensuite une traduction en français d’une version persane du Livre de Kalîla et Dimna faite par un certain David Sahib d’Ispahan – pseudonyme sous lequel se cachait Gilbert Gaulmin un orientaliste réputé – et publié sous le titre Livre des lumières ou la conduite des rois composé par le sage Pilpay (1644). La traduction de Gilbert Gaulmin22 (1585-1665) serait l’une des sources d’inspiration de La Fontaine dans la composition de ses fameuses Fables. En effet, dans l’avertissement qui ouvre son second recueil en 1678, La Fontaine confesse la dette qu’il doit au sage indien Pilpay qu’il prétend aussi ancien qu’Esope et assimile à Loqman, un auteur arabe mythique dont plusieurs éditions circulent alors en Europe23. C’est aussi à travers des traductions faites de l’œuvre de Saʿdi et surtout du Livre des lumières ou la conduite des rois composé par le sage Pilpay que la littérature persane force sa voie dans le monde cultivé de Paris. On n’arrête désormais plus d’en parler, surtout dans les salons littéraires de Paris. C’est ainsi que le roman précieux Artamène ou le Grand-Cyrus (publié de 1649 à 1653) voit le jour sous la plume de Mademoiselle de Scudéry.

La Perse et son histoire étaient suscitèrent aussi l’intérêt de Pierre Corneille qui met la princesse parthe Rodogune au centre des intrigues de sa tragédie éponyme, présentée pour la première fois en 1644 ou 1645. Cette tragédie sera suivie d’une autre, intitulée Suréna (1674), dont la scène se déroule en Séleucie, vers 50 av. J.-C., témoignant de l’intérêt du dramaturge français pour l’histoire de l’ancienne Perse et de ses rois.

Le principal disciple et rival de Corneille sur la scène de théâtre, Jean Racine, puisa aussi les sources d’inspiration de deux de ses tragédies dans la Perse ancienne. Ainsi, le plus grand tragique français situa l’action de Mithridate (1673) au dernier jour de la vie de Mithridate VI, qui régna jusqu’en 63 av. J.-C. sur le royaume du Pont - rassemblant, dans l’actuelle Turquie, la Crimée et de nombreuses régions au bord de la mer Noire - et reste célèbre pour avoir résisté à l’expansionnisme romain, mais aussi pour avoir accoutumé son corps à résister aux poisons en pratiquant la mithridatisation. Le sujet d’Esther (1689), une autre tragédie de Racine d’inspiration religieuse, est la délivrance des juifs, restés à Babylone après la captivité, par la belle Esther, favorite du roi de Perse.

Du déclin des voyages réels au mythe de la Perse : l’essor des imaginaires littéraires au XVIIIe siècle

Le manque de l’intérêt des Français pour le royaume de la Perse sous les deux dynasties Afshar et Zand entraîne une forte diminution des voyages effectués par des missionnaires et des explorateurs français en Perse, et, en conséquence, la réduction du nombre des récits de voyage. C’est ainsi que beaucoup d’écrivains français du XVIIIe siècle se tournent vers les voyages imaginaires effectués par leurs personnages fictifs. Ce procédé est tellement fréquent durant ce siècle qu’on commence désormais à parler d’un certain mythe de la Perse dans la littérature du XVIIIe siècle24. Ce mythe de la Perse était en grande partie redevable à la traduction de quelques œuvres majeures de la littérature persane telle que Le Jardin des Roses, Le Livre des lumières, que nous avons déjà mentionné, et plus particulièrement celle des Mille et une Nuits.

Recueil de contes populaires du Moyen-Orient compilés en langue arabe pendant l’âge d’or islamique, cet ouvrage a été rassemblé pendant plusieurs siècles par divers auteurs, traducteurs et savants d’Asie occidentale, d’Asie centrale, d’Asie du Sud et d’Afrique du Nord. Certains contes trouvent leurs racines dans les littérature arabe, sanscrite, persane et mésopotamienne anciennes et médiévales. La plupart des contes, cependant, étaient à l’origine des histoires populaires des époques abbasside et mamelouke, tandis que d’autres, en particulier l’histoire cadre, sont probablement tirées de l’ouvrage persan pahlavi Hezâr Afsân (Mille contes), et peuvent à leur tour être des traductions de textes indiens plus anciens. La première version européenne (1704-1717) a été traduite en français par Antoine Galland à partir d’un texte arabe de la recension syrienne et d’autres sources. Cet ouvrage en douze volumes comprend des histoires qui ne figuraient pas dans le manuscrit arabe original. Galland a écrit qu’il les avait entendues de la part de son assistant chrétien maronite Hanna Dyâb lors de la visite de ce dernier à Paris25. La version des Nuits de Galland devint extrêmement populaire dans toute l’Europe, et des versions ultérieures furent publiées par l’éditeur en utilisant le nom de Galland, mais sans son consentement26. Dès lors, un grand nombre d’ouvrages furent créés sous l’influence directe de ces contes d’origine persane, parmi lesquels Les Mille et un Jours de Pétis de la Croix.

Publié entre les années 1710 et 1712 par l’orientaliste français François Pétis de la Croix, probablement avec une aide non reconnue d’Alain-René Lesage, Les Mille et un jours, contes persans est un recueil de nouvelles avec des décors moyen-orientaux tout comme Les Mille et une nuits d’Antoine Galland, dont il s’agissait de partager l’immense succès. La publication de ces deux ouvrages eut pour effet de constituer des recueils de contes de fées de type oriental, genre que Voltaire appellera « les Mille et un », à la mode pour tout le reste de l’Ancien Régime27. En particulier, pour ne citer que les plus connus et les plus importants, Les Bijoux indiscrets de Denis Diderot (1748), Gil Blas (1715-1735), le roman picareque d’Alain-René Lesage, les contes philosophiques de Voltaire, surtout Zadig ou la Destinée (1747).

Mais l’œuvre majeure de la littérature française du XVIIIe siècle, dont l’auteur resta redevable à la Perse et à sa culture, fut Les Lettres persanes. Il s’agit d’un roman épistolaire de Montesquieu (1721) rassemblant la correspondance fictive échangée entre deux voyageurs persans, Usbek et Rica, et leurs amis respectifs restés en Perse. Cependant, il faut préciser que Montesquieu n’était pas le premier à avoir introduit les Persans dans un roman épistolaire. Les premières lettres persanes, intitulées Fragments d’un philosophe persan, écrites par François Bernard, parurent en 1711. L’ouvrage sera suivi par Lettre écrite à Musâla, Homme de Loy à Hispahan, sur les mœurs et la religion des Français écrit et publié par un certain Joseph Bonnet en 1716. Mais ce sont Les Lettres persanes qui ont permis de confirmer la vogue d’un format déjà établi. Ces nombreuses imitations28 des lettres persanes se transforment, entre 1721 et 1754, en « romans épistolaires » à proprement parler.

Dans ses deux tragédies, aujourd’hui mal connues, Voltaire se tourne encore une fois vers les Perses et la question de la tolérance à l’égard des croyants aux autres religions : Les Scythes (1767) et Les Guèbres ou la tolérance (1768). La première tragédie est un prétexte, pour le philosophe des Lumières, à la remise en question de la politique menée par Louis XIV et de son despotisme tout en y introduisant maints éléments autobiographiques. Le thème des Guèbres, nom des descendants des Perses victimes de peuples conquérants, s’inscrit dans le combat que mène le philosophe contre le fanatisme des prêtres et traite en particulier de la difficile situation des protestants en France. 

Il faut noter que Montesquieu et Voltaire n’étaient pas les seuls auteurs à s’être inspirés des Perses et de leurs traditions pour mettre en relief ce qu’ils reprochaient à leurs contemporains du XVIIIe siècle. Nombreux furent les auteurs de ce siècle des Lumières qui puisèrent dans les œuvres des Persans anciens ou contemporains29.

L’empreinte française en Perse au XIXe siècle : éducation, traductions et modernité culturelle

Après la Révolution française et tout au long du XIXe siècle, l’influence culturelle de la France n’a cessé de croître dans le royaume de Perse. De son côté, la France se tourna de plus en plus vers l’Orient et surtout la Perse pour s’inspirer et tirer profit des trésors littéraires de cette dernière, oubliés pendant des siècles. Le rôle primordial des Français se révéla, au premier abord, dans la création des écoles modernes en Perse, parmi lesquelles « Dâr-ol-Fonoun » dont l’inauguration (en 1851) fut due en grande partie à la clairvoyance et aux efforts du grand vizir de Nasseroddin Chah, Amir Kabir (Amir le Grand). Les Persans avaient déjà subi des échecs cuisants, faute d’un système éducatif moderne et pratique, face à leur voisin du nord, la Russie tsariste, à la suite de deux traités humiliants en 1813 et 1828. C’est ainsi que le prince héritier de FathʿAli Chah, Abbas Mirza, lança pour la première fois l’idée d’envoyer un premier groupe formé de cinq étudiants iraniens, issus de la noblesse de cour, en Europe et particulièrement en France, afin qu’ils étudient les nouvelles découvertes et avancées scientifiques notamment dans le domaine militaire. Ces cinq étudiants furent alors les témoins de la Révolution de 1848, qui ne manqua pas de les impressionner. Malheureusement, la mort du roi Mohammad Chah Qâdjâr mit un terme définitif à la mission de ces étudiants et ils durent regagner leur patrie sans avoir obtenu de diplôme concret. Cependant, ils travaillèrent souvent comme traducteurs et aidèrent les enseignants autrichiens lors de l’établissement de « Dâr-ol-Fonoun ». Sept ans après cet événement majeur pour les Persans, un groupe de quarante-deux autres étudiants fut choisi et à nouveau envoyé en France pour y étudier la médecine, les sciences militaires et les autres technologies modernes de l’époque. À leur retour, ils furent nommés à des postes gouvernementaux récemment créés, en particulier dans le ministère des Sciences. Désormais, tout au long du XIXe siècle, voire au siècle suivant, la France resta la principale destination des étudiants iraniens qui avaient choisi l’étranger pour poursuivre leurs études. C’est ainsi que la France joua un rôle pivot dans la propagation des idées et des cultures européennes en Perse. Cette influence se traduisit par la fondation et l’inauguration d’institutions et d’établissements scolaires à Téhéran ou dans d’autres grandes villes (Ispahan, Shirâz, Tabriz), renforçant l’intérêt des jeunes Iraniens pour les langues étrangères, notamment le français30, et contribuant à la formation de l’élite iranienne qui changea la figure du pays tout au long de la deuxième moitié du XIXe siècle ainsi qu’au siècle suivant31.

