La formation des catégories raciales

Cet article a pour objet un domaine d’études qui ne constitue pas, en Europe du moins, un champ isolé au sein des sciences humaines et sociales. Puisque les recherches sur la formation des catégories raciales ne se trouvent pas enfermées dans un cadre disciplinaire ni dans des traditions intellectuelles installés, on peut espérer tirer un grand parti de cette souplesse. Mais, pour cette même raison, il est difficile de borner un champ de réflexions et de connaissances aussi vaste. C’est pourquoi, le présent essai prétend tout juste ouvrir un débat au sein de Politika, à partir de l’expérience de son auteur, celle d’un chercheur en histoire de l’Europe et des Amériques sous l’Ancien Régime. Il s’agira, à tout moment, de faire valoir ce que l’approche historique offre comme perspectives pour l’ensemble des sciences sociales. La discussion qui devrait s’ouvrir sera, on l’espère, contradictoire dans la mesure où, si l’on s’en tient aux historiens, il n’existe pas de consensus sur la façon d’aborder l’histoire des processus de racialisation.

Le moment actuel

Aujourd’hui, la question raciale se trouve posée à une échelle globale1. D’un côté, les pays occidentaux, qu’ils aient bâti ou non des empires coloniaux au XIXe siècle, ont à gérer des manifestations de racisme : qu’il s’agisse des brutalités policières aux États-Unis, de la libération de la parole raciste en Europe face à la crise des migrants, ou des hiérarchies sociales « chromatiques » en Amérique Latine. D’un autre côté, les violences interethniques ou interconfessionnelles, mais aussi la fragmentation des sociétés en castes, adossée à des idéologies de la pureté et de l’hérédité, semblent présentes sur tous les continents. Pourtant, cet article ne porte que sur les sociétés occidentales, en Europe et en Amérique, afin d’éviter raccourcis et approximations sur des situations que l’on peut observer en Asie ou en Afrique, qui appellent la publication d’articles complémentaires de celui-ci.

Du point de vue des sciences sociales, le moment actuel est marqué par un paradoxe. Depuis une soixantaine d’années, les chercheurs en sciences sociales ont admis, de façon consensuelle, que la notion de race n’avait aucune pertinence pour analyser les sociétés humaines, que ce soit pour décrire leur cohésion interne ou pour définir ce qui les distingue les unes des autres. Le modèle constructiviste, qui comprend la race comme un artefact social et culturel, est le seul sur lequel reposent les travaux des historiens, des sociologues, des anthropologues, des politistes, des philosophes2. Ils sont confortés dans leur approche par le fait que les généticiens eux-mêmes rejettent le concept de race, en ce qu’il apparaît comme une notion vague ne permettant pas de décrire des distinctions pertinentes entre les groupes humains3. Cependant, la prévention des maladies génétiques repose sur l’identification de populations à risque, c’est-à-dire sur la probabilité plus élevée de la présence de certains gènes dans certaines populations plutôt que dans d’autres. Quant au sens commun, il se nourrit de l’expérience inépuisable que constitue la découverte de la ressemblance des enfants par rapport à leurs parents biologiques. Ainsi, lorsque les sciences sociales empruntent à la parole publique de généticiens l’assertion selon laquelle les races n’existent pas, cela signifie que l’on ne peut tirer d’inférence de nature sociale à partir de variations génétiques entre individus ou bien entre groupes. Néanmoins, tandis que les sciences sociales semblaient comblées dans leur désir d’interdire à la physiologie d’interférer dans leur domaine d’analyse, les biologistes ont commencé à déchiffrer les codes qui livrent une meilleure compréhension de mécanismes biochimiques par lesquels s’opère la transmission intergénérationnelle des caractères physiologiques. Autrement dit, le paradigme constructiviste occupe tout l’espace intellectuel des sciences sociales au moment même où, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, les sciences biologiques sont devenues capables de décrire en laboratoire des causalités inscrites dans l’hérédité4.

A black man enters a movie theater in Belzoni, Mississippi, in 1939.

Un homme noir entre au cinéma à Belzoni, dans le Mississippi, en 1939.

En dépit du sentiment qu’un regard global sur les questions raciales est pertinent pour la recherche (et pour les politiques publiques), toute analyse de sciences humaines et sociales sur ces problèmes se trouve par définition située. On n’écrit pas sur la race en France ou en Allemagne comme on le fait en Grande-Bretagne, et moins encore aux États-Unis ou en Amérique Latine. L’histoire de nos pays nous a laissé des héritages très divergents sur des éléments essentiels pour la compréhension des politiques raciales. Les pays européens continuent d’affronter les conséquences à très long terme de deux bouleversements historiques. Le premier est le suicide de l’Europe entre 1914 et 1945, et de façon plus spécifique les destructions humaines, matérielles et morales engendrées par le projet nazi. Le second est le mouvement pendulaire qui va de la colonisation contemporaine à la décolonisation. Les États-Unis ainsi que la plupart des pays latino-américains, de leur côté, doivent prendre en charge le double legs des génocides des Amérindiens et de l’esclavage de masse.

Toute enquête de sciences sociales est située et suppose que soit engagé un travail réflexif dans le mouvement même de la recherche empirique. Tel est le programme minimal pour la production de connaissance sur les sociétés humaines. Mais se situer ne veut pas dire que l’on occupe une position qui, par nature, facilite ou inhibe la conduite de la recherche. Une appartenance de genre, une condition raciale, un héritage social : doit-on accepter l’idée que ces situations constituent des conditions de l’exercice intellectuel que la démarche réflexive ne parviendrait pas à neutraliser ? Autrement dit : peut-on se donner pour objet d’études les conditions raciales subies par des sujets qui ne partagent pas la condition raciale de l’enquêteur ? Sur ce point, le principe sur lequel se fonde cet article est le refus d’une position relativiste. Cette conviction s’appuie sur un argument logique emprunté à Gérard Lenclud : pour affirmer qu’une notion, une attitude, un geste, un rite, un texte, une institution que l’on analyse sont intraduisibles et incommensurables, encore faut-il les avoir compris et les avoir mesurés5. Aussi, la capacité à tenir compte de la position que l’on occupe sur la scène raciale – comme sur la scène des rapports de genre, ou de classe –, ne signifie en rien que l’on s’interdise d’étudier l’expérience que traversent des hommes et des femmes dont la trajectoire nous est étrangère. L’affirmation selon laquelle l’universalisme scientifique est un reflet de l’universalisme idéologique et, par conséquent, une survivance de l’impérialisme colonial, me semble relever du sophisme.

Race et race : écarts entre la France et les États-Unis

Sur le plan politique, le cas français et celui des États-Unis s’opposent presque terme à terme. D’un côté, le refus persistant d’autoriser l’établissement de statistiques ethniques6, de l’autre une longue pratique de la catégorisation des populations (Caucasiens, Afro-Américains, Natifs, Latinos, Asiatiques, etc.), ou de l’auto-déclaration ethnique et phénotypique (notamment au Brésil)7. D’un côté, une loi pénale qui restreint le droit à l’expression de la haine raciale, de l’autre une défense sans condition ni limite de la liberty of speech. Dans le cas de la France, un mouvement politique qui promeut une vision racialisée de l’identité française (le Front National) ne diffuse jamais aucun discours (si ce n’est sous la forme de dérapages locaux non contrôlés par la tête du parti) susceptible de tomber sous le coup des lois réprimant l’expression publique de la haine raciale. Dans la mise en scène d’une « dé-diabolisation » de ce parti d’extrême-droite, on voit ainsi comment un mouvement politique raciste dans ses racines, peut se passer des discours sur l’inégalité des races, tels qu’il en existait jusqu'en 19458.

Sur le plan des sciences humaines et sociales, la divergence est également maximale. L’article « Race » de la Stanford Encyclopaedia of Philosophy en offre un exemple significatif. La bibliographie donnée en annexe de cette entrée n’indique aucun travail issu de la recherche non anglophone, pas même sous la forme de traduction. Après un exposé en forme de préambule sur l’histoire des catégories raciales d’Aristote aux Lumières, l’article se concentre sur les États-Unis, essentiellement autour de la situation des Afro-américains, avec en complément de brèves notations sur les Latinos ou les Juifs. Cette approche est cohérente, pour autant qu’elle se donne comme centrée sur une région et une société particulières. Pourtant, les premières lignes de l’article ne reconnaissent guère ces limites, et prétendent bel et bien offrir une définition du concept de race en général :

« Le concept de race a historiquement désigné la division de l’humanité en un petit nombre de groupes. Cette division obéit à cinq critères : (1) les races reposent sur un certain type de fondement biologique, qu’il s’agisse d’essences chez Aristote  ou des gènes modernes ; (2) ce fondement biologique engendre des regroupements discrets, de sorte que tous les membres d’une race, mais seulement eux, partagent un ensemble de caractères biologiques qui ne sont pas partagés par les individus appartenant à d’autres races ; (3) ce fondement biologique s’hérite de génération en génération, permettant à des observateurs d’identifier la race à laquelle appartient un individu à travers les lignages ou la généalogie ; (4) la recherche généalogique permet d’identifier l’origine géographique de chaque race, typiquement en Afrique, Europe, Asie, Amérique du Nord et du Sud ; et (5) ce fondement biologique hérité se manifeste avant tout par des phénotypes physiques, comme la couleur de peau, le dessin des yeux, la texture des cheveux, la structure du squelette, et peut-être par des phénotypes comportementaux, comme l’intelligence et la délinquance9 ».

