Que faisons-nous ?

Le projet « Les crimes de guerre nazis dans le prétoire » entend replacer les trajectoires est-européennes dans le temps global de l’après-guerre européenne : coopération internationale autour de Nuremberg, qualification du crime de trahison dans chaque pays, retour à l’état de droit et, pour l’Allemagne, entreprise de démocratisation impulsée par les quatre occupants. Outre les frontières nationales, nous voulons aussi décloisonner les cadres temporels dans lesquels les procès de criminels de guerre nazis sont d’ordinaire étudiés. Notre recherche contribuera à une meilleure compréhension de la place de l’expérience de la guerre dans la mise en place et le fonctionnement des régimes est-européens jusqu’à la disparition du bloc de l’Est (1943-1991).

Cette recherche collective postule que les procès organisés en Union soviétique et dans ses satellites peuvent constituer un objet de recherche historique et une source de connaissance. Elle entend ainsi dépasser le soupçon jeté sur l’instrumentalisation politique de la justice à l’Est en soumettant ces procès à de nouvelles interrogations. Le choix d’étudier de façon privilégiée les procès qui se sont tenus en public et/ou ont fait l’objet d’une médiatisation s’explique par la richesse des interactions qu’ils supposent, par la polyphonie trop méconnue qu’ils permettent de saisir, enfin par leur impact direct ou indirect sur la société à court ou à long terme. Le projet restituera dans ses multiples échelles et dimensions un phénomène situé au croisement d’enjeux politiques, sociaux et culturels ; locaux, nationaux et internationaux. Les procès furent en effet fréquemment utilisés comme arguments politiques dans le cadre des contentieux Est-Ouest de la guerre froide.

Le programme se distingue par deux originalités. Il ne s’agit pas uniquement de compléter l’histoire des poursuites de criminels de guerre dans chaque pays, et d’y intégrer la dimension socioculturelle. Il s’agit tout autant d’interroger des dynamiques transnationales à travers la circulation des informations sur les procès, la circulation des principes de droit, des documents, des hommes. Nous reconstituerons les interactions entre acteurs, institutions et procédures de jugement des criminels de guerre afin de mettre en question l’exceptionnalité de l’Est. La recherche vise aussi à acquérir une vision plus précise de la diversité interne au « bloc de l’Est » et à mettre en évidence l’existence de circulations internationales entre Est et Ouest, ainsi que leurs effets sur les agents. Les espaces qui émergeront de ces analyses seront structurés moins en fonction des frontières politiques qu’en fonction des expériences de guerre – ou de gestion du passé de guerre – partagées.

La seconde originalité de la recherche concerne l’exploration des conditions politiques et sociales de production des procédures judiciaires. Ces dernières furent souvent mobilisées pour consolider la légitimité interne des régimes : développement d’une pédagogie politique, encouragement de la participation populaire au projet de société poursuivi. Le recours à la notion de publicisation vise à dépasser une vision unilatérale d'une dynamique initiée des producteurs du discours judiciaire, en général assimilés aux autorités politiques et judiciaires, et adressée aux destinataires plus ou moins actifs de ce récit. Il s’agira de croiser l’analyse des formes d’implication de divers acteurs (magistrats et policiers, mais aussi dénonciateurs, témoins, accusés...) avec celle du rôle des supports médiatiques dans l’organisation, le déroulement et la réception des procès.

CERCEC
ANR
WW2