Grille de Dâr-ol-Fonoun, rue Naser Khosrow. Wikisource

Grille de Dâr-ol-Fonoun, rue Naser Khosrow.

Les échanges culturels entre les deux nations contribuèrent également à l’introduction d’expressions et de mots français dans la langue persane. Sous l’influence de la traduction des textes français en persan, de nombreux mots, locutions et expressions français furent introduits sous forme d’emprunts ou de calques32. Lors de la fondation de « Dâr-ol-Fonoun », l’enseignement du français dans cette école contribua à l’apparition d’un grand nombre de mots et d’expressions français en persan. Mais c’est à partir de la « Révolution Constitutionnelle », que la traduction du français en persan devint un phénomène de masse et influença largement la langue persane. Dès lors, des traducteurs de la cour royale, comme Mohammad Hasan Khan Eʿtemad os-Saltaneh (1843-1896), Mirza Melkum Khan (1834-1908), Hasan Ali Khan Garrusi (1820-1900) etc. se mirent à traduire les grandes œuvres de la littérature française du XVIIe et XVIIIe siècles. Précisons que, bien avant ces traductions littéraires, du français au persan, la fondation de « Dâr-ol-Fonoun » avait entraîné l’inauguration d’un centre de traduction ayant pour objectif de traduire des ouvrages européens. Parmi les ouvrages traduits, nous pouvons citer des traductions de géographies célèbres (comme celle de William Pinnock, traduit par Farhadâd Mirzâ Moʿtamed al-Dowleh, le fils d’Abbas Mirza), des livres d’histoire (Histoire de Napoléon le grand, par Eʿtezad os-Saltaneh) et des traductions de romans (Dumas par Mohammad Tâher Mirzâ, Jules Vernes, Bernardin de Saint-Pierre, Lesage, Defoe, etc.)33. À côté de ces ouvrages, quelques pièces de Molière furent traduites par un institut de traduction inaugurée sur l’ordre de Nassereddine Chah dans le but de traduire des ouvrages européens et des journaux périodiques en persan. Mais la meilleure traduction de Molière fut celle d’Eʿtémâd os-Saltaneh qui traduisit brillamment Le Médecin malgré lui en un persan raffiné et adapté au goût du public cultivé de l’époque.

Hormis les traducteurs venant de la cour royale, dont nous avons cité quelques noms, d’autres traduisirent les œuvres littéraires françaises dans les dernières décennies du XIXe et au début du XXe siècle. Mirzâ Habib Esfahâni (1835-1893), Mirzâ Agha khan Kermâni (1854-1896), Cheik Ahmad Rouhi (1855-1878) et Falâghoun Michaël en sont les figures les plus célèbres et les plus productives.

Mirzâ Habib Dastân Beni, connu sous le nom de Mirzâ Habib Esfahâni était un intellectuel et écrivain libéral iranien dont les traductions brillantes sont encore aujourd’hui parmi les meilleures du français en persan. On le connaît notamment pour ses fameuses traductions en persan des Aventures de Hadji Baba d’Ispahan34 de James Morier, d’Histoire de Gil Blas de Santillane d’Alain-René Lesage et du Misanthrope de Molière.

Mirzâ Agha khan Kermâni était un réformateur et intellectuel iranien qui combattait pour la cause « Bâbi35 ». Parmi ses traductions, nous pouvons citer une traduction inachevée des Aventures de Télémaque de Fénelon qu’il n’a pas trouvé le temps de mener jusqu’au bout36.

Du penseur politique et combattant du mouvement constitutionnel iranien, Cheik Ahmad  Rouhi, nous avons hérité de quelques livres traduits du français en persan. Mais le traducteur le plus prolifique de cette époque venait encore de la cour royale. Petit-fils d’Abbâs Mirza, le prince Mohammad Tâher Mirzâ traduisit à l’époque Qâjâr trois romans d’Alexandre Dumas père, Le Comte de Monte Cristo, Les trois mousquetaires et La Reine Margot. Il traduisit ensuite de cet écrivain un essai intitulé Louis XIV et son siècle37. Le prince Mohammad Tâher Mirzâ légua son art de traducteur à son fils Ali Khân, qui traduisit L’Histoire de Sainte-Hélène roman historique retraçant la vie de Napoléon Bonaparte38.

Parmi les principales causes déclencheuses de la Révolution constitutionnelle persane (1906), les historiens citent la traduction de grands ouvrages théoriques et philosophiques à partir des langues européennes, notamment le français39. On assiste ensuite, après la Révolution constitutionnelle, à une vague des traductions de pièces de théâtre, en grande partie comiques et sous l’influence du théâtre classique français. Dans cet âge d’or de la traduction des pièces théâtrales françaises deux compagnies de théâtre persanes ont joué un rôle majeur : « Le Théâtre national », fondé en 1911 par Abd ol-Karim Mohaghegh od-Dowleh qui mettait en scène des pièces de théâtre traduites de Molière, des pièces de vaudeville ou des dramaturges russes40 et « La Comédie de la Perse », fondée en 1916 par un certain Seyed Ali Nasr. Bien que ces deux compagnies aient joué un rôle très important dans la présentation et la représentation théâtrale des pièces de Molière, celui-ci avait connu son heure de gloire en Perse grâce aux traductions et surtout à une adaptation de son chef-d’œuvre, Tartuffe, faite par le dramaturge Ahmad Mahmoudi sous le titre de Hadji Riyaï khan ou Tartuffe oriental.

Outre les pièces de théâtre, les penseurs et les traducteurs persans de la fin du XIXe et ceux du début du XXe siècle continuèrent à présenter au public érudit iranien les grands œuvres littéraires de la littérature française. Bien qu’on le connaisse aujourd’hui en Iran surtout pour sa comédie Jafar khân est revenu de Farang (1923), Hassan Moghadam (1898-1925) contribua largement à la connaissance de ses confrères de la littérature française du début du XXe siècle. Il avait une relation amicale avec des écrivains et des penseurs français comme André Gide, Romain Rolland, Jacques Rivière, Henri Macé et Louis Massignon avec lesquels il entretenait également des correspondances littéraires. Les revues et magazines français comme Le Mercure de France, Messages d’Orient, L’Éco d’Orient, Europe et La Revue littéraire ont cité son nom en le reconnaissant comme une grande figure littéraire persane41.

Mieux connu sous le pseudonyme de Shahrzad ou Shéhérazade, le dramaturge contemporain iranien Reza Kamâl (1898-1937) traduisit lui aussi certaines pièces de théâtre françaises au cours de ces années. Ayant appris la langue et la littérature françaises à l’École Saint-Louis de Téhéran, comme beaucoup de ses contemporains, il fut fasciné par le romantisme français. Cette influence l’incita d’abord à s’essayer à la traduction des œuvres d’écrivains romantiques en persan, mais on pense qu’elle a contribué par la suite à son suicide à un âge relativement jeune. Les traductions de Shahrzad, parmi lesquelles Salomé d’Oscar Wilde (1922) et Moïse d’Alfred de Vigny (1923), ont joué un rôle important dans l’engouement du public persan de son époque pour les écrivains et le monde littéraire européens42.

Père de la poétesse Parvin Etessami, Youssef Etessami ou Etessam-ol-molk (1874-1938) traduisit en persan près de quarante ouvrages, dont ceux de Molière, Victor Hugo43, Jules Verne44, Friedrich Schiller45, Dumas père, Walter Scott, Rousseau, Voltaire, Ponson du Terrail etc.46 Il est surtout connu, comme fondateur du mensuel Bahâr et comme auteur d’articles qui visaient à façonner une vision plus laïque et sociale de la vie à un stade précoce de la modernisation de la Perse. Son approche libérale et humaniste a servi de modèle à une génération de jeunes journalistes et écrivains.

Mohammad Hossein Adib Esfahani connu sous le nom de Zakâʿol-Molk, entreprit lui aussi quelques belles traductions d’ouvrages théoriques et de romans français en persan. Parmi ses traductions, nous pouvons citer le nom de L’Histoire d’Alexandre de James Koml (1897) ; Quatre-vingts jours autour du monde et le Capitaine Hatteras de Jules Vernes (1898-1899) ; L’Amour et la vertu, recueil de poèmes de Chateaubriand (1906) ; La Chaumière indienne, écrit par Bernard de Saint-Pierre (1904)47. Il était le père de l’écrivain et l’érudit iranien Mohammad-Ali Forougui, futur premier ministre de Réza Chah. Citons encore d’autres traducteurs, comme Mohammad Taqi Bahâr dont les traductions ne furent pas aussi fécondes que celles qui sont mentionnés ci-dessus, mais qui contribuèrent d’une façon ou d’une autre à la présentation et à la diffusion de la littérature française en Iran à la fin de dynastie Qâjâr.