Le cinquième élément de la définition affirme que la manifestation dominante de la distinction raciale repose sur l’existence de phénotypes physiques distinctifs. Cette assertion se nourrit d’un questionnaire empirique centré sur la question afro-américaine. Elle place l’accent sur l’expression de la différence intrinsèque par le phénotype. Elle écarte donc l’hypothèse selon laquelle les processus de racialisation pourraient être alimentés par l’érosion ou la disparition des signes extérieurs de distinction dans le phénotype, ou en raison du phénotype. Ce point est sans doute le plus discutable : le présent article propose une voie alternative. Mais, le texte de la Stanford Encyclopaedia of Philosophy reprend également la notion de « phénotype comportemental » qui désigne, dans le vocabulaire médical actuel, des syndromes de déficience mentale d’origine génétique. En effet, au sein de la pensée raciale, la notion de phénotype comportemental s’affranchit du cadre de son usage médical afin de nommer des performances ou des attitudes sociales qui n’ont rien à voir avec les syndromes ainsi désignés par les médecins. Dans certains débats présents aux États-Unis, la question du « phénotype comportemental » de l’intelligence renvoie aux fondements génétiques des performances intellectuelles du groupe dominant (blanc anglo-saxon protestant) mais aussi des Juifs, tandis que le phénotype comportemental délinquant renvoie, qui pourrait l’ignorer, au taux de criminalité constaté dans la population afro-américaine.

Martin Luther King III invité de CNN après les violences de Ferguson, dans le Missouri, auc Etats-Unis, en août 2014.

La façon dont les sciences humaines et sociales abordent la question en Europe occidentale en général, et de façon singulière en France, est très différente. C’est d’abord affaire de vocabulaire. Dans la langue française contemporaine, le terme « race » a complètement disparu du lexique des chercheurs. Cela s’explique par le fait que sa signification, à partir de 1945, a subi une restriction radicale : lorsqu’on évoque la « race » en France, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, c’est uniquement pour désigner l’unité biologique d’une population. Limité à cette seule signification, le terme race ne peut donc plus être mobilisé pour désigner des peuples, des cultures, des nations, ou tout autre façon de désigner des population par leurs caractères culturels, sociaux ou politiques. À dire vrai, la répugnance que le terme suscite dans le monde savant est telle qu’il ne sert pas non plus à désigner des populations cohérentes sur le plan biologique. Le recours à des périphrases paraît toujours préférable à l’emploi du terme, comme si, en réalité, il était devenu impossible de l’isoler des inférences sociologiques qui pouvaient dériver de lui avant les années 1950, comme si la mémoire des crimes commis en son nom l’interdisait. Du coup, les chercheurs français en sciences humaines et sociales, et pas seulement les politiciens du Front National en mal de respectabilité, sont tiraillés entre des usages lexicaux contradictoires. On ne cesse de désigner toutes sortes de discriminations collectives comme des « racismes » (on a lu des commentateurs disserter sur le racisme anti-jeunes, sur le racisme anti-vieux, etc.) ; en même temps, le terme « race », qui devrait être le référent sur lequel s’appuient les racismes politiques, demeure absent des discours sur l’état de la société, y compris chez les racistes.

Le désir d’éliminer de façon définitive le terme de race de l’espace public, pour ne pas dire du langage légitime, a rebondi lorsque le candidat à la présidence de la République, François Hollande, s’est engagé en 2012 à supprimer le terme de la législation et de la constitution française. En effet, l’article premier de la Constitution de la Ve République dispose : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ». L’argument du futur président était alors formulé en ces termes : « la République ne craint pas la diversité. La diversité, c’est le mouvement, c’est la vie. Il n’y a pas de diversité des races. Il n’y a pas de place dans la République pour la race ». Des juristes, défenseurs des droits de l’homme, n’ont pas manqué de faire observer aussitôt la vanité de cette censure verbale. Elle pourrait avoir comme conséquence d’accentuer l’incapacité de la puissance publique à désigner de façon claire des processus et des attitudes qui alimentent des discriminations à caractère racial10. On se trouve là presque exactement aux antipodes des usages de langage que l’on observe aux États-Unis, tant dans la sphère publique que dans le monde académique.

Propositions de définition

En dépit de ces ruses lexicales et de ces gênes morales, faire porter la recherche en sciences sociales sur le thème de la race, cela consiste à identifier un noyau dur, spécifiquement racial, dans l’ensemble des préjugés, des phobies, des programmes politiques, des productions de normes que l’on qualifie, de façon un peu vague, comme « racistes ». Cet article porte sur la part que la recherche en histoire peut prendre dans la discussion interdisciplinaire sur ces phénomènes. Il espère susciter des réactions et invite à la discussion avec des historiens mais aussi avec des sociologues, des anthropologues, des politistes, des philosophes. Il s’agit donc, ici, de cerner ce que la recherche historique permet d’éclairer dans le questionnement sur la constitution des catégories raciales comme ressources politiques dans les sociétés humaines. Sur cette question, la recherche en histoire poursuit trois finalités :

Poster for the Swiss popular initiative "For the Dismissal of Criminal Aliens (Removal Initiative)", launched on 10 July 2007 by the UDC.
Poster for the Swiss referendum campaign "For Democratic Naturalisations", launched on 1 June 2008 by the UDC.
A counter-poster for the Swiss popular campaign "For the Dismissal of Criminal Aliens (Removal Initiative)", launched on 10 July 2007 by the UDC. 

Les affiches pour l'initiative populaire suisse « Pour le renvoi des étrangers criminels (initiative sur le renvoi) » et « Pour des naturalisations démocratiques », lancées le 10 juillet 2007 et le 1er juin 2008 par l'UDC, ainsi qu'une contre-affiche pour la première campagne.

D’abord, distinguer les catégories raciales et les processus de racialisation au sein de l’ensemble plus vaste des attitudes et des politiques xénophobes. La peur ou le rejet des autres peuvent être décrits en tout lieu, en tout temps, et surtout, ce qui est plus grave sur le plan méthodologique, à toute échelle : les deux quartiers d’un village, les deux villages d’une même vallée, les deux pays d’une même région, les deux régions d’une même nation, les nations entre elles. Ainsi, à tout niveau, il se peut que se manifestent des griefs, mais ils s’effacent à une autre échelle de conflictualité. Le travail de définition ou de description de ce qui constitue l’altérité des autres n’est achevé que si des acteurs collectifs montrent qu’ils ont la capacité de donner un contenu à l’identité et à l’altérité, pour eux-mêmes et pour ceux dont ils veulent se distinguer. Mais la xénophobie ne porte sur aucune compétence sociale particulière, parce qu’elle peut porter sur n’importe quoi. Dès lors, la recherche en sciences sociales sur la formation des catégories raciales se donne des objets d’étude plus précis que le vague sentiment du rejet de l’autre, ou même que la diffusion routinière de stéréotypes négatifs.

Ensuite, proposer une chronologie du phénomène de la formation des catégories raciales en Occident qui ne se limite donc pas aux XIXe et XXe siècles. Certains historiens reconstituent les raisonnements et les connaissances attestés pour des périodes très antérieures. C’est, par exemple, le cas pour l’Antiquité classique, dont on a conservé des textes (et des images) qui gardent la trace de raisonnements sur l’hérédité ou sur les variations climatiques11. Des auteurs comme Hippocrate et Galien, dans leur tardive postérité, ont été convertis en autorités sur des questions telles que la formation congénitale des individus, l’influence des aliments ou des climats sur la nature des personnes. Des géographes comme Hérodote, Strabon, Pline l’ancien ou Ptolémée ont permis pendant des siècles d’imaginer la division des sociétés en ensemble naturels et sociaux différenciés12. On trouve chez Aristote les notions qui autorisent à interpréter la distinction entre maîtres et esclaves par l’infériorité naturelle des derniers13. Le Moyen Âge européen, la Renaissance, le moment des Lumières : autant de périodes au cours desquelles des phénomènes de relégation, de discrimination et de persécution ont trouvé leur justification politique dans des conceptions raciales de l’altérité.

Slaves working in a mine in Ancient Greece. 

