La justice transitionnelle au prisme du genre : devenir une femme victime dans la Tunisie de la révolution

Ma thèse porte sur l’implication des femmes dites victimes de la répression au sein du processus de justice transitionnelle tunisien1. La place des victimes au sein des programmes de justice transitionnelle, ensemble de dispositifs visant à pacifier et démocratiser des sociétés par la reconnaissance des victimes au lendemain de conflit ou de chute de dictature, n’a que très peu été étudiée. La plupart des recherches ont adopté des perspectives institutionnelles et ont analysé les programmes a posteriori. Cette recherche déplace l’analyse de la justice transitionnelle vers sa réception par les acteurs locaux ainsi que la socialisation de ceux-ci à la justice transitionnelle. Pour ce faire, je combine la sociologie du droit dans la lignée des legal conciousness studies, l’anthropologie du développement et la sociologie des mobilisations. 

En Tunisie, la participation des femmes, considérées comme levier de changement politique, a été identifiée par les acteurs nationaux et internationaux de la justice transitionnelle comme un enjeu central de réussite de cette dernière. Dans cette perspective, une importante campagne de promotion de leur participation a été menée. Les témoignages de ces femmes sont aujourd’hui réappropriés dans l’espace associatif et politique. Ils représentent à la fois un enjeu ainsi qu’un outil de la justice transitionnelle. Ce faisant, ils cristallisent des tensions relatives à cette dernière. Ma recherche, fondée sur l’observation ethnographique et des entretiens auprès des acteurs internationaux et locaux de la justice transitionnelle, les femmes victimes et celles qui refusent de déposer un dossier, comporte trois axes. D’une part, je m’intéresse à la manière dont des femmes en viennent ou pas à déposer un dossier de victime auprès de la commission de vérité et à la manière dont elles expérimentent le processus de justice transitionnelle. D’autre part, j’étudie les effets du soutien technique et financier des associations de femmes victimes par les organisations internationales sur leurs identités collectives et leurs carrières militantes. Enfin, je questionne les appropriations et valorisations différentielles des catégories victimaires et leurs impacts sur les constructions des subjectivités politiques des femmes victimes qui s’impliquent dans la justice transitionnelle.

Affiche du film documentaire, « Des Tunisiennes sous embargo », réalisé par l’association Tounissiet

Affiche du film documentaire, « Des Tunisiennes sous embargo », réalisé par l’association Tounissiet

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Ce travail a été réalisé dans le cadre du laboratoire d’excellence Tepsis, portant la référence ANR-11-LABX-0067 et a bénéficié d’une aide au titre du Programme Investissements d’Avenir.

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