Un dialogue réciproque au XIXe siècle : l’iranologie française et l’imaginaire persan des romantiques

Précisons que les échanges culturels entre les deux pays étaient bilatéraux et que l’Iran et la culture persane eurent eux aussi un impact sur la culture française. Depuis la moitié du XVIIIe siècle, les études d’iranologie, d’abord sous forme d’enseignement du persan, avaient étaient introduites au Collège de France où des professeurs éminents comme Dominique Cardonne, Pierre Ruffin, Silvestre de Sacy, Amédée Jaubert, Jules Mohl, Barbier de Meynard et James Darmesteter enseignaient. Langlès avait instauré, à son tour, l’enseignement du persan à l’École des langues orientales, en 179548. Grâce aux études des iranologues français, l’évolution historico-religieuse des Iraniens était bien retracée pour celui qui voulait connaître la Perse à travers des ouvrages spécialisés. De plus, les récits de voyages des explorateurs français qui venaient de visiter la Perse étaient toujours à la mode. L’un des plus importants fut Vers Ispahan, publié par Pierre Loti en 1904, toujours lu par les amoureux du monde et de la culture persane.

Des trésors de la littérature persane ont continué à être traduits au cours du XIXe siècle. Ferdowsi et son Livre des rois furent présentés pour la première fois d’une façon érudite par Langlès. Celui-ci rédigea également quelques années plus tard une notice sur Saʿdi49. Philologue et orientaliste renommé de l’époque, Silvestre de Sacy traduisit du persan en français Le Pend-Nâmeh ou recueil de conseils de Farid od-Din ʿAttâr (1811) et Les Haleines de la familiarité de Jâmi, en 1831. Viendront ensuite d’autres grands chefs-d’œuvre de la littérature persane, tous traduits par les élèves de Sacy : Medjnoun et Leila de Jâmi, traduit par Antoine-Léonard de Chézy (1807) ; Le Livre des rois (Chahnameh), traduit par Jules Mohl50 ; Manteq al-tayr ou Le Langage des Oiseaux de ʿAttâr aussi bien qu’une partie du Boustân de Saʿdi, traduits par Garcin de Tassy, grand connaisseur du persan, de l’arabe et de l’urdu ; La Relation du voyage de Nasser Khosrow traduite et publiée par Charles Schefer en 1881. La première traduction exhaustive du Jardin des Roses et celle d’une partie du Boustân de Saʿdi fut donnée par Charles Defrémery, en 1845. La première traduction complète du Boustân de Saʿdi, par Barbier de Meynard, en 1880. Des Quatrains de Bâbâ Tâher ʿOryan et les poèmes épiques du Livre de Gershasp d’Assadi de Tûs, par Clément Huart. Le Livre de la félicité de Nasser Khosrow, par Edmond Fagnan, en 1880. Les Ghazals ou Odes d’Anvari, poète lyrique persan, par Henri Ferté51.

La Perse, sa culture et ses trésors littéraires furent aussi présentés par des orientalistes qui contribuèrent à l’expansion de l’iranologie en France pendant cette période. En 1840, sous la monarchie de Louis-Philippe, une délégation politique importante dirigée par le comte de Sercey, premier ministre plénipotentiaire de France en Perse, accompagné d’Eugène Boré, professeur de langue arménienne au Collège de France, de Jean-Bapstiste Nicolas et de Kazimirski de Beberstein, arriva à Téhéran. Après avoir vécu pendant une trentaine d’années en Iran, lors de son retour à Paris, Nicolas publia la première traduction française des Quatrains de Khayyâm en 1867. Quant à Kazimirski, il publia en 1886, sa traduction du Divan de Manutchehri Damghani, poète iranien de la fin du Xe et du début du XIe siècle. C’est grâce à Kazimirski, qui consulta les spécialistes iraniens lors de sa mission en Iran,  que le professeur Mohl parvient à résoudre certaines difficultés qu’il avait rencontrées lors de la traduction des deux premiers volumes du Chahnameh52.

Lors de sa mission diplomatique en Perse, d’abord en tant que premier secrétaire (1855-1858), puis de « ministre plénipotentiaire de France en Perse » (1861), le comte de Gobineau fut tellement épris des coutumes et des mœurs des Persans qu’il ne savait plus « comment vivre en Europe après avoir vécu en Iran ». Cette mission de Gobineau en Perse fait date à la fois dans l’histoire de l’iranologie et dans l’histoire du monde entier au cours du siècle suivant. Gobineau rêvait d’une Perse légendaire avant d’arriver dans ce pays où se passait chaque jour « de vilaines choses » et où l’« on trouve bien du mal ». Mais il était sous le charme de ses lectures et de sa Perse imaginaire. D’après lui, les Iraniens qu’il rencontrait chaque jour dans les rues de Téhéran, bien qu’ils soient devenus « vilains » et « méchants » au cours de l’histoire en prenant contact avec d’autres nations, étaient les héritiers des Aryens, « les meilleurs des êtres, les plus grands, les plus beaux… ». Ce peuple idéalisé par Gobineau avait donné naissance à cet être parfait qu’était Cyrus le Grand. C’est lui qui a « définitivement fermé la route des contrées méridionales aux blancs agglomérés dans le Nord, et favorisé l’afflux des Aryens dans l’Europe qui lui est redevable de tout… ». C’est ainsi que les théories racistes, en attendant celles des nazis du XXe siècle, furent forgées dans le four de l’histoire.

La Perse légendaire que Gobineau avait imaginée à travers l’histoire antique de ce pays provenait de ses lectures d’ouvrages orientalistes écrits par les élèves de l’École des langues orientales et publiés durant la première moitié du XIXe siècle. Ces ouvrages étaient à leur tour redevables à un maître à penser qui avait aplani le chemin des études du zoroastrisme et du mazdéisme : Abraham Hyacinthe Anquetil-Duperron. Premier indianiste professionnel français, Anquetil-Duperron consacra une longue période de sa vie à traduire le livre saint des zoroastriens en français qu’il publia sous le titre le Zend Avesta, en 1771. Cet ouvrage, pourtant déclencheur d’une polémique avec les savants de la Royal Society of London qui émirent des doutes sur l’authenticité du texte, fut complété par les futurs maîtres et élèves de l’École des langues orientales, surtout Silvestre de Sacy et Eugène Burnouf. La traduction que James Darmesteter donna du Zend-Avesta (1892-1893) en trois volumes leur était redevable. On dit aussi que Jules Michelet, le grand historien du XIXe siècle, puisa dans les ouvrages d’Anquetil comme dans ceux de Silvestre de Sacy et d’Eugène Burnouf, pour rédiger son Histoire de Perse qui fut ensuite insérée dans La Bible de l’Humanité53. Avant Michelet, les romantiques étaient déjà intéressés aux poètes et écrivains persans afin d’embellir leurs œuvres de quelques thèmes et images orientales, selon le goût de la génération du « mal du siècle » qui cherchait son bonheur dans de lointains et magiques pays.

Épris de culture orientale en général et celle de la Perse antique en particulier, les romantiques ont largement contribué à la connaissance, en France, de la civilisation iranienne. Celle-ci a inspiré de nouvelles images et de nouveaux thèmes aux poètes et écrivains de la première moitié du XIXe siècle54. C’est ainsi qu’un grand nombre des jeunes romantiques avides d’évasion, comme Chateaubriand, Gérard de Nerval et Alphonse de Lamartine, effectuèrent, au moins une fois, un voyage en orient pour visiter des sites gréco-romains et des lieux de l’Histoire sainte. Ceux qui ne se sont pas aventurés sur ce chemin périlleux ont préféré s’orienter vers un voyage intérieur, inventant ainsi un regard singulier sur cette terre d’illusions. Ainsi Hugo et Leconte de Lisle55, bien qu’ils n’aient voyagé ni l’un ni l’autre plus loin que l’Europe, développent une vision de l’Orient et de la Perse tributaire des connaissances de leur temps, dans une approche où se mêlent fantasmes et clichés. Hugo, chef de file de l’école romantique, cite dans la préface de ses Orientales le nom de trois piliers de la poésie persane : Ferdowsi, Sa’di et Hâfez. Pourtant, ne sachant pas la langue persane, il ne pouvait pas être sous l’influence de la littérature persane, comme certains comparatistes cherchent à nous le faire croire. Il semble qu’il ait découvert la littérature persane par l’intermédiaire d’un ami nommé Ernest Fouinet. Ça et là, dans son recueil de poèmes, il place quelques scènes du Golestân de Sa’di56 et des extraits du Divân de Hâfez57. Le fait que Victor Hugo évoque dans sa Légende des siècles quelques héros de la tradition nationale iranienne a également amené certains critiques iraniens à conclure qu’Hugo était sous l’influence de Ferdowsi58. On l’a aussi rendu redevable à Attâr et à son Langage des Oiseaux59. Hugo n’était pas le seul poète du XIXe siècle chez qui les comparatistes iraniens ont essayé de trouver quelques images et thèmes empruntés à la littérature persane. Jean Lahor, poète parnassien, Judith Gautier et Leconte de Lisle aussi pourraient, d’après eux, avoir été influencés par les trésors de la littérature persane60.