Les esclaves travaillant dans une mine en Grèce antique. 

Enfin, préparer les chercheurs en sciences humaines et sociales, les étudiants et les citoyens à affronter les défis dont pourraient être porteurs les résultats, aujourd’hui imprévisibles, des recherches dans le domaine de la biologie génétique. Il est, bien entendu, indispensable de continuer à dénoncer l’agenda idéologique et politique raciste de la sociobiologie14. Mais on ne peut laisser croire que les sciences humaines et sociales pourront continuer de développer leurs propres compétences sans prêter attention à ce que la biologie génétique pourrait enseigner à l’avenir sur le développement des hommes en société.

La poursuite de ces différents objectifs repose sur une série de définitions de la race que l’on peut articuler autour de trois blocs :

Le préjugé de race postule que les caractères sociaux et moraux (ou culturels, religieux, politiques, etc.) des personnes et des groupes se transmettent de génération en génération à travers des vecteurs qui sont localisés dans les tissus et les fluides du corps humain (le sang, le sperme, le lait). Lorsque les conditions sont réunies sur les plans idéologique, normatif et politique, alors les fluides tels que le sang, le sperme et le lait ne doivent pas être compris par l’historien comme des symboles, des images ou des métaphores, mais bien comme la chose matérielle elle-même. Si le sang n’est qu’une forme d’expression imagée d’un principe spirituel ou d’un processus social, alors on n’a pas affaire à une définition raciale de l’identité (ou de l’altérité, ce qui revient au même).

The discovery of America, May 12, 1492.

La découverte de l'Amérique, le 12 mai 1492. Christophe Colomb érige une crois et baptise l'île de Guanahani du nom de St Salvador (gravure tirée de l'ouvrage Grands voyageurs de Th. de Bry, vers 1590). 

La discrimination de race repose sur l’idée que quelles que soient les circonstances politiques et quels que soient les efforts consentis par un individu, une famille, un groupe pour réduire la distance qui sépare ce(s) minoritaire(s) de la majorité sociale à laquelle l’individu, la famille ou le groupe entendent appartenir, quelque chose d’immuable demeure, quelque chose qui rend vaine ou impossible l’aspiration à rejoindre la majorité sociale en toute plénitude. Le siège de ce reste irréductible, de façon métaphorique et le plus souvent réelle, demeure le corps. Cette incapacité à changer, ou à se défaire d’un héritage (ou d’une hérédité) inscrit dans la physiologie, affecte de façon égale tous les individus et toutes les familles qui appartiennent au groupe stigmatisé.

Les politiques racistes ont pour objectif primordial d’entraver les processus par lesquels les populations marginales ou stigmatisées pourraient intégrer un espace politique commun au cœur de la société dans laquelle ils résident. Autrement dit, lorsque les membres d’une famille ou d’un groupe s’engagent dans un processus de transformation sociale et politique qui a pour finalité de réduire la distance les séparant de la société majoritaire, alors la politique de racialisation consiste nier l’effacement de leurs différences, en les tenant pour inscrites dans le corps, pour ineffaçables et pour présentes chez tous les individus du groupe. La racialisation a pour finalité de freiner le processus de rapprochement des conditions. Si l’altérité inscrite dans le corps d’autrui est inaltérable, parce que son siège est une nature plus profonde que toutes les apparences sociales, alors l’horizon d’une appartenance commune ou d’une disparition des différences se trouve dénoncé dans la pensée raciale comme une illusion dangereuse.

The classification of humans in three races (Procure, circa 1950). 

La classification des humains en trois races (Procure, vers 1950). 

Ainsi, selon ces trois éléments de définition, le racisme ne consiste pas à rejeter une altérité définie comme une réalité statique et manifeste, c’est-à-dire visible. Car ce serait là la définition de n’importe quel type de xénophobie. Le racisme, que l’on doit comprendre comme une forme politique plus restreinte, est un programme d’action consistant à produire de l’altérité dans la société afin d’alimenter un mécanisme de distinction, de relégation, de stigmatisation et de discrimination. Les recherches historiques sur la formation des catégories raciales se heurtent ainsi à des incertitudes de caractère méthodologique et théorique. Rendre explicites un certain nombre de difficultés est encore la meilleure façon de dresser l’état des lieux contemporain sur ces questions.

Le racisme comme idéologie

Sans compétence en sémantique historique et en philologie il est vain de prétendre pouvoir interpréter les documents qui ne nous sont plus contemporains. En revanche, la connaissance de l’état des langues à chacune des époques qui font l’objet de nos études ne peut constituer un inhibiteur pour les questionnaires que nous adressons aux sociétés que nous étudions. Ainsi, le fait que le terme « racisme » n’apparaisse dans les langues occidentales qu’au XXe siècle ne peut servir de levier à une argumentation qui consisterait à dire que la chose n’a pas pu exister sans le mot. À ce titre, il n’est pas plus aberrant de parler d’un « racisme » du XVIIe siècle que de décrire des « sociétés esclavagistes » à la même époque. L’idée de société esclavagiste, en effet, était impensée ou non formulée, puisque les mots pour la dire n’existaient pas, alors même que certaines sociétés américaines comptaient bien plus d’esclaves que de sujets libres.

Le cadre d’analyse de cet article ne prend pas pour point de départ la domination socio-économique – dont les manifestations extrêmes sont la traite et l’esclavage – ni l’aspect physique, dont manifestation la plus évidente est la couleur de la peau. Cela ne signifie nullement que puissent être sous-estimées l’intensité du crime de masse qu’a été la traite négrière puis, après l’abolition de l’esclavage, la violence des lois Jim Crow ou celle de l’apartheid. Il ne fait aucun doute que ces dispositifs juridiques partagent avec le régime nazi et sa législation la palme des politiques les plus racistes du monde occidental à l’époque contemporaine. Pour les chercheurs des États-Unis, aujourd’hui encore, les entrées les plus spontanées dans la question de la discrimination selon la race demeurent précisément la couleur et la domination esclavagiste. Dans ce cadre, le débat historiographique s’est nourri d’une opposition entre deux modèles explicatifs de la capacité de déshumanisation, de la cruauté et de l’énormité de la traite négrière15. Pour les uns, ce système a été rendu possible par une longue histoire préalable de stigmatisation et de mépris à l’égard des populations africaines dans l’Europe de la Renaissance16. Pour les autres, le mode de production qui repose sur l’exploitation esclavagiste à grande échelle a suscité la création des discours (et des images) qui justifiaient cette abomination grâce à la présentation de l’infériorité naturelle de ses victimes17. Les raisons historiques et toujours actuelles pour lesquelles l’agenda de la recherche américaine est centré sur les effets à long terme de la traite négrière sont évidentes et légitimes. Toutefois, on peut, depuis l’Europe, partir d’un point de vue décalé par rapport à la tonalité dominante de la production scientifique sur ces questions, mais d’un point de vue qui demeure engagé dans un dialogue permanent avec les chercheurs des États-Unis et de l’Amérique Latine.

The chart "Stages of Growth for Members of the Nordic Race" in Germany, in the 1930s.

Le tableau avec les étapes de croissance de membres de la race nordique, en Allemagne, années 1930.

Il convient à présent d’identifier ce que la recherche des historiens peut permettre de comprendre de façon spécifique, au sein de l’ensemble beaucoup plus vaste des sciences humaines et sociales. En Europe, comme aux États-Unis et en Amérique Latine, la sociologie, l’ethnologie, la science politique, la philosophie, la critique des arts concourent, avec l’histoire, pour aider à comprendre les phénomènes de racialisation, les conduites racistes, l’expression et la diffusion des préjugés de race. Cet article veux montrer que le choix méthodologique de la profondeur chronologique, c’est-à-dire de la longue durée, produit des connaissances et propose des angles d’analyse spécifiques que n’offrent pas les autres sciences humaines et sociales. Les propositions qui sont formulées ici résultent, pour une grande part, de la persistance en France de l’unité des sciences humaines (y compris le domaine littéraire) et des sciences sociales. C’est, là encore, un écart par rapport à la façon dont se répartissent les disciplines aux États-Unis, désormais dans la plupart des universités, avec une division marquée entre social sciences et humanities.

Dire que la distinction raciale est une ressource politique disponible dans une société donnée, cela signifie que l’on a affaire à une idéologie : à quelque chose de beaucoup plus substantiel et articulé qu’une simple collection de stéréotypes. Nombre d’historiens s’emploient à dresser des inventaires de toutes sortes de représentations de l’altérité culturelle, en tous temps et en tous lieux, pour autant que des sources permettent de le faire. Depuis la figuration de prisonniers enchaînés au profil négroïde de bas-reliefs égyptiens jusqu’à l’affiche du film Le Juif Süss de Veit Harlan (1940), en passant par maints autres répertoires, on peut retracer des histoires de formation d’images de l’Autre. Ces artefacts (textes, images, objets) ont le plus souvent une double finalité, qui ne peut être dissociée : constater une différence et engendrer une distinction. Dès lors que l’on fait porter l’analyse sur les contenus des stéréotypes, alors on s’interdit de comprendre le processus de distinction. Car ces inventaires livrent le plus souvent des tautologies du type : pour les Européens « l’Africain est un être inférieur parce qu’il est décrit comme un être simiesque », « le Juif suscite le dégoût parce que le portrait qui en est fait est répugnant ». Le gain d’information s’épuise très vite dans ce type d’études. Au contraire, une approche en termes d’idéologie, parce qu’elle est autrement plus exigeante, offre de toute autres perspectives. Il s’agit alors, à la manière d’un Giuliano Gliozzi18, de comprendre, c’est-à-dire de saisir ensemble, le système socio-économique, le cadre politico-institutionnel et normatif, ainsi que les registres d’expression et d’interprétation du monde qui donnent naissance et sens aux manifestations d’hostilité et à la volonté de relégation des populations stigmatisées. Ce type d’analyse permet de repérer les correspondances entre les discours sur la race et les modes de l’action constatés chez toutes les parties prenantes, y compris chez les victimes de la stigmatisation.

Rien ne permet de mieux saisir la différence entre une série de stéréotypes ou d’attitudes de défiance et une idéologie fondée sur la race que les « situations coloniales » (selon l’expression de Georges Balandier19). La création de sociétés coloniales repose sur trois facteurs : 1) la substitution des autorités politiques locales par des agents (étrangers ou locaux) qui rendent compte de l’exercice du commandement aux institutions politiques du pays colonisateur ; 2) l’installation de nouveaux résidents issus de la région colonisatrice et la captation de ressources économiques, à commencer par les meilleures terres, au profit des colons ; 3) la production d’un discours légitimateur, c’est-à-dire une doctrine, qui donne sens au phénomène et en accompagne l’évolution. Lorsque les historiens reconstituent des étapes de la formation d’idéologies raciales en situation coloniale, ils analysent les processus sociaux, politiques et culturels qui définissent les règles de la hiérarchisation dans les rapports sociaux, telles que les comprennent et les intègrent aussi bien les dominateurs que les dominés. Ces enquêtes sont conduites sur les terrains les plus divers, depuis la réduction par l’Angleterre de l’autonomie de la société irlandaise dès le Moyen Âge central20, jusqu’à la mise a nu du piège qui enferme colonisés et colonisateurs dans un face à face sans issue dans les écrits de Frantz Fanon ou d’Albert Memmi21, en passant par la définition d’un espace propre aux Amérindiens sujets du roi d’Espagne dont témoigne le grand manuscrit du noble péruvien Felipe Guamán Poma de Ayala à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle22. Dans toute histoire de l’idéologie raciale, la question coloniale, et désormais postcoloniale, doit occuper une place de premier plan.

Une fausse piste : l’opposition normes/pratiques

Une pensée raciale et une politique raciale n’ont pas pour unique objet de donner forme et légitimité à une relation de domination. Dans l’histoire longue de la formation des sociétés occidentales, la certitude selon laquelle les qualités et les aptitudes des personnes se transmettent en succession intergénérationnelle grâce au vecteur du corps a d’abord servi à assurer la pérennité des privilèges dont jouissaient les familles nobles. Ainsi, c’est tout autant en vue de l’élection des meilleurs que de la stigmatisation des mauvais que l’argument racial a été mobilisé. Pour reprendre l’heureuse formule de Charles de Miramon : « la société médiévale se représente elle-même comme une méritocratie des vertueux, alors que la reproduction sociale est fondée sur l’hérédité »23. Bien entendu, élection et stigmatisation se construisent au miroir l’une de l’autre. Les qualités supérieures se transmettent par les mêmes voies que les qualités inférieures, à commencer par le sang. À cette précieuse liqueur on a attribué pendant des siècles la capacité de véhiculer les caractères moraux et sociaux des personnes. Les historiens ne s’accordent pas sur un point : les facultés vectrices attribuées au sang doivent-elle être comprises comme un symbole ou comme une puissance effective ? L’efficacité sociale de la transmission lignagère, pour le meilleur comme pour le pire, permet d’avancer qu’une lecture purement métaphorique de la fonction du sang est arbitraire.

En effet, nombre d’enquêtes sur les sociétés présentes ou passées montrent que les normes qui régissent les ségrégations fondées sur la race s’appliquent de façon plus ou moins radicale. Lorsqu’on étudie l’assignation d’identité par les bureaucraties contemporaines, ou bien encore les jeux d’auto-définition conduits par les acteurs eux-mêmes, on découvre que les personnes peuvent changer d’identité au cours de leur existence. Ce constat invite à ne pas prendre tout à fait au pied de la lettre les normes raciales, comme une source pour historien ou sociologue qui livrerait le reflet de l’organisation de la vie sociale. Dans le cadre de la recherche en histoire, la profondeur chronologique et la connaissance des lignages à travers l’enquête généalogique peuvent conduire au même scepticisme. On peut ainsi documenter le fait que de nombreuses familles ont graduellement échappé à la condition raciale que les normes en vigueur leur assignaient. Cependant, deux objections peuvent être opposées à ce type d’approche. D’une part, la confrontation normes/pratiques est une problématique dont la conclusion est toujours donnée d’avance : les pratiques s’écartent des normes. Les gens ne se comportent pas comme les sujets auxquels les textes juridiques imposent des prescriptions et des interdits. Cet écart est constaté en tout lieu et en tout temps. Il ne démontre donc rien de bien spécifique. En revanche, demeurent singulières, sous le regard des sciences humaines et sociales, les configurations dans lesquelles les comportements des acteurs incorporent un certain nombre de normes – plus ou moins formalisées – et dans lesquelles la production des normes est habitée elle-même par les règles de la vie sociale. D’autre part, la démonstration selon laquelle une partie des individus appartenant au groupe stigmatisé a su échapper au stigmate ne prouve en rien que les procédures de stigmatisation sont inopérantes.

Le White Only Beach in South Africa, in the 1940s.

Le secteur réservé aux blancs sur une page de l'Afrique du Sud (années 1940).

Le cas des États-Unis de la ségrégation postérieure à la Guerre de Sécession offre un exemple historique de ce phénomène. Cette société était pénétrée par le principe du one-drop rule, c’est-à-dire la règle d’hypodescendance selon laquelle c’est la mauvaise origine – fût-elle présente dans la proportion de simple trace – qui définit le caractère et la place de l’individu dans la hiérarchie sociale24. Cette société, surtout dans sa partie méridionale, avait voté des lois de discrimination dans les usages de l’espace public, avait interdit les mariages mixtes, avait manœuvré pour priver les citoyens afro-américains de leur droit de vote. C’est la même société qui connaît le phénomène de passing, c’est-à-dire la mise en œuvre d’un programme personnel par lequel un individu, dont l’origine était partiellement africaine, pouvait passer pour « blanc ». L’argument « pratiques contre normes », si on l’appliquait ici, inviterait à s’appuyer sur les cas – nombreux – de passing pour affirmer que le système général n’était pas vraiment raciste. Bien entendu, l’attention portée aux configurations sociales qui donnent lieu au phénomène du passing conduit à porter l’accent sur l’ensemble des ressources mobilisées pour échapper à sa condition. Mais vouloir se défaire d’une mauvaise origine n’est-ce pas la meilleure preuve qu’elle constitue un obstacle, peut-être même un déshonneur ? Ainsi, la possibilité de se défaire du stigmate révèle non pas la fragilité de ce dernier, mais au contraire sa robustesse.

Sur des périodes plus anciennes, autrement dit avec une possibilité encore plus grande de recul, l’argument normes/pratiques paraît encore plus fragile. Dès lors que l’on examine une généalogie sur un grand nombre de générations, la probabilité de repérer la présence d’un composant racialement suspect s’accroît : c’est exactement sur cette probabilité que s’assoit l’autorité répressive de l’Inquisition lorsqu’elle montrait sa capacité à identifier la présence d’une origine suspecte au 1/64e du sang d’un individu, dans l’Espagne du XVIe siècle. Les historiens ne devraient pas tirer de la haute-probabilité que personne n’ait échappé à la présence d’une origine infâme dans son ascendance la conclusion que les règles d’exclusion des personnes suspectes étaient peu ou pas appliquées. On ne peut raisonner sur la capacité de soustraire à sa condition raciale au cours d’une vie et sur la durée de plusieurs générations, comme si les mêmes processus sociaux et réglementaires se trouvaient engagés dans les deux cas. Obtenir l’effacement d’une condition raciale stigmatisée en quelques années, en quelques décennies, voire sur plusieurs générations, pour les individus concernés ce sont là des résultats aussi éloignés que l’échec complet du succès total. Les historiens sont supposés être les plus attentifs à la façon donc l’expérience humaine s’inscrit dans une temporalité. Dresser le bilan de l’ascension d’un lignage sur cinq générations, c’est conduire une opération dont aucun acteur ne pouvait faire l’expérience ni prendre conscience, surtout pas les plus anciens, c’est-à-dire ceux qui avaient entamé le processus.