Participants au Congrès du Millénaire de Ferdowsi, à l’entrée de l’auditorium Dâr-ol-Fonoun, Téhéran (1934).

Participants au Congrès du Millénaire de Ferdowsi, à l’entrée de l’auditorium Dâr-ol-Fonoun, Téhéran (1934).

Apogée de l’influence française et des échanges culturels franco-iraniens

Sous la dynastie Pahlavi, l’art et la culture iraniens subissent largement l’influence de la culture française. En effet, on peut dire que la profonde influence culturelle de la France en Perse sous les deux Pahlavi était inégalée par les autre pays européens. Le français était couramment utilisé à cette époque, du fait de la présence d’écoles françaises en Iran, des études effectuées en France par des aristocrates perses et de la résidence de Français en Iran. La majorité des termes liés aux sciences nouvelles et à l’administration furent importés directement du français vers le persan. Une grande partie des livres traduits en persan durant la moitié du XXe siècle étaient d’origine française. La contribution française joua un rôle important dans les fouilles archéologiques effectuées en Iran. De fait, en dépit des efforts des Britanniques, ce sont plutôt des ressortissants de France et d’Allemagne qui sont à l’origine des grandes découvertes archéologiques en Iran. Sous les Pahlavi, André Godard et son homologue Roman Ghirshman contribuèrent largement à la sauvegarde du patrimoine iranien. C’est sous l’impulsion de ce dernier que l’exposition 7000 ans d’art iranien eut lieu au Grand Palais de Paris en octobre et en novembre 1961.

Les études iranologiques continuèrent aussi pendant cette période. Du 1er au 20 décembre 1934, les « célébrations du Millénaire de Ferdowsi » rassemblèrent une centaine de savants illustres ainsi que de nombreux dignitaires de différentes nationalités à Téhéran et à Mashhad sous la présidence des ministres des Affaires étrangères iranien (Mohammad-’Ali Foroughi) et français (Pierre Laval). Cette collaboration culturelle franco-iranienne fut l’occasion pour les Français de se rapprocher davantage des Iraniens - le roi Réza Chah n’étant guère content de ce que la presse française publiait durant cette période à son propos. La contribution culturelle de la France en Iran se poursuivit avec la fondation de l’Institut franco-iranien de Téhéran (IFIT) le 2 mars 1947, dont l’objectif était de diffuser la langue et la civilisation françaises et de mener des recherches en iranologie. D’autres initiatives contribuèrent beaucoup au développement des relations intellectuelles entre les deux pays : la fondation en 1947, par Louis Massignon, de l’Institut des études iraniennes (IEI), à l’Université de Paris (aujourd’hui Sorbonne Nouvelle-Paris III), institut dédié à la recherche et l’enseignement des langues et des littératures d’Iran; la fondation de la Société culturelle de l’Iran et de la France, en 1950 à Paris. Ces institutions rassemblèrent pendant des décennies de grandes figures de l’iranologie comme Émile Benveniste, Jean de Menasce, Henri Corbin, René Garroussi, Gilbert Lazard, Charles-Henri de Fouchécour, etc.

En 1972, une nouvelle revue, Studia Iranica, est fondée sous la direction de Philippe Gignoux, professeur des religions iraniennes anciennes à l’École pratique des hautes études (l’EPHE), et du célèbre historien Jean Aubin. La même année, l’Institut d’études iraniennes rejoint le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) pour créer un groupe de recherche présidé par Gilbert Lazard61.

Même si, à partir de la deuxième moitié du XXe siècle, pour des raisons politiques, la langue française perd sa position dominante en Iran au profit de l’anglais, cela n’implique pas sa disparition de la scène culturelle persane. Au contraire, une compréhension plus profonde et plus subtile de la littérature française semble s’être développée en Perse, avec de nombreux critiques littéraires persans explorant les théories françaises contemporaines de la critique pour étayer leur propre analyse des textes littéraires. Ces travaux introduisant des concepts critiques occidentaux ont commencé à apparaître au milieu des années 1950 et d’autres critiques modernes ont suivi la tendance. Dans ce contexte, les traductions ont joué un rôle médiateur et central. Elles fournissent l’essentiel de l’information politique, scientifique et culturelle aux revues et journaux qui paraissent en Iran. Remontant à la première moitié du XIXe siècle et aux premières presses à imprimer, avec le journal Akhtar publié à Istanbul ou Habl-al Matin à Calcutta, la traduction d’œuvres françaises en persan a continué d’attirer l’attention des élites iraniennes de l’époque62. L’essor des revues littéraires fut un autre événement culturel important de cette période. Ces revues accordèrent une attention considérable à la traduction de la poésie et de la prose. Parmi eux, Sokhan (Parole) était le plus réceptif à la littérature des autres pays. En parcourant ses numéros, on retrouve les noms de tous ces écrivains français importants jusqu’alors inconnus en Perse, ainsi que ceux de la plupart des écrivains persans modernes les plus connus63.

Sous Réza Chah, les écrivains français déjà connus en Perse continuèrent à être traduits. D’autres, comme Maurice Leblanc, Michel Zevago ou Lamartine, se sont ajoutés à la liste. Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale, sous Mohammad-Réza Chah, que de grands écrivains français, comme Montesquieu, Balzac, Flaubert, Zola, etc., furent traduits en persan.

Avec l’expansion de l’influence américaine à la fin de la Seconde Guerre mondiale et particulièrement après la chute du gouvernement de Mossadegh en 1953, le français perdit progressivement du terrain au profit de l’anglais qui devint la deuxième langue de l’Iran. Néanmoins, la période allant du coup d’État de 1953 jusqu’à la révolution islamique fut une période de développement culturel et intellectuel intense dans laquelle les traductions jouèrent un rôle significatif. Certains grands écrivains français jusqu’alors négligés en Iran furent enfin traduits, notamment Honoré de Balzac, Gustave Flaubert et Emile Zola. Les écrivains du XXe siècle ont également occupé une place importante parmi les traductions : Romain Rolland, Antoine de Saint-Exupéry, Albert Camus, Jean-Paul Sartre, André Maurois, André Malraux, etc.

Mohammad-ʿAlî Jamâlzâdeh (1895-1997) et Sâdeq Hedâyat (1903-1951), deux écrivains-traducteurs influencés surtout par la langue et la culture françaises, ont joué un rôle central dans le développement de la fiction moderne iranien au cours des décennies 1920 à 1940. Au sein de la poésie moderne persane également, l’inspiration française peut être repérée dans la diction fondatrice et innovante de Nîma Youshij (1897-1960)64.

On voit également la trace de la littérature persane chez quelques grands écrivains français. Louis Aragon, pionnier du surréalisme et fidèle compagnon de route du communisme, s’est inspiré, dans la célébration de son amour pour Elsa Triolet, de l’amour oriental et surtout de ce qu’il a trouvé chez les poètes mystiques iraniens comme Jâmi, ʿAttâr et Jâlâl-al-Dîn Rûmi65. André Gide dans ses Nourritures terrestres tout comme Henry de Montherlant dans son Éventail de fer exposent leur dette envers les « maîtres de la Perse ».  Ces deux célèbres écrivains du XXe siècle ont su trouver dans la poésie persane un moyen de se débarrasser de la morale conventionnelle. La rencontre de Zâl et Roudâbeh, racontée par Ferdowsi dans le Chahnameh, a inspiré Le Prince persan (1908) d’Abel Bonnard. Enseignant le persan à l’Université de Liège, Auguste Bricteux (1873-1937) a réalisé une interprétation en vers blancs de l’épisode de Rostam et Sohrab dans le Chahnameh. On lui doit aussi une traduction de Salâmân et Absâl de Jâmi avec une introduction sur le mysticisme islamique. Il dédia cet ouvrage au célèbre homme d’État Georges Clemenceau, auteur du Voile du Bonheur, également inspiré par la Perse66.

Pour conclure cette partie, on peut affirmer que la France et sa culture ont exercé une influence indéniable sur l’Iran durant le règne de Mohammad-Réza Chah Pahlavi. Ce dernier était un fervent admirateur du général de Gaulle. Pourtant, la visite spectaculaire et retentissante de ce dernier en Iran, du 16 au 20 octobre 1963, fut la première - et hélas presque la dernière - visite officielle d’un chef d’État français dans ce pays67. Deux ans auparavant, le roi d’Iran était allé en France pour rendre visite au général. Mohammad Reza Chah aimait être comparé à son « idéal d’ego » qu’était le général de Gaulle, et ses courtisans le flattaient souvent en l’appelant le « De Gaulle d’Iran68 ». Au cours de cette visite française, la reine Farah, qui partageait l’amour de la culture et de la langue françaises - celles du pays où elle avait vécu et fait ses études - se lia d’amitié avec le ministre de la Culture André Malraux. Celui-ci organisa des échanges d’objets culturels entre les musées et les galeries d’art françaises et iraniennes. Cette politique devint d’ailleurs un élément clé de la diplomatie culturelle iranienne jusqu’en 1979. Le régime du Chah s’inspira également du modèle gaullien sur plusieurs plans, notamment par l’usage fréquent du référendum comme outil de légitimation politique69. Francophiles convaincus, Mohammad-Réza et Farah allaient jusqu’à préférer s’exprimer en français plutôt qu’en persan avec leurs enfants. L’empreinte de cette francophilie est visible jusque dans l’architecture : le palais de Niâvarân, avec ses 9 000 pieds carrés, mêle harmonieusement styles perse et français, illustrant cette volonté de fusion culturelle70.