L’opposition normes/pratiques est de celles qui livrent les conclusions de l’enquête avant même qu’elle ait commencé. Ce que les expériences coloniales et les sociétés racistes enseignent, c’est que la mobilité personnelle, mue par le désir de changer de statut, révèle non pas l’inefficacité des catégories raciales, mais l’importance que les individus attachent à la possibilité de s’y soustraire. D'un mot, une société de sang-mêlés n’est pas une société qui efface les barrières raciales.

Fixité et dégénérescence

L’hypothèse de la fixité des conditions humaines suppose qu’aucun accident de nature sociale ou historique ne saurait modifier les personnes ou les populations. Une telle conception peut se nourrir d’une perspective polygéniste sur l’histoire de l’humanité (selon laquelle plusieurs espèces distinctes d’êtres humains cohabitent sur la terre). Elle est particulièrement apte à soutenir un projet politique visant à maintenir séparées des populations apparemment différenciées. Le polygénisme se présente comme la théorie parfaite pour une idéologie qui enferme les individus et les collectivités dans une forme d’identité naturelle à jamais fixée, et qui justifie la ségrégation, la hiérarchisation et même l’esclavage. Le monogénisme, quant à lui, ne démord pas du récit biblique qui ne conçoit qu’une seule humanité à l’origine commune : ce serait là le cadre d’interprétation le plus apte à accueillir les dispositifs universalistes, relativistes et évolutionnistes. En réalité, comme l’ont montré les travaux de Silvia Sebastiani, la distribution des rôles entre polygénisme et monogénisme n’est pas aussi simple, si on examine leurs apports respectifs au déploiement d’une conception raciale de la diversité des hommes25.

Le travail de classification et de mise en forme de la nature, entrepris de Linné à Buffon et de Lamarck à Darwin, c’est-à-dire de la fixité de la création à l’évolutionnisme, a engendré tout un vocabulaire scientifique, en termes de règnes, de classes, de genres, d’espèces26. L’histoire naturelle, depuis le siècle des Lumières puis tout au long du XIXe siècle, a servi de référent pour bâtir des raisonnements rendant compte de la diversité physiologique et civilisationnelle des sociétés du monde. Or, selon que l’on se réfère à des nomenclatures qui reposent sur l’hypothèse de la fixité des espèces ou, au contraire, sur la dynamique de l’évolution, les effets du modèle de l’histoire naturelle sur les sciences sociales sont très différents. Ainsi, la discussion intellectuelle engagée entre ces deux pôles de production des connaissances, depuis le Systema Naturae de Linné, alimente cette ambivalence de la pensée raciale de l’humanité, prise entre l’hypothèse de la fixité (soit de l’impossibilité d’obtenir des personnes qu’elles se réforment pour adhérer à un modèle qui ne leur est pas natif) et la hantise d’une dégénérescence produite par la mixité des mariages et des engendrements qui en résultent27. Les sociétés de l’hémisphère américain pendant la seconde moitié du XIXe siècle et la première du XXe siècle sont un observatoire de l’éventail complet de ces possibilités. Des lois contre toute forme de mariage mixte aux États-Unis, d’un côté ; de grandes campagnes visant à attirer des migrants européens dans le but d’« améliorer la race » en la « blanchissant » dans de nombreux pays d’Amérique Latine, de l’autre28. Dans le premier cas, une ségrégation dont l’objectif est de ne pas laisser l’élément noir s’insérer dans la composition des familles blanches ; dans le second l’appel à un apport de sang blanc visant à réduire la dominante amérindienne et africaine dans des sociétés où les Européens sont restés partout minoritaires, depuis la conquête des Amériques.

Chimamanda Ngozi Adichie, Les dangers d'une historie unique (conférence pour TED) 

La pensée raciale ne parvient donc pas à choisir entre l’argument fixiste et le récit dynamique. De surcroît, la relégation et la stigmatisation peuvent ainsi être justifiées par l’idée que des accidents de l’existence sont capables de modifier en un sens négatif l’essence des personnes. Il s’agit d’une croyance générique, que depuis le milieu du XIXe siècle le débat scientifique qualifie comme l’« hérédité des caractères acquis », mais dont la présence est beaucoup plus ancienne. La conception de l’infériorité congénitale et de la transmission naturelle de la condition esclave, par exemple, appartiennent à ce registre. Enfin, l’hypothèse d’une mutation historique des peuples, en direction de leur infériorisation, est également pensable : tel fut le cas du peuple juif (ou, si l’on veut, des Hébreux) dont la nature se trouve métamorphosée, après qu’il a refusé de se joindre à l’alliance scellée avec la mort et la résurrection de Jésus Christ29. Les juifs seraient ainsi passés, en raison de leur cécité, du plus haut rang dans la hiérarchie des peuples à la situation la plus vile.

La contradiction entre fixité et métamorphose se manifeste de bien des façons. Par exemple, l’aristocratie tient la noblesse pour une condition hors du temps. Pour autant, l’idéologie royale impose que certains types d’activités anoblissent. L’appartenance au bon lignage et l’exercice des bonnes fonctions se confirment l’une par l’autre et se trouvent garantis et renforcés à travers une transmission congénitale des vertus et une assurance de reconnaissance par l’institution royale. Mais les théories de la noblesse doivent affronter le mystère de l’entrée dans la noblesse, c’est-à-dire répondre à la question insoluble : celui qui devient noble par la volonté du roi ne l’était-il pas déjà, avant d’être reconnu comme tel ? La grâce royale est l’agent d’une mutation, d’un changement de nature – d’un miracle. On voit bien ici comment trois mécanismes, en parties contradictoires les uns les autres, concourent à forger l’idéologie de la domination nobiliaire : la perpétuité du lignage, l’accomplissement de gestes qui attestent la condition noble, l’exercice presque thaumaturgique d’un roi qui « fait » des nobles. Au bout du compte, la fixité naturelle des conditions, l’hérédité des caractères acquis et la croyance dans les effets de mutation se combinent et font bon ménage dans les idéologies politiques de l’âge moderne.

Universalismes et racismes

Dans l’étude des sociétés de la fin du Moyen Âge et de l’époque moderne, se pose la question de l’incompatibilité entre le message de Saint Paul (« Il n’y a plus de Juif, ni de non-Juif, il n’y a plus ni esclave ni libre, ni homme ni femme, car vous êtes tous en un en Jésus-Christ », Galates, III, 28) et l’efficacité de la grâce (« Si vous appartenez à Christ, vous êtes donc la descendance d’Abraham et vous êtes héritiers conformément à la promesse », Galates, III, 29) d’un côté, et des règles de ségrégation fondées sur l’infériorité naturelle et l’inaptitude au changement des personnes d’un autre côté. La persécution des descendants de convertis dans les sociétés ibériques à la fin du Moyen Âge et sous l’Ancien Régime est une négation de ces principes. En décrétant que les descendants de juifs ou de musulmans convertis demeuraient suspects et sans doute porteurs de menaces pour la société, les tribunaux ibériques et les règles de pureté de sang ont démenti l’efficacité du baptême30. Tout se passe comme si l’eau baptismale était impuissante à laver le sang de la mauvaise origine.

Le cas des juifs convertis dans la péninsule Ibérique, plus qu’un cas parmi d’autres, peut être compris comme la matrice la plus ancienne du racisme moderne. En effet, à la fin du Moyen Âge la société juive d’Espagne et du Portugal était sans comparaison la plus importante d’Europe et même du bassin méditerranéen. Or, la coexistence, urbaine comme rurale, avec la majorité chrétienne avait abouti à une situation dans laquelle, en dehors des actes rituels de la vie religieuse, il était devenu difficile de distinguer, à première vue, un juif d’un chrétien. La hantise des relations sexuelles entre juifs et chrétiens avait, dès le XIIIe siècle (IVe Concile du Latran, 1215), abouti à l’obligation pour les juifs de porter une marque vestimentaire distinctive31. Signe, s’il en était, de l’invisibilité des juifs. Le sentiment que la confusion entre juifs et chrétiens représentait un danger spirituel et social s’est aggravé lorsque les juifs, sous la contrainte ou de leur propre chef, se sont convertis en masse, notamment après une série de très violents pogroms (1391-1392)32. À partir de là, les juifs, qui ne l’étaient plus, étaient devenus deux fois invisibles. La question se pose également, bien que de façon différente, pour la minorité des musulmans contraints à la conversion, les Morisques33. Fleurit en retour l’idée selon laquelle leur mauvaise origine se transmettait, au-delà des apparences sociales, dans une nature profonde dont le vecteur était le sang. C’est bien là le modèle du processus d’« altération » par lequel la pensée raciale transforme le même en autre34. Cette matrice se trouve au cœur de l’outillage politique dont ont disposé les conquistadors espagnols et portugais dans la construction de leurs empires transcontinentaux.

« Pretoria a été bâti par l'esprit blanc pour l'homme blanc. Nous ne sommes pas obligés, pas le moins du monde de prouver à qui que ce soit et surtout pas aux Noirs que nous sommes des gens de qualité supérieure. Nous l'avons déjà démontré aux Noirs par mille et une façons. […] Nous ne prétendons pas comme les autres Blancs que nous aimons les Noirs. Le fait que les Noirs ressemblent à des êtres humains et peuvent agir comme des êtres humains ne prouve pas forcément qu'ils sont judicieusement des êtres humains. […] Les porcs-épics et lézards sont-ils des crocodiles parce qu'ils se ressemblent ? Si Dieu voulait que l'homme blanc soit l'égal du Noir, il nous aurait tous créés de même couleur uniforme et avec le même intellect. Mais il nous a créés différemment : Blancs, Noirs, les Jaunes, gouvernants et les gouvernés. Intellectuellement, nous sommes supérieurs aux Noirs et cela a été prouvé sans le moindre doute raisonnable au cours des années. »

 

L'ancien président d'Afrique du Sud P. W. Botha devant son Cabinet, le 17 août 1985.

Le président d'Afrique du Sud P. W. Botha (1916-2006) 

     

L’antinomie de l’universalisme et du racisme n’est pas seulement le lot de la Chrétienté. L’Islam est traversé par une contradiction tout aussi puissante, et dans des termes qui ne sont pas si différents. Les travaux sur les corpus théologiques et juridiques médiévaux ont même montré que les sociétés qui ont forgé une première version opératoire du mythe de Cham, pour justifier la réduction en esclavage des hommes noirs, sont celles de l’Islam médiéval35. Il s’agit de la reprise d’un épisode de la Genèse (IX, 18-29) dans lequel Cham, fils de Noé, a vu son père nu après qu’il s’est enivré. À son réveil, Noé l’a condamné, ainsi que ses descendants, à une servitude perpétuelle. Certains exégètes de l’Ancien Testament ont interprété cette malédiction comme si elle était adressée aux hommes à peau noire. Cette version de l’histoire demeure presque absente de la tradition rabbinique médiévale36. En revanche, elle occupe une place importante dans une partie de la tradition islamique des premiers siècles. L’antécédence chronologique de la pratique de la razzia esclavagiste contre les populations subsahariennes par les puissances islamiques, la présence de marchés aux esclaves dans l’Espagne musulmane : voilà deux héritages que l’Europe chrétienne a reçu de l’Islam méditerranéen. Au Moyen Âge, plusieurs langues européennes avaient abandonné le terme latin servus, au profit le mot « esclave » qui signifie slave. C’était là le reflet de l’existence d’un marché de la main d’œuvre servile puisée dans les sociétés des Balkans. La coïncidence entre statut esclave et condition noire, dans les pays européens est à la fois une importation du monde musulman et une réalité tardive37. Le mythe de la malédiction de Noé envers les Noirs fut réactivé, avec une virulence et une brutalité extrêmes, dans le contexte des réponses américaines aux campagnes abolitionnistes, notamment pendant la période qui précède la Guerre de Sécession (Antebellum) et durant la guerre. La propagande favorable au maintien du système de production esclavagiste se déchaîne alors et diffuse, aux États-Unis comme en Europe, un bréviaire de la haine des hommes noirs. C’est dans ce massif de textes, de pamphlets et d’images que puisent, après la fin du régime de l’esclavage, les ligues et associations racistes dans maints États américains, jusqu’à nos jours. Ce fut également le cas à Cuba, lors des campagnes de presse et des violences contre les organisations politiques d’anciens combattants noirs de la Guerre d’indépendance, autour du massacre des « Indépendants de couleur » en 191238.

L’antinomie de l’universalisme et du racisme demeure irrésolue à l’époque contemporaine. En témoigne, par exemple, la difficulté de la République française dans son Empire colonial à intégrer dans la pleine citoyenneté, non seulement les « indigènes », mais même les enfants issus de couples formés par un(e) européen(ne) et un(e) indigène39. L’universalité de la citoyenneté au sein de l’espace politique français a buté sur cet obstacle jusqu’au démantèlement de l’empire. Autre exemple de cette antinomie : l’acceptation par des idéologues chrétiens du darwinisme social dans l’Europe du second XIXe siècle et de la première moitié du XXe40. Dans l’Allemagne de Weimar, Wilhelm Schmidt, prêtre catholique titulaire de la chaire d’ethnologie de l’Université de Vienne, devint directeur du département d’eugénésie de l’Institut Kaizer Wilhelm d’Anthropologie, de Génétique Humaine et d’Eugénésie de Berlin entre 1927 et 193341. Sans s’écarter du monogénisme de la science officielle, cet ecclésiastique essayait de forger un scénario plausible selon lequel deux mille ans de cécité devant la vérité évangélique, de déracinement, de manœuvres, de dissimulation avaient fini par produire des effets raciaux sur les Juifs, effets si inscrits dans leur nature que désormais même le baptême ne parvenait plus les à corriger42. De fait, il a fallu rien moins que la mise en œuvre du programme nazi pour déclencher, par réaction, au lendemain de l’effondrement du IIIe Reich, une initiative internationale, sous l’égide de l’UNESCO, afin de dénoncer les idéologies raciales. La pensée raciste a alors été condamnée pour son absence de fondement scientifique, sa dangerosité éprouvée, son incompatibilité avec les principes de reconnaissance de l’unité de l’humanité, c’est-à-dire de l’universalité des droits de l’homme.

Racisme scientifique et reductio ad Hitlerum

Le choix de la longue durée ne se fait pas au détriment de l’attention portée à l’époque contemporaine. Au contraire, tout historien, quelle que soit sa période d’étude et de prédilection, aborde les questions raciales en ayant en tête, de façon plus ou moins consciente, la triade formée par les lois Jim Crow aux États-Unis, le nazisme en Europe et l’apartheid en Afrique du Sud. Ce sont là des points de référence communs à tous les chercheurs travaillant sur ces problèmes, qu’on le reconnaisse de façon explicite, ou que cela demeure implicite et parfois même inconscient. En bonne méthode historique, il faut donc éviter de tenir cette triade comme le point d’aboutissement inévitable d’une longue histoire dont on s’emploierait à remonter les fils, en parcourant le chemin à rebours. Il convient, au contraire, de la considérer comme le point de départ de toute approche réflexive sur l’héritage historique – c’est-à-dire la situation politique et intellectuelle – que les chercheurs en sciences humaines et sociales reçoivent en partage lorsqu'ils s’apprêtent à étudier ces questions. Quand les historiens de toutes périodes comparent leur terrain de recherche avec la triade contemporaine, dans le but de montrer que leur cas s’en approche ou au contraire qu’il s’en distingue, mieux vaut savoir de près comment les politiques racistes contemporaines ont été mises en place et développées. C’est pourquoi les historiens des questions raciales doivent être spécialistes de leur période et, en même temps, devraient se doter d’un niveau sérieux d’information sur le racisme Jim Crow-nazisme-apartheid. Ce n’est pas toujours le cas.

Dans l’historiographie, la tendance dominante consiste à refuser l’idée que les hiérarchies sociales avaient une dimension raciale avant l’établissement de régimes racistes contemporains. Cette position s’appuie sur le point de référence et l’épouvantail que constitue le cas du nazisme. Elle s’abrite derrière le bon sens du refus d’une reductio ad Hitlerum, selon l’expression de Léo Strauss ou, comme on dit désormais, sur une critique du point Godwin43. Un syllogisme semble s’imposer : le cas que j’étudie diffère de la société allemande des années 1930-1940, l’hitlérisme incarne le racisme en politique, donc mon cas ne relève pas du racisme en politique. Mais ce type d’argumentation se nourrit bien souvent d’une méconnaissance du régime hitlérien. Par exemple, on trouve, sous la plume d’historiens anglophones, l’idée que sous l’Ancien Régime en Europe et dans les colonies, la race n’est pas affaire de biologie mais de lignage44. Or, une lecture des Lois de Nuremberg sur la protection du sang allemand de 1935 montre que l’identification de la nature juive des individus repose elle aussi sur un raisonnement lignager. En effet, pour un individu qui aurait eu un grand parent juif, l’effacement de la tare juive dans cette généalogie mixte n’est possible qu’à la condition que le grand parent « juif » n’ait jamais été affilié à une synagogue. De fait, les fonctionnaires et dirigeants du parti nazi étaient arrivés à la conclusion que les lois du botaniste Gregor Mendel sur la transmission des traits héréditaires ne pouvaient pas permettre de déterminer si un « métis » demi-juif était digne de rejoindre le peuple et la citoyenneté allemands, ou s’il devait s’en trouver exclu pour toujours. Seul un « examen de l’histoire de sa famille et de ses positions politiques en général » livrait les critères pertinents, au cas par cas45. En revanche, les juifs d’Allemagne qui participaient à la vie juive, fidèles de synagogues, membres d’associations, et pratiquant l’intermariage, se trouvaient bien entendu rejetés du peuple allemand. Somme toute, en dépit de la diffusion d’élucubrations qui empruntaient leur vocabulaire à l’observation des transmissions héréditaires, les nazis ciblaient leurs victimes à partir de critères religieux, culturels, politiques et lignagers. Chez les nazis aussi, la race est affaire de lignage ! De ce point de vue, l’antisémitisme nazi est encore un racisme sans race, si l’on donne à ce terme une signification génétique rigoureuse.