Crépuscule et résilience d’une relation tumultueuse

Peu après la révolution islamique de 1979, le visage de la France bien-aimée en Iran déclina et l’influence culturelle de ce pays disparut quasiment. Lorsque Rouhollah Khomeiny rentra à Téhéran sur un Airbus d’Air France le 1er février 1979, après quatre mois passés à Neauphle-le-Château, la plupart des Français avaient une excellente image de l’Iran impérial. Cette image positive était en grande partie véhiculée par l’héritage culturel et historique de deux siècles et demi de relations bilatérales. En l’espace de quelques semaines, l’image de ceux qui suscitaient l’intérêt de philosophes comme Michel Foucault - se demandant « à quoi rêvaient les Iraniens ? » –, fut remplacée par celles de manifestations sanglantes, de pendus accrochés à des grues et de femmes brusquement voilées. Les Iraniens, de leur côté, surtout après le déclenchement de la guerre irano-irakienne et la prise de position de la France, se demandaient comment les Français pouvaient soutenir Saddam Hussein contre l’Iran en lui fournissant des armes, y compris les missiles Exocets qui touchaient directement les civils. Toutes ces questions, en grande partie sans réponse, ont contribué à la détérioration des relations des deux pays.

Sur le plan culturel, la révolution a porté un coup presque fatal à ce qui restait de la culture française en Perse. Le départ de la famille royale et de la haute bourgeoisie, dont la deuxième langue était le français, la fermeture des écoles françaises, ainsi que la suspension puis la fermeture des instituts culturels français comptent parmi les facteurs décisifs. Le journal français intitulé Le Journal de Téhéran, qui prétendait être le plus ancien quotidien français hors de France, fondé en mars 1934 par ʿAbbâs Masʿûdî, éditeur du groupe de journaux Ettelaʿat, a cessé de paraître71. Seul l’Institut français de recherche en Iran (IFRI), bien qu’officiellement fermé, est resté actif, publiant des livres et accueillant des chercheurs72. Enfin, une revue culturelle semestrielle en français, Luqmân, a été fondée en 1984 par les universités iraniennes. Elle a publié plusieurs articles sur l’histoire culturelle des relations entre les deux pays en proposant un résumé en persan à la fin de chaque numéro73.

Après l’élection de Mohammad Khâtamî à la présidence iranienne (1997), la glace des relations culturelles franco-iraniennes s’est mise progressivement à fondre. De fait, la coopération scientifique et culturelle entre les deux pays est désormais régie par un accord général datant de 1993 et un accord culturel du 31 janvier 1999. Plusieurs revues françaises universitaires, à savoir Plume74, Recherches en Langue et Littérature Françaises75, Revue des Études de la Langue Française76, ont commencé l’une après l’autre à publier les articles des professeurs et des étudiants chercheurs iraniens (et parfois français) spécialisés dans le domaine de langue et littérature françaises, littérature comparée, traductologie, didactique de la langue française, etc.

À la différence des relations politiques franco-iraniennes qui n’ont pas cessé de se détériorer après la révolution iranienne, la traduction d’œuvres françaises en persan a connu son heure de gloire pendant cette période. Les œuvres de tous les grands écrivains français du XIXe siècle, d’Hugo à Zola, en passant par Chateaubriand, Benjamin Constant, Balzac, Stendhal, Musset, Nerval, Flaubert, Baudelaire, Rimbaud, etc. ont été traduites, voire retraduites durant ces trente dernières années. Les pièces de théâtres de Corneille et celles de Racine, ainsi que toutes les comédies de Molière ont été traduites en persan. L’intérêt des traducteurs et des traductrices iraniennes pour les œuvres des écrivains-philosophes du siècle des Lumières n’a cessé de croître : rares sont les œuvres de Montesquieu et celles de Voltaire, Rousseau et Diderot qui ne sont pas traduites en persan. La majorité des écrivains français de la première moitié du XXe siècle ont une traduction persane, voire deux ou plus. On compte aujourd’hui plus de cent trente traductions persanes du Petit prince de Saint-Exupéry ! Quant aux écrivains français de la deuxième moitié du XXe siècle, plus ils sont connus en France et dans le monde de la littérature, plus ils ont de traductions persanes en Iran. Ils sont rares, les lauréats des grands prix littéraires français que les iraniens n’ont pas lus en persan. Pour les prix Nobel français de littérature, il existe parfois plus de trois ou quatre traductions du même titre, notamment parce que l’Iran n’a pas adhéré à la Convention de Berne, ce qui permet une absence d’exclusivité pour les éditeurs. Les écrivains plus difficiles à lire et à comprendre, comme ceux qui représentent le Nouveau Roman ou le « théâtre de l’absurde », ne sont pas exempts de cette règle, malgré la complexité de leurs œuvres.

Malgré tout ce que nous venons d’exposer, certains grands écrivains français de la seconde moitié du XXe siècle restent encore négligés par les traducteurs iraniens. De Roger Nimier à Michel Tournier, en passant par Marguerite Yourcenar, Julien Gracq, Georges Bernanos, Charles Péguy ou Paul Claudel, nombreux sont les auteurs remarquables que le public iranien n’a pas encore lus en persan77.

Quant aux études littéraires iraniennes effectuées en France après la révolution, nous pouvons mentionner surtout celles de Charles-Henri de Fouchécour, Gilbert Lazard et Christophe Balaÿ (ayant travaillé sur le roman et la nouvelle persane contemporains en collaboration avec Michel Cuypers). Les études iraniennes en France se concentrent principalement à Paris, où des institutions comme « l’École Pratique des Hautes Études » (EPHE), « l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales » (INALCO), l’Université Sorbonne Nouvelle (Paris 3), le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) et le Collège de France jouent un rôle majeur. Hors de Paris, des cours de base en langue persane sont proposés à Lyon (université Jean Moulin Lyon 3), Bordeaux (jusqu’en 1997 à Bordeaux Montaigne), Aix-en-Provence (Aix-Marseille Université, via des modules d’islamologie) et Strasbourg, où, depuis 1993, un groupe de chercheurs affiliés au CNRS, incluant Éric Geoffroy (soufisme) et Hossein Esmaïli (littérature persane), étudie les cultures turque et persane. À l’EPHE, dans la section des sciences religieuses, la tradition des études sur le soufisme et le chiisme iraniens, initiée par Henry Corbin, s’est poursuivie avec Guy Monnot, Pierre Lory, Mohammad Ali Amir-Moezzi (spécialiste des débuts du chiisme), Denise Aigle (hagiographie et anthropologie religieuse) et Christian Jambet (philosophie chiite).

Depuis les années 1970, le CNRS est un acteur clé dans le développement des études persanes. En 1995, pour structurer et renforcer ce champ, la plupart des groupes de recherche sur l’Iran ancien, classique et contemporain (hors archéologie) ont été réunis au sein de l’UMR 7528 « Monde iranien », regroupant le CNRS, la Sorbonne Nouvelle, l’INALCO, l’EPHE et des collaborateurs du Collège de France, haut lieu des études iraniennes depuis le XXe siècle avec des chaires comme celle de Pierre Briant (histoire achéménide). Ce regroupement a donné naissance à un laboratoire interdisciplinaire, devenu en 2005 « Mondes iranien et indien » après l’intégration de trois équipes supplémentaires. Depuis le 1er janvier 2020, rebaptisé Centre de Recherche sur le Monde iranien (CeRMI, UMR 8041), il recentre ses activités sur l’espace culturel iranien. Des chercheurs comme Maria Szuppe (histoire médiévale), Samra Azarnouche (zoroastrisme), Ève Feuillebois-Pierunek (littérature persane) et Yann Richard (Iran moderne) enrichissent ce champ. Ancrées dans une tradition remontant à Anquetil-Duperron (XVIIIe siècle, zoroastrisme) et Louis Massignon (mystique islamique), les études iraniennes couvrent la littérature classique (Ferdowsi, Hafez), la philosophie (Mollâ Sadrâ), l’histoire qâjâr et contemporaine, en collaboration avec des centres internationaux comme l’Institut Français de Recherche en Iran (IFRI) et le GIS Moyen-Orient et Mondes Musulmans.

L’Iran, avec sa culture millénaire et son histoire brûlante d’actualité, continue de fasciner les écrivains français. On retrouve, par exemple, un écho discret mais bien réel des Lettres persanes de Montesquieu dans Louison ou l’heure exquise de Fanny Deschamps (Buchet/Chastel, 1987), où l’exotisme persan se mêle à une réflexion sensible sur l’altérité et l’intime. Dans cette œuvre, l’Iran n’est pas seulement un décor lointain : il devient un miroir révélateur des contradictions occidentales. Une autre manière, plus contemporaine et érudite, d’inscrire l’Iran dans l’imaginaire littéraire français se retrouve chez Mathias Énard, dont l’approche diffère par la densité historique et la complexité émotionnelle qu’il accorde à ce territoire. Dans Boussole (Actes Sud, 2015), couronné par le prix Goncourt, Énard compose un récit érudit et foisonnant, tissé de citations et de souvenirs, où Téhéran, en pleine ébullition révolutionnaire, devient le théâtre d’une quête intime autant qu’intellectuelle. L’Iran y est présent comme mémoire et comme horizon, à la fois historique, politique et sensuel. Plus récemment, L’Usure d’un monde (Gallimard, 2023) de François-Henri Désérable apporte un regard direct et profondément humain sur l’Iran contemporain, traversé par la révolution « Femme, Vie, Liberté », née après la mort tragique de Mahsa Amini. Le récit, construit comme un journal de bord, capte avec justesse la violence du moment et l’élan vital d’un peuple qui continue de résister. Loin du simple reportage, le texte tisse un dialogue entre l’écrivain-voyageur et ceux qu’il rencontre – jeunes manifestants, familles endeuillées, intellectuels en exil intérieur –, redonnant à l’écriture son pouvoir de témoignage et d’empathie.