The demonstration in Paris following the death of Adama Traoré, a 24-year-old Frenchman who suffocated after being arrested by gendarmes during an identity check.

Manifestation à Paris après le décès d'Adama Traoré, un homme de 24 ans interpellé lors d'un contrôle d'identité à Beaumont-sur-Oise,

le 19 juillet 2016. 

L’ingénierie que les nazis ont mobilisée au service de l’extermination n’est en rien un indicateur du caractère scientifique ou biologique de leur interprétation du monde et de leur programme racial qui relèvent, l’une comme l’autre, d’une interprétation de part en part politique. Les technologies industrielles de la mort ne se sont pas adossées à la science de la vie. Si les nazis ont toujours échoué à définir le « Juif » sur le plan génétique, c’est bien parce que les découvertes qui rendent possible une cartographie du génome humain ont été publiées après l’effondrement de leur régime. On ne peut donc, en aucune façon, invoquer le cas nazi comme une pierre de touche afin de distinguer un « proto-racisme » de l’époque moderne d’un racisme plein qui serait celui de l’âge contemporain. Inversement, l’anthropologue Nancy Farris souligne que ce qu’elle désigne comme l’« anthropologie physique » du XXe siècle nous a appris que les races n’existent pas. Mais, poursuit-elle, cela ne nous autorise aucunement à projeter cette certitude dans le passé des sociétés humaines. Rien ne justifie de postuler que les gens de périodes plus anciennes avaient acquis, comme nous désormais, la conviction qu’il était absurde de diviser (ou même de décrire) les sociétés selon des catégories raciales46.

Ce qui différencie la politique raciale nazie (ou celle des lois Jim Crow ou de l’apartheid Sud-Africain) des formes plus anciennes de discrimination, ce n’est pas l’éclosion d’une révolution scientifique, mais ce sont les conséquences des révolutions démocratiques et libérales avec la formation des États-Nations souverains, la mise au monde du citoyen national, et la capacité sans limite de mobilisation de l’idéologie nationaliste – il n’y en a qu’une, partout aussi dangereuse. L’indexation de l’histoire intellectuelle du racisme sur le scénario convenu de la révolution scientifique appelle donc une critique. D’une part, le raisonnement racial s’est enrichi, au cours d’un long XIXe siècle de régimes d’argumentation qui ne devaient rien au développement d’observations sur les mécanismes de l’hérédité. Tel est le cas du rôle naturel attribué aux langues dans la formation du caractère des peuples47. Tel est le cas de la forgerie historique et philologique que fut l’invention des Indo-européens48. Tel est le cas de l’intronisation romantique de l’art barbare par opposition à une incapacité juive d’y atteindre49. Tel est le cas des discours de justification et d’accompagnement des entreprises coloniales du XIXe siècle qui reposent, comme sous l’Ancien Régime, sur l’argument de la civilisation dans un cadre évolutionniste, sans trop savoir que faire des concepts génétiques, même lorsqu’il s’agit d’exclure les métis de la citoyenneté. L’histoire du monde à travers l’évolution de ses races que dessine Gobineau dans son Essai sur l’inégalité des races humaines (1853) est une déploration sur la ruine du principe aristocratique, et n’a que peu à voir avec les savoirs médicaux de son temps. Sans doute, les programmes eugénistes des XIXe et XXe siècle forgent un imaginaire de l’hérédité et revêtent la blouse blanche du laboratoire, mais l’ingénierie sociale qu’ils promeuvent ne se distingue pas de façon radicale de programme ségrégationnistes ou génocidaires anciens qui n’ont jamais découlé d’expérimentations sur l’hérédité50. Autrement dit : le racisme moderne n’est moderne que dans un sens politique, parce que le fait national le recharge d’une énergie nouvelle. Mais il n’est pas porté par une modernité scientifique. Du même coup, on ne voit pas ce que l’on gagne à lui opposer un « proto-racisme » de l’Ancien Régime réputé archaïque, c’est-à-dire in fine moins scientifique.

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1

Ania Loomba, « Race and the Possibilities of Comparative Critique », New Literary History, vol. 40, 2009, p. 501-522.

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2

Magali Bessone, Sans distinction de race ? Une analyse critique du concept de race et de ses effets pratiques, Paris, Vrin, 2013.

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3

Albert Jacquard, « À la recherche d’un contenu pour le mot “race”. La réponse du généticien », in M. Olender (dir.), Pour Léon Poliakov. Le racisme mythes et sciences, Bruxelles, Éditions Complexe, 1981, p. 31-40 ; François Jacob, « Biologie et racisme » in La science face au racisme [1981], Le genre humain, n° 1, 2008.

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4

Catherine Bliss, Race Decoded. The Genomic Fight for Social Justice, Stanford, Stanford University Press, 2012 ; Katharina Schramm, David Skinner, Richard Rottenburg (dir.), Identity Politics and the New Genetics, New York-Oxford, Bergahn Books, 2012.

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5

Gérard Lenclud, L’Universalisme ou le pari de la raison. Anthropologie, histoire, psychologie, Paris, EHESS-Le Seuil-Gallimard, coll. « Hautes études », Paris, 2013.

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6

Alain Blum, « Resistance to identity categorization in France », in D. I. Ketzner, D. Arel (dir.), Census and Identity. The Politics of Race, Ethnicity, and Language in National Censuses, Cambridge, Cambridge University Press, 2004, p. 121-147 ; Gwénaële Calvès, « “Il n'y pas de race ici”. Le modèle français à l'épreuve de l'intégration européenne », Critique internationale, n° 17, 2002, p. 173-186.

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7

Margo J. Anderson, Stephen E. Fienberg, Who Counts ? The Politics of Census-Taking in Contemporary America, New York, Russell Sage Foundation, 2001 ; Daniel Sabbagh, « Discrimination positive et déségrégation les catégories opératoires des politiques d'intégration aux États-Unis », Sociétés contemporaines, n° 53, 2004, p. 85-99 ; Lilia Moritz Schwarcz, Nem preto nem branco, muito pelo contrário: cor e raça na sociabilidade brasileira, São Paulo, Companhia das Letras-Claro Enigma, 2012.

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8

Voir l’analyse de Nonna Mayer pour La Vie des idées.

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9

Michael James, « Race », The Stanford Encyclopedia of Philosophy, Winter 2012 Edition.

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10

Sylvia-Lise Bada, « De l’(in)opportunité de la proposition de loi visant à la suppression du mot “race” de notre législation », Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF, 7 juin 2013.

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11

Christophe Cusset, Gérard Salamon, À la rencontre de l’étranger. L’image de l’Autre chez les Anciens, Paris, Les Belles Lettres, 2008 ; Miriam Eliav–Feldon, Benjamin H. Isaac, Joseph Ziegler (dir.), The Origins of Racism in the West, Cambridge, Cambridge University Press, 2009.

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12

François Hartog, Le Miroir d’Hérodote [1980], Paris, Gallimard, 2001.

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13

Niall McKeown, « Seeing Things: Examining the Body of the Slave in Greek Medicine », Slavery & Abolition, vol. 23, n° 2, 2002, p. 29-40.

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14

Marshall Sahlins, Critique de la sociobiologie. Aspects anthropologiques, Paris, Gallimard, 1980.

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15

Timothy Lockley, « Race and Slavery », in R. L. Paquette, M. Smith (dir.), Oxford Handbook of Slavery in the Americas, Oxford, Oxford University Press, 2010, p. 336-356.

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16

Winthrop D. Jordan, White over Black. American Attitudes toward the Negro, 1550-1812, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1968.

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17

Eric Williams, Capitalism and Slavery, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1944 ; Barbara Jeanne Fields, « Slavery, Race and Ideology in the United States of America », New Left Review, n° 181, 1990, p. 95-118.