À côté des regards portés depuis la France, une littérature née de l’exil iranien ne cesse de se déployer, souvent écrite directement en français, comme pour revendiquer une nouvelle langue d’expression et de liberté. Chahdortt Djavann, dans Je viens d’ailleurs (Gallimard, 2002), dresse un réquisitoire sans concession contre les violences du régime islamique. Sa prose, à la fois vive et tranchante, fait de l’écriture en français un geste de rupture et d’émancipation. Avec Désorientale (Liana Levi, 2016), Négar Djavadi explore de manière sensible et complexe les failles de l’exil, les fractures de la mémoire familiale et les tensions identitaires entre un Iran d’avant la révolution et une France contemporaine parfois tout aussi déroutante. Dans son premier roman récompensé par le prix Goncourt du premier roman, Marx et la poupée (Le Nouvel Attila, 2017), Maryam Madjidi revient sur son départ d’un Iran révolutionnaire à l’âge de six ans. Par une écriture poétique, fragmentée et souvent chargée d’émotion, elle évoque l’arrachement, le silence, la perte, mais aussi la transmission d’une culture que l’exil ne parvient jamais à effacer totalement. Enfin, dans Badjens (Seuil, 2024), la journaliste Delphine Minoui prête sa plume aux voix courageuses des Iraniennes d’aujourd’hui. À travers leurs récits de lutte et de résistance quotidienne, elle donne chair au mouvement « Femme, Vie, Liberté », inscrivant son témoignage dans la brûlure de l’actualité et l’élan d’une révolution en marche. Ces voix, forgées dans la douleur de l’exil et les séquelles d’une révolution confisquée, viennent enrichir la littérature française contemporaine. Elles ne se contentent pas d’apporter un témoignage historique : elles participent pleinement au renouvellement des formes narratives, entre autobiographie, fiction politique et écriture de soi. Enfin, des figures plus discrètes comme Serge Rezvani, d’origine iranienne, insufflent à leurs œuvres une tonalité singulière. Dans Le Testament amoureux (Stock, 1981), l’Iran affleure à travers une poésie du souvenir et une sensibilité mystique qui évoque la tradition soufie, comme un fil invisible reliant Orient et Occident.

Ainsi, qu’il soit rêvé, perdu ou violemment réprimé, l’Iran continue de nourrir l’imaginaire littéraire français. Il demeure un territoire d’inspiration inépuisable, à la croisée du politique et de la poétique, où se confrontent l’histoire immédiate et la permanence d’une culture millénaire. Dans ce dialogue souvent douloureux, parfois lumineux, les écrivains construisent un pont fragile mais tenace entre deux mondes que l’actualité oppose, mais que la littérature, toujours, cherche à rapprocher.

Au terme de ce voyage à travers huit siècles d’échanges littéraires entre la France et l’Iran, une évidence s’impose : la littérature n’a cessé d’agir à la fois comme un miroir fidèle des relations entre ces deux cultures et comme un moteur discret, mais puissant, de leur rapprochement. Des premiers récits de missionnaires safavides aux traductions romantiques du XIXe siècle, en passant par l’influence éducative française sous les Pahlavi ou encore la résilience des traducteurs dans l’Iran post-révolutionnaire, les liens littéraires ont connu des phases de fascination mutuelle, de collaboration féconde, mais aussi de rupture et de silence. La révolution islamique de 1979 a certes mis fin à une francophilie institutionnelle autrefois vivace, mais elle n’a pas tari l’élan des traducteurs ni refroidi la curiosité des iranologues et des lecteurs des deux rives. Bien au contraire, c’est souvent dans les marges, dans l’exil ou à travers la voix des diasporas, que ces échanges ont trouvé une nouvelle vigueur. Aujourd’hui, qu’ils soient écrivains iraniens installés en France ou auteurs français tournés vers l’Iran, les créateurs contemporains continuent d’entrelacer les héritages, les mémoires et les langues. À travers leurs œuvres, ils donnent forme à un dialogue renouvelé, sensible aux blessures de l’histoire mais ouvert aux promesses de l’avenir. Ces échanges littéraires, forts de leur longue histoire, rappellent que, malgré les distances géographiques ou les tensions géopolitiques, la littérature demeure une passerelle indéfectible entre les peuples – un espace de rencontre où se conjuguent l’altérité et la reconnaissance.

    Unfold notes and references
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    1

    Jean Calmard, « FRANCE. Introduction», Encyclopædia Iranica, X/2, 2000, pp. 126-127.

    Retour vers la note de texte 21243

    2

    Cf., Francis Richard, Catalogue des manuscrits persans de la Bibliothèque nationale de Paris, I, Ancien Fonds, Paris, B. N., 1989, I, p. 28, 31-33.

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    3

    Cf., Pacifique de Provins, Relation du Voyage de Perse, Paris, Chez Nicolas et Jean de la Coste, 1631.

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    4

    Françoise Aubin., « Francis Richard, Raphaël du Mans, missionnaire en Perse au XVIIe s. tome I : Biographie. Correspondance ; tome II : Estats et Mémoire », Archives des Sciences Sociales des religions, no. 90, 1995, p. 116-117, consulté sur Persée, le 31/03/2025.

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    5

    Gabriel de Chinon, Relation du Levant, avec les Arméniens, les Perses & les Gaures, préfaces argumentées par Jean-Pierre Mahé, Histoire à la carte éditeur, 2020.

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    6

    Jean-Pierre Mahé, « Gabriel de Chinon, missionnaire dans l’Empire safavide (1647-1668) », Journal des Savants, n° 2, 2018, p. 357-419, consulté sur Persée, le 31/03/2025.

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    7

    Alexandre de Rhodes, Relation de la mission des Pères de la Compagnie de Jésus, établie dans le royaume de Perse. Dressée et mise à jour par une Père de la même Compagnie, Paris, 1659, p. 38.

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    8

    Francis Richard, « Aux origines de la connaissance de la langue persane en France », Luqmân, vol. 3, n° 1, 1986-87, p. 28.

    Retour vers la note de texte 21249

    9

    Javâd Hadidi, De Sa'di à Aragon, l’accueil fait en France à la littérature persane 1600-1982, Paris, L’Harmattan, 2018, p. 24.

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    10

    Abel Pinson, Relation d’un voyage de Perse faict ès années 1598 et 1599 par un gentil-homme de la suitte du seigneur Scierley, ambassadeur du roy d’Angleterre, Paris, 1651 ; cité in Javâd Hadidi, De Sa'di à Aragon, l'accueil fait en France à la littérature persane 1600-1982, Paris, L’Harmattan, 2018, p. 24.

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    11

    Adam Olearius, Relation du voyage de Moscovie, Tartarie et de Perse, fait à l’occasion d’une ambassade envoyée au Grand-Duc de Muscovie et du Roy de Perse ; par le Duc de Holstein : depuis l’an 1633, jusques en l’an 1639, Chez Gervais Clouzier, 1656.

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    12

    Voyages de Pietro Della Valle, gentilhomme romain, dans la Turquie, l’Égypte, la Palestine, La Perse, Les Indes orientales, et autres lieux, Nouvelle édition, revue, corrigée et augmentée, 1745.

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    13

    Pietro Della Valle, Histoire apologétique d’Abbas, roi de Perse, Paris, 1631.

    Retour vers la note de texte 21255

    14

    J. B. Tavernier, Les Six Voyages de Jean Baptiste Tavernier, écuyer baron d’Aubonne, qu’il a fait en Turquie, en Perse, et aux Indes, …, Paris, 1676. Disponible en ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k853250.texteImage

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    15

    Jean Chardin, Journal du voyage du chevalier Chardin en Perse et aux Indes Orientales par la Mer Noire et la Cochide, Londres, Moyse Pitt, 1686.

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    16

    Barthélemy d’Herbelot, Bibliothèque orientale, ou Dictionnaire universel contenant généralement tout ce qui regarde la connaissance des peuples de l’Orient, [Précédé d'un discours-préface d'A. Galland], Paris, 1697.

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    17

    Cf., Safoura Tork Ladani, L’histoire des relations entre l’Iran et la France : Du Moyen Âge à nos jours, Paris, L’Harmattan, 2018, p. 75-76.

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    18

    Mohammad Ziar, « Quatre siècles d’échange littéraire franco-iranien », TRANS. Internet-Zeitschriftfür Kulturwissenschaften, n° 16, 2005. Disponible en ligne : https://www.inst.at/trans/16Nr/06_1/ziar16.htm ; consulté le 03/04/2025.

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    19

    Barnabé Brisson, De regio Persarum principatu libri III, Paris, 1590.

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    20

    Djamileh Zia, « Les Français qui ont traduit les œuvres de “Saadi” du XVII au XIXe siècle », Revue de Téhéran, n° 30, 2008.

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    21

    Gulistan ou l’Empire des Roses, traité des mœurs des rois, composé par Musladini Saadi, prince des poètes persans, traduit du persan par M*** (d’Alègre), Paris, 1704 ; cf., Adel Khanyabnejad, Saadi et son œuvre dans la littérature française du XVIIe siècle à nos jours. Littératures. Université de la Sorbonne nouvelle - Paris III, 2009.

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    22

    Pour Javâd Hadidi, David Sahib d’Ispahan a bel et bien existé. Selon lui, il s’agit d’un Arménien de Jolfâ d’Ispahan qui avait appris le français chez les missionnaires d’Ispahan. Il parlait couramment le français. Lors de son séjour en France, de 1640 à 1644, il fut l’interprète de la cour de Louis XIII. Après la mort de celui-ci, il retourna en Perse et commença à travailler dans la Compagnie hollandaise, toujours comme interprète jusqu’à sa mort en 1684 ; cf., Javâd Hadidi, De Sa'di à Aragon, l’accueil fait en France à la littérature persane 1600-1982, Paris, L’Harmattan, 2018, p. 26 et Safoura Tork Ladani, L’histoire des relations entre l’Iran et la France : Du Moyen Âge à nos jours, L’Harmattan, 2018, p. 79.

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    23

    Annie Vernay-Nouri, « Les sources orientales de La Fontaine, 350 ans des Fables de La Fontaine », 9 mars 2018. Disponible en ligne : https://gallica.bnf.fr/blog/09032018/les-sources-orientales-de-la-fontaine?mode=desktop, consulté le 02/04/2025.

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    24

    Hassan Foroughi, « Le mythe séduisant de la Perse dans la littérature française du 18e siècle », la Revue de Pazhouhesh-e zaban-ha-ye khareji, n° 21, 2005.

    Retour vers la note de texte 21267

    25

    L. Daaïf & M. Sironval, « Marges et espaces blancs dans le manuscrit arabe de Mille et Une Nuits d'Antoine Galland », in Les non-dits du nom. Onomastique et documents arabes en terres d’Islam, Ch. Müller & M. Roiland-Rouabah (dir.), IFPO, Damas, 2013, pp. 113-114.

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    26

    Cf., « Mille et une nuit (Les) », dans Encyclopédie Universalis, vol 16.

    Retour vers la note de texte 21268

    27

    Franz Hahn, François Pétis de La Croix et ses Mille et Un Jours, Rodopi, Amsterdam-New-York, 2002.

    Retour vers la note de texte 21269

    28

    Comme les Lettres juives (1738) et les Lettres chinoises (1739) de Boyer d’Argens, les Lettres d’une Turque à Paris, écrites à sa sœur (1730) de Poullain de Saint-Foix et surtout les Lettres d’une Péruvienne de Françoise de Graffigny (1747).

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    29

    Pour une liste détaillée de ces ouvrages cf., Javad Hadidi, De Sa'di à Aragon, l’accueil fait en France à la littérature persane 1600-1982, Paris, L’Harmattan, 2018, p. 100-101.

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    30

    Au cours du XIXe siècle, le français était la première langue étrangère utilisée dans la Cour des Qâdjârs, dans les Institutions et les administrations de la Perse ; cf. Safoura Tork Ladani, L’histoire des relations entre l'Iran et la France : Du Moyen Âge à nos jours, Paris, L’Harmattan, 2018, p. 152.

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    31

    À l’époque de Mohammad Chah, les lazaristes fondèrent en Perse 26 écoles de garçons et 6 écoles de filles. La création des écoles par les missions étrangères s’intensifia au cours des années suivantes : il y avait 117 écoles avec 2410 élèves inscrits pour la période 1877-1895 ; cf., Homa Nategh, Les Français en Perse : Les écoles religieuses et séculières (1837-1921), Paris, L’Harmattan, 2014 ; Safoura Tork Ladani, L’histoire des relations entre l’Iran et la France : Du Moyen Âge à nos jours, Paris, L’Harmattan, 2018, p. 143-144.

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    32

    Khosrow Farshidvard, « Influence de la traduction sur la langue persane », in Culture et Vie, n˚ 23, 1385/2006 ; cité dans Khadidjeh Nâderi Beni, « L’influence du français sur la langue persane », la Revue de Téhéran, n° 88, mars 2013.

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    33

    Cf., Christophe Balaÿ, La Genèse du roman persan moderne, Institut français de recherche en Iran, 1998, p. 46 ; Christophe Balaÿ et Michel Cuypers, Aux sources de la nouvelle persane, Institut français d’iranologie de Téhéran, 1983, p. 29.

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    34

    The Adventures of Hajjî Baba of Ispahan (1824) était traduit en français par Elian Judas Finbert (1933). La traduction de Mirzâ Habib Esfahâni a été publiée pour la première fois en Inde sous le nom d’Ahmad Rohi en tant que traducteur, et pendant longtemps on a pensé que ce dernier avait traduit cet ouvrage du français vers le persan, mais cela a été prouvé plus tard grâce aux efforts d’Hassan Kamshad que la traduction de ce livre en persan est l’œuvre de Mirzâ Habib Esfahâni, cf., Hassan Kamshad, Modern Persian Prose Literature, Cambridge University Press, 1966.

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    35

    Le Bâbisme est un mouvement religieux fondé au XIXe siècle en Iran par Seyyed Ali Mohammad Shirazi (1819-1850), connu sous le nom de Bâb. Cette doctrine, axée sur des réformes sociales et religieuses, a eu un impact profond sur l’histoire de l’Iran et a conduit ultérieurement à l’émergence du bahâïsme.

    Retour vers la note de texte 21277

    36

    Il y a une autre traduction de cet ouvrage datée de la même époque faite par Ali khan Nâzém-ol-Olum, cf., Davoud Navvâbi, Târikhtche-ye tardjomeh-ye farânse be fârsi dar Iran az âghâz tâ konoun (Petite Histoire de la traduction du français en persan du commencement jusqu’à nos jours), Kerman, Presses Universitaires de l’Université de Shahid Bahonar de Kerman, 1388/2009, p. 49.

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    37

    Davoud Navvâbi, Târikhtche-ye tardjomeh-ye farânse be fârsi dar Iran az âghâz tâ konoun (Petite Histoire de la traduction du français en persan du commencement jusqu’à nos jours), Kerman, Presses Universitaires de l’Université de Shahid Bahonar de Kerman, 1388/2009, p. 49.

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    38

    Mohammad Réza Fashâhi, « Nehzat-e tarjomeh dar ahd-e qâdjârieh » (Le mouvement de la traduction à l’époque qâdjâre), Téhéran, Négin, 31 mordâd 1352/1973, p. 18, cité par Safoura Tork Ladani, L’histoire des relations entre l’Iran et la France : Du Moyen Âge à nos jours, Paris, L’Harmattan, 2018, p. 163.

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    39

    Cf., Davoud Navvâbi, Târikhtche-ye tardjomeh-ye farânse be fârsi dar Iran az âghâz tâ konoun (Petite Histoire de la traduction du français en persan du commencement jusqu’à nos jours), Kerman, Presses Universitaires de l’Université de Shahid Bahonar de Kerman, 1388/2009, p. 62-63 ; Mohammad Réza Fashâhi, « Nehzat-e tarjomeh dar ahd-e qâdjârieh » (Le mouvement de la traduction à l’époque qâdjâre), Téhéran, Négin, 31 mordâd 1352/1973, p. 18.

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    40

    Davoud Navvâbi, Târikhtche-ye tardjomeh-ye farânse be fârsi dar Iran az âghâz tâ konoun (Petite Histoire de la traduction du français en persan du commencement jusqu’à nos jours), Kerman, Presses Universitaires de l’Université de Shahid Bahonar de Kerman, 1388/2009, p. 74.

    Retour vers la note de texte 21282

    41

    Yahyâ Ariyanpour, Az Sabâ tâ Nimâ (De Sabâ à Nimâ), Téhéran, Zavâr, quatrième édition, vol. 2, 1372/1993, p. 304-305.

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    42

    Mohammad Tolouei, « SHAHRZAD », in Encyclopædia Iranica, https://www.iranicaonline.org/articles/sharzad-kamal-reza/, consulté le 02/04/2025.

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    43

    Les deux premiers tomes des Misérables, tr. Tirehbakhtân I, Téhéran, 1303/1924.

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    44

    Vingt mille lieues sous les mers, tr. Safîna-ye ghawwâssa, Téhéran, sd.

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    45

    Kabale und Liebe, traduction à partir de la traduction française de cet ouvrage faite par Alexandre Dumas Khodʿa wa ʿeshq, Téhéran 1325/1907.

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    46

    Yahyâ Ariyanpour, Az Sabâ tâ Nimâ (De Sabâ à Nimâ), Téhéran, Zavâr, quatrième édition, vol. 2, 1372/1993, p. 112-117 ; cf. aussi Heshmat Moayyad, « EʿTEṢĀMĪ, MĪRZĀ YŪSOF KHAN ĀŠTĪĀNĪ, EʿTEṢĀM-AL-MOLK », Encyclopædia Iranica, vol. VIII, fasc. 6, 1998, p. 666.

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    47

    Christophe Balaÿ et Michel Cuypers, Aux sources de la nouvelle persane, Institut français d’iranologie de Téhéran, 1983, p. 30 ; Safoura Tork Ladani, L’histoire des relations entre l'Iran et la France : Du Moyen Âge à nos jours, Paris, L’Harmattan, 2018, p. 167.