Retour vers la note de texte 566

18

Giuliano Gliozzi, Adam et le Nouveau Monde. La naissance de l’anthropologie comme idéologie coloniale : des généalogies bibliques aux théories raciales (1500-1700) [1977], Paris, Théétète éditions, 2000.

Retour vers la note de texte 567

19

Georges Balandier, « La situation coloniale : approche théorique », Cahiers Internationaux de Sociologie, vol. XI, 1951, p. 44-79.

Retour vers la note de texte 568

20

Rees R. Davies, Domination and Conquest. The Experience of Ireland, Scotland and Walles 1100-1300, Cambridge, Cambridge University Press, 1990 ; Nicholas Canny, Making Ireland British, 1580-1650, Oxford, Oxford University Press, 2001.

Retour vers la note de texte 569

21

Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs [1952], in F. Fanon, Œuvres, Paris, La Découverte, 2012 ; Albert Memmi, Portrait du colonisé, précédé du portrait du colonisateur, Paris, Buchet-Chastel, 1957.

Retour vers la note de texte 570

22

Rolena Adorno, Guaman Poma. Writing and Resistance in Colonial Peru, Austin, University of Texas Press, 2000 ; Alfredo Alberdi Vallejo, El mundo al revés. Guamán Poma anticolonialista, Berlin, Wissenschaftlicher Verlag, 2010.

Retour vers la note de texte 571

23

Charles de Miramon, « Noble dogs, noble blood : the invention of the concept of race in the late Middle Ages », in M. Eliav-Feldon, B. H. Isaac, J. Ziegler (dir.), The Origins of Racism in the West, Cambridge, Cambridge University Press, 2009, p. 200-216.

Retour vers la note de texte 577

24

Pierre Savy, « Transmission, identité, corruption. Réflexions sur trois cas d'hypodescendance », L'Homme, n° 182, 2007, p. 53-80.

Retour vers la note de texte 580

25

Silvia Sebastiani, The Scottish Enlightenment. Race, Gender, and the Limits of Progress, New York, Palgrave Macmillan, 2013.

Retour vers la note de texte 583

26

Lisbet Koerner, Linnaeus. Nature and Nation, Cambridge, Harvard University Press, 1999 ; Pietro Corsi, Lamarck. Genèse et enjeux du transformisme, 1770-1830, Paris, CNRS Éditions, 2001 ; Thierry Hoquet, Buffon. Histoire naturelle et philosophie, Paris, Honoré Champion, 2005.

Retour vers la note de texte 585

27

Peggy Pascoe, What comes naturally. Miscigenation Law and the making of Race in America, Oxford, Oxford University Press, 2010.

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28

Lilia Moritz Schwarcz, O espetáculo das raças. Cientistas, instituições e pensamento racial no Brasil : 1870-1930, São Paulo, Companhia das Letras, 1993.

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29

Denise Kimber Buell, Pourquoi cette race nouvelle ? Le raisonnement ethnique dans le christianisme des premiers siècles, Paris, Le Cerf, 2012.

Retour vers la note de texte 606

30

Bernard Vincent, « Les Morisques grenadins : une frontière intérieure ? », Castrum, 4, 1992, p. 109-126 ; Isabelle Poutrin, Convertir les musulmans. Espagne, 1491-1609, Paris, PUF, 2012 ; Max S. Hering Torres, « Limpieza de sangre en España. Un modelo de interpretación, in N. Böttcher, B. Hausberger, M. S. Hering Torres (dir), El peso de la sangre. Limpios, mestizos y nobles en el mundo hispánico, Mexico, El Colegio de México, 2011, p. 29-62.

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31

Maurice Kriegel, « Un trait de psychologie sociale dans les pays méditerranéens du bas Moyen Âge : les juifs comme intouchables », Annales E.S.C., 31e année, n° 2, 1976, p. 326-330 ; Maurice Kriegel, Les Juifs à la fin du Moyen Âge dans l’Europe méditerranéenne, Paris, Hachette Littérature, 1979.

Retour vers la note de texte 617

32

David Nirenberg, « The case of Spain and its Jews », in M. R. Greer, W. D. Mignolo, M. Quilligan (dir.), Rereading the Black Legend. The Discourses of Religious and Racial Difference in the Renaissance Empires, Chicago, The University of Chicago Press, 2007, p. 71-87.

Retour vers la note de texte 619

33

Bernard Vincent, « ¿Cuál era el aspecto físico de los Moriscos ? », in Andalucía en la Edad Moderna: economía y sociedad, Diputación Provincial de Granada, Granada, 1985, p. 303-313.

Retour vers la note de texte 620

34

Claude-Olivier Doron, Races et dégénérescence. L’émergence des savoirs sur l’homme anormal, thèse de doctorat en philosophie, Université Paris-Diderot, 2011.

Retour vers la note de texte 645

35

Benjamin Braude, « Cham et Noé. Race, esclavage et exégèse entre islam, judaïsme et christianisme », Annales. HSS, 57e année, n° 1, 2002, p. 93-125.

Retour vers la note de texte 646

36

David H. Aaron, « Early Rabbinic Exegesis on Noah’s Son Ham and the So-Called “Hamitic Myth” », Journal of the American Academy of Religion, vol. 63, n° 4, 1995, p. 721-759.

Retour vers la note de texte 648

37

George M. Fredrikson, The Black Image in the White Mind. The Debate on Afro-American Character and Destiny, 1817-1914, Hanover (NH), Wesleyean University Press, 1971, p. 58-64, 87-88 ; Andrew S. Curran, The Anatomy of Blackness. Science and Slavery in an Age of Enlightenment, Baltimore, John Hopkins University Press, 2011.

Retour vers la note de texte 649

38

Silvio Castro Fernández, La masacre de los Independientes de Color en 1912, La Havane, Ciencias Sociales, 2002 ; Marial Iglesias Utset, « Los Despaigne en Saint-Domingue y Cuba : narrativa microhistórica de una experiencia atlántica », Revista de Indias, vol. 71, n° 251, 2011, p. 77-107.

Retour vers la note de texte 651

39

Emmanuelle Saada, Les Enfants de la colonie. Les métis de l'Empire français entre sujétion et citoyenneté, Paris, La Découverte, 2007 ; Silvia Falconieri, Florence Renucci, « L’Autre et la littérature juridique : Juifs et indigènes dans les manuels de droit (xixe-xxe siècles) », in A.-S. Chambost (dir.), Des traités aux manuels de droit. Une histoire de la littérature juridique comme forme du discours universitaire, Paris, Lextenso, 2014, p. 253-274.

Retour vers la note de texte 652

40

André Pichot, Aux origines des théories raciales de la Bible à Darwin, Paris, Flammarion, 2008, p. 328-349.

Retour vers la note de texte 653

41

Paul Weindling, « Weimar Eugenics : The Kaiser Wilhelm Institute for Anthropology, Human Heredity, and Eugenics in Social Context », Annals of Science, vol. 42, 1985, p. 303-318.

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42

John Connelly, From Enemy to Brother. The Revolution in Catholic Teaching on the Jews, 1933-1965, Cambridge, Harvard University Press, 2012, p. 17.

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43

Léo Strauss, Droit naturel et histoire [1953], Paris, Flammarion, 2008, chap. II ; François de Smet, Reductio ad hitlerum. Une théorie du point Godwin, Paris, PUF, 2014.

Retour vers la note de texte 657

44

Michael Banton, Racial Theories, Cambridge, Cambridge University Press, 1987, p. 17-43.

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45

Edouard Conte, Cornelia Essner, La Quête de la race. Une anthropologie du nazisme, Paris, Hachette, 1995, p. 224.

Retour vers la note de texte 659

46

Nancy Farris, Maya Society Under Colonial Rule. The Collective Enterprise of Survival, Princeton, Princeton University Press, 1984, p. 102.

Retour vers la note de texte 661

47

Maurice Olender, Les Langues du Paradis. Aryens et Sémites : un couple providentiel, Paris, Le Seuil, 1989.

Retour vers la note de texte 662

48

Jean-Paul Demoule, Mais où sont passés les Indo-Européens ? Le mythe d’origine de l'Occident, Paris, Le Seuil, 2014.

Retour vers la note de texte 664

49

Éric Michaud, Les Invasions barbares. Une généalogie de l’histoire de l’art, Paris, Gallimard, 2015.

Retour vers la note de texte 665

50

André Pichot, La Société pure. De Darwin à Hitler, Paris, Flammarion, 2000 ; Pierre-André Taguieff, La Couleur et le sang. Doctrines racistes à la française, Paris, Mille et une nuits, 2002.

David H. Aaron, « Early Rabbinic Exegesis on Noah’s Son Ham and the So-Called 'Hamitic Myth' », Journal of the American Academy of Religion, vol. 63, n° 4, 1995, p. 721-759.

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