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    48

    Ab’ol-Hassan Ghaffâri, Târikh-e ravâbet-e Iran va Faranse az teror-e Nasser od-Din Shah tâ djangu-e djahâni-ye avval (1313-1333 H. L.) (L’Histoire des relations franco-persanes depuis l’assassinat de Nasser od-Din Shah jusqu’à la Première Guerre mondiale (1313-1333 H. L.)), 1368/1990, Téhéran : Markaz-e nachr-e dânechgâhi, p. 181, cité par Safoura Tork Ladani, L’histoire des relations entre l’Iran et la France : Du Moyen Âge à nos jours, Paris, L’Harmattan, 2018, p. 170.

    Retour vers la note de texte 21290

    49

    Javâd Hadidi, De Sa'di à Aragon, l'accueil fait en France à la littérature persane 1600-1982, Paris, L’Harmattan, 2018, p. 147.

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    50

    Le septième et dernier volume du Chahnameh fut traduit et publié en 1876, par Barbier de Meynard, élève de Jules Mohl après la mort de son maître.

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    51

    Javâd Hadidi, De Sa'di à Aragon, l’accueil fait en France à la littérature persane 1600-1982, Paris, L’Harmattan, 2018, p. 147-148.

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    52

    Cf., Le Livre des rois d’Aboul Qasim Firdousi, publié, traduit et commenté par Jules Mohl, Paris, 1838-1876, t. II, 1842, préface.

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    53

    Javâd Hadidi, De Sa'di à Aragon, l’accueil fait en France à la littérature persane 1600-1982, Paris, L’Harmattan, 2018, p.155-156.

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    54

    Javâd Hadidi a consacré un ouvrage à l’étude de l’influence de la littérature persane sur la littérature française. À notre sens, il convient toutefois de ne pas surévaluer cette notion d’« influence », qui demeure difficile à prouver de manière systématique et ne se justifie pas toujours sur le plan textuel.

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    55

    Cf., Leconte de Lisle, « Les roses d’Ispahan », dans Poèmes Tragiques, CULTUREA, 2023.

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    56

    Surtout en exergue à quelques poèmes des Orientales, à savoir les poèmes IX (« La Captive »), XXVI (« Les Tronçons du serpent ») et XLI (« Novembre ») se trouvent des extraits de l’œuvre de Sa’di. On prétend aussi que le poème « Derviche » des Orientales reprend une anecdote du chapitre « Des Rois » de Golestân de Sa’di, cf. Karim Hayati Ashtiyani, Les relations littéraires entre la France et la Perse de 1829 à 1897, Université Lumière Lyon II, Faculté des Lettres, sciences du langage et des Arts, Thèse pour le Doctorat es-Lettres, le 22 juin 2004 sous la direction de M. Edgard Pich, pp. 39 et 121 ; Javâd Hadidi, De Sa'di à Aragon, l'accueil fait en France à la littérature persane 1600-1982, Paris, L’Harmattan, 2018, p. 160, 167-168.

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    57

    Javâd Hadidi, De Sa'di à Aragon, l'accueil fait en France à la littérature persane 1600-1982, Paris, L’Harmattan, 2018, pp. 160 ; cf. aussi Safoura Tork Ladani, L’histoire des relations entre l’Iran et la France : Du Moyen Âge à nos jours, Paris, L’Harmattan, 2018, pp. 181-182.

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    58

    Karim Hayati Ashtiyani, Les relations littéraires entre la France et la Perse de 1829 à 1897, Université Lumière Lyon II, Faculté des Lettres, sciences du langage et des Arts, Thèse pour le Doctorat es-Lettres, le 22 juin 2004 sous la direction de M. Edgard Pich, pp. 54 et 122.

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    59

    Javâd Hadidi, De Sa'di à Aragon, l’accueil fait en France à la littérature persane 1600-1982, Paris, L’Harmattan, 2018, pp. 296 sqq ; Safoura Tork Ladani, L’histoire des relations entre l’Iran et la France : Du Moyen Âge à nos jours, Paris, L’Harmattan, 2018, p. 183.

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    60

    Cf., Javâd Hadidi, De Sa'di à Aragon, l’accueil fait en France à la littérature persane 1600-1982, Paris, L’Harmattan, 2018 ; Karim Hayati Ashtiyani, Les relations littéraires entre la France et la Perse de 1829 à 1897, Université Lumière Lyon II, Faculté des Lettres, sciences du langage et des Arts, Thèse pour le Doctorat es-Lettres, le 22 juin 2004 sous la direction de M. Edgard Pich, p. 64 sqq ; Safoura Tork Ladani, L’histoire des relations entre l’Iran et la France : Du Moyen Âge à nos jours, Paris, L’Harmattan, 2018, p. 183 sqq. Il n’est pas inutile de rappeler que l’idée d’une influence directe n’est pas toujours fondée. Ce n’est pas parce qu’on cite un poète d’une autre nationalité que l’on est forcément sous son influence directe ; cf., Gérard Genette, Palimpsestes : La littérature au second degré, Paris, Seuil, 1982. Dans cet ouvrage, Genette explore la notion de transtextualité, dont l’intertextualité est une composante. Il distingue clairement la citation ou l’allusion (présence d’un texte dans un autre) de l’influence directe, qui implique une relation causale plus forte. Genette souligne que la simple co-présence de références ne suffit pas à établir une dépendance créative, ce qui pourrait soutenir notre argument.

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    61

    Cf., Vincent Hachard et Bernard Hourcade, « FRANCE XII (a). IRANIAN STUDIES IN FRANCE: OVERVIEW », Encyclopaedia Iranica, X/2, 2000, pp. 162-167.

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    62

    Cf., Christophe Balaÿ, La crise de la conscience iranienne : Histoire de la prose persane moderne (1800-1980), Paris, L’Harmattan, 2017, p. 28.

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    63

    Christophe Balaÿ, « FRANCE x. FRENCH LITERATURE IN PERSIA », Encyclopaedia Iranica, X/2, 2000, pp. 154-156.

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    64

    Christophe Balaÿ, « FRANCE x. FRENCH LITERATURE IN PERSIA », Encyclopaedia Iranica, X/2, 2000, p. 154-156.

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    65

    Javad Hadidi, De Sa'di à Aragon, l’accueil fait en France à la littérature persane 1600-1982, Paris, L’Harmattan, 2018, p. 313.

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    66

    Jacques Duchesne-Guillemin, « FRANCE IX. IMAGE OF PERSIA AND PERSIAN LITERATURE AMONG FRENCH AUTHORS », Encyclopaedia Iranica, vol. X, fasc. 2, 2012, p. 150-154.

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    67

    Ce voyage eut pour conséquence la signature de deux traités culturels, scientifiques et techniques entre les deux pays, cf. Safoura Tork Ladani, L’histoire des relations entre l’Iran et la France : Du Moyen Âge à nos jours, Paris, L’Harmattan, 2018, pp. 238-239. Il faut aussi noter qu’il y eut un second président français, Valéry Giscard d’Estaing, en visite officielle à Téhéran (en 1976). Mais nous savons que la politique de ce dernier vis- à-vis de l’Iran et le Chah fut ambiguë. On lui dut le lâchage définitif, conjoint avec les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne de l’Ouest, du Chah lors de la conférence de Guadeloupe en janvier 1979.

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    68

    Abbas Milani, The Shah, Londres, Palgrave Macmillan, 2011, p. 278.

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    69

    Abbas Milani, The Shah, Londres, Palgrave Macmillan, 2011, p. 279.

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    70

    Abbas Milani, The Shah, Londres, Palgrave Macmillan, 2011, p. 344-347.

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    71

    En 2005, cette revue a repris ses activités et est publiée régulièrement depuis lors sous le titre La Revue de Téhéran.

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    72

    Le 5 janvier 2023, comme riposte à la publication par un magazine satirique français Charlie Hebdo de caricatures jugées insultantes pour le guide suprême Ali Khamenei, le ministère des affaires étrangères iranien a notamment annoncé de manière unilatérale la fermeture de l’Institut français de recherche en Iran (IFRI), cf., https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/iran/relations-bilaterales, consulté le 04/04/2025.

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    73

    Depuis le printemps 1390/2011, cette revue n’est plus publiée.

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    74

    Plume est une revue de recherche affiliée à l’Association iranienne de Langue et Littérature françaises (AILLF). Le numéro 1 de la revue est sorti en été 2006.

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    75

    Cette revue scientifique est publiée par le Département français de l’université de Tabriz.

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    76

    Publiée de façon bi-trimestrielle, cette revue fait partie de la presse universitaire de l'Université d’Ispahan.

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    77

    Cf., Alireza Ghafouri, Grands écrivains contemporains de langue française, Téhéran, SAMT, 2018. Dans ce livre, nous avons essayé de montrer, entre autres, qui a traduit en persan, pour la première fois, les grands écrivains français du XXe siècle. Nous avons également fourni une liste exhaustive des traductions persanes de chaque auteur, ainsi que des articles scientifiques, en français ou en persan, consacrés à ces écrivains et publiés dans des revues iraniennes.

    Pour citer cette publication

    Alireza Ghafouri, « Les échanges littéraires franco-iraniens : dynamiques culturelles et enjeux politiques » Dans GisèleSapiro et Tiphaine Samoyault (dir.), « Politiques de la traduction », Politika, mis en ligne le 04/06/2025, consulté le 04/06/2025 ;

    URL : https://www.politika.io/en/node